Cour d'appel de Nîmes, 1ère chambre, 15 avril 2021, n° 20/02161

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Sur la décision

Référence :
CA Nîmes, 1re ch., 15 avr. 2021, n° 20/02161
Juridiction : Cour d'appel de Nîmes
Numéro(s) : 20/02161
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT N°

N° RG 20/02161 -

N° Portalis DBVH-V-B7E-HZFN

SL / JA

FONDS D’INDEMNISATION DES VICTIMES DE L’AMIANTE DE BAGNOLET

29 juin 2020 RG

X

C/

FONDS D’INDEMNISATION DES VICTIMES DE L’AMIANTE

Grosse délivrée

le

à

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

1re chambre

ARRÊT DU 15 AVRIL 2021

APPELANT :

Monsieur Z X

né le […] à

[…]

[…]

Représenté par Me Olivier MINGASSON de la SCP LES AVOCATS DU THELEME, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMÉE :

FONDS D’INDEMNISATION DES VICTIMES DE L’AMIANTE

[…]

[…]

[…]

Représentée par Me Alain TUILLIER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Séverine LEGER, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Jean-Christophe BRUYERE, Président

Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère

Mme Séverine LEGER, Conseillère

GREFFIER :

Mme Jade ARRIGHINO, Greffière placée, lors des débats, et Mme Maléka BOUDJELLOULI, Greffière, lors du prononcé,

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l’affaire a été régulièrement communiquée.

DÉBATS :

À l’audience publique du 08 Mars 2021, où l’affaire a été mise en délibéré au 15 Avril 2021,

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par M. Jean-Christophe BRUYERE, Président, le 15 Avril 2021, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSE DU LITIGE

M. Z X a été exposé professionnellement à l’inhalation de poussières d’amiante au sein du site de Saint Florent sur Auzonnet appartenant à la société Alstom Power Systems en qualité d’ouvrier sur machine entre le 3 mai 1976 et le 31 mai 1977, pontonier entre le 1er juin 1977 et le 31 mai 1978, ajusteur entre le 1er juin 1978 et le 31 août 1980, fraiseur entre le 1er septembre 1980 et le 31 mars 1981 et manutentionnaire entre le 1er avril 1981 et 24 décembre 1985.

Le 31 mars 31 mars 2015, la Carsat du Languedoc Roussillon a reconnu que tous les anciens salariés du site Alstom de Saint Florent sur Auzonnet faisaient partie de la catégorie exposée à l’amiante.

Le 3 août 2017, M. X a été opéré d’une colectomie subtotale gauche avec anastomose colorectale pour adénocarcinome colique Lieberkuhnien révélé par un syndrome occlusif et a subi douze cures de chimiothérapie entre le 19 septembre 2017 et le 22 février 2018.

Par rapport du 20 avril 2018, le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRMP) a constaté dans le cadre de son enquête administrative l’exposition de M. Z X à l’amiante de 1976 à 1985. Elle a en outre reconnu un lien direct de causalité entre le cancer dont souffre M. Z X et son exposition à l’amiante.

Le 30 avril 2018, la Caisse primaire d’assurance maladie a reconnu le caractère professionnel de son affection.

Le 3 juillet 2018, M. X s’est vu notifier la décision de la CPAM du Gard fixant le taux d’incapacité permanente à 80 % et lui attribuant une rente annuelle à compter du 1er mars 2018.

Par courrier recommandé du 1er août 2018, M. X a adressé une demande d’indemnisation auprès du fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA).

Le 24 janvier 2019, la commission d’examen des circonstances d’exposition à l’amiante (CECEA) a indiqué que les documents et le dossier fournis par M. Z X ne permettaient pas d’établir un lien entre sa pathologie et une exposition à l’amiante.

Par décision du 31 janvier 2019, le FIVA a rejeté la demande d’indemnisation présentée par M. Z X au motif que l’étude du dossier et les documents transmis ne permettaient pas d’établir un lien entre la pathologie et l’exposition à l’amiante.

M. X a saisi la cour d’appel de Nîmes par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 septembre 2019 afin que soit reconnu un lien de causalité entre l’exposition à l’amiante et le cancer dont il souffre et ainsi être indemnisé de son préjudice par le FIVA.

