Cour d'appel de Nîmes, 5ème chambre sociale ta, 28 juillet 2020, n° 15/05576

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Nîmes, 5e ch. soc. ta, 28 juill. 2020, n° 15/05576
Juridiction : Cour d'appel de Nîmes
Numéro(s) : 15/05576
Décision précédente : Tribunal des affaires de sécurité sociale de Gard, 29 juin 2015, N° 21300621
Dispositif : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT N°

N° RG 15/05576 -

N° Portalis DBVH-V-B67-GDHM

EM/ID

TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE DE GARD

30 juin 2015

RG:21300621

K

C/

SARL Y Z & FILS

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU GARD

SA MAAF ASSURANCES

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 28 JUILLET 2020

APPELANT :

Monsieur I-J K

[…]

[…]

représenté par Me Françoise ROBAGLIA, avocat au barreau de NARBONNE

INTIMÉES :

SARL Y Z & FILS

[…]

[…]

représentée par Me Romain FLOUTIER de la SCP FONTAINE ET FLOUTIER ASSOCIES, avocat au barreau de NIMES

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU GARD

Département des affaires juridiques

[…]

[…]

représenté par M. A B en vertu d’un pouvoir général

SA MAAF ASSURANCES

[…]

[…]

représenté par Me Charles FONTAINE de la SCP FONTAINE ET FLOUTIER ASSOCIES, avocat au barreau de NIMES

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 945-1 du code de Procédure Civile, sans opposition des parties.

Elle en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Conseiller faisant fonction de président

Madame Pascale BERTO, Vice-présidente placée à la cour

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère

GREFFIER :

Madame Isabelle DELOR, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

À l’audience publique du 17 Décembre 2019, où l’affaire a été mise en délibéré au 11 Février 2020 et prorogé ce jour ;

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, prononcé et signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Conseiller faisant fonction de président, publiquement, le 28 Juillet 2020, par mise à disposition au greffe de la Cour

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS :

Suivant arrêt du 03 octobre 2017, auquel il convient de se reporter pour connaître les faits et la procédure , la Cour d’appel de Nîmes a :

— infirmé le jugement rendu par le Tribunal des affaires de sécurité sociale de l’Hérault et a dit que

l’accident de travail dont M I-J K a été victime est dû à la faute inexcusable de son employeur , la SARL Y Z et fils ,

— fixé au maximum la majoration de la rente perçue par M I-J K ,

— ordonné une expertise confiée au Docteur C D ,

— fixé le montant de la provision à valoir sur les honoraires de l’expert à la somme de 750 euros ,

— alloué à M I-J K une indemnité provisionnelle de 1500 euros à valoir sur l’indemnisation de son préjudice ,

— dit que la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) du Gard fera l’avance de la provision à valoir sur la rémunération de l’expert , versera directement l’indemnité provisionnelle au bénéficiaire ,

— ordonné la réouverture des débats ,

— invité la CPAM du Gard à communiquer la notification de la décision de l’attribution de la rente , le jugement du Tribunal de contentieux d’incapacité rendu le 19 avril 2016 ainsi que sa notification , d’autre part , a enjoint aux parties de conclure sur la demande d’inopposabilité formée par l’employeur .

Le Docteur C D a déposé son rapport le 30 mars 2018.

L’affaire a été fixée à l’audience du 19 avril 2018.

La Cour d’appel de Nîmes , suivant arrêt du 26 juin 2018 , a :

— ordonné la réouverture des débats pour permettre aux parties de formuler leurs observations et demandes sur la base du rapport d’expertise qui a été déposé ,

— renvoyé la cause et les parties à l’audience du 20 novembre 2019.

L’affaire a été fixée à cette audience puis a fait l’objet de plusieurs renvois et a été retenue à celle du 17 décembre 2019.

Suivant conclusions écrites , déposées et soutenues oralement à l’audience du 17 décembre 2019 , M I-J K demande à la Cour de :

— homologuer le rapport d’expertise du Docteur C D du 16 mars 2018,

— condamner la société Y à lui payer les sommes suivantes :

—  9 000 euros au titre du pretium doloris ,

—  1 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ,

—  20 000 euros au titre du préjudice d’agrément ,

—  337,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire de 25 % ,

—  852,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire de 10 %,

à titre subsidiaire ,

— lui donner acte de ce qu’il s’en remet à la sagesse de la Cour à l’égard des demandes formulées par la SARL Y ,

en tout état de cause ,

— condamner la SARL Y Z & fils à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile concernant l’audience de réouverture des débats ,

— condamner la SARL Y Z & fils à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens .

Il soutient, pour l’essentiel , que :

— l’expert a conclu à l’existence d’un préjudice de douleur évalué à 3/7 , à l’existence d’un préjudice esthétique évalué à 1/7 , à l’existence d’un préjudice d’agrément et a déclaré que ses activités concernant le squash lui sont désormais inaccessibles tandis que les autres activités doivent être modérées ; l’expert a conclu à l’existence d’un préjudice fonctionnel temporaire qui peut être indemnisé à hauteur de 25 euros journaliers;

— s’agissant de l’action récursoire , il s’en remet à la sagesse de la Cour , tenant à l’absence de notification par la Caisse de la décision du 08 octobre 2012 et du jugement du Tribunal du contentieux de l’incapacité ; le concernant , la CPAM lui a notifié , suite au jugement du Tribunal du contentieux de l’incapacité , que le taux d’incapacité est de 25 %.

Suivant conclusions écrites , déposées et soutenues oralement à l’audience du 17 décembre 2019 , la Caisse primaire d’assurance maladie du Gard demande à la Cour de :

— se déclarer incompétente pour statuer sur la demande d’inopposabilité relative à la décision du taux d’IP ,

— dire et juger qu’en cas d’inopposabilité , la Caisse conserve son action récursoire sur les compléments de rente et indemnités versés par elle , ainsi sur les préjudices complémentaires ,

— prendre acte de ses remarques concernant le préjudice d’agrément ,

— fixer le quantum des indemnités allouées au titre des préjudices subis par M I-J K dans les proportions reconnues par la jurisprudence,

— condamner l’employeur à lui rembourser dans le délai de quinzaine , les sommes dont elle aura fait l’avance au titre des indemnités complémentaires assorties des intérêts légaux en cas de retard.

Elle fait valoir , principalement , que :

— suivant notification du 23 mai 2012 , elle a attribué à M I-J K une rente basée sur un taux d’incapacité permanente de 15 % ; l’absence de notification d’une décision ne constitue pas un motif d’inopposabilité mais permet uniquement à l’employeur de contester cette décision sans condition de délai ; elle rappelle que seul le Tribunal du contentieux de l’incapacité est compétent pour statuer sur le taux d’IP de 15 % ; il apparaît que la Cour n’est pas compétente pour connaître des litiges relatifs au taux d’incapacité permanente , ce contentieux relevant de la compétence exclusive du Tribunal du contentieux de l’incapacité ; le litige aurait dû être porté devant cette juridiction territorialement compétente ;

— au regard de l’indépendance des rapports entre la Caisse/assuré et la Caisse/employeur , seul le taux initialement fixé par la Caisse est opposable à l’employeur ;

— la majoration de la rente qu’elle a payée est récupérée par un capital représentatif auprès de l’employeur ; dans l’hypothèse où la Cour ferait droit à la demande d’inopposabilité de l’employeur , celle-ci ne peut faire obstacle à son action récursoire ; en effet , l’irrégularité de la procédure est sans incidence sur l’action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur ; elle ne la prive donc pas du droit de récupérer auprès de l’employeur , après reconnaissance de la faute inexcusable , les compléments de rente et indemnités qu’elle a versés ;

— elle a respecté son obligation d’information au cours de la procédure d’admission du caractère professionnel de l’accident et de la rechute ; c’est bien l’accident du travail dont a été victime M I-J K le 29 mars 2011 qui est dû à la faute inexcusable de l’employeur ; l’éventuelle inopposabilité des décisions d’attribution du taux d’incapacité permanente ne peut avoir d’incidence sur l’action récursoire de la caisse concernant les préjudices complémentaires ;

— elle demande de fixer le montant des indemnités allouées au titre des préjudices subis conformément à la jurisprudence établie en la matière .

