Cour d'appel de Montpellier, 12 janvier 2017, 16/00898

  • Garde à vue·
  • Stupéfiant·
  • Interception·
  • Détention·
  • Importation·
  • Trafic·
  • Écoute·
  • République·
  • Véhicule·
  • Liberté

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

) L’article 63- I alinéa 2 du Code de Procédure Pénale impose à l’officier de police judiciaire d’informer immédiatement par tout moyen le Procureur de la République d’un placement en garde à but, de ses motifs et de la qualification des faits qu’il a notifiée à la personne concernée .

En présence d’un procès-verbal de notification qui mentionne les « faits d’acquisition, transport, importation, offre ou cession de stupéfiants » et précise que le procureur adjoint nommément désigné a été informé du placement en garde à vue avec en marge la mention ¿Trafic de stupéfiants – Blanchiment de trafic de stupéfiants – Non justification de ressources¿, il convient d’en déduire que l’avis au parquet comprenait bien les infractions pour lesquelles l’intéressé a été mis en garde à vue et mettait donc le procureur en mesure de vérifier la pertinence de cette mesure et d’en ordonner éventuellement la mainlevée.

Peu importe la surabondance de la référence aux délits de blanchiment de trafic de stupéfiants et de non justification de ressources dès lors que le « billet de garde à vue » adressé par télécopie au parquet 1 h 40 plus tard et régulièrement soumis au débat contradictoire des parties, même s’il est trop tardif pour constituer l’avis à parquet immédiat exigé par la loi, mentionne néanmoins à la rubrique ¿Nature de l’infraction … qualification pénale retenue : ILS¿ (infractions à la législation sur les stupéfiants), ce qui est conforme aux seuls motifs de placement en garde à vue.

) L’absence de la requête du procureur de la République à l’origine des ordonnances du juge des libertés et de la détention autorisant des écoutes téléphoniques sur le fondement de l’article 706-95 du code de procédure pénale ne peut constituer une cause de nullité dès lors que les mentions portées sur d’autres actes, tels que les diverses ordonnances du juge des libertés et de la détention, établissent son existence et en reproduisent la teneur.

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Sur la décision

Référence :
CA Montpellier, ch. inst., 12 janv. 2017, n° 16/00898
Juridiction : Cour d'appel de Montpellier
Numéro(s) : 16/00898
Importance : Inédit
Dispositif : other
Date de dernière mise à jour : 15 septembre 2022
Identifiant Légifrance : JURITEXT000034559780
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Texte intégral

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

CHAMBRE DE L’INSTRUCTION

DU 12 janvier 2017

N 2016/ 00898

REQUETE ARTICLE

173 DU C. P. P.

DECISION :

Rejet

A R R E T N

prononcé en chambre du conseil le douze janvier deux mil dix sept par Madame ISSENJOU, président

Vu la procédure d’information suivie au tribunal de grande instance de Montpellier des chefs de transport, détention, offre ou cession, acquisition non autorisés de stupéfiants-importation non autorisée de stupéfiants : trafic-importation en contrebande de marchandise dangereuse pour la santé publique (stupéfiant)- participation à association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un délit puni de 10 ans d’emprisonnement à l’encontre de :

PERSONNES MISES EN EXAMEN :

— X… Hocine

Né le 13/ 02/ 1981 à Montpellier

Détenu à …

Mandat de dépôt du 26 mai 2016

Ayant pour avocat Me DARRIGADE, 2, rue Auguste Comte-34000 Montpellier

— Y… Joackim

Né le 02/ 10/ 1984 à Montpellier

Détenu à …

Mandat de dépôt du 25 mars 2016

Ayant pour avocats :

— Me DEHAPIOT, 236, Bld St Germain-75007 Paris

— Me MALGRAS, 2, rue Auguste Comte-34000 Montpellier

— Z… Blaise

Né le 21/ 11/ 1992 à Montpellier

Détenu à …

Mandat de dépôt du 1er juin 2016

Ayant pour avocat Me MARTIN, 5, rue Doria-34000 Montpellier

— A… Loïc

Né le 01/ 04/ 1984 à Aix-en-Provence

Détenu à …

Mandat de dépôt du 25 mars 2016

Ayant pour avocat Me CHABERT, 30, avenue d’Assas-34000 Montpellier

— B… Alberto

Né le 07/ 04/ 1967 à Barcelone (Espagne)

