Cour d'appel de Montpellier, 2° chambre, 2 décembre 2010, n° 10/05625

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Montpellier, 2° ch., 2 déc. 2010, n° 10/05625
Juridiction : Cour d'appel de Montpellier
Numéro(s) : 10/05625
Décision précédente : Tribunal de commerce de Montpellier, 16 septembre 2008, N° 20078861
Dispositif : Délibéré pour mise à disposition de la décision

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

2° chambre

ARRET DU 11 JANVIER 2011

Numéro d’inscription au répertoire général : 10/05625

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 SEPTEMBRE 2008

TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER

N° RG 2007 8861

APPELANTE :

SAS GEODIS LOGISTICS SUD, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités au siège social sis Cap West – 7/9 Allées de l’Europe XXX et encore en son établissement secondaire

XXX

XXX

XXX

représentée par la SCP X – GUILHEM, avoués à la Cour

assistée de Me Etienne BOYER, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :

SA TRANS SNM, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités au siège social

XXX

XXX

représentée par la SCP TOUZERY – COTTALORDA, avoués à la Cour

assistée de Me Didier MARFAING, avocat au barreau de TOULOUSE

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 29 Novembre 2010

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 02 DECEMBRE 2010, en audience publique, Monsieur Hervé CHASSERY Conseiller, ayant fait le rapport prescrit par l’article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :

Monsieur Daniel BACHASSON, Président

Monsieur Hervé CHASSERY, Conseiller

Madame Brigitte OLIVE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SABATON

ARRET :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile ;

— signé par Monsieur Daniel BACHASSON, Président, et par Madame Sylvie SABATON, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS et PROCÉDURE et PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Le groupe IBM avait créé une filiale chargée d’organiser les transports nécessaires au fonctionnement de ses différentes usines ; cette société Logic Line Opération en abrégé LLO avait externalisé cette activité en faisant appel à divers transporteurs notamment la société Trans SNM qui a assuré l’acheminement de machines depuis l’usine de Montpellier vers celle de Dublin de 1994 jusqu’au mois de juin 1999, date à laquelle le groupe IBM a conclu directement avec la société SNM un contrat à durée déterminée appelé 'contrat de prestation de services professionnels’ avec effet jusqu’au 31 décembre 2001 au plus tard mais auquel il a mis fin de manière anticipée le 28 novembre 2000 ; le groupe IBM souhaitait en effet tant dans un souci d’efficacité que de réduction des coûts limiter le nombre de ses prestataires ; il a donc fait appel pour assurer les deux activités complémentaires que sont la logistique/entreposage et le transport à un contractant général, la société Géodis, qui a sous-traité le transport à la société SNM ; les relations entre ces deux sociétés ont été difficiles pour ne pas dire conflictuelles au point que la société Géodis y a mis fin par courrier du 18 juillet 2003 avec effet au 20 octobre 2003.

Le 5 mars 2004, la société SNM a assigné la société Géodis à comparaître devant le tribunal de commerce de Toulouse pour s’entendre condamner à l’indemniser des préjudices occasionnés par son attitude ; elle estime en effet :

— que les opérations de transport sous-traitées par la société Géodis représentant environ les trois quarts de son chiffre d’affaires, elle était en situation de dépendance économique par rapport à son donneur d’ordre qui en a profité pour lui imposer des conditions commerciales et des obligations techniques injustifiées,

— qu’elle travaillait elle-même avec des sous-traitants que la société Géodis a démarchés et à qui elle a proposé des conditions tarifaires meilleures que celles pratiquées avec elle ; que ce fait constituerait un acte de concurrence déloyale,

— que le préavis de trois mois est insuffisant eu égard à la durée des relations contractuelles et constitue donc une rupture brutale.

Le tribunal de commerce de Toulouse s’est déclaré territorialement incompétent par jugement du 4 décembre 2006 confirmé par arrêt du 10 mai 2007 ; l’affaire est donc venue le 7 mai 2008 devant le tribunal de commerce de Montpellier qui a rendu le 17 septembre 2008 un jugement mixte décidant que la société Géodis avait eu une attitude fautive vis-à-vis de la société SNM, ordonnant une expertise afin de déterminer le préjudice en résultant et déclarant la société Géoloc, la société Garonne participations et son mandataire ad hoc irrecevables en leur intervention volontaire.

La société Géodis a relevé appel de cette décision dont elle sollicite l’infirmation intégrale et demande à la cour de débouter la société SNM de l’ensemble de ses prétentions, de la condamner reconventionnellement à lui payer 100 000 € à titre de dommages-intérêts, 70 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à s’acquitter des entiers dépens dont distraction au bénéfice de la SCP X-GUILHEM ; elle conteste les affirmations de son adversaire quant à un éventuel abus de position dominante, à des agissements constitutifs d’actes de concurrence déloyale et à la brutalité de la rupture (conclusions du 15 octobre 2010).