Suivant conclusions écrites , déposées et soutenues oralement à l’audience du 17 décembre 2019 , la SARL Y Z & FILS et la SA MAAF ASSURANCES demandent à la Cour de :

— débouter M I-J K et la CPAM du Gard de l’ensemble de leurs demandes , fins et conclusions ,

— déclarer inopposable à l’employeur la décision de la Caisse du 23 mai 2012 non notifiée à la SARL Y Z & FILS relative à la rente et au taux d’incapacité permanente partielle de 15 % attribué à M I-J K ,

— lui déclarer inopposable la décision du Tribunal du contentieux de l’incapacité portant le taux d’incapacité permanente partielle à 25 % ,

— dire et juger qu’elle ne subira aucune conséquence financière au titre de l’accident de M I-J K en date du 29 mars 2011 en raison de l’inopposabilité des décisions de la CPAM et du Tribunal du contentieux de l’incapacité relatives à la fixation d’un taux d’incapacité permanente partielle de M I-J K à savoir notamment :

— l’augmentation des cotisations accident de travail et maladies ,

— capital représentatif et de couverture de la majoration de rente, arrérages de rente , arrérages à échoir capitalisés ,

— l’absence d’action récursoire de la Caisse à l’encontre de l’employeur au titre des indemnités complémentaires et de la majoration de la rente ;

— dire et juger que la CPAM est en conséquence privée de toute action récursoire contre elle.

Elles prétendent , principalement , que :

— la décision attribuant à M I-J K un taux d’incapacité de 15 % prise par la CPAM ne lui a pas été notifiée de telle sorte qu’elle est inopposable à l’employeur et qu’il n’a pas à supporter les conséquences financières de la décision d’attribution de rente ; la décision du Tribunal du contentieux de l’incapacité d’augmenter le taux à 25 % ne lui est pas non plus opposable ; ce taux s’applique à la victime , puisque seule , cette dernière , est à l’initiative du recours et que la décision

du tribunal ne lui a pas été notifiée ; la société ne pourra donc pas subir de majoration des cotisations « accident de travail et maladie professionnelle » ; la Caisse ne pourra pas non plus se prévaloir d’une action récursoire à son encontre concernant la majoration de la rente et les indemnités complémentaires ; ainsi , la Caisse sera privée de tout recours ;

— l’indemnisation sollicitée par M I-J K au titre des souffrances endurées est manifestement excessive ; ce poste de préjudice ne peut excéder un maximum de 4 000 euros au regard de la jurisprudence habituelle en la matière ;

— s’agissant du préjudice esthétique , M I-J K n’indique pas que ce poste est « temporaire » et non définitif ; ce préjudice ne pourra pas être indemnisé au delà de 500 euros ;

— s’agissant du préjudice d’agrément , M I-J K ne justifie nullement le bien fondé de sa demande ; l’expert a conclu que seule l’activité liée à la pratique du squash serait désormais inacessible ; or , M I-J K ne prouve pas qu’il pratiquait régulièrement cette activité ; si tant est qu’il y ait vraiment eu une limitation des activités que l’appelant invoque , elles ont déjà été indemnisées par le déficit fonctionnel partiel ; l’indemnité réclamée à hauteur de 20 000 euros est aussi infondée qu’excessive et sera rejetée ;

— s’agissant du déficit fonctionnel temporaire partiel , il y a une erreur sur la période de 25 % ; il doit être calculé sur 53 jours et non pas sur 54 jours ; la base d’indemnisation de ce préjudice est d’environ 20 euros par jour ; ainsi , M I-J K n’est recevable à réclamer que la somme de 265 euros .

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure , ainsi que des prétentions et moyens de parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l’audience.

MOTIFS:

Selon l’article L452-1 lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur (…) la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants.

L’article L452-2 du même code stipule que dans le cas mentionné à l’article précédent, la victime ou ses ayants droit reçoivent une majoration des indemnités qui leur sont dues en vertu du présent livre ; lorsqu’une indemnité en capital a été attribuée à la victime, le montant de la majoration ne peut dépasser le montant de ladite indemnité ; lorsqu’une rente a été attribuée à la victime, le montant de la majoration est fixé de telle sorte que la rente majorée allouée à la victime ne puisse excéder, soit la fraction du salaire annuel correspondant à la réduction de capacité, soit le montant de ce salaire dans le cas d’incapacité totale. (') Le salaire annuel et la majoration visée au troisième et au quatrième alinéa du présent article sont soumis à la revalorisation prévue pour les rentes par l’article L434-17. La majoration est payée par la caisse, qui en récupère le capital représentatif auprès de l’employeur dans des conditions déterminées par décret.