Détenu à …

Mandat de dépôt du 25 mars 2016, Ordonnance de prolongation de détention provisoire du 05 juillet à compter du 25 juillet 2016

Ayant pour avocat Me JIMENEZ, 3 rue du plan du palais-34000 Montpellier

COMPOSITION DE LA COUR :

lors des débats, du délibéré :

Madame ISSENJOU, président

Monsieur COMMEIGNES et Monsieur DARPHIN, conseillers,

régulièrement désignés conformément à l’article 191 du code de procédure pénale.

GREFFIER : Monsieur BELLANGER lors des débats et Madame CERIZOLLA lors du prononcé de l’arrêt.

MINISTERE PUBLIC : Monsieur CAVAILLEZ, substitut général lors des débats.

Arrêt prononcé en présence du ministère public.

DEBATS

A l’audience en chambre du conseil le 24 novembre 2016, ont été entendus :

Monsieur COMMEIGNES, conseiller, en son rapport

Monsieur CAVAILLEZ, substitut général, en ses réquisitions

Maître MALGRAS en son nom et substituant Maîtres DEHAPIOT, DARRIGADE et CHABERT, Maitre JIMENEZ et Maître Flavie BAUMELOU substituant Maître MARTIN, avocats des personnes mises en examen, en leurs explications et qui ont eu la parole en dernier.

RAPPEL DE LA PROCEDURE

Par requête reçue au greffe de la chambre de l’instruction le 20 septembre 2016, Maître DEHAPIOT a sollicité conformément aux dispositions de l’article 173 du code de procédure pénale l’annulation de pièces de la procédure.

Par ordonnance du 12 octobre 2016, le président de la chambre de l’instruction a considéré qu’il convenait de saisir la chambre et a ordonné la transmission du dossier au procureur général.

Par avis et lettres recommandées en date du 04 novembre 2016, le procureur général a notifié aux personnes mises en examen et à leurs avocats la date à laquelle l’affaire serait appelée à l’audience.

Le dossier comprenant le réquisitoire écrit du procureur général a été déposé au greffe de la chambre de l’instruction et tenu à la disposition des avocats des parties.

Il a été ainsi satisfait aux formes et délais prescrits par les articles 194 et 197 du code de procédure pénale.

Maître DEHAPIOT, avocat, a déposé par télécopie au nom de Y… Joackim le 21 novembre 2016 à 11 heures 56, au greffe de la chambre de l’instruction un mémoire visé par le greffier et communiqué au ministère public.

Maître MALGRAS, avocat, a déposé au nom de Y… Joackim le 21 novembre 2016 à 14 heures 20, au greffe de la chambre de l’instruction un mémoire visé par le greffier et communiqué au ministère public.

Maître DARRIGADE, avocat, a déposé au nom de X… Hocine le 22 novembre 2016 à 15 heures 30, au greffe de la chambre de l’instruction un mémoire visé par le greffier et communiqué au ministère public.

DECISION

prise après en avoir délibéré conformément à la loi ;

EN LA FORME

La requête, régulière en la forme, est recevable ; la procédure prévue par les articles 170 à 174-1 du code de procédure pénale a été régulièrement engagée.

AU FOND

Exploitant un renseignement au terme duquel deux habitants du quartier de la cité Gély à Montpellier, Hocine X… dit C… et Joakim Y… se livreraient au trafic de stupéfiants (cocaïne et herbe de cannabis) depuis l’Espagne, la brigade des stupéfiants du SRPJ de Montpellier diligentait une enquête.

L’enquête de téléphonie mettait en évidence l’utilisation d’une véritable flotte de téléphones portables à durée de vie limitée. Certains d’entre eux étaient placés sous surveillance téléphonique.

Une opération de surveillance mettait en exergue une importation de produits stupéfiants le 10 février 2016, à l’aide du véhicule Mercedes appartenant à Hocine X…(D9), un deuxième le 18 février avec la Mercedes en véhicule ouvreur et un Renault Mégane break en véhicule porteur (D10). Ces convois ne pouvaient être interceptés dans des conditions de sécurité suffisantes.

