Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre, 5 mars 1998

  • Couleurs, formes et combinaisons des motifs différentes·
  • Tissus incrimines coordonnes comme ceux du demandeur·
  • Action en contrefaçon et en concurrence déloyale·
  • Fait distinct des actes argues de contrefaçon·
  • Anteriorite du modèle argue de contrefaçon·
  • Empreinte de la personnalité de l'auteur·
  • Dessin a fleurs et dessin a rayures·
  • Cession des droits patrimoniaux·
  • Exploitation par le demandeur·
  • Ressemblances non pertinentes

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Sur la décision

Référence :
CA Montpellier, 2e ch., 5 mars 1998
Juridiction : Cour d'appel de Montpellier
Publication : PIBD 1998 657 III 356
Domaine propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
Référence INPI : D19980016
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Texte intégral

FAITS ET PROCEDURE La société LAINIERE HOLDING est propriétaire d’un fonds de commerce exploité par la société BOUSSAC TISSU D’AMEUBLEMENT laquelle est titulaire des droits de propriété littéraire et artistique sur deux dessins l’un à rayures l’autre à volutes, fleurs et feuilles. Ces dessins imprimés sur tissus d’ameublement étaient pour le premier commercialisé, sous la marque ROMANEX sous le nom NEWLINE, et sous la marque BOUSSAC sous le nom ALVARES, et le second, sous la marque ROMANEX sous le nom d’ALMADAINA et sous la marque BOUSSAC sous le nom de ALHAMBRA. Arguant que la société REVERT FRANCE commercialisait des tissus d’ameublement contrefaisant les leurs la société BOUSSAC TISSU D’AMEUBLEMENT et la société LAINIERE HOLDING faisaient pratiquer une saisie contrefaçon puis assignaient devant le tribunal de commerce de PERPIGNAN la société de droit espagnol MANUEL REVERT Y CIA et la société REVERT FRANCE. Par jugement en date du 15 octobre 1996 le tribunal de commerce de PERPIGNAN a débouté les sociétés BOUSSAC TISSU D’AMEUBLEMENT et LAINIERE HOLDING de leurs demandes, tant sur le fondement de la contrefaçon, que sur celui de la concurrence déloyale et les a condamné à payer au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile 5000F à chacune des sociétés défenderesses. Le 13 décembre 1996 la société BOUSSAC TISSU D’AMEUBLEMENT et la société LAINIERE HOLDING ont relevé appel de cette décision. Les sociétés BOUSSAC TISSU D’AMEUBLEMENT et LAINIERE HOLDING demandent à la Cour de réformer le jugement déféré, de valider la saisie contrefaçon pratiquée dans les locaux de la société REVERT FRANCE, de faire défense aux sociétés REVERT FRANCE et MANUEL R Y CIA de continuer à fabriquer, détenir, offrir à la vente et vendre des articles comportant les dessins constitutifs de contrefaçon, ce sous astreinte définitive et non comminatoire de 1000F par infraction constatée postérieurement à la signification de l’arrêt à intervenir, de condamner les sociétés REVERT FRANCE et MANUEL R Y CIE à payer à la société BOUSSAC TISSU D’AMEUBLEMENT en réparation du préjudice subi la somme de 500.000F à titre de dommages et intérêts, de dire que les condamnations à intervenir porteront sur tous les faits de contrefaçon des droits de propriété artistique et de concurrence déloyale commis jusqu’au jour de la décision définitive, d’ordonner la confiscation et la remise à la société BOUSSAC TISSU D’AMEUBLEMENT de tous les tissus constitutifs de contrefaçon et/ou de concurrence déloyale, de les autoriser à faire publier le jugement à intervenir dans dix journaux ou périodiques de leur choix, aux frais des sociétés REVERT FRANCE et MANUEL R Y CIA, enfin de condamner ces deux dernières sociétés à leur payer, à chacune, la somme de 30.000F au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