La société SNM après avoir stigmatisé le comportement de la société Géodis tout au long de la procédure, reprend les arguments de fond exposés dans son assignation introductive d’instance et demande à la cour :

— à titre principal, de confirmer sur le principe le jugement dont appel mais y ajoutant d’apprécier le préjudice sans qu’il soit nécessaire de recourir à une expertise, de condamner la société Géodis à lui payer les sommes de 1.756.608 € au titre de l’abus de dépendance, de 9.750.000 € au titre de la rupture abusive des relations commerciales, de 1.643.700 € au titre de la concurrence déloyale, de 5.000.000 € au titre du préjudice moral, de 100.000 € à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,

— subsidiairement, si la mesure d’expertise était maintenue, de réformer le jugement en disant que l’année de référence est l’année 2001 et de condamner la société Géodis à lui payer par provision la somme de 4.000.000 € , de dire que la société Géodis est responsable des préjudices subis par la société Garoloc qu’elle a absorbée et de la condamner à lui verser la somme de 3.059.686 € en réparation des préjudices subis,

— en toute hypothèse, de débouter la société Géodis de ses réclamations, de la condamner à lui payer 4.000.000 € à valoir sur l’indemnisation à venir, 75.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens avec droit de recouvrement direct pour la SCP TOUZERY-COTTALORDA (conclusions du 18 novembre 2010).

SUR QUOI :

Attendu que la société Trans SNM fait valoir que les transports que lui confiait la société Géodis représentant les 3/4 environ de son chiffre d’affaires sur la période allant du 1er janvier 2001 au 20 octobre 2003, elle se trouvait dans une situation de dépendance économique vis-à-vis de son donneur d’ordre ;

Attendu que l’état de dépendance économique est caractérisé par une situation dans laquelle une entreprise est obligée de poursuivre ses relations commerciales avec une autre car elle ne peut lui en substituer aucune pour pouvoir continuer son activité ; qu’en l’espèce, la société Trans SNM ne démontre pas que l’état du marché des transports l’empêchait de trouver d’autres entreprises que Géodis qui lui auraient confié du frêt lui permettant ainsi de pérenniser le niveau de son activité ; qu’elle sera donc déboutée de sa demande en paiement de la somme de 1.756.608 € qu’elle réclame à titre de dommages et intérêts à la société Géodis pour abus de dépendance économique ;

Attendu qu’engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé, le fait de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée par référence aux usages du commerce ou par des accords interprofessionnels (art L 442-6-I , 5° du code du commerce) ;

Attendu que la notion de relations commerciales diffère de celle de relations contractuelles et permet de qualifier de relations anciennes, des relations mettant en cause de nouvelles et récentes entités juridiques consécutives notamment à l’acquisition d’une entreprise ;

Attendu que les relations commerciales entre Trans SNM et la société LLO, filiale logistique/transport appartenant à 100 % à IBM, ont débuté au mois de février 1994 pour durer jusqu’au 30 juin 1999, date où IBM a directement conclu avec Trans SNM un contrat de transport dénommé 'contrat de prestation de services professionnels’ qu’IBM a rompu de manière anticipée le 30 décembre 2000 ; que Géodis qui avait racheté la totalité des parts d’IBM dans le capital social de LLO a continué jusqu’au 20 octobre 2003 à faire assurer le transport des machines de Montpellier à Dublin par la société Trans SNM agissant en qualité de sous-traitant ; que ces circonstances conduisent à considérer que les relations commerciales dont se prévaut la société Trans SNM ont duré 14 ans ;

Attendu que la durée du préavis que la société Géodis devait respecter pour mettre fin aux relations commerciales qu’elle entretenait avec la société Trans SNM ne saurait être déterminée au regard de la loi d’orientation des transports intérieurs du 30 décembre 1982 dans la mesure où l’article 44 de ce texte dispose : ' sont considérés comme transports intérieurs pour l’application de la présente loi, dès lors que leur régime n’est pas fixé par des traités ou accords internationaux, les transports de personnes et de marchandises entre un point d’origine et un point de destination situés sur le territoire national’ et où en l’espèce les transports de marchandises avaient lieu entre Montpellier et

Dublin ;

Attendu que pour déterminer la durée du préavis auquel la société Trans SNM peut prétendre, il convient de tenir compte de la durée des relations commerciales mais aussi du fait qu’elle n’a jamais été contractuellement liée à titre exclusif avec ses partenaires

successifs ; que celui qui se trouve face à un client unique et qui ne diversifie pas ses activités alors qu’il en a la possibilité ne peut

