Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale, 5 avril 2017, n° 16/00487

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Nancy, ch. soc., 5 avr. 2017, n° 16/00487
Juridiction : Cour d'appel de Nancy
Numéro(s) : 16/00487
Décision précédente : Conseil de prud'hommes d'Épinal, 20 janvier 2016, N° 15/00207
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT N° PH

DU 05 AVRIL 2017

R.G : 16/00487

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’EPINAL

15/0207

21 janvier 2016

COUR D’APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE

APPELANT :

B-C D

XXX

XXX

Représenté par Me Angelo LAURICELLA, avocat au barreau de METZ

INTIMÉE :

CREDIT AGRICOLE ALSACE VOSGES prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

XXX

XXX

Représentée par Me B-Pierre GUICHARD, avocat au barreau de STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats, sans opposition des parties

Président : ROBERT-WARNET Christine

Siégeant comme magistrat chargé d’instruire l’affaire

Greffier : REMOND Catherine (lors des débats)

Lors du délibéré,

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue en audience publique du 01 Février 2017 tenue par ROBERT-WARNET Christine, magistrat chargé d’instruire l’affaire, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés, et en a rendu compte à la Cour composée de Christine ROBERT-WARNET, Président, Yannick BRISQUET, et Claude SOIN, Conseillers, dans leur délibéré pour l’arrêt être rendu le 05 Avril 2017 ; Le 05 Avril 2017, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :

XXX

FAITS ET PROCEDURE

B-C D a été engagé par la Caisse Régionale du Crédit Agricole Alsace ' Vosges selon contrat à durée indéterminée à effet du 4 février 2014, en qualité d’attaché de clientèle, niveau C, classe I, position 4 de la convention collective du Crédit Agricole, applicable à l’espèce.

B-C D a sollicité, par courrier du 27 février 2015, une rupture conventionnelle de son contrat de travail, à laquelle le Directeur des Ressources Humaines a répondu favorablement le 11 mars 2015. Un entretien dans le cadre de cette procédure était fixé au 24 mars 2015.

À une date indéterminée, la Caisse Régionale du Crédit Agricole Alsace ' Vosges a convoqué B-C D à un entretien préalable à son licenciement, pour celui-ci se tenir le 9 avril 2015, puis par lettre recommandée avec accusé de réception du 2 avril 2015, l’a convoqué devant le conseil de discipline, pour celui-ci se tenir le 16 avril 2015.

Celui-ci était placé en mise à pied conservatoire depuis le 1er avril 2015.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 avril 2015, la Caisse Régionale du Crédit Agricole Alsace ' Vosges a notifié à B-C D son licenciement, au motif d’une faute lourde.

Contestant le bien-fondé du licenciement dont il a fait l’objet, B-C D a saisi, par requête enregistrée au greffe le 1er juin 2015, le conseil de prud’hommes d’Épinal.

Aux termes de ses dernières écritures, il prétendait à la condamnation de son employeur au paiement des sommes suivantes :

• 1865,25 € brut à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire ; • 1865,29 € brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis; • 182,52 € brut à titre de congés payés afférents ; • 11 191,74 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ; • 1500 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement brutal et vexatoire ; • 2000 € à titre de dommages-intérêts pour remise tardive de l’attestation Pôle Emploi et du certificat de travail; • 1500 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

À titre reconventionnel, la Caisse Régionale du Crédit Agricole Alsace ' Vosges prétendait, pour sa part, à la condamnation de B-C D au paiement de la somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts au regard de la faute lourde commise par son salarié, outre 1000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

XXX

Par jugement du 21 janvier 2016, le conseil de prud’hommes d’Épinal a débouté B-C D en l’ensemble de ses demandes et la Caisse Régionale du Crédit Agricole Alsace ' Vosges en ses demandes reconventionnelles.

B-C D a interjeté appel de cette décision le 12 février 2016.

Vu les conclusions déposées et reprises à la barre à l’audience du 1er février 2017 à laquelle l’affaire a été retenue, par lesquelles B-C D, continuant de contester la réalité des griefs énoncés à son encontre et donc le bien-fondé du licenciement dont il a fait l’objet, sollicite l’infirmation du jugement qu’il critique.

Il prétend au contraire au bénéfice des demandes qu’il avait initialement formées, pour les sommes alors sollicitées, y ajoutant une demande en paiement de la somme de 1123,23 € brut à titre d’indemnité compensatrice de congés payés.

Vu les conclusions parvenues au greffe le 7 octobre 2016, reprises à la barre, par lesquelles la Caisse prétend à la confirmation du jugement déféré et, formant appel incident, sollicite la condamnation de B-C D au paiement de la somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts outre 3000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

SUR CE

' Sur le bien-fondé du licenciement

La faute grave, dont la charge de la preuve incombe à l’employeur, telle qu’énoncée dans la lettre de licenciement, dont les termes fixent le cadre du litige soumis à l’appréciation des juges du fond, se définit comme étant un fait ou un ensemble de faits, imputables au salarié, caractérisant de sa part un manquement tel aux obligations découlant de la relation de travail que son maintien dans l’entreprise, pendant la durée du préavis, s’avère impossible.