Le 24 février 2016 les enquêteurs constataient le départ de la cité Gély du véhicule Mercedes conduit par son propriétaire. Une surveillance était alors organisée, poursuivie sur le territoire espagnol dans le cadre d’une observation transfrontalière (D 14).

Le convoi comportait cette fois trois véhicules l’un d’entre eux étant conduit par Blaise Z…. La présence de jeunes jouant le rôle de guetteur ne permettait pas aux enquêteurs de poursuivre leurs investigations dans la cité Gély.

Le 4 mars 2016 à compter de 19h40 la ligne personnelle de Joakim Y… bornait en Espagne, jusqu’au 7 mars 2016. Une surveillance mettait en évidence une nouvelle importation les 11 et 16 mars 2016, le véhicule Mercedes conduit par Joakim Y… étant suivie une dizaine de minutes plus tard par le véhicule Mégane break conduit par un individu non identifié (D 19, D 22).

Un regroupement entre l’enquête de téléphonie et les procès-verbaux de surveillance permettait d’établir que les mêmes lignes mobiles avaient été utilisées pour des importations les 18, 24, 28 février 2016. L’une était utilisée par Joakim Y…, l’autre par Hocine X…, une autre par Blaise Z… et une quatrième par un individu français résidant en Espagne organisant les importations de produits stupéfiants.

Les communications interceptées permettant de suspecter une nouvelle importation de produits stupéfiants pour le 21 mars 2016, un dispositif de surveillance sur l’itinéraire habituel de retour était mis en place. Peu après le passage de la frontière espagnole le convoi était identifié : en véhicule ouvreur une Renault Mégane sport conduite par Joakim Y…, la Renault Mégane break toujours conduite par le même chauffeur ultérieurement identifié comme Loïc A… et une Citroën C4, conduite par Alberto B… en véhicule suiveur (D 23).

Le convoi était intercepté à 18h30 et 18h35 et les conducteurs placés en garde à vue. Simultanément les policiers procédaient à des perquisitions au sein de la cité Gély. Celles-ci permettaient de découvrir :

— au domicile d’Hocine X…, une somme de 6. 000 €, une montre marque « Hublot », des boîtiers de montres « Rolex » et deux assignations à comparaître devant la justice espagnole pour des audiences en date du 23 octobre 2013 et 10 avril 2014, pour des faux en écriture. (D 25)

— au domicile de Joakim Y…1. 532 €, 1 fusil de chasse à crosse et canon sciés, de nombreuses munitions de calibre 12, une montre de marque « Breitling » et 4 g d’herbe de cannabis. (D202)

— au domicile de Jonathan D…, plusieurs téléphones portables, au domicile de sa sœur sentant le cannabis et dont il était sorti, 200 g d’herbe de cannabis et dans un coffre-fort, une fausse carte d’identité au nom de Julien E… supportant la photographie d’Hocine X…. (D176, D177)

— dans les parties communes du … deux caves transformées en laboratoire de préparation et de conditionnement d’herbe de cannabis de cocaïne, il était découvert 5, 8 kg d’herbe de cannabis, 800 g de produits de coupage pour la cocaïne, une presse hydraulique, de nombreux ustensiles pour mélanger et conditionner la cocaïne supportant des traces blanches, des malles qui supportaient des traces d’herbe de cannabis, une compteuse à billets, des téléphones portables neufs, des gants et des masques de protection, un fusil de précision, des munitions, un gilet pare-balles. (D 28)

Les constatations sur place étaient rendues impossibles par l’hostilité de la foule qui obligeait les policiers à faire des tirs de grenades lacrymogènes et de flash ball pour assurer leur sécurité.

La fouille du véhicule Renault Megane break amenait la découverte de 56, 9 kg d’herbe de cannabis et 88 kg de résine de cannabis (D 157).

Le véhicule Citroën C4 ne contenait pas de produits stupéfiants mais deux caches aménagées dans les bas de caisse étaient mises à jour.

