Cour d'appel de Nîmes, 2 juillet 2013, n° 11/04899

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Nîmes, 2 juill. 2013, n° 11/04899
Juridiction : Cour d'appel de Nîmes
Numéro(s) : 11/04899
Décision précédente : Conseil de prud'hommes d'Aubenas, 16 juin 2011

Texte intégral

ARRÊT N°

R.G : 11/04899

XXX

CONSEIL DE PRUD’HOMMES D’AUBENAS

du 17 juin 2011

Section: Commerce

X

C/

XXX

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 02 JUILLET 2013

APPELANT :

Monsieur Y X

né le XXX à XXX

L’Estrade

XXX

représenté par Maître Isabelle ROUX, avocate au barreau de VALENCE substituée par Maître Bertrand BEAUX, avocat au même barreau

INTIMÉE :

XXX

Prise en la personne de son gérant

Balbiac

XXX

représentée par la SCP BERAUD/LECAT/BOUCHET, avocats au barreau de l’ARDÈCHE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Conseiller, exerçant les fonctions de Président spécialement désigné à cet effet, a entendu les plaidoiries en application de l’article 945-1 du code de Procédure Civile, sans opposition des parties.

Il en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Sylvie COLLIERE, Conseiller

Monsieur Philippe SOUBEYRAN, Conseiller

GREFFIER :

Madame Martine HAON, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

à l’audience publique du 17 Mai 2013, où l’affaire a été mise en délibéré au 02 Juillet 2013

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, prononcé et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, publiquement, le 02 Juillet 2013,

date indiquée à l’issue des débats

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Monsieur X a été embauché à compter du 11 février 2002 en qualité de chauffeur poids lourds au sein de la SARL COCCHI CIVIATE au coefficient 150M.

Le contrat précisait que «en fonction des commandes de la clientèle, le salarié sera amené à effectuer des transports longue distance».

Il faisait l’objet de plusieurs avertissements : le 8 juillet 2004 pour une erreur dans une livraison, le 16 mai 2005 pour un dépassement de la conduite continue, le 19 juillet 2005 pour une erreur dans la livraison de gravier, le 21 juillet 2008 pour consommation excessive de carburant et le 21 novembre 2008 pour refus d’effectuer un grand déplacement.

Le 20 août 2009 l’employeur notifiait à Monsieur X une mise à pied de cinq jours pour refus d’effectuer des transports en longue distance.

Monsieur X était licencié pour faute grave par courrier du 11 février 2010 aux motifs suivants :

«vous vous êtes placé à plusieurs reprises en situation d’insubordination et cette situation se reproduit en dépit d’un avertissement le 21 novembre 2008 et d’une mise à pied disciplinaire de 5 jours en août 2009 pour le même motif. Ainsi, vous refusez de réaliser des transports longue distance alors que votre contrat de travail le prévoit expressément et que votre coefficient implique de tels déplacements. Cette conduite remet en cause la bonne marche de l’entreprise en désorganisant le fonctionnement de la société ».

Contestant la légitimité de la mesure prise à son encontre Monsieur X saisissait le conseil de prud’hommes d’Aubenas en paiement d’indemnités de rupture et de diverses sommes lequel, par jugement de départage du 30 septembre 2011, l’a débouté de toutes ses prétentions et l’a condamné à payer une somme de 100 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par acte du 20 octobre 2010 Monsieur X a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Par conclusions développées à l’audience, il demande à la cour de :

— faire injonction à la XXX de produire le registre du personnel pour la période postérieure au1er janvier 2009

— réformer le jugement de première instance,

A titre principal, requalifier le licenciement pour faute grave en cause réelle et sérieuse,

A titre subsidiaire, dire juger que la modification du contrat de travail était abusive,

A titre infiniment subsidiaire, dire et juger que le refus de la modification constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement,

En conséquence, condamner la XXX à payer :

* 644,00 euros de rappel de salaires et 64,40 euros de congés payés

* 3.864,00 euros à titre d’indemnité de préavis et 386,40 euros de congés payés

* 3.091,20 euros à titre d’indemnité de licenciement

* 19.320,00 euros à titre de dommages et intérêts pour tous préjudices confondus (harcèlement et rupture abusive)

— annuler la mise à pied du mois d’août 2009 et condamner la XXX à payer 392,46 euros de rappel de salaires et 39,24 euros de congés payés,

— condamner la XXX à payer une somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la présente décision et en cas d’exécution par voie extra judiciaire, les sommes retenues par l’huissier instrumentaire en application des dispositions de l’article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996, seront supportées par la XXX en sus de l’indemnité mise à sa charge sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

