Cour d'appel de Metz, 1ère chambre, 31 décembre 2020, n° 19/01905

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Sur la décision

Référence :
CA Metz, 1re ch., 31 déc. 2020, n° 19/01905
Juridiction : Cour d'appel de Metz
Numéro(s) : 19/01905
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

Minute n° 20/00326

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

R.G : N° RG 19/01905 – N° Portalis DBVS-V-B7D-FCTB

Y

C/

Caisse DES TROIS FRONTIERES

COUR D’APPEL DE METZ

1eRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 31 DECEMBRE 2020

APPELANT :

Monsieur B Y

[…]

[…]

Représenté par Me François RIGO, avocat au barreau de METZ

INTIMÉE :

CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DES TROIS FRONTIÈRE Prise en la personne de son représentant légal,

[…]

[…]

Représentée par Me Gilles ROZENEK, avocat au barreau de METZ

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

PRÉSIDENT : Monsieur RUFF, Président de Chambre

ASSESSEURS : Madame FOURNEL, Conseiller

Madame DUSSAUD, Conseiller

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Madame Mathilde TOLUSSO

DATE DES DÉBATS : Audience publique du 29 Octobre 2020

L’affaire a été mise en délibéré pour l’arrêt être rendu le 15 Décembre 2020.

Ce jour venu le délibéré a été prorogé pour l’arrêt être rendu le 31 décembre 2020.

EXPOSE DU LITIGE

La SARL HOME TC (la société) a ouvert le 12 mars 1991 un compte courant professionnel n° 12262245 dans les livres de la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DES TROIS FRONTIERES (CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL). La CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL lui a accordé une facilité de caisse d’un montant de 15 000 euros puis une autorisation de découvert complémentaire d’un montant de 25 000 euros jusqu’au 30 novembre 2012.

Les 10 septembre 2011 et 11 octobre 2012, B Y s’est rendu caution solidaire envers la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL des engagements de la SARL HOME TC dont il était le gérant, détenteur de la moitié de son capital, à hauteur des sommes respectivement de 18 000 euros et 30 000 euros.

La SARL HOME TC a été mise en liquidation judiciaire simplifiée le 24 janvier 2013.

La CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL a mis en demeure B Y de lui régler la somme de 25.927,67 euros, en sa qualité de caution solidaire de la SARL HOME TC, le 7 mars 2013, et a déclaré sa créance, le 12 mars 2013.

Par acte d’huissier du 30 juin 2017, la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL a assigné B Y devant le tribunal de grande instance de THIONVILLE en exécution de son engagement de caution du 11 octobre 2012.

B Y a demandé au tribunal de déclarer nul l’acte de cautionnement du 11 octobre 2012, se prévalant du caractère manifestement disproportionné de son engagement et du manquement de la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL à son obligation de mise en garde.

Par jugement du 24 juin 2019, le tribunal de grande instance de THIONVILLE a statué comme suit:

«Déboute M. B Y de l’ensemble de ses prétentions;

Déclare la demande de la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DES TROIS FRONTIERES recevable et bien fondée;

Condamne M. B Y à payer à la CAISSE DU CRÉDIT MUTUEL DES TROIS FRONTIÈRES la somme de 30.000 euros, pour montant du cautionnement auquel il s’est engagé le 11 octobre 2012;

Ordonne la capitalisation des intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement;

Condamne M. B Y à payer à la CAISSE DU CRÉDIT MUTUEL DES TROIS FRONTIÈRES la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile;

Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision;

Condamne M. B Y aux entiers dépens».

Le tribunal a relevé pour l’essentiel que la sanction d’un cautionnement disproportionné est non la nullité mais la déchéance du droit de l’emprunteur de se prévaloir du cautionnement et le manquement au devoir de mise en garde de la banque à l’égard de la caution est uniquement sanctionné par l’allocation de dommages et intérêts et non par l’annulation du cautionnement; l’absence de fiche de patrimoine et de revenus remplie et certifiée exacte le jour même de l’engagement de caution ne crée aucune présomption de disproportion manifeste de celui ci, la preuve de la disproportion incombant toujours à la caution. Le tribunal, après avoir examiné dans leurs détails les documents produits a retenu que l’engagement de B Y à hauteur de 30.000 euros était proportionné à l’ensemble de ses biens et revenus connus de la CAISSE DU CRÉDIT MUTUEL et B Y n’en rapportait pas la preuve contraire; le manquement au devoir de mise en garde n’est pas établi.

Par déclaration transmise au greffe de la Cour le 23 juillet 2919, B Y a relevé appel de ce jugement.