Joakim Y… usait de son droit au silence et ne répondait à aucune question. Mais toutefois il justifiait la présence des 49. 000 € sur ses comptes bancaires par des gains au jeu. Dans sa fouille était retrouvée une clé permettant d’accéder à l’une des caves transformées en laboratoire. Devant le magistrat instructeur il reconnaissait sa participation à l’importation de produits stupéfiants interceptée, l’expliquant par son absence de revenus. S’agissant du trousseau de clés il déclarait l’avoir trouvé fortuitement dans le véhicule qu’il conduisait. (D206, D 209, D 210, D217)

Loïc A… reconnaissait l’importation des produits stupéfiants entre l’Espagne et Montpellier pour le voyage au cours duquel il avait été intercepté. Pour le reste il usait de son droit au silence (D163, D 167, D 168, D 215).

Alberto B… quant à lui déclarait avoir fait la connaissance en Espagne de Francis surnommé « F…» qui lui avait proposé de faire de l’import-export de véhicules en Europe. Sans revenus financiers il avait donc accepté et s’était vu remettre un téléphone portable, 400 €, un véhicule Citroën C4 et l’instruction de suivre la Mégane break. Il affirmait ne pas avoir connu son contenu. Il concédait toutefois avoir été intercepté en 2010 à Ceuta alors qu’il transportait 100 kg de résine de cannabis. Il est également connu de la police espagnole pour des faits d’infractions à la législation sur les stupéfiants faits commis à Barcelone en 1993 (D136, D137, D140, D 143, D216).

Alberto B… était réinterrogé par le juge d’instruction le 2 juin 2016. Il maintenait que s’il avait accepté de participer au convoi du 21 mars 2016, c’était par besoin financier et sans savoir qu’il s’agissait de transport de produits stupéfiants, même s’il se doutait qu’il y avait « quelque chose d’illégal ». Il restait très évasif sur le prénommé « F… » qui aurait, selon lui, organisé ce convoi (D375).

Les investigations menées sur le volet espagnol, permettaient l’identification d’un certain Eduardo G… susceptible d’être impliqué en tant que fournisseur et organisateur d’un trafic de produits stupéfiants (D436- D445).

Le magistrat instructeur procédait aux interrogatoires de Blaise Z… et Hocine X… les 22 septembre 2016 et 23 septembre 2016 (D450, D451).

Par requête du 20 septembre 2016, Maître DEHAPIOT conseil de Joachim Y… a sollicité, au motif pris de la violation des dispositions du 2ème alinéa de l’article 63 du code de procédure pénale, en ce que l’officier de police judiciaire qui a avisé le procureur de la République du placement en garde à vue de Joackim Y… n’a pas communiqué à ce magistrat les chefs d’infractions notifiés au requérant, comme l’exige pourtant explicitement le deuxième alinéa de l’article 63 du code de procédure pénale, l’annulation de tous les actes accomplis durant la garde à vue de Joackim Y…(D26, D184 à D212), dont les perquisitions réalisées au cours de cette mesure de garde à vue (notamment D202, D204 et D205) ainsi que de tous les actes de la procédure dont la garde à vue viciée est le support nécessaire, à savoir la mise en examen de Joackim Y…(D217) et son interrogatoire du 3 juin 2016 (D376).

*****

Le procureur général requiert de la chambre de l’instruction qu’elle déclare recevable la requête en nullité présentée par Joachim Y… et au fond la rejette.

Il fait valoir qu’il résulte des pièces de la procédure que l’information du procureur de la République a bien été effectuée puisque d’une part l’avis donné du placement en garde à vue à Joachim Y… porte bien en marge la mention : « infractions à la législation sur les stupéfiants » ; que d’autre part et surtout, l’avis donné du placement en garde à vue à deux magistrats du parquet le même jour à 19 heures 06 (D26) porte dans sa marge la mention " Trafic de stupéfiants – Blanchiment de trafic de stupéfiants-Non justification de ressources « et qu’enfin un document intitulé » billet de garde a vue " a été envoyé en télécopie au parquet le 21 mars 2016 à 20 heures 10, ce document, portant, dans une rubrique intitulée Nature de l’infraction (résumé succinct des faits et qualification pénale retenue) la mention manuscrite « I. L. S », abréviation communément utilisée pour désigner les infractions à la législation sur les stupéfiants.