Il soutient que :

— il a été victime de harcèlement se manifestant par : le retrait de son camion attitré, du téléphone portable de la société, un avertissement au motif du refus de découcher alors qu’il n’a jamais découché depuis le début de son contrat de travail, un refus à l’accès à l’outillage et aux lubrifiants, les menaces de perte de son emploi, les dates de congés payés imposées, un reproche de consommation de gasoil durant un arrêt maladie, une fausse déclaration concernant son accident de trajet de 2005, entraînant une pénalisation financière, un refus verbal d’une demande de formation dans le cadre du droit individuel à la formation, une 4e semaine de vacances a été imposée avant le 31/10/2009, il a roulé pendant plusieurs semaines avec un véhicule défectueux et une tenue de route déplorable à cause d’une usure prononcée des axes et cylimblocs enfin, il déplore l’absence de toilettes ou de lavabo sur le dépôt de St SERNIN,

— la lettre de licenciement est insuffisamment motivée,

— pendant 8 ans, Monsieur X a été chauffeur zone courte, son passage de zone courte en zone longue n’était pas justifié par l’intérêt de l’entreprise.

— le licenciement pour le refus d’une modification substantielle du contrat de travail ne peut pas être une faute grave.

La SARL COCCHI-CIVIATE, reprenant ses conclusions déposées à l’audience, a sollicité la confirmation du jugement et la condamnation de l’appelant au paiement de la somme de 1.500,00 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 2.000,00 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait observer que :

— en l’état des mentions de son contrat de travail, le salarié ne peut soutenir que son employeur lui aurait imposé une modification de ce contrat,

— aucun fait de harcèlement n’est établi et chaque fait évoqué par le salarié est justifié par des considérations objectives,

— le refus par le salarié d’exécuter les instructions justifiait le licenciement de celui-ci.

MOTIFS

Sur le harcèlement

Monsieur X énonce les faits suivants, évoqués dans des courriers qu’il a adressés à l’employeur, susceptibles de laisser présumer l’existence d’un harcèlement :

— courrier du 16 avril 2009 dans lequel Monsieur X énonce les faits de harcèlements et mesures discriminatoires subis :

* retrait de son camion attitré.

* retrait du téléphone portable de la société.

* avertissement au motif du refus de découcher alors qu’il n’a jamais découché depuis le début de son contrat de travail

* refus à l’accès à l’outillage et aux lubrifiants

* menaces de perte de son emploi

* dates de congés payés imposées

* reproche de consommation de gasoil durant un arrêt maladie

— courrier du 5 juillet 2009 adressé par Monsieur X :

* demande de repos compensateur, cette demande sera transmise au comptable sans réponse immédiate.

— courrier du 28 juillet 2009 énumérant à nouveau une liste de mesures considérées comme discriminatoires et reprenant les griefs évoqués dans la lettre du 16 avril :

* reproche de consommation de gasoil trop importante

* fausse déclaration concernant son accident de trajet de 2005, entraînant une pénalisation financière

* refus verbal d’une demande de formation dans le cadre du droit individuel à la formation

* une 4e semaine de vacances a été imposée avant le 31/10/2009

* il a roulé pendant plusieurs semaines avec un véhicule défectueux et une tenue de route déplorable à cause d’une usure prononcée des axes et cylimblocs

* aucun toilettes ou lavabo sur le dépôt de St SERNIN.

— courrier du 28 septembre 2009 adressé à l’employeur :

* prise forcée de repos compensateur

* l’employeur a préféré donner les trajets effectués jusqu’alors par Monsieur X à un autre chauffeur employé en contrat à durée déterminée

D’une part, les reproches adressés par le salarié s’ils sont précis ne sont pas matériellement établis.

D’autre part, l’employeur a apporté des réponses tout aussi précises à chacun de ces griefs (courriers des 11 août 2009, 5 octobre 2009) :

— il résulte d’attestations de salariés qu’il est habituel au sein de l’entreprise de changer de véhicule lorsque des travaux d’entretien ou de réparation s’avèrent nécessaires, aucun véhicule n’est spécialement attribué à un chauffeur,

— le choix de clients plus éloignés impose l’accomplissement de transports longue distance, tous les salariés de l’entreprise sont appelés à effectuer de tels trajets,

— le retrait du téléphone mobile était justifié par un emploi abusif de celui-ci par plusieurs salariés dont Monsieur X, lesquels ont été privé de téléphone,