À cette notion de faute grave, la faute lourde ajoute, de la part du salarié, une volonté de nuire à son employeur ou à l’entreprise.

En l’espèce, il n’est pas contesté que la procédure conventionnelle de licenciement a été respectée, par la saisine du conseil de discipline, qui a donné un avis sur le licenciement envisagé de B-C D.

À titre liminaire, s’en tenant strictement aux termes de la lettre de licenciement, la cour n’examinera aucun des éléments développés de manière abondante par l’employeur aux termes de ses écritures, relatifs à la plainte pénale qu’il a déposée à l’encontre de son salarié, dont la lettre de licenciement ne fait pas mention.

XXX

La lettre de licenciement adressée à B-C D le 21 avril 2015 énonce 3 catégories de griefs, qu’il y a lieu de reprendre successivement :

' Le non-respect des procédures de la Caisse régionale

La lettre de licenciement énonce ainsi : « De nombreuses opérations ont été traitées sans respect des procédures et avec un manque de professionnalisme. Ainsi, lors du montage d’un dossier de crédit consommation, les éléments saisis ont été erronés : mauvaise qualification de l’objet du crédit et annonce d’un taux de prêt inexact.

Dans un autre dossier qui concernait l’ouverture d’un compte à la demande de la Banque de France, vous avez encaissé et crédité le jour même un chèque d’un montant important sur le compte d’un client interdit bancaire. »

Au soutien de ce grief, la Caisse Régionale du Crédit Agricole Alsace ' Vosges produit aux débats l’attestation de X Y, directeur d’agence, responsable hiérarchique de B-C D. Celle-ci mentionne l’erreur commise par son subordonné lors du montage d’un dossier de crédit consommation.

En l’absence d’éléments complémentaires, telle que la production des dossiers ou des mails échangés s’agissant du second volet de ce grief, la Caisse Régionale du Crédit Agricole Alsace ' Vosges n’établit pas la matérialité du grief qu’elle énonce.

Celui-ci ne saurait justifier le licenciement de B-C D, au surplus au motif d’une faute lourde.

' Les retards et abandon de poste

Sur ce grief, la lettre de licenciement énonce : « à plusieurs reprises vous vous êtes absenté sans aucune justification, notamment le 5 mars 2015 vous avez quitté l’agence avant l’heure de fermeture en abandonnant le plot d’accueil.

Ce même jour, vous êtes arrivé en retard à votre poste de travail le matin et l’après-midi.

Ce comportement s’est répété ultérieurement, puisque vous vous êtes une nouvelle fois absenté de votre poste de travail, et sans autorisation ni justification, dans le seul but d’aller récupérer votre téléphone portable à votre domicile.

Enfin, vous avez quitté l’agence alors qu’un technicien avait été mandaté pour venir réparer le volet roulant que vous aviez vous-même cassé, laissant votre collègue seule s’en charger. »

Au soutien de ce grief, l’employeur produit aux débats les attestations de collègues de travail de B-C D, qui confirment son absence un après-midi, pendant une demi-heure, sans accord de sa responsable hiérarchique (pièce n° 7 dossier employeur), son départ de l’agence, plus tôt que prévu, alors qu’il était en charge de l’accueil (pièce n° 8 dossier employeur), son départ de l’agence pendant le temps de midi, sans que celle-ci soit fermée au motif qu’il avait cassé le volet roulant en l’abaissant (pièce n° 5 dossier employeur).

XXX

Pour établi qu’il soit, ce grief est insuffisant à justifier le licenciement de B-C D au motif d’une faute grave, voire lourde. En revanche, il constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement.

' Le comportement inadmissible avec la hiérarchie et les clients

La lettre de licenciement énonce : « vous avez fait preuve d’insubordination et tenu des propos inacceptables envers votre hiérarchie. En effet, alors que celle-ci vous demandait de vous comporter avec correction, vous lui avez répondu « j’en ai rien à foutre ».

Vous avez également révélé des informations confidentielles à propos d’un client devant d’autres clients présents dans l’agence, le tout accompagné de réflexions déplacées quant à l’état de ses comptes.

De plus, lorsqu’une cliente est venue à l’agence, vous avez tardé à la saluer et à la servir car vous étiez en train de consulter votre téléphone portable pour des raisons non professionnelles.

L’utilisation du téléphone portable au guichet s’est répétée à de nombreuses reprises, et ce malgré l’entrée de clients dans l’agence. Cette attitude témoigne d’un manque de respect envers la clientèle.

Par ailleurs, des témoignages nous permettent d’affirmer que vous avez visionné des films sur votre ordinateur portable personnel pendant vos heures de travail, alors que vous deviez tenir l’accueil de l’agence.

Vous avez également été surpris en train de dormir dans votre bureau.

En outre, la consultation et l’envoi permanent de SMS témoignent de la mauvaise volonté que vous mettez dans l’accomplissement de vos tâches. Votre insubordination récurrente et votre comportement envers le directeur d’agence et vos collègues sont, de surcroît, inacceptables. Vous avez à plusieurs reprises émis des remarques désobligeantes et vulgaires, lesquelles témoignent de la dégradation des relations de travail en réitérant régulièrement vos comportements fautifs.