*****

Dans leur mémoire, les conseils de Joachim Y… demandent à la cour de faire droit au moyen d’annulation et de statuer sur les effets des annulations prononcés quant aux actes et pièces de la procédure ultérieure et d’ordonner que les actes et pièces du dossier soient retirés du dossier de la procédure tant en original qu’en copie et qu’ils soient classés au greffe de la cour d’appel de Montpellier conformément au 3ème alinéa de l’article 174 du code de procédure pénale.

Ils font valoir les éléments suivants :

— la garde à vue de Joachim Y… et toute la procédure subséquente suivie contre lui doivent être annulées pour violation des dispositions du deuxième alinéa de l’article 63 du code de procédure pénale, en ce que l’officier de police judiciaire qui a avisé le procureur de la République du placement en garde à vue de Joackim Y… n’a pas communiqué à ce magistrat les chefs d’infractions notifiés au requérant, comme l’exige pourtant explicitement le deuxième alinéa de l’article 63 du code de procédure pénale ;

— le procureur de la République de Montpellier n’a donc pas été avisé des qualifications notifiées par l’officier de police judiciaire à Joackim Y… lors du placement en garde à vue de ce dernier et cette lacune a effectivement empêché le parquet d’exercer sa fonction de contrôle de cette mesure privative de liberté puisque lors de la prolongation de cette même mesure de garde à vue le parquet a donné ordre aux policiers de notifier au requérant une qualification supplémentaire, à savoir l’association de malfaiteurs, qui avait donc été omise lors du placement en garde à vue du requérant (D189) ;

— il ne s’agit pas d’une cause de nullité limitée aux auditions du requérant, mais bien d’une irrégularité affectant la mesure de garde à vue elle-même, de sorte que l’annu1ation prononcée doit être étendue à tous les actes accomplis durant la garde à vue de Joackim Y…(D26, D184 à D212), dont les perquisitions réalisées au cours de la garde à vue illicite (notamment D202, D204 et D205) ainsi qu’aux actes de la procédure dont la garde à vue viciée est le support nécessaire, à savoir la mise en examen de Joackim Y…(D217) et son interrogatoire du 3 juin 2016 (D376) ainsi que son placement en détention provisoire ;

— il n’est pas contesté que Joackim Y… lui-même ait bien été informé des chefs d’infractions pour lesquels il était placé en garde à vue, mais il n’est ni établi en procédure, ni allégué par le parquet général, que ce procès-verbal de notification de placement en garde à vue ait été communiqué au procureur de la République de Montpellier dès le début de la mesure de garde à vue dont Joackim Y… a fait l’objet ;

— la mention du procès-verbal d’avis à parquet « Trafic de stupéfiants-Blanchiment de trafic de stupefiants-Non justification de ressources » est inopérante à justifier de l’information du parquet dès lors qu’il s’agit d’une mention standard apposée en marge de tous les procès-verbaux dressés par l’officier de police judiciaire dans cette procédure et non ceux retenus à la charge de Joachim Y…;

— enfin le « billet de garde à vue » qui aurait été envoyé par télécopie au parquet le 21 mars à 20h10 n’étant pas coté au dossier de la procédure lors de la saisine de la chambre de l’instruction et ne l’étant toujours pas à ce jour, il ne peut, dès lors, s’agir d’un acte ou d’une pièce de la procédure susceptible d’être pris en compte par cette juridiction lors de l’examen de cette requête puisque conformément aux dispositions de l’article 197 du code de procédure pénale, la chambre de l’instruction est saisie du dossier en l’état duquel il se trouvait au moment de sa saisine sans que le parquet ne puisse y adjoindre a posteriori de pièces extérieures ;

— ce « billet » est en toute hypothèse insuffisant à assurer l’information du parquet requise par les dispositions du deuxième alinéa de l’article 63 du code de procédure pénale ayant été adressé à 20h10 soit 1h40 après le placement en garde à vue de Joachim Y…, ce délai étant à l’évidence radicalement incompatible avec l’exigence d’immédiateté d’information du parquet posée par l’article 63 du code de procédure pénale.

*****

Le conseil de Hocine X… dans son mémoire régulièrement déposé, sollicite de la chambre de l’instruction qu’elle prononce, sur le fondement de l’article 706-95 du code de procédure pénale la nullité des écoutes téléphoniques effectuées dans le cadre de l’enquête préliminaire.