La loi N°2012-1404 du 17 décembre 2012 a créé l’article L452-3 du même code, applicable aux actions en reconnaissance de la faute inexcusable introduites à compter du 1er janvier 2013 , indépendamment de la majoration de rente qu’elle reçoit en vertu de l’article précédent, la victime a le droit de demander à l’employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d’agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. (…)La réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l’employeur.

Suivant l’article R434-32 du même code , au vu de tous les renseignements recueillis , la caisse primaire se prononce sur l’existence d’une incapacité permanente et, le cas échéant, sur le taux de celle-ci et sur le montant de la rente due à la victime (…); la décision motivée est immédiatement notifiée par la caisse primaire par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, avec mention des voies et délais de recours, à la victime (') et à l’employeur au service duquel se trouvait la victime au moment où est survenu l’accident. (…).

L’article R143-7 du même code dans sa version applicable en vigueur avant qu’il ne soit abrogé le 1er janvier 2019 , fixe les modalités de recours exercé devant le tribunal du contentieux de l’incapacité , le recours contre la décision de la caisse doit être présenté dans le délai de deux mois à compter de la date de la notification de cette décision. (')

L’article L452-3-1 du même code , créé par la loi N°2012-1404 du 17 décembre 2012 et en vigueur à compter du 1er janvier 2013 , prévoit que quelles que soient les conditions d’information de l’employeur par la caisse au cours de la procédure d’admission du caractère professionnel de l’accident (…), la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur par une décision de justice passée en force de chose jugée emporte l’obligation pour celui-ci de s’acquitter des sommes dont il est redevable à raison des articles L452-1 à L452-3.

Il résulte des article L452-12 , L452-2 et L452-3 du code de la sécurité sociale que lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur , la victime a droit à une indemnisation complémentaire : majoration de rente et indemnisation de certains préjudices. La réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la Caisse qui en récupère le montant auprès de l’employeur. Le taux d’IPP attribué à la victime sert évidemment de base de calcul à la majoration due en application de l’article L452-2 du code de sécurité sociale.

Les sommes avancées par l’organisme de sécurité sociale sont récupérées par celui-ci contre l’employeur dans le cadre d’un recours subrogatoire.

Sur l’opposabilité de la décision prise par la CPAM du Gard relative à l’attribution d’une rente et sur l’inopposabilité du jugement rendu par le Tribunal du contentieux de l’incapacité portant sur une augmentation du taux d’IPP :

sur la décision prise par la CPAM du Gard du 23 mai 2012 :

La décision motivée par laquelle la Caisse primaire d’assurance maladie se prononce sur l’existence d’une incapacité permanente et , le cas échéant , sur le taux de celle-ci et sur le montant de la rente due à la victime , est immédiatement notifiée par la caisse primaire , par tout moyen permettant de déterminer la date de réception , avec mention des voies et délais de recours , à la victime et à l’employeur au service duquel se trouvait la victime au moment où est survenu l’accident .

La décision attributive de rente n’est susceptible de faire courir le délai de forclusion de deux mois que si elle a régulièrement été notifiée à la personne tenue d’assumer la cotisation AT-MP en sa qualité d’employeur .

Pour être régulière , la procédure de notification implique que la décision soit adressée à son domicile , c’est-à-dire pour une société commerciale , à son siège social .

En l’espèce , force est de constater que la CPAM du Gard ne justifie pas avoir notifié à l’employeur au service duquel se trouvait M I-J K au moment où est survenu l’accident dont il a été victime le 29 mars 2011 , soit la SARL Y Z & FILS , la décision qu’elle a prise le 23 mai 2012 relative à « l’attribution d’une rente » sur la base d’un taux d’incapacité fixé à 15 %.

Contrairement à ce que soutient la SARL Y Z & FILS et la compagnie d’assurance , le défaut de nofication de cette décision n’est pas sanctionnée par l’inopposabilité de la décision à

l’employeur mais par l’inopposabilité du délai de recours prévu à l’article R143-7 qui stipule que le recours contre la décision de la Caisse doit être présenté devant le tribunal du contentieux de l’incapacité dans le délai de deux mois à compter de la notification .

Il ressort des éléments de la procédure et il n’est pas sérieusement discuté que la SARL Y Z & FILS a pris connaisance de cette décision litigieuse au cours de la présente instance et qu’elle n’a pas saisi le Tribunal du contentieux de l’incapacité territorialement compétent d’une contestation de la décision litigieuse .

