Cour d'appel de Montpellier, 3e chambre sociale, 14 octobre 2020, n° 19/03245

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Montpellier, 3e ch. soc., 14 oct. 2020, n° 19/03245
Juridiction : Cour d'appel de Montpellier
Numéro(s) : 19/03245
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Montpellier, 10 avril 2019
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

SD/KC

Grosse + copie

délivrées le

à

3e chambre sociale

ARRÊT DU 14 Octobre 2020

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/03245 – N° Portalis DBVK-V-B7D-OEWU

ARRÊT n°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 AVRIL 2019 TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER

N° RG19/03255

APPELANTE :

Madame B C épouse X

[…]

[…]

R e p r é s e n t a n t : M e C a r o l i n e A N E G A S , a v o c a t a u b a r r e a u d e PYRENEES-ORIENTALES

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/013871 du 09/10/2019 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de MONTPELLIER)

INTIMEE :

MAISON DEPARTEMENTALE DES PERSONNES HANDICAPEES DES PYRENEES-ORIENTALES (MDPH)

[…]

[…]

Mme D E (Représentante de la MDPH 66) en vertu d’un pouvoir du 27/08/2020

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 03 SEPTEMBRE 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Richard BOUGON, Conseiller, faisant fonction de président spécialement désigné à cet effet

Madame Karine CLARAMUNT, Conseillère

Mme Isabelle MARTINEZ, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Sylvie DAHURON

ARRÊT :

— Contradictoire ;

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

— signé par Monsieur Richard BOUGON, Conseiller, faisant fonction de président spécialement désigné à cet effet, et par Mademoiselle Sylvie DAHURON, greffier.

*

* *

Le 5 novembre 2015, Mme B X sollicitait l’attribution de l’allocation adulte handicapé et la délivrance de la carte d’invalidité auprès de la Maison Départementale des Personnes Handicapées des Pyrénées-Orientales.

Le 28 octobre 2016, la Commission des Droits et de l’Autonomie des Personnes Handicapées des Pyrénées -Orientales rejetait ses demandes retenant un taux d’incapacité permanente compris entre 50 et 79% en l’absence de restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi.

Le 6 juillet 2017, Mme X saisissait le tribunal du contentieux de l’incapacité de Montpellier en contestation de cette décision.

Suivant jugement rendu le 11 avril 2019, le tribunal de grande instance de Montpellier rejetait les demandes de Mme X.

Mme X relevait appel de ce jugement par voie de déclaration électronique du 10 mai 2019.

Lors de l’audience du 3 septembre 2020, Mme X sollicite l’infirmation du jugement entrepris dans toutes ses dispositions. Elle sollicite l’attribution de l’allocation adulte handicapé ainsi que l’octroi de la carte mobilité inclusion mention invalidité, ce avec effet rétroactif à date du dépôt de sa demande sur le fondement des dispositions des articles L 821-1, L 821-2, D821-1 et R 821-7 du code de la sécurité sociale.

Mme X demande à la cour d’ordonner une mesure d’expertise médicale et en tout état de cause de lui reconnaître un taux d’incapacité permanente au moins égal à 80%.

Elle fait valoir qu’elle présente un handicap représentant une restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi.

Au soutien de son appel, Mme X expose qu’elle était victime d’un accident de la voie publique en 2001 alors qu’elle était âgée de 17 ans.

Elle souffrait d’un polytraumatisme avec une fracture éclatement de L.5.Une intervention chirurgicale présenterait plus de risques que de bénéfices. Son état de santé s’aggravait avec la naissance de son deuxième enfant. Elle serait en incapacité d’avoir une activité professionnelle. Elle explique ressentir des douleurs conséquentes et une dépendance aux autres pour les actes de la vie courante. Elle ne peut se maintenir plus d’une heure en station assise ou débout. Elle ne peut faire de trajet en voiture. Ses liens avec l’extérieur sont très appauvris. Elle est dépendante pour sa toilette et ne peut s’occuper seule de ses enfants.

Mme X souligne qu’elle bénéficiait de l’allocation adulte handicapé jusqu’en 2013.

Lors de l’audience du 3 septembre 2020, la MDPH des Pyrénées-Orientales sollicite la confirmation du jugement entrepris et le rejet des demandes de Mme X.

