Cour d'appel de Montpellier, 1re chambre civile, 14 décembre 2023, n° 23/05986

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Montpellier, 1re ch. civ., 14 déc. 2023, n° 23/05986
Juridiction : Cour d'appel de Montpellier
Numéro(s) : 23/05986
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal judiciaire de Montpellier, 5 décembre 2023, N° 23/02182
Dispositif : Autre
Date de dernière mise à jour : 20 décembre 2023
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Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

(Loi n°2011-803 du 05 Juillet 2011)

(Décrets n° 2011-846 et 847 du 18 juillet 2011)

ORDONNANCE

DU 14 DECEMBRE 2023

N° 2023 – 245

N° RG 23/05986 – N° Portalis DBVK-V-B7H-QBMS

[R] [U]

C/

MONSIEUR LE DIRECTEUR DU CENTRE HOSPITALIER REGIONAL

MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL

[V] [U]

Décision déférée au premier président :

Ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention de Montpellier en date du 06 décembre 2023 enregistrée au répertoire général sous le n° 23/02182.

ENTRE :

Madame [R] [U]

née le 27 Octobre 1951

[Adresse 5]

[Localité 2]

Appelante

Comparante, assistée de Me Doaä BENJABER, avocat commis d’office

ET :

MONSIEUR LE DIRECTEUR DU CENTRE HOSPITALIER REGIONAL

Hôpital de [6]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Non représenté

MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL

Cour d’appel

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Non représenté

Madame [V] [U]

[Adresse 3]

[Localité 2]

DEBATS

L’affaire a été débattue le 12 Décembre 2023, en audience publique, devant Fanny COTTE, vice-présidente placée près Monsieur le premier président de la cour d’appel de Montpellier déléguée aux fonctions de conseiller à la cour d’appel de Montpellier par ordonnance n°2023-269 du 14 novembre 2023 en application des dispositions de l’article L.3211-12-4 du code de la santé publique, assisté de Alexandra LLINARES greffière et mise en délibéré au 14 décembre 2023

ORDONNANCE

Réputée contradictoire,

Signée par Fanny COTTE, vice-présidente, et Alexandra LLINARES, greffière et rendue par mise à disposition au greffe par application de l’article 450 du code de procédure civile.

***

Vu la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge,

Vu la loi n° 2013-803 du 27 septembre 2013 modifiant certaines dispositions issues de la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge,

Vu le décret n° 2011- 846 du 18 juillet 2011 relatif à la procédure judiciaire de mainlevée ou de contrôle des mesures de soins psychiatriques,

Vu le décret n°2014-897 du 15 août 2014 modifiant la procédure judiciaire de mainlevée et de contrôle des mesures de soins psychiatriques sans consentement,

Vu l’ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention de Montpellier en date du 06 Décembre 2023,

Vu l’appel formé le 06 Décembre 2023 par Madame [R] [U] reçu au greffe de la cour le 06 Décembre 2023,

Vu les convocations adressées par le greffe de la cour d’appel de Montpellier le 06 Décembre 2023 à l’établissement de soins, à l’intéressée, à son conseil, à Monsieur le Procureur général et à Madame [V] [U], les informant que l’audience sera tenue le 12 Décembre 2023 à 09 H 15,

Vu l’avis du ministère public en date du 9 décembre 2023,

Vu le procès verbal d’audience du 12 Décembre 2023,

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Madame [R] [U] a déclaré à l’audience : 'je pense que c’est une hospitalisation sous contrainte à l’initiative de ma fille. C’est vraiment dommage qu’elle ne soit pas là aujourd’hui parce que je souhaite lui parler. Ce qui est en jeu, c’est l’avenir de ma mère dont je suis la tutrice depuis 2014 et depuis cette date, elle est chez moi. Je n’ai jamais eu aucun problème avec les bilans de tutelle. Ma fille ne s’entend pas avec moi, je ne sais pas pourquoi. Un jour tout va bien et le lendemain, tout va mal sans que je sache ce qui l’a fait basculer. Je pense qu’elle aurait peut-être besoin de soins appropriés.