— le contrat de travail prévoit l’accomplissement de transports longue distance,

— l’outillage et les lubrifiants se trouvent dans un local fermé en raison de vols, la clé devait être demandée au gérant,

— si les dates de congés sont fixées d’un commun accord entre le salarié et l’employeur, ce dernier doit tenir compte du bon fonctionnement de l’entreprise et peut être amené à ne pas faire droit systématiquement à toutes les demandes présentées par les salariés,

— après la notification d’un avertissement pour consommation excessive de gaz oil, les consommations de Monsieur X ont baissé de 41 à 37 litres pour 100 km, ce qui démontre le bien fondé du reproche adressé au salarié,

— la demande de repos compensateur a été transmise au comptable de la société,

— il n’y a pas eu de fausse déclaration d’accident de trajet, l’employeur a simplement contesté le caractère professionnel de cet accident ce qui est son droit,

— lorsqu’il a demandé à bénéficier d’une formation dans le cadre du droit individuel à la formation il a été demandé à Monsieur X de patienter car d’autres chauffeurs avaient encore des congé à prendre,

— les cinq semaines de congés payés se prennent par cycle de quatre semaines du 1er juin au 31 octobre et une semaine entre le 1er novembre et le 31 mai, c’est donc à bon droit que l’employeur a demandé à Monsieur X de prendre sa 4e semaine avant le 31 octobre 2009,

— le dépôt de Saint Sernin n’est qu’un parking, les toilettes se trouvent au siège social de l’entreprise.

Il en résulte que chacun des faits énoncés par le salarié, bien qu’il n’en rapporte pas la matérialité, a fait l’objet d’une explication particulièrement argumentée par l’employeur, il ne peut être retenu en l’espèce l’existence d’un harcèlement.

Sur le licenciement

Outre que la lettre de licenciement est parfaitement motivée pour permettre un débat judiciaire, le refus d’effectuer des trajets longue distance alors que le contrat de travail de Monsieur X le prévoyait expressément est un acte d’insubordination répété qui faisait obstacle à son maintien dans l’entreprise.

Le fait que Monsieur X ait toujours effectué des courtes distances n’a pas eu pour effet de modifier les termes de son contrat de travail. De même, la présente juridiction n’a pas à examiner si l’accomplissement de transports longue distance était ou non justifié par l’intérêt de l’entreprise, le salarié ayant été embauché pour effectuer de tels transports n’a pas à apprécier l’opportunité de tels transports au regard des intérêts de l’entreprise qui ne relèvent que de l’appréciation de ses dirigeants. C’est au salarié qui soutient qu’un abus aurait été commis par l’employeur d’en apporter la démonstration ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Dès lors que l’activité de l’entreprise amenait les salariés à effectuer des trajets de courtes et longues distances Monsieur X, en raison des mentions portées dans son contrat de travail, pouvait être amené à effectuer indifféremment l’un ou l’autre de ces trajets sans juger de leur opportunité.

Monsieur X prétend sans nullement l’établir qu’un salarié aurait été embauché par voie de contrat à durée déterminée pour effectuer ses livraisons en zone courte alors qu’il se voyait affecté sur des trajets en zone longue.

Monsieur X ne peut davantage soutenir que le respect par l’employeur des clauses du contrat de travail serait de nature à porter une atteinte excessive à sa vie privée.

Il en résulte que le refus persistant de Monsieur X d’effectuer les trajets qu’il lui était demandés d’accomplir s’analyse en une faute qui, par sa nature, rendait impossible le maintien du salarié dans l’entreprise

Sur la mise à pied du 24 au 30 août 2009

Monsieur X a fait l’objet d’une mise à pied de cinq jours notifiée le 20 août 2009 pour avoir refusé d’effectuer, le 28 juillet 2009, des transports longue distance. Il a été rappelé qu’il avait été recruté notamment pour effectuer des transports longue distance en sorte que son refus injustifié le rendait passible de sanctions disciplinaires dont celle de mise à pied qui apparaît proportionnée au regard de la gravité de la faute reprochée.

La procédure initiée par l’appelant ne présente aucun caractère abusif, il n’y a pas lieu d’accéder à la demande de dommages et intérêts formulée par la SARL COCCHI CIVIATE.

L’équité n’impose pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en l’espèce.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Déboute pour le surplus,

Condamne l’appelant aux dépens d’appel.

Arrêt signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, et par Madame Martine HAON, Greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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Cour d'appel de Nîmes, 2 juillet 2013, n° 11/04899