Par arrêt contradictoire du 23 avril 2020 la cour d’appel de Nîmes a :

— reçu le recours formé par M. Z X à l’encontre de la décision rendue par le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante le 31 janvier 2019 ;

— dit que le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante est tenu d’indemniser M. Z X des préjudices découlant de la pathologie adénocarcinome colique en lien avec son exposition professionnelle à l’amiante ;

— dit que le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante devra verser la somme de 1 500 euros à M. Z X sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

— rejeté tout autre demande contraire ;

— laissé les dépens de la procédure à la charge du FIVA.

Par lettre recommandée avec accusé de réception expédiée le 25 août 2020, M. X a de nouveau saisi la cour suite à l’offre d’indemnisation adressée par le FIVA le 29 juin 2020 lui proposant la somme de 64 000 euros sur le fondement d’un taux d’incapacité de 70 % à compter du 3 août 2017.

Par lettre recommandée avec accusé de réception reçue le 24 septembre 2020, M. X a saisi la cour suite à l’offre d’indemnisation adressée par le FIVA le 11 septembre 2020 aux termes de laquelle il lui était notifié l’absence d’un quelconque versement en réparation du préjudice d’incapacité fonctionnelle intégralement pris en charge par l’organisme de sécurité sociale.

Les deux recours ont été joints sous le n° de RG 20-02161 par ordonnance du 23 novembre 2020.

Dans ses dernières conclusions reçues au greffe de la cour le 4 mars 2021 auxquelles il sera renvoyé pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, M. X demande à la cour de :

— dire qu’il est bien fondé en ses demandes, fins et conclusions,

— rejeter toutes les demandes et prétentions contraires comme mal fondées

Y faisant droit,

— dire que la proposition indemnitaire du FIVA est insuffisante au regard du principe de la réparation intégrale des préjudices des victimes de l’amiante et en conséquence,

A titre principal,

— fixer le taux d’incapacité fonctionnelle à hauteur de 100 % à compter du 3 août 2017 et le maintenir pour l’avenir, à défaut subsidiairement, fixer le taux d’incapacité à 100 % pour la période allant du 3 août 2017 au 3 août 2019 et à 80 % à partir du 3 août 2019 ;

— écarter l’application du barème de capitalisation du FIVA au profit du barème de capitalisation de la Gazette du Palais datant du mois de septembre 2020 ;

— condamner le FIVA à lui verser à titre de réparation de son préjudice d’incapacité fonctionnelle à :

A titre principal un taux d’incapacité maintenu à 100 % :

• la somme de 26 253,62 euros (calculée au 30 juin 2020 et à réévaluer à la date de la décision) au titre des arriérés échus

• la somme de 124 741,33 euros au titre de la rente capitalisée à compter de la décision à venir

A titre subsidiaire en cas de réévaluation dégressive du taux à 80 % après 2 ans :

• la somme de 22 696,69 euros (calculée au 30 juin 2020 et à réévaluer à la date de la décision) au titre des arriérés échus

• la somme de 48 905,95 euros au titre de la rentre capitalisée à compter de la décision à venir

— condamner le FIVA à lui verser, à titre de réparation de son préjudice moral, la somme de 60 000 euros

— condamner le FIVA à lui verser, à titre de réparation de son préjudice physique, la somme de 30 000 euros

— condamner le FIVA à lui verser, à titre de réparation de son préjudice d’agrément, la somme de 25 000 euros

— condamner le FIVA à lui verser, à titre de réparation de son préjudice esthétique, la somme de 5 000 euros

— condamner le FIVA à lui verser, en indemnisation des frais de recours à tierce assistance, la somme de 6 720 euros.

A titre subsidiaire,

— ordonner avant de dire droit la mise en oeuvre d’une expertise médicale judiciaire

— désigner tel expert médical oncologue qu’il plaira à la cour de céans afin de :

— convoquer les parties en cause qui pourront se faire assister ou représenter par un médecin de leur choix,

— se faire remettre les documents nécessaires à la réalisation de sa mission,

— déterminer la date de première constatation de la maladie

— donner à la cour tous les renseignements permettant de déterminer le taux d’incapacité et le fixer en prenant comme référence le barème médical indicatif du FIVA

— évaluer tous ses préjudices dont notamment les souffrances physiques et morales, le préjudice d’agrément, le préjudice sexuel, le préjudice esthétique et les préjudices patrimoniaux.