Ce comportement a également été observé auprès des clients envers lesquels vous avez tenu des propos incorrects et déplacés, dégradant l’image de l’entreprise’ »

Au soutien de ce grief, l’employeur produit aux débats des attestations de collègues de travail de B-C D qui confirment que son « téléphone portable est « le prolongement de sa main » » (pièce n° 5 dossier employeur), l’utilisant en permanence, au risque de faire attendre les clients (même attestation), ainsi que celles de Tristan Piroddi, Z A (pièce 8 et 9 dossier employeur). Ces attestants confirment avoir vu B-C D regarder un film sur son ordinateur personnel pendant les heures de travail (pièces 9, 7,6 dossier employeur).

L’attestation établie par Z A confirme que B-C D s’est endormi à son bureau.

XXX

L’ensemble de ces attestations font état de son caractère désinvolte à l’égard des clients, bien qu’aucune plainte de ceux-ci ne soit produite aux débats. Partie de ces attestations confirme que B-C D s’est montré agressif à l’encontre de Z A, au guichet, devant des collègues et des clients.

L’employeur établit ainsi la réalité du grief qu’il énonce, qui présente un caractère objectif, vérifiable, justifiant que soit prononcé le licenciement de B-C D, dont le maintien dans l’entreprise, durant la durée du préavis était impossible.

À défaut pour l’employeur de caractériser de la part de son salarié une quelconque intention de nuire à l’entreprise ou à l’employeur, que requiert la notion de faute lourde, le licenciement de B-C D sera requalifié comme fondé sur une faute grave.

La décision déférée sera donc confirmée de ce chef, les présents motifs se substituant à ceux retenus par les premiers juges.

La faute grave légitime la mise à pied à titre conservatoire prononcée à l’encontre du salarié. B-C D sera en conséquence débouté en sa demande en paiement de rappel de salaire afférente.

Elle est également privative du bénéfice de l’indemnité de préavis et des congés payés afférents. La décision déférée sera confirmée qui a débouté B-C D en ce chef de demande.

Compte tenu des termes de la présente décision, B-C D sera débouté en sa demande en paiement de dommages-intérêts fondés sur le caractère brutal et vexatoire du licenciement dont il a fait l’objet.

' Sur la demande en paiement d’une indemnité compensatrice de congés payés

À hauteur de cour, B-C D prétend au paiement d’un rappel d’indemnité compensatrice de congés payés, pour la somme de 1123,23 € brut, correspondant à 20,3 jours de congés payés.

Le bulletin de salaire de mars 2015, produit aux débats, mentionne qu’à l’échéance du mois de mars, B-C D dispose d’un droit acquis au titre des congés de 12 jours, s’agissant des congés normaux, de 6,54 jours, s’agissant des autres jours ainsi que de 0,5 jour au titre du CET. Aux termes de ses écritures produites à hauteur d’appel, l’employeur n’a développé aucun argument sur cette demande.

Par les pièces qu’il produit aux débats, B-C D justifie du bien-fondé de sa demande. La Caisse Régionale du Crédit Agricole Alsace ' Vosges sera en conséquence condamnée à lui payer la some de 1123,23 € brut à titre de reliquat d’indemnité compensatrice de congés payés.

XXX

' Sur la demande en paiement de dommages-intérêts pour remise tardive de l’attestation Pôle Emploi et du certificat de travail

B-C D ne produit aucun élément au soutien de cette demande permettant à la cour de s’en assurer du bien-fondé.

Il en sera donc débouté.

' Sur la demande incidente en paiement de dommages-intérêts

La Caisse Régionale du Crédit Agricole Alsace ' Vosges prétend à la condamnation de B-C D au paiement de la somme de 10 000 € considérant que par la gravité des faits qu’il a commis, celui-ci a entaché l’image de l’entreprise.

Compte tenu des termes de la présente décision alors que, dans le corps de ses écritures, la Caisse Régionale du Crédit Agricole Alsace ' Vosges développe largement les éléments de la plainte pénale qu’elle a déposée, qu’elle n’a pourtant pas invoquée au soutien du licenciement de son salarié, sa demande en paiement de dommages-intérêts doit être rejetée.

' Sur les frais irrépétibles

Compte tenu des termes de la présente décision, chacune des parties conservera à sa charge l’intégralité des frais non compris dans les dépens qu’elle a pu exposer.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant contradictoirement,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement prononcé par le conseil de prud’hommes d’Épinal le 21 janvier 2016 ;

Y ajoutant,

Condamne la Caisse Régionale du Crédit Agricole Alsace ' Vosges à payer à B-C D la somme de MILLE CENT VINGT TROIS EUROS ET VINGT TROIS CENTS (1123,23 euros) brut à titre d’indemnité compensatrice de congés payés ;

Déboute les parties en leurs autres demandes ;

Condamne la Caisse Régionale du Crédit Agricole Alsace ' Vosges aux dépens d’appel ;

XXX

Ainsi prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile. Et signé par Christine ROBERT-WARNET, Président, et Catherine REMOND, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

Minute en huit pages

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