Au terme de ses dernières conclusions du 16 décembre 2019 auxquelles il est expressément référé pour l’exposé de ses moyens, B Y demande à la Cour de dire son appel recevable et bien fondé, d’infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau, de:

• déclarer inopposable le cautionnement, objet du litige;

• débouter la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions;

— subsidiairement, à tout le moins,

• déclarer nul et de nul effet ledit cautionnement;

• débouter la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

— à titre infiniment subsidiaire,

• constater que la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL est déchue de son droit à réclamer des intérêts des pénalités, et ce à compter du jour de la souscription du cautionnement.

• inviter la banque à recalculer sa créance.

• condamner la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL à lui verser la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts.

• prononcer la compensation des créances.

• condamner la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL aux paiement d’une somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers frais et dépens de l’instance.

La CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL, par conclusions du 20 janvier 2020 auxquelles il est expressément référé pour l’exposé de ses moyens, demande à la Cour de dire son appel recevable et bien fondé, d’infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau, de rejeter l’appel, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de condamner B Y au paiement des dépens outre la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 22 octobre 2020.

MOTIFS ET DECISION

Sur la nullité du cautionnement et la responsabilité de la banque pour dol

Attendu que B Y fait valoir au soutien de sa demande d’annulation du cautionnement que l’autorisation de découvert a été accordée à la SARL HOME TC dans l’attente du déblocage d’un prêt consenti à la SCI Y destiné à financer des travaux; que l’autorisation de découvert ne répondait à aucun besoin de la SARL HOME TC, étant rappelé que le compte de celle-ci fonctionnait déjà avec un découvert autorisé de fait supérieur à 30.000 euros à l’époque; que la manoeuvre de la banque a consisté en définitive, uniquement à tenter d’obtenir à la dernière minute son cautionnement et il a été trompé par la man’uvre;

Que la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL réplique que B Y n’apporte pas la preuve de ses allégations et au surplus, c’est sur la propre sollicitation de celui-ci que l’autorisation de découvert a été consentie;

Attendu que B Y est particulièrement mal fondé à solliciter l’annulation du cautionnement du 11 octobre 2012 et à rechercher la responsabilité de la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL pour dol alors que le cautionnement dont s’agit est un cautionnement tous engagements et qu’il a lui même indiqué dans ses conclusions que le prêt sollicité par la SCI Y devait servir au financement de travaux d’agrandissement d’un entrepôt, «et ce pour répondre à des besoins impératifs de la société HOME TC»; qu’il convient de rejeter les demandes de nullité du cautionnement et de dommages et intérêts pour dol;

Sur la disproportion manifeste

Attendu que B Y fait grief au jugement de n’avoir pas retenu l’existence d’une disproportion manifeste de son engagement de caution du 11 octobre 2012 au regard de ses revenus et de son patrimoine. Il fait valoir en substance qu’il était déjà caution pour un montant de 180.000 euros d’un prêt souscrit courant le mois de mars 2009 par la SCI Y à l’égard de la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL; si on prend en compte son revenu dégagé de son activité, se situant entre 1.500 euros et 2.500 euros par mois, sa situation était déjà largement trop critique pour qu’il se voit imposer tout autre cautionnement complémentaire; il verse aux débats son avis d’imposition 2010 faisant apparaître que le total de ses revenus 2009 était à l’époque de 15.000 euros, avec 6 000 euros de pension alimentaire versée; à toute fin utile, il produit également aux débats l’avis d’imposition 2011 sur les revenus 2010 duquel il résulte qu’il avait perçu un revenu global de 19.500 euros avec une pension alimentaire de 6.000 euros ainsi que ceux de 2013 et 2014 dont il résulte que sa situation n’a eu de cesse par la suite de se dégrader; concernant son patrimoine, il fait valoir que celui-ci est constitué de ses parts dans la SCI Y et il résulte du tableau d’amortissement, produit par la partie adverse, qu’au mois d’octobre 2012, il restait un capital dû par la SCI de 130.052,45 euros; le cautionnement était donc largement disproportionné par rapport à ses revenus et son patrimoine;

Que la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL réplique que le fait que B Y était déjà engagé en qualité de caution pour un prêt suscrit par la SCI Y pour un montant de 150 000 euros n’est pas convaincant, la SCI Y n’ayant jamais rencontré d’incident de paiement; B Y ne vivait pas seul mais avec Madame X avec laquelle il partageait ses charges et il était également nu propriétaire du logement qu’il occupait. S’agissant des revenus que B Y percevait au moment de la souscription de l’engagement de caution, elle fait sienne la motivation du premier juge. Elle ajoute que B Y est propriétaire d’une maison qu’il a estimée lui-même à la somme de 100 000 euros, ce qui peut donc aisément lui permettre de faire face à son obligation;

Attendu qu’aux termes de l’article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la cause, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation;