A l’hôpital, ça se passe plutôt bien, je suis résignée à mon sort. J’avais demandé moi-même mon hospitalisation pour me reposer mais jusqu’à maintenant, je n’ai pas pu me reposer. Depuis le 06/12, ça va mieux parce que j’ai changé de pavillon.

Je suis déçue parce que je souhaitais passer Noël avec ma mère, c’est peut-être son dernier Noël. Je suis déçue parce que je ne vois pas non plus ma fille, elle ne vient jamais à l’hôpital. Pourtant, je l’aime, je ne lui en veux pas.'

L’avocat de Madame [R] [U] fait valoir au soutien de la demande de mainlevée que la procédure d’admission en hospitalisation sans consentement est irrégulière en ce :

* l’urgence sur laquelle se fonde la décision d’hospitalisation à la demande d’un tiers n’est pas caractérisée

* les décisions d’admission, de maintien et d’information sur les droits et voies de recours ont été notifiées tardivement

* aucun examen somatique n’a été réalisé

* le tiers demandeur est en conflit avec l’appelante

Le représentant du ministère public conclut à la confirmation de l’ordonnance déférée.

MOTIFS

Sur la recevabilité de l’appel :

L’appel motivé, formé le 06 Décembre 2023 à l’encontre d’une ordonnance du juge des libertés et de la détention de Montpellier notifiée le 06 Décembre 2023 est recevable pour avoir été formé dans les 10 jours de la notification en application de l’article R 3211-18 et R 3211-19 du code de la santé publique.

Sur l’appel :

Sur l’absence de caractérisation de l’urgence

Selon l’article L3212-3 du code de la santé publique , 'en cas d’urgence, lorsqu’il existe un risque grave d’atteinte à l’intégrité du malade, le directeur d’un établissement mentionné à l’article L. 3222-1 peut, à titre exceptionnel, prononcer à la demande d’un tiers l’admission en soins psychiatriques d’une personne malade au vu d’un seul certificat médical émanant, le cas échéant, d’un médecin exerçant dans l’établissement. Dans ce cas, les certificats médicaux mentionnés aux deuxième et troisième alinéas de l’article L. 3211-2-2 sont établis par deux psychiatres distincts'

Madame [R] [U] soutient que le certificat médical sur lequel se fonde la demande d’admission aux soins sans consentement à la demande d’un tiers en urgence caractérise insuffisamment le risque grave pour l’intégrité de la patiente et l’urgence.

Il convient de rappeler au préalable que le juge qui se prononce sur le maintien de la mesure d’hospitalisation sans consentement doit apprécier son bien-fondé au regard des certificats médicaux communiqués sans substituer sa propre appréciation.

Par ailleurs, s’agissant de soins à la demande d’un tiers en urgence, la Cour de cassation estime que le risque grave n’a pas nécessairement à être mentionné en tant que tel, il peut se déduire des constatations médicales figurant au document (Cass 1ère chambre civile 5 mars 2020).

En l’espèce, le certificat médical unique du Docteur [S] [N] du 25 novembre 2023, joint à la demande d’admission en soins sans consentement à la demande d’un tiers en urgence, retient notamment des éléments paranoïaques dans le discours, une désorganisation majeure et une incurie au domicile.

Ces éléments permettent de caractériser le risque grave d’atteinte à l’intégrité du patient.

Au surplus, ce risque est corroboré par les certificats médicaux des 24 et 72 heures établis respectivement par le docteur [T] puis par le Docteur [H]. Le premier relève une instabilité ideo-motrice avec symptômes délirants de persécution , de l’irritabilité et une labilité thymique tandis que le second observe un tableau d’exaltation thymique persistant et un comportement désinhibé, instable et familier dans l’unité ainsi qu’une absence de conscience des symptômes.

Le moyen sera donc rejeté, le risque grave d’atteinte à l’intégrité de la patiente étant suffisamment caractérisé par le premier certificat et étayé par les certificats médicaux suivants.