Il fait valoir que :

— dans le cadre de l’enquête préliminaire précédent l’ouverture de l’information judiciaire, plusieurs écoutes téléphoniques ont été autorisées par le juge des libertés et de la détention de Montpellier sans que les requêtes du procureur de la République ne soient versées au dossier ni retranscrites dans un acte quelconque ;

— les ordonnances du juge des libertés et de la détention des 10 février 2016, 15 février 2016 et 08 mars 2016 contiennent des attendus de principe sans donner d’indication sur la teneur exacte des requêtes du procureur de la République (D38, D45, D48, D52, D55, D64) ;

— il n’existe par ailleurs aucune transmission d’éléments du parquet au juge des libertés et de la détention après la mise en place des écoutes téléphoniques, ce manquement ne permettant pas au juge des libertés et de la détention d’assurer un contrôle immédiat tel que le prévoit la loi sur les écoutes téléphoniques qu’il a autorisées ;

— cette garantie n’étant pas respectée cela crée indéniablement un grief aux personnes mises en examen dans ce dossier.

SUR QUOI

— Sur la requête en nullité présentée par les conseils de Joachim Y…:

Attendu que l’article 63 I alinéa 2, énonce que : " Dès le début de la mesure, l’officier de police judiciaire informe le procureur de la République, par tout moyen, du placement de la personne en garde à vue. Il lui donne connaissance des motifs justifiant, en application de l’article 62-2, ce placement et l’avise de la qualification des faits qu’il a notifiée à la personne en application du 2o de l’article 63-1. Le procureur de la République peut modifier cette qualification ; dans ce cas, la nouvelle qualification est notifiée à la personne dans les conditions prévues au même article 63-1 » ;

Attendu qu’il résulte du procès-verbal de placement en garde à vue de Joachim Y… intervenu le 21 mars 2016 à 18h35 que l’officier de police judiciaire lui a notifié que cette mesure était prise au vu de l’existence d’une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’il ait « commis ou tenté de commettre des faits d’acquisition, transport, importation, offre ou cession de stupéfiants, faits commis à Montpellier, Languedoc Roussillon et sur le territoire national le 1er janvier 2016 à ce jour » (D184) ;

Attendu que le procès-verbal d’avis à parquet tel qu’exigé par l’article 63 précité est intervenu le 21 mars 2016 à 19h06 soit 31 minutes après le placement de garde à vue de Joachim Y… et concerne également Loïc A… et Alberto B… placés en garde à vue le même jour à 18h35 ;

Qu’il est libellé en ces termes : « Disons aviser à la date et l’heure citées en tête du présent, la permanence du parquet de Montpellier de l’interpellation et du placement en garde à vue dans le cadre de la présente enquêtes des nommés… Précisons au magistrat de permanence que ces mesures de garde à vue ont été prises pour parvenir aux six objectifs prévus par l’article 62-2 du code de procédure pénale. Celui-ci nous autorise à surseoir à l’avis aux membres de la famille, aux proches ou aux employeurs des mis en cause » ;

Que ce même procès-verbal contient également la mention suivante « Disons aviser également M. Patrick DESJARDINS, procureur adjoint de la République de Montpellier de l’interpellation et du placement en garde à vue des sus-nommés et de l’état de l’enquête en cours » et en marge la mention « Trafic de stupéfiants-Blanchiment de trafic de stupéfiants-Non justification de ressources » ;

Attendu qu’il convient d’en déduire que l’avis du parquet comprenait bien les infractions pour lesquelles Joachim Y… était placé en garde à vue à savoir trafic de stupéfiants, cette appellation couvrant les faits d’acquisition,

transport, importation, offre ou cession de stupéfiants et plaçait ainsi le procureur de la République en mesure de vérifier le caractère pertinent de la mesure de garde à vue et, à défaut d’ordonner la mainlevée de cette mesure privative de liberté ; cette vérification étant à l’origine de la modification de l’article 63 précité résultant de la loi du 14 juin 2011 ainsi qu’il résulte des travaux préparatoires de ce texte ;