A l’appui de leurs prétentions les sociétés appelantes font valoir que les tissus commercialisés par les sociétés REVERT FRANCE et MANUEL R Y CIA constituent des contrefaçons des droits de propriété artistique dont elle sont titulaires. Les sociétés appelantes soutiennent également que les sociétés intimées se sont livrées à des actes de concurrence déloyale. La société REVERT FRANCE et la société MANUEL REVERT Y CIA demandent à la Cour de confirmer le jugement déféré et de condamner les sociétés BOUSSAC TISSU D’AMEUBLEMENT et LAINIERE HOLDING à leur payer à chacune la somme de 15.000F au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile. Au soutien de leurs demandes les sociétés REVERT FRANCE et MANUEL R Y CIA font valoir qu’il n’y a eu aucune contrefaçon mi concurrence déloyale. Subsidiairement les sociétés intimées font valoir que les demandes des sociétés appelantes sont exorbitantes eu égard à la commercialisation limitée des tissus incriminés.

DECISION I – SUR L’ACTION EN CONTREFAÇON CONCERNANT LE TISSU A FLEURS : La société BOUSSAC TISSU D’AMEUBLEMENT a acquis en mars 1991, de Michel V les droits patrimoniaux sur un dessin portant la référence BO 911. Ce dessin reproduit sur des tissus d’ameublement sous la référence ALMADAINA comprend des volutes, des fleurs stylisées et des feuilles parfois soulignées de pointillés disposées au gré d’arabesques. Ce dessin non déposé est cependant protégeable au titre de la protection accordée aux auteurs et visée aux articles L112- et L112-2 du code de la propriété intellectuelle puisqu’il porte l’empreinte de la personnalité de son auteur qui lui donne une certaine originalité. Ce caractère original et protégeable n’est d’ailleurs pas contesté par les sociétés REVERT FRANCE et MANUEL R Y CIA. Le dessin commercialisé sur des tissus imprimés par les sociétés REVERT FRANCE et MANUEL R Y CIA, dont les sociétés appelantes affirment le caractère contrefaisant au leur, est également une création de Michel V qui a cédé ses droits patrimoniaux sur ce dessin référencé MIC 7172 en 1996 aux sociétés REVERT. Ce dessin représente également des fleurs stylisées, des feuilles et des volutes.

Le rapprochement des deux tissus imprimés avec les dessins BO 911 et MIC 7172, tissus présentés à la Cour et versés aux débats, permet de constater qu’il n’y a aucune autre ressemblance entre eux que le genre c’est à dire un motif floral. En effet fleurs et feuilles ne sont pas dessinées ni stylisées de la même façon et dans le tissu BOUSSAC les dessins s’articulent en arabesques ce qui n’est pas le cas pour le tissu REVERT. De plus les couleurs pastels, bleu pâle, jaune citron, vert pâle et beige sur fond beige pâle du tissu BOUSSAC différent à l’évidence des couleurs vives, bleu foncé, tirant sur l’outre-mer, jaune orangé et marron clair sur fond crème du tissu REVERT. Dès lors, le seul fait que les tissus soient imprimés tous deux avec des motifs floraux stylisés est insuffisant pour constituer une contrefaçon les motifs étant différents par leurs formes, leurs couleurs et leurs combinaisons. II – SUR L’ACTION EN CONTREFAÇON CONCERNANT LE TISSU A RAYURES : Il résulte de la comparaison des tissus rayés, l’un commercialisé par la société BOUSSAC TISSU D’AMEUBLEMENT, l’autre par la société REVERT FRANCE, que ces tissus se ressemblent et peuvent être confondus. C’est vainement que les sociétés intimées soutiennent que les sociétés appelantes ne font pas la preuve de l’antériorité de leur création qu’elles affirment être de 1986. En effet, il résulte d’une lettre de Bernard N, à la société BOUSSAC TISSU D’AMEUBLEMENT, qu’il avait cédé ses droits patrimoniaux sur le dessin en cause, appelé NEWLINE, en 1983 et que ce dessin a été commercialisé en cinq colons dès 1985 comme en fait foi le tarif du 1er semestre de 1985 des productions ROMANEX de la société BOUSSAC. En revanche la société REVERT FRANCE ne justifie d’aucune commercialisation de tissus imprimés avec ce dessin avant 1995. Les sociétés REVERT FRANCE et MANUEL R Y CIA contestent qu’il puisse y avoir protection du dessin en cause parce que ce dessin est sans aucune originalité. Le dessin créé par Bernard N est constitué de rayures inégales, aux bords non rectilignes, rayures à l’intérieur desquelles existent d’autres fines rayures longitudinales d’une couleur plus pâle, mais du même ton, que la couleur de la rayure principale. Le dessin du tissu REVERT est également constitué de rayures inégales aux bords non rectilignes, rayures dans lesquelles se trouvent d’autres rayures longitudinales de la même couleur mais plus pâle soulignées de petits traits horizontaux. La seule différence, constituée par de petits traits horizontaux à l’intérieur des rayures plus pâles incluses dans les rayures principales du dessin, ne permet pas de faire une nette différence entre les dessins.