La MDPH considère que Mme X présente un taux d’incapacité permanente compris entre 50 et 79%. Mais elle soutient que son handicap n’engendre pas de restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi. La MDPH fait valoir que Mme X ne persistait pas dans sa recherche d’emploi. Elle soutient que Mme X pourrait exercer un métier en adéquation avec ses déficiences (position assise) sur un temps de travail supérieur ou égal à un mi temps.

MOTIFS :

Sur l’attribution de l’allocation adulte handicapé :

En application cumulée des articles L821-1, L821-2, D821-1 et D821-1-2, D821-1-2 du code de la sécurité sociale, le bénéfice d’une allocation aux adultes handicapés est reconnu à toute personne :

— dont le taux d’incapacité permanente est au moins égal à 80 %, le pourcentage d’incapacité étant apprécié d’après le guide barème pour l’évaluation des déficiences et incapacités des personnes handicapées figurant à l’annexe 2-4 du code de l’action sociale et des familles ;

— dont le taux d’incapacité permanente est compris entre 50 et 79 % avec reconnaissance, compte tenu de son handicap, d’une restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi.

Un taux de 50% correspond à des troubles importants entraînant une gêne globale dans la vie sociale de la personne. L’entrave peut soit être concrètement repérée dans la vie de la personne soit compensée afin que cette vie sociale soit préservée mais au prix d’efforts importants ou de la mobilisation d’une compensation spécifique. Toutefois, l’autonomie est conservée pour les actes élémentaires de la vie quotidienne.

Un taux d’au moins 80% correspond à des troubles graves entraînant une entrave majeure dans la vie quotidienne de la personne avec une atteinte de son autonomie individuelle. Cette autonomie individuelle est définie comme l’ensemble des actions que doit mettre en oeuvre une personne, vis à vis d’elle même, dans la vie quotidienne. Dès lors qu’elle doit être aidée totalement ou partiellement ou surveillée dans leur accomplissement ou ne les assure qu’avec les plus grandes difficultés, le taux de 80% est atteint. C’est également le cas lorsqu’il y a déficience sévère avec abolition d’une fonction.

L’approche évaluative en vue de la détermination du taux d’incapacité doit être individualisée et globale.

La restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi est appréciée ainsi qu’il suit :

1° La restriction est substantielle lorsque le demandeur rencontre, du fait de son handicap même, des difficultés importantes d’accès à l’emploi. A cet effet, sont à prendre en considération :

a) Les déficiences à l’origine du handicap;

b) Les limitations d’activités résultant directement de ces mêmes déficiences;

c) Les contraintes liées aux traitements et prises en charge thérapeutiques induits par le handicap;

d) Les troubles qui peuvent aggraver ces déficiences et ces limitations d’activités.

Pour apprécier si les difficultés importantes d’accès à l’emploi sont liées au handicap, elles sont comparées à la situation d’une personne sans handicap qui présente par ailleurs les mêmes caractéristiques en matière d’accès à l’emploi.

Il est constant que Mme X née le […] subissait un accident de la voie publique le 4 août 2011. Elle présentait les lésions suivantes :

— contusion thoraco-abdominale gauche;

— fractures costales avec lame minime d’hémothorax;

— contusion spléno-rénale gauche non opérée avec hématurie transitoire;

— fracture complexe L3-L4-L5-S1;

— insuffisance respiratoire aigue post opératoire.

En 2008, survenait une lombalgie l’obligeant à abandonner le stage suivi en vue de l’obtention d’un diplôme en esthétique.

En 2013 apparaissait un syndrome anxiodépressif.

Le docteur Y, expert judiciaire, relevait en novembre 2014 une aggravation du trouble de la marche avec une boiterie à gauche. Il notait également un déficit moteur du membre inférieur gauche lors de l’extension de la cuisse et lors de la flexion extension de la cheville.

Le certificat médical établi en novembre 2015 et joint à la demande d’ AAH fait état d’une endurance limitée à la marche, de séquelles algiques, d’une dépression , d’un steppage. Le médecin relevait une aggravation de l’état de santé. Le périmètre de marche était évalué à 100 mètres. Le maintien postéral était qualifié de difficile. Etaient prescrits des antalgiques, des antidépresseurs et anxiolytiques.