Que si la référence aux délits de blanchiment de trafic de stupéfiants et de non justification de ressources apparaît surabondante, il convient de relever que le billet de garde à vue

adressé par télécopie au parquet de Montpellier le 21 mars 2016 à 20h10, qui s’il est trop tardif pour constituer l’avis à parquet exigé par la loi, mentionne néanmoins à la rubrique « Nature de l’infraction… qualification pénale retenue : ILS » (infractions à la législation sur les stupéfiants), est conforme aux seuls motifs de placement en garde à vue ;

Attendu qu’il doit être également précisé, dans le cadre de la nécessaire vérification par la chambre de l’instruction que le parquet de Montpellier a bien été en mesure d’exercer dès son origine le contrôle de la mesure de garde à vue querellée, que figure à la procédure un procès-verbal du 21 mars 2016 établi à 17h soit 1h35 avant le placement en garde à vue de Joachim Y… intitulé « changement de cadre juridique-Etat de flagrance » faisant état de la détection d’un convoi de trois véhicules le jour même dans le cadre d’une importation de produits stupéfiants en train de se commettre et de l’avis préalablement donné à M. Patrick DESJARDINS, procureur de la République adjoint de ce changement de cadre juridique avant interception des trois véhicules et interpellation de leur conducteur ;

Attendu qu’il ne peut être contesté par ailleurs que les dispositions du 3ème alinéa de l’article 197 du code de procédure pénale qui ont pour objet de permettre aux avocats des parties de prendre connaissance de l’ensemble du dossier de l’information et de pouvoir, en temps opportun, produire devant la chambre de l’instruction tous mémoires utiles, sont essentielles aux droits de la défense et doivent être observées à peine de nullité ;

Attendu que s’agissant du « billet de garde à vue » adressé au parquet le 21 mars à 20h10 dont il est sollicité qu’il soit écarté des débats par la cour, il convient de relever qu’il a bien été versé au dossier de la chambre de l’instruction par le parquet général et par suite soumis à la discussion des parties dans le respect du principe du contradictoire, cette pièce ayant d’ailleurs fait l’objet de longs développements dans le cadre des mémoires des conseils de Joachim Y…;

Attendu qu’au vu de l’ensemble de ces éléments, l’exception de nullité sera donc rejetée ;

— Sur le moyen de nullité soulevé par le conseil de Houcine X…:

Attendu qu’aux termes de l’article 706-95 du code de procédure pénale dans sa version issue de la loi du 17 août 2015 en vigueur à la date des actes incriminés, si les nécessités de l’enquête de flagrance ou de l’enquête préliminaire relative à l’une des infractions entrant dans le champ d’application des articles 706-73 et 706-73-1 l’exigent, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance peut, à la requête du procureur de la République, autoriser l’interception, l’enregistrement et la transcription de correspondances émises par la voie des communications électroniques selon les modalités prévues par les articles 100, deuxième alinéa, 100-1 et 100-3 à 100-7, pour une durée maximum d’un mois, renouvelable une fois dans les mêmes conditions de forme et de durée ;

Que selon ce même texte, ces opérations sont faites sous le contrôle du juge des libertés et de la détention, lequel est informé sans délai par le procureur de la République des actes accomplis en application de l’alinéa précédent, notamment des procès-verbaux dressés en exécution de son autorisation, par application des articles 100-4 et 100-5 du même code ;

Attendu que l’absence de la requête du procureur de la République à l’origine des ordonnances du juge des libertés et de la détention autorisant des écoutes téléphoniques sur le fondement de l’article 706-95 précité ne peut constituer une cause de nullité dès lors que les mentions portées sur d’autres actes établissent son existence et en reproduisent la teneur ;

Attendu qu’en l’espèce, il résulte de l’examen des pièces de la procédure que l’ensemble des ordonnances du juge des libertés et de la détention querellées des 10 février 2016, 15 février 2016 et 08 mars 2016 versées à la procédure en cote D38, D45, D48, D52, D55 et D64) visent expressément des requêtes du procureur de la République des 9 février 2016, 15 février 2016 et 08 mars 2016 ;

Que toutes ces ordonnances comportent la même motivation à savoir : « Attendu que les nécessités de l’enquête préliminaire imposent l’interception, l’enregistrement et la transcription émises par la voie des télécommunications, soit les communications passées et reçues sur la ou les ligne (s) téléphonique (s) suivante (s)… » ;