Toutefois la protection conférée par le droit d’auteur ne peut s’appliquer qu’à une création de l’esprit empreinte de la personnalité de l’auteur. En l’espèce, l’idée d’orner un tissu en y traçant des lignes parallèles de taille et de couleur différentes est une idée ancienne qui remonte à la nuit des temps et fait partie du fonds commun des tissus d’habillement et des tissus d’ameublement du monde entier et ne peut donc être protégeable en tant que telle. Certes une recherche particulière dans la disposition des rayures et des couleurs pourrait être protégée au titre du droit d’auteur. Or, force est de constater qu’en l’espèce les couleurs n’apparaissent pas essentielles à la création puisque la société BOUSSAC imprime ce dessin en cinq coloris différents. De même, ni la disposition des rayures ni leurs largeurs, d’ailleurs différentes sur les deux tissus, ni leurs écartements ne portent l’empreinte de la personnalité de l’auteur, et ces éléments ne correspondent qu’à de simples choix sans aucun effort de création ni originalité particulière, et la contrefaçon ne pourrait exister que si le tissu REVERT avait été une copie à l’identique du tissu BOUSSAC, ce qui n’est pas le cas. III – SUR L’ACTION EN CONTREFAÇON DU FAIT DE LA COORDINATION DES DEUX TISSUS : La société BOUSSAC TISSU D’AMEUBLEMENT et la société LAINIERE HOLDING soutiennent qu’en coordonnant comme elles le faisaient les deux tissus les sociétés REVERT FRANCE et MANUEL R Y CIA ont commis une contrefaçon. Il convient de remarquer que tant les clients des sociétés appelantes que ceux des sociétés intimées n’avaient aucune obligation de coordonner les deux tissus qui étaient vendus séparément. Le seul fait que sur un catalogue un modèle de présentation reproduise un lit avec les tissus coordonnés (catalogue LUXOR 734 777 de la société REVERT FRANCE) ne saurait être constitutif d’une contrefaçon des dessins des tissus même si la société ROMANEX produit également un catalogue non daté, au titre AZULEJOS, où figure le coin d’une pièce où les tissus litigieux sont coordonnés. IV – SUR L’ACTION EN CONCURRENCE DELOYALE : Comme il a été précisé ci-dessus les tissus à motifs floraux sont différents et ne peuvent être confondus. Le fait que la société REVERT FRANCE vende moins cher sa production que la société BOUSSAC la sienne ne saurait être un acte de concurrence déloyale. Le risque de confusion pour l’acheteur, qui existe en ce qui concerne les tissus à rayures, ne peut constituer le fondement à une action en concurrence déloyale puisque les sociétés

BOUSSAC TISSUS D’AMEUBLEMENT et LAINIERE HOLDING se prévalaient de ce risque pour l’action en contrefaçon. Dès lors, à défaut de démontrer ses agissements déloyaux distincts des faits de contrefaçon l’action en concurrence déloyale ne peut être fondée. Il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré. L’application en cause d’appel des dispositions de l’article 700 du nouveau code de procédure civile conduit à allouer à chacune des sociétés intimées une somme de 5000F TTC. PAR CES MOTIFS LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, EN la forme reçoit l’appel, Au fond, CONFIRME le jugement déféré qui produira son plein et entier effet, Y ajoutant CONDAMNE les sociétés BOUSSAC TISSU D’AMEUBLEMENT et LAINIERE HOLDING à payer à chacune des sociétés REVERT FRANCE et MANUEL R Y CIE la somme de 5000F TTC au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile, CONDAMNE les sociétés BOUSSAC TISSU D’AMEUBLEMENT et LAINIERE HOLDING aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du nouveau code de procédure civile.

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