A défaut d’une telle saisine aux fins de contestation de la décision de la Caisse du 23 mai 2012 qui a été portée à sa connaissance en cours d’instance , force est de constater que ce jour , la société n’est pas en droit de contester l’opposabilité de cette décision devant la présente Cour.

sur le jugement rendu par le Tribunal de l’incapacité :

Si la Caisse primaire d’assurance maladie est fondée en application de l’article L452-2 du code de la sécurité sociale , à récupérer auprès de l’employeur le montant de la majoration de la rente d’accident du travail attribuée à la victime en raison de la faute inexcusable de l’employeur , elle ne peut se prévaloir à l’égard de ce dernier d’une décision , même passée en force de chose jugée , rendue à l’issue d’une instance à laquelle il n’a pas été appelé.

En l’espèce , il n’est pas contesté que le jugement rendu par le Tribunal du contentieux de l’incapacité de Montpellier le 19 avril 2016 , dans le litige opposant exclusivement la CPAM du Gard à M I-J K , a retenu un taux d’IPP de 25 % dont 10 % de taux professionnel à compter du 25 avril 2012 , au lieu de 15% retenu initialement par la Caisse.

A défaut pour l’employeur d’avoir été partie à cette instance , le jugement rendu par ce tribunal lui est inopposable .

Il ressort des éléments qui précèdent , que le seul taux d’IPP opposable à la SARL Y & FILS dans le cadre de la présente procédure en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur et des conséquences financières qui en résultent , est celui qui a été fixé par la CPAM du Gard dans sa décision du 23 mai 2012 , soit un taux de 15% .

Sur la liquidation des préjudices :

En cas de faute inexcusable , la victime a droit à une indemnisation complémentaire prévue à l’article L 452-1 du même code , laquelle prend la forme d’une majoration de la rente forfaitaire ainsi qu’à la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales endurées , de ses préjudices esthétiques et d’agrément et du préjudice résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle , conformément à l’article L452-3.

La victime peut enfin demander réparation de l’ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale .

Les conclusions du rapport déposé par le Docteur C D sont précises et détaillées , non sérieusement remises en cause par les parties et constituent une base fiable de l’évaluation des préjudices subis par I-J K.

L’expert mentionne dans son rapport la nature des lésions subies par I-J K consécutivement à l’accident dont il a été victime le 29 mars 2011 :

« traumatisme indirect du rachis cervical isolé à l’origine d’une fracture non déplacée de l’arc postérieur de la 6e vertèbre cervicale. Cet accident survenant sur un rachis notoirement dégénératif radiologiquement confirmé. Sur l’absence de déplacement et le caractère tardif de la lésion , il n’a pas été totalement immobilisé. Il a bénéficié d’une rééducation fonctionnelle assidue, d’un traitement oral et a présenté dans les suites d’une rechute douloureuse 11 mois plus tard avec reprise du traitement oral sans nouvelle immobilisation jusqu’à la consolidation prononcée après expertise L141SS au 25 avril 2012 ».

Sur les souffrances endurées :

Dans la mesure où la rente répare le préjudice fonctionnel permanent , son titulaire ne peut réclamer, en sus de cette rente , l’indemnisation des souffrances physiques et morales postérieures à la consolidation ; sur le fondement de l’article L452-3 du code de la sécurité sociale , seules les souffrances physiques et morales antérieures à la consolidation peuvent être réparées.

La date de consolidation a été fixée au 25 avril 2012.

Le Dr C D conclut dans son rapport sur ce chef de préjudice : « il convient de tenir compte du choc initial , non atténué par une perte de connaissance , de l’astreinte au port d’un collier cervical puis de l’astreinte à un traitement oral appuyé par une rééducation fonctionnelle assidue. Il convient de tenir compte également des éléments douloureux ayant motivé la rechute à distance, sans intervention chirurgicale , ni hospitalisation. L’ensemble de ces éléments , y compris la douleur morale , motive une appréciation des souffrances endurées imputables à 2,5/7 selon une échelle comportant sept degrés de gravité ».

Au vu des éléments qui précèdent , il convient de fixer la réparation de ce préjudice à la somme de 5000 euros .