Que n’y sont pas annexées les requêtes du procureur de la République ;

Attendu que cependant en cote D63 figure une ordonnance d’autorisation d’écoutes téléphoniques du juge des libertés et de la détention de Montpellier, non visée par la défense et datée du 09 mars 2016 au titre du renouvellement pendant une durée d’un mois de l’interception déjà autorisée par ordonnance du 10 février 2016 de deux lignes téléphoniques utilisées par Hocine X… et d’une troisième ligne utilisée par Joachim Y… au visa d’une requête du procureur de la République du 08 mars 2016 laquelle se trouve jointe à cette cote ;

Que par ailleurs, cette requête permet de constater qu’elle reproduit à l’identique la motivation précitée retenue par le juge des libertés et de la détention dans ses diverses ordonnances ;

Attendu qu’encore en cote D44 figure notamment un procès-verbal intitulé « réception d’une autorisation d’interception téléphonique » lequel comporte la mention suivante : « Vu notre demande à M. le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Montpellier, sommes destinataire d’une autorisation d’interception de communications téléphoniques délivrée le 15 février 2016 par Mme Sabine LECLERQ, vice-président, juge des libertés et de la détention au tribunal de grande instance de Montpellier » ;

Qu’en cote D45 un procès-verbal ayant le même objet mentionne : " Sommes destinataire d’une autorisation d’interception de communications téléphoniques délivrée le 15 février 2016 [du juge des libertés et de la détention] sur réquisition du procureur de la République en date de ce même jour » ;

Attendu que les ordonnances du juge des libertés et de la détention sont reprises dans l’ensemble des réquisitions judiciaires adressées par les services de police aux opérateurs de téléphonie et dans les divers avis adressés au procureur de la République quant à l’exécution des dites interceptions ou leur cessation ;

Attendu qu’en l’état des mentions portées sur les divers actes susvisés de la procédure qui suffisent à établir l’existence et la teneur des diverses requêtes du procureur de la République, il y a donc lieu de considérer que leur absence à la procédure ne saurait constituer une cause de nullité des dites écoutes ;

Attendu qu’enfin si l’article 706-95 du code de procédure pénale, prévoit en son alinéa 3 que les opérations d’écoutes téléphoniques sont faites sous le contrôle du juge des libertés et de la détention lequel est informé par le procureur de la République sans délai des actes accomplis en application de l’alinéa précédent, notamment des procès-verbaux dressés en exécution de son autorisation, la méconnaissance des formalités substantielles prévues par cette disposition n’est constitutive d’une nullité que si l’irrégularité constatée a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la partie concernée ;

Qu’en l’espèce, il convient de relever que les rapports d’exécution des écoutes contestées ont été adressés au magistrat du parquet et qu’une information ayant été ensuite ouverte, le juge d’instruction a pu exercer son contrôle sur les actes accomplis ;

Qu’en outre il résulte de l’examen des pièces de la procédure que manifestement l’information du juge des libertés et de la détention a été effective puisque ce magistrat a notamment accepté le 09 mars 2016 de renouveler pour une durée d’un mois supplémentaire sa précédente ordonnance du 10 février 2016 autorisant l’interception de deux lignes téléphoniques utilisées par Hocine X… et d’une autre ligne utilisée par Joachim Y…;

Attendu qu’en conséquence les moyens de nullités présentés par le conseil de Hocine X… seront rejetés ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant en chambre du conseil, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu les articles 170 à 174-1, 194 à 200, 201, 206, 216, 217 et 802 du code de procédure pénale ;

EN LA FORME

DÉCLARE recevable la requête en nullité présentée par les conseils de Joachim Y…;

DÉCLARE recevable les moyens de nullité présentés par le conseil de Hocine X… dans le cadre de son mémoire ;

AU FOND

REJETTE comme mal fondé le moyen de nullité soulevé par les conseils de Joachim Y…;

REJETTE comme mal fondés les moyens de nullité soulevés par le conseil de Hocine X…;

ORDONNE le retour de la procédure au magistrat instructeur qui en est saisi.

DIT que le présent arrêt sera exécuté à la diligence du procureur général.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure pénale
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Cour d'appel de Montpellier, 12 janvier 2017, 16/00898