La fiche de synthèse d’évaluation de la MDPH mention une aggravation des séquelles douloureuses du fait d’une grossesse en 2016.

Le rapport de consultation médicale du 26 février 2019, établi par le docteur Z, fait état:

— de douleurs lombaires aggravées;

— d’une boiterie sans canne;

— d’une absence de marche sur la pointe ou les talons;

— d’une distance main sol importante à cause de la raideur du dos;

— d’un accroupissement incomplet;

— d’un petit lasègue à gauche;

— d’une atrophie musculaire du mollet gauche;

— d’une dépression avec suivi psychiatrique sans traitement.

Le docteur Z retenait des séquelles algiques et une station debout ou assise prolongée pénible pour fixer un taux d’incapacité permanent compris entre 50 et 79%. Il ne se prononçait pas sur le critère légal de la restriction substantielle et durable à l’accès à l’emploi.

Des suites de l’accident, Mme X souffre d’une amyotrophie de la jambe gauche et d’une raideur du rachis lombaire, de lombalgies récurrentes et d’une dépression.

Lors de son examen par le docteur A, Mme X déclarait faire les petites courses, s’habiller et se déshabiller seule , faire la cuisine et s’occuper de ses enfants.

Mme X ne justifie pas être apparaillée ou nécessiter l’assistance d’une tierce personne pour accomplir les actes de la vie quotidienne.

Mme X conduit un véhicule à boîte de vitesse mécanique mais sur des trajets limités ( 20 à 25 minutes) pour éviter les blocages lombaires.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, la cour retient , sans avoir besoin d’ordonner une nouvelle mesure d’instruction, qu’ au jour de la demande d’attribution de l’AAH, Mme X conservait son autonomie pour accomplir les actes élémentaires de la vie

courante. et présentait un taux d’incapacité permanente compris entre 50 et 79%.

Mme X n’a jamais travaillé. Sa formation d’esthéticienne était interrompue du fait d’importantes lombalgies. Sa dépression et son handicap avaient nécessairement une incidence négative sur ses démarches en vue d’une réinsertion sociale.

L’atrophie nette de son membre inférieur gauche, sa boiterie , la grande raideur de son dos, les douleurs lombaires récurrentes, son incapacité à maintenir durablement une position assise ou débout, son absence d’endurance à la marche, les angoisses ressenties par Mme X constituent un lourd handicap, limitent ses activités et caractérisent d’importantes difficultés et donc une restriction substantielle pour l’accès à l’emploi.

Il résulte de la lecture des certificats médicaux produits aux débats que l’état de santé Mme X est en voie d’aggravation depuis 2011 la restriction substantielle pour l’accès à l’emploi est donc durable.

Aux termes des dispositions de l’article R 821-7 du code de la sécurité sociale, l’allocation adulte handicapé est attribuée à compter du 1er jour du mois civil suivant celui du dépôt de la demande.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, il y a lieu de faire droit à la demande d’attribution de l’AAH avec effet rétroactif à compter du 1er jour du mois civil suivant celui du dépôt de la demande. Il convient d 'infirmer le jugement entrepris sur ce point.

Aux termes des dispositions de l’article L 241-3 du code de la sécurité sociale, la carte « mobilité inclusion » destinée aux personnes physiques peut porter une ou plusieurs des mentions. La mention « invalidité » est attribuée à toute personne dont le taux d’incapacité permanente est au moins de 80 %. La prétention émise de ce chef doit être rejetée. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Montpellier du avril 2019 en ce qu’il a rejeté la demande d’attribution de la carte mobilité inclusion mention invalidité;

L’infirme pour le surplus;

Statuant à nouveau :

Dit qu’à raison de son taux d’incapacité avec restriction substantielle durable pour l’accès à l’emploi Mme X réunit les conditions médicales lui permettant de bénéficier de l’AAH;

Renvoie Mme X devant l’organisme payeur pour vérification de la réalisation des conditions administratives et liquidation de l’AAH et ce à compter du 1er jour du mois civil suivant celui du dépôt de la demande;

Rejette le surplus des demandes;

Condamne la MDPH des Pyrénées-Orientales aux dépens du présent recours.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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Cour d'appel de Montpellier, 3e chambre sociale, 14 octobre 2020, n° 19/03245