Sur le préjudice d’agrément :

Ce préjudice mentionné à l’article L452-3 vise exclusivement l’impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisir.

Le Docteur C D conclut dans son rapport , sur ce point : « le blessé a déclaré des activités de squash, de randonnée et de vélo. En regard de la teneur de notre examen expertal : les activités de squash sollicitant de façon intense les mouvements du rachis sont désormais inacessibles. En revanche, les activités de randonnée et de vélo peuvent être reprises en regard des seules séquelles de l’accident qui nous occupe . A ce sujet , rappelons qu’à deux reprises en post traumatique la médecine du travail s’était prononcée sur une aptitude à la reprise des activités de man’uvre maçon ce qui indique nécessairement que la marche voire la marche soutenue était autorisée. Quant à la pratique du vélo , il n’est pas démontré en l’état que cette pratique dite occasionnelle initialement soit définitivement interdite ».

I-J K sollicite à ce titre la somme de 20 000 euros et produit , à l’appui de ses prétentions :

— une licence de squash du Club des Alpilles établie au nom de I-J K pour l’année 2008/2009 ,

— une attestation établie par Mme E F selon laquelle « j’atteste sur l’honneur que j’ai pratiqué régulièrement entre 2008 et 2009 , une fois par semaine et plus quand il y avait des compétitions , l’activité de squash au 11 cour national à Graveson . Je pratiquais aussi pendant cette période de la randonnée , des sorties en discothèque pour danser et exceptionnellement de la via ferrata , de la spéologie et du canoe kayak avec M K I-J »,

— une attestation établie par Mme G H qui indique avoir « exercé des sorties dans la nature pour prendre l’air et profiter du calme, ainsi que pour y ramasser du thym , des asperges sauvages et des poireaux et aussi à des sorties en discothèque et que M K I-J a participé à toutes ces activités à cette époque (') on faisait des activités très régulièrement et c’est très nettement affaibli physiquement ainsi que moralement à partir de son accident de travail du 29 mars 2011. »,

— une attestation de Mme X qui précise avoir « fait des soirées en boîte de nuit , des baignades à la mer et du squash en 2010 et 2011 avec M K I-J et depuis la date de son accident de travail , son état s’est vraiment dégradé ».

S’il n’est pas contesté , au vu des pièces communiquées , que I-J K pratiquait régulièrement du squash pendant plusieurs années avant son accident, il n’en demeure pas moins que la victime ne justifie pas avoir poursuivi son activité en club en 2010 et jusqu’au 29 mars 2011, tout comme avoir dû cesser définitivement les activités de loisir dont il fait état qu’il pratiquait également avant son accident , comme la randonnée et les sorties en discothèque, Mme G H et Mme X mentionnant seulement un affaiblissement ou une dégradation de son état physique et moral et non pas une impossibilité de poursuivre ces activités , ce que l’expert médical indique dans son rapport.

Au vu de ces éléments , il apparaît que la demande formée par I-J K de ce chef à hauteur de 20000 euros est excessive.

Ce préjudice sera réparé justement par la somme de 8 000 euros.

Sur le déficit fonctionnel temporaire :

La réparation du déficit fonctionnel temporaire inclut , pour la période antérieure à la consolidation l’incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d’hospitalisation ; les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique ne sont pas couvertes par le livre IV du code de la sécurité sociale.

L’expert conclut , sur ce point , de la façon suivante : « pas d’incapacité temporaire totale (100%) : pas d’hospitalisation , pas d’astreinte à garder le lit ou la chambre , incapacité temporaire partielle à 25% concernant la phase aigüe des douleurs cervicales et sachant que le chirurgien traitant avait constaté dès la 7e semaine l’absence d’élément douloureux , incapacité temporaire partielle à 10% du 21 mai 2011 à la consolidation ( 25 avril 2012) ( astreinte au traitement oral intermittent et à la rééducation fonctionnelle ) (mesure thérapeutique non majorée lors de la rechute du 02 février 2012) ».

Le montant de l’indemnité journalière sollicitée par M I-J K de 25 euros est juste , celui proposé par la société et la compagnie d’assurance à hauteur de 20 euros étant manifestement insuffisant.