être considéré comme étant dans une situation de dépendance

économique ; que tenant ces éléments, il convient de fixer à 18 mois le délai du préavis que la société Géodis aurait dû respecter ; que le préavis donné par elle étant de trois mois, il est insuffisant de 15

mois ;

Attendu que les divers documents comptables fournis par la société Trans SNM permettent à la Cour d’évaluer le préjudice qui est résulté de cette insuffisance sans qu’il soit nécessaire de recourir à une expertise ; que son montant sera fixé à hauteur de la marge brute que la société Trans SNM retirait du chiffre d’affaires qu’elle réalisait avec Géodis ; que l’exercice de référence retenu sera celui de 2001-2002 au cours duquel le chiffre d’affaires généré par le transport de matériel IBM s’est élevé à 7.086.600 € soit 590.550 € par mois en moyenne ; que l’indemnité due au titre du préavis s’établit à la somme de 590.550 X 40 % X 15 mois soit 3.543.300 € ;

Attendu que le montant de la réparation due à la suite d’une rupture brutale ne se limite pas à l’indemnisation du seul délai de préavis mais inclut également les dommages annexes consécutifs à la brutalité de la rupture ; que la perte d’activité liée à la rupture des relations commerciales avec Géodis a obligé la société Trans SNM au licenciement économique de 12 salariés ; qu’il en est résulté pour elle un coût de 114.060 € dont la société Géodis sera condamnée à indemniser la société Trans SNM ; que les honoraires du conseil pour ces procédures ne seront pas mis à la charge de Géodis tout comme le coût des camions acquis par la société Garoloc ensuite absorbé par la société Trans SNM dans la mesure où celle-ci affirme mais ne prouve pas qu’il s’agit d’un investissement qu’elle ne pourra pas amortir en les utilisant pour d’autres transports ;

Attendu que la société Trans SNM qui ne bénéficiait d’aucune exclusivité de la part de la société Géodis ne démontre ni que cette dernière l’aurait désorganisée, ni qu’elle ait utilisé des manoeuvres frauduleuses afin de débaucher des traitants ; qu’elle sera donc déboutée de sa demande en paiement de la somme de 1.643.700 € à titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale ;

Attendu qu’une société ne saurait éprouver un préjudice

moral ; que la société Trans SNM sera donc déboutée de sa demande en paiement de la somme de 5.000.000 € qu’elle réclame à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

Attendu que la société Trans SNM ne démontre pas l’existence d’un préjudice à l’appui de sa demande en paiement de la somme de 100.000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive de la part de la société Géodis ; que cette prétention sera rejetée ;

Attendu que la société Géodis ne démontre pas l’existence d’un préjudice que lui aurait occasionné l’attitude procédurale de la société Trans SNM ; qu’elle sera déboutée de sa demande en paiement de la somme de 100.000 € qu’elle réclame à titre de dommages et intérêts pour ce chef de préjudice ;

Attendu que la société Trans SNM a dû exposer des frais non compris dans les dépens pour faire assurer la défense de ses droits ; que l’équité commande de lui accorder la somme de 25.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Attendu que la société Géodis succombant en son appel, elle sera déboutée de la demande qu’elle présente par application de l’article 700 du code de procédure civile et condamnée aux entiers dépens de première instance et d’appel en application de l’article 699 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

— confirme le jugement entrepris en ce qu’il dit que la société Géodis Logistics Sud (la société Géodis) a rompu abusivement les relations commerciales qui la liaient à la société Trans SNM,

— le réforme pour le surplus

Statuant à nouveau

— dit n’y avoir lieu d’ordonner une mesure d’expertise.

— constate que les sociétés Garoloc, SA Garonne participations et Maître Y ès qualités n’interviennent pas volontairement en cause d’appel,

— déboute la société Trans SNM de sa demande en paiement de la somme de 1.756.608 € à titre de dommages et intérêts pour abus de dépendance économique, de celle de 1.643.700 € à titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale, de celle de 5.000.000 €à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, de celle de 100.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

— condamne la société Géodis à payer à la société Trans SNM la somme de 3.657.360 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,

— déboute la société Trans SNM venant aux droits de la société Garoloc de sa demande en paiement de la somme de 3.059.686 € à titre de dommages et intérêts,

— déboute la société Géodis de sa demande en paiement de la somme de 100.000 € réclamée à titre de dommages et intérêts et de celle de 70.000 € réclamée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamne la société Géodis à payer à la société Trans SNM la somme de 25.000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’à supporter les entiers dépens de première instance et d’appel avec droit de recouvrement direct pour l’avoué de son adversaire.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

HC/SS

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