— dire si son état de santé nécessite et nécessitait l’assistance d’une tierce personne et dans l’affirmative, préciser à compter de quelle date, le nombre d’heures d’assistance par jour et les gestes que nécessitait cette aide

— fixer le délai dans lequel l’expert devra déposer son rapport au greffe de la cour,

— dire que l’expert pourra s’adjoindre tout sapiteur de son choix

— dire qu’en cas d’empêchement de l’expert, il sera pourvu à son remplacement par ordonnance rendue sur requête,

— ordonner la consignation au greffe de la cour par le FIVA

— dire que, faute de consignation avant cette date, il sera fait application des dispositions de l’article 271 du code de procédure civile

— surseoir à statuer sur le quantum des préjudices dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise

— condamner le FIVA à verser à M. X une indemnité de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

— condamner le FIVA au paiement des dépens de la procédure.

Il fait essentiellement valoir que :

— le barème spécifique applicable par le FIVA est seulement indicatif et il doit être tenu compte de la situation individuelle de la victime pour l’indemnisation de ses préjudices ;

— son taux d’incapacité fonctionnel doit être fixé à 100 % à compter du 3 août 2017 sans que ce taux ne puisse être revu à la baisse à partir du 3 août 2019 en l’absence d’une évolution

favorable de l’atteinte portée à son intégrité corporelle depuis le diagnostic de sa maladie dont le FIVA ne rapporte pas la preuve contraire ;

— si une régression du taux d’incapacité devait être retenue, elle devrait être fixée au taux de 80 % fondé sur l’évaluation faite par la CPAM ;

— il appartient au juge de choisir le barème de capitalisation le plus adapté et il est sollicité l’application de la table de capitalisation publiée par la Gazette du Palais le 15 septembre 2020;

— il lui revient un solde de rente capitalisée qu’il demande au FIVA de lui verser ;

— les sommes proposées par le FIVA sont insuffisantes à assurer la réparation intégrale de son préjudice.

Dans ses dernière conclusions reçues au greffe de la cour d’appel le 25 février 2021 auxquelles il sera également renvoyé, le FIVA demande à la cour :

Sur la date de première constatation de la pathologie,

— constater l’accord des parties sur la date de première constatation du cancer du côlon soit le 3 août 2017 ;

Sur le taux d’incapacité,

— dire que la pathologie présentée pat M. X justifie un taux d’incapacité de 100 % à retenir à compter du 3 août 2017 puis de 70 % à compter du 3 août 2019 ;

Sur le préjudice fonctionnel,

— retenir le principe de la progressivité de la valeur du point d’incapacité telle que proposé par le FIVA ;

— retenir la table de capitalisation appliquée par fonds depuis le 1er juin 2017 fondée sur des projections pour l’année 2012 établies par l’INSEE dans la table 2007-2060 et un taux d’intérêt de 1,29 % ;

— dire que les indemnités versées par la CPAM à M. X au titre de sa maladie professionnelle doivent venir en déduction des sommes dues par le FIVA en réparation de son préjudice fonctionnel ;

— dire qu’il convient d’appliquer la méthode de calcul dite « vie entière » ;

— confirmer en conséquence la décision de rejet établie dans les présentes écritures; le préjudice étant entièrement pris en charge par les indemnités versées par la CPAM ;

Sur les autres préjudices extrapatrimoniaux,

— confirmer l’offre rectificative du FIVA établie dans les présentes écritures soit :

• Préjudice moral : 38 000 euros

• Préjudice physique : 23 000 euros

• Préjudice d’agrément : 23 000 euros

— confirmer l’offre du FIVA du 29 juin 2020 au titre du préjudice esthétique, soit la somme de 2 000 euros ;

Sur le préjudice lié à l’assistance d’une tierce personne,

— confirmer que M. X ne rapporte pas la preuve de la nécessité de recourir à l’assistance d’une tierce personne à raison de son cancer colique ;

— rejeter en conséquence la demande formulée par M. X en réparation de ce préjudice ;

Sur la demande d’expertise médicale,

— rejeter la demande formulée par M. X ;

— constater que la somme de 64 000 euros a été versée à M. X à titre de provision et que cette somme sera à déduire des sommes éventuellement allouées par la cour,

— débouter le requérant de l’ensemble de ses prétentions.