La réparation de ce préjudice sera fixé de la façon suivante :

DFT 25% ( jusqu’au 20 mai 2011) : 25% (25 euros X 53 jours ) =

331,25 euros

DFT 10% ( du 21 mai 2011 au 25 avril 2012 ) : 10% (25 euros X 341 jours)= 852,50 euros

Total : 1 183,75 euros

Sur le préjudice esthétique :

Ce préjudice doit être réparé en fonction notamment de l’âge , du sexe et de la situation personnelle et de famille de la victime.

Il n’est pas contesté que I-J K , marié et sans enfant , était âgé de 41 ans au moment de l’accident .

Sur ce point , l’expert note « préjudice esthétique temporaire ; la raideur cervicale donnant nécessairement une attitude guindée, le port d’un collier cervical ont pu constituer une atteinte à l’image de soi , source d’un préjudice esthétique temporaire évalué à 1/7 pendant deux mois ; préjudice esthétique définitif : la réduction des mouvements du rachis cervical intervient sur les mouvements extrêmes , elle n’est pas apparente spontanément , l’utilisation de la tige cervicale étant considérée comme normale , dans des conditions basales. Le préjudice esthétique définitif reste sans objet ».

Au vu de ces éléments , il convient d’indemniser ce préjudice à hauteur de 1 000 euros.

En conséquence, l’indemnisation des préjudices subis par M I-J K s’élève à la somme totale de 15 183,75 euros.

En application des dispositions de l’article L452-3 du code de la sécurité sociale, les sommes allouées à M I-J K seront versées directement par la Caisse d’assurance maladie du Gard , laquelle pourra récupérer les sommes déjà versées et les sommes allouées à M I-J K auprès de la société la SARL Y & FILS , en ce compris les frais d’expertise.

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant publiquement , par arrêt contradictoire , en matière de sécurité sociale et en dernier ressort ;

Vu l’article L452-13 du code de la sécurité sociale ;

Déclare opposable à la SARL Y Z & FILS , dans les rapports entre la Caisse et l’employeur , la décision prise par la Caisse primaire d’assurance maladie du Gard le 23 mai 2012 et relative à l’attribution d’une rente accident de travail au bénéfice de M I-J K sur la base d’un taux d’incapacité permanente partielle de 15% ;

Déclare inopposable à la SARL Y Z & FILS , dans les rapports entre la Caisse et l’employeur , le taux d’incapacité permanente partielle de 25% fixé par le Tribunal du contentieux de l’incapacité de Montpellier dans un jugement du 19 avril 2016 ;

Dit que la Caisse primaire d’assurance maladie du Gard pourra exercer son action récursoire contre la SARL Y Z & FILS au titre des sommes versées à M I-J K en raison de la faute inexcusable commise par l’employeur , sous réserve d’une rente calculée sur la base d’un taux d’incapacité permanente partielle de 15% , et pourra ainsi récupérer auprès de la SARL Y Z & FILS le capital représentatif de la majoration de rente allouée à la victime ;

Entérine le rapport d’expertise du Docteur C D ;

Fixe les préjudices subis par M I-J K consécutivement à l’accident du travail dont il a été victime le 29 mars 2011 comme suit :

souffrances endurées : 5 000 euros

préjudice esthétique : 1 000 euros

préjudice d’agrément : 8 000 euros

DFT : 1 183,75 euros

TOTAL 15 183,75 euros

Dit que la Caisse primaire d’assurance maladie du Gard fera l’avance à M I-J K de ces sommes dont il conviendra déduire celle de 1500 euros fixée par la Cour d’appel de céans dans un arrêt du 03 octobre 2017 à titre de provision ;

Dit que la SARL Y & FILS est de plein droit tenue de reverser à la Caisse primaire d’assurance maladie du Gard l’ensemble des sommes ainsi avancées par elle au titre de la faute inexcusable commise par elle , en ce compris les frais d’expertise ;

Condamne la SARL Y & FILS et la MAAF à payer à M I-J K la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile , en cause d’appel.

Rejette les demandes plus amples ou contraires.

Déclare le présent arrêt commun et opposable à la Caisse primaire d’assurance maladie du GARD et à la SA MAAF ASSURANCES ;

Condamne la SARL Y & FILS et la SA MAAF ASSURANCES aux dépens d’appel.

Arrêt signé par Monsieur LE MONNYER, Président et par Madame DELOR, Greffière.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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Cour d'appel de Nîmes, 5ème chambre sociale ta, 28 juillet 2020, n° 15/05576