Que la disproportion manifeste du cautionnement aux biens et revenus de la caution suppose que cette dernière se trouve, lorsqu’elle s’engage, dans l’impossibilité manifeste de faire face à son obligation avec ses biens et revenus;

Que le caractère proportionné de l’engagement s’apprécie en tenant compte de la valeur des biens et revenus de la caution, à savoir l’ensemble des éléments de l’actif composant son patrimoine, diminués des éléments de passif, ainsi que l’ensemble de ses ressources, diminuées de ses charges, en prenant en considération son endettement global, y compris les engagements de caution antérieurs; que le juge en revanche n’a pas à prendre en considération des engagements postérieurs à la conclusion de l’engagement litigieux;

Qu’en l’absence de toute vérification préalable de la solvabilité, la disproportion de l’engagement, dont la charge de la preuve incombe à la caution, peut être démontrée par tous moyens;

Qu’en l’espèce, il est acquis que B Y n’a rempli aucune fiche de renseignements relative à ses revenus et son patrimoine lors de la signature de son engagement de caution du 11 octobre 2012;

Qu’il n’est pas discuté qu’avant son engagement de caution du 11 octobre 2012, B Y s’était déjà rendu caution envers la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL des engagements de la SARL HOME TC, à hauteur de la somme de 18 000 euros, le 10 septembre 2011 et de ceux de la SCI Y, à concurrence de la somme de 180 000 euros, courant le mois de mars 2009;

Que B Y produit, pour l’année 2012, un avis d’imposition faisant apparaître un revenu de 8 640 euros;

Qu’il est établi que B Y est associé, à concurrence de 51 % des parts, de la SCI Y, propriétaire d’un immeuble acquis à l’aide d’un prêt de 150 000 euros et il ressort d’un arrêt rendu le 11 septembre 2012 dans le cadre de la procédure de divorce l’opposant à Z A qu’il était nu-propriétaire, au moment de son engagement, d’un logement […] à Cattenom d’une valeur de 100 000 euros en pleine propriété;

Que même à supposer que B Y disposait d’un patrimoine d’une valeur d’environ 175 000 euros correspondant à la valeur de ses parts dans la SCI Y et à celle du logement […] à Cattenom, ce qui ne peut être le cas puisqu’il n’était que nu- propriétaire du logement en cause, le cautionnement litigieux d’un montant de 30 000 euros apparaît manifestement disproportionné à ses biens et revenus, au sens de l’article L. 341-4 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la cause, compte-tenu, d’une part, de ses revenus limités d’un montant de 8 640 euros s’ajoutant à son patrimoine au moment de son engagement, soit un total de 183 640 euros, et, d’autre part, de ses précédents engagements de caution d’un montant total de 198 000 euros, portant le montant total de l’ensemble de ses engagements à la date du 11 octobre 2012 à la somme de 228 000 euros;

Attendu qu’il apparaît certes qu’au moment où il a été appelé, B Y était toujours nu-propriétaire du logement […] à Cattenom, d’une valeur de 100 000 euros en pleine propriété; que la SCI Y n’a jamais rencontré d’incident de paiement;

Mais que la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL ne donne aucun élément permettant de déterminer la valeur de la nue propriété du logement […] à Cattenom, d’une valeur de 100 000 euros en pleine propriété et donc de dire qu’au moment où elle a engagé ses poursuites le 30 juin 2017, B Y disposait d’un patrimoine suffisant pour faire face à son obligation au paiement de la somme réclamée de 30.000 euros;

Qu’il s’ensuit que la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL n’est pas fondée à se prévaloir du

cautionnement du 11 octobre 2012 et il convient en conséquence, par infirmation du jugement entrepris, de la débouter de ses demandes;

Sur les demandes accessoires

Attendu que la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL sera condamnée aux dépens et à payer à B Y la somme de 1 500 euros par application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi;

DECLARE l’appel recevable;

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a débouté B Y de sa demande tendant à voir déclarer nul l’acte de cautionnement du 11 octobre 2012;

L’INFIRME pour le surplus

DIT que la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DES TROIS FRONTIERES n’est pas fondée à se prévaloir de l’engagement de caution solidaire donné par B Y en date du 11 octobre 2012;

DEBOUTE la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DES TROIS FRONTIERES de l’intégralité de ses demandes;

CONDAMNE la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DES TROIS FRONTIERES à payer à B Y la somme de 1 500 euros par application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile;

CONDAMNE la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DES TROIS FRONTIERES aux dépens de première instance et d’appel;

Le présent arrêt a été prononcé par sa mise à disposition publique le 31 Décembre 2020, par Monsieur RUFF, Président de Chambre, assisté de Madame TOLUSSO, Greffier, et signé par eux.

Le Greffier Le Président de chambre

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