Sur la notification tardive des décisions d’admission, de maintien et d’information sur les droits et voies de recours

Il résulte de l’article L. 3211-3, alinéa 3, du CSPque le patient doit être informé:

— le plus rapidement possible et d’une manière appropriée à son état de la décision d’admission et de la décision maintenant les soins ainsi que des raisons qui motivent ces décisions,

— dès l’admission ou aussitôt que son état le permet et, par la suite après chacune des décisions maintenant les soins s’il en fait la demande, de sa situation juridique, de ses droits et des voies de recours qui lui sont ouvertes.

Madame [R] [U] soutient qu’elle a été notifiée tardivement des décisions la concernant d’admission, de maintien et d’information sur les droits et voies de recours et affirme que cette notification tardive lui cause nécessairement grief.

Elle a été admise en soins psychiatriques en urgence le 25 novembre 2023 à 18 heures 33. Elle a reçu notification de cette décision le 26 novembre 2023 et a été informée de ses droits le lendemain soit le 27 novembre 2023.

Un délai de moins de 24 heures entre la décision d’admission prise le 25 novembre 2023 à 18 heures 33 et son information le lendemain ne peut être considéré comme excessif d’autant qu’il résulte du certificat médical des 24 heures que Madame [R] [U] était dans le déni des troubles et dans le refus des soins à cette date. Elle n’a pas souhaité signer la décision et la notification de décision le 26 novembre 2023. Il en fut de même le 27 novembre 2023 lorsque la brochure d’information sur ses droits lui a été remise.

Les délais de notification ne peuvent être qualifiés de tardifs en conséquence si bien que le moyen sera rejeté.

Sur l’absence d’examen somatique

L’article L3211-1 du code de la santé publique impose qu’un examen somatique soit effectué dans les vingt-quatre heures suivant l’admission

En l’espèce, Madame [R] [U] soutient qu’un examen somatique n’a pas été réalisé alors qu’elle a subi un accident ischémique cérébral récemment et que la seule mention pré-imprimée sur les certificats médicaux ne permet pas de s’assurer qu’il a été effectement effectué.

Il est de jurisprudence constante que cet examen somatique ne donne pas lieu à l’établissement d’un certificat médical ni ne doit figurer au nombre des pièces dont la communication au juge des libertés et de la détention est obligatoire. Dès lors, il n’y a pas lieu de sanctionner l’absence de document attestant la réalisation de cet examen somatique et la mention préimprimée, remplie par le médecin en charge du certificat médical des 24 heures suffit.

Le moyen sera rejeté.

Sur la qualité de tiers demandeur

Madame [R] [U] soutient que sa fille qui a été en demande de soins sans consentement en urgence pour elle, est en conflit avec elle à propos de la mesure de tutelle qu’elle exerce sur sa propre mère.

Or, comme l’a justement indiqué le juge des libertés et de la détention, elle n’en rapporte pas la preuve qui ne peut se déduire de ses seules déclarations aux audiences ou sur la brochure d’information sur ses droits.

Le moyen sera rejeté.

Sur le maintien de la mesure d’hospitalisation sans consentement

Il résulte du certificat médical de situation établi par le docteur [D] le 8 décembre 2023 que 'la mise en place d’un traitement antipsychotique a permis une très légère amélioration au niveau de son agitation. Persistent en revanche des idées délirantes à thématique persécutoire et de spoliation, une méfiance, une forte estime de soi. Elle est toujours peu critique de sa pathologie, et on ne trouve aucune compliance aux soins'.

L’intéressée présente des troubles mentaux qui rendent impossible son consentement et son état mental impose dans l’immédiat des soins assortis d’une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète.

En conséquence, l’ordonnance déférée sera confirmée.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement,

Déclarons recevable l’appel formé par Madame [R] [U],

Confirmons la décision déférée,

Laissons les dépens à la charge du trésor public,

Disons que la présente décision est portée à la connaissance de la personne qui fait l’objet de soins par le greffe de la cour d’appel.

Rappelons que la présente décision est communiquée au ministère public, au directeur d’établissement et à Madame [V] [U].

La greffière Le magistrat délégué

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