Le FIVA fait notamment valoir que :

— le taux d’incapacité de M. X doit être fixé à 100 % à compter du 3 août 2017 date de première constatation de la pathologie et ramené au taux de 70 % à compter du 3 août 2019 au regard de l’intervention chirurgicale qui lui a permis d’améliorer son état de santé ;

— le mode et la base de calcul qu’il a appliqué sont adaptés pour procéder à l’évaluation du préjudice fonctionnel de M. X et il convient d’appliquer la méthode de calcul « vie entière » et non celle dite « passé/futur » telle que retenue par l’appelant ;

— la table de capitalisation qu’il a appliqué a fait l’objet d’une actualisation et correspond aux données économiques actuelles ;

— le préjudice fonctionnel subi par M. X est entièrement pris en charge par son organisme de sécurité sociale et que ce faisant, il ne peut être tenu de lui verser une somme à ce titre ;

— les montants proposés au titre des différents préjudices sont adaptés à la situation personnelle de M. X ;

— la mise en place d’une expertise médicale avant de dire droit serait inutile au regard de l’examen approfondi déjà réalisé et en l’absence d’éléments nouveaux.

— la somme de 64 000 euros sollicitée par l’appelant à titre de provision, a été effectivement versée le 6 novembre 2020 à M. X et doit être déduite des sommes éventuellement allouées par la cour.

Par conclusions du 3 mars 2021, le ministère public a indiqué s’en référer à l’appréciation de la cour.

L’affaire a été fixée à l’audience du 8 mars 2021 et mise en délibéré par mise à disposition au greffe de la décision le 15 avril 2021.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’incapacité fonctionnelle :

Les pièces versées aux débats permettent d’évaluer l’ensemble des préjudices subis par M. X sans qu’il soit nécessaire d’ordonner une mesure d’expertise.

- Sur le taux du déficit fonctionnel :

Les parties s’accordent sur le taux d’incapacité fonctionnelle de 100 % à compter du 3 août 2017 mais sont en désaccord sur la méthodologie à retenir postérieurement à cette date, le FIVA demandant à la cour de retenir un taux de 70 % à compter du 3 août 2019 compte tenu d’une évolution favorable de la pathologie que M. X conteste en arguant au contraire d’une absence de consolidation et d’une aggravation de la symptomatologie dans les gestes de la vie quotidienne consécutive à l’intervention chirurgicale subie.

En application des dispositions de l’article 53. I de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, la victime d’une maladie due à une exposition à l’amiante peut obtenir la réparation intégrale de ses préjudices.

Au regard de ce principe, le barème adopté par le FIVA présente un caractère indicatif et il appartient aux juges du fond de procéder à une réparation intégrale des préjudices, sans perte ni profit pour la victime, en considération des éléments objectifs versés aux débats attestant de l’état de santé et de la réduction du potentiel physique et sensoriel de la victime.

Le FIVA est ainsi mal fondé à solliciter la réduction par principe du taux de déficit fonctionnel à 70 % à l’expiration d’un délai de deux ans à compter du diagnostic de la pathologie conformément à la méthodologie habituellement appliquée dans la prise en charge des pathologies broncho-pulmonaires.

Il appartient cependant à M. X de rapporter la preuve de son incapacité fonctionnelle dont l’ampleur est précisément contestée par le FIVA qui argue d’une évolution favorable de la pathologie compte tenu des éléments médicaux relevés dans les suites immédiates de l’intervention chirurgicale en l’absence de documents médicaux en sens contraire.

M. X se prévaut d’effets indésirables impactant son autonomie quotidienne apparus dans les suites des thérapeutiques en produisant un certificat médical du docteur B C du 22 octobre 2018, un certificat du docteur Sefssafi du 29 juillet 2020 attestant d’un 'problème de trouble du transit accéléré lié à la colectomie sub totale’ ainsi qu’un certificat du docteur Y du 3 mars 2021 faisant état de 'troubles du transit digestif et d’une neuropathique périphérique séquellaire au niveau des extrémités'.

Si M. X rapporte ainsi la preuve de l’existence de séquelles digestives, il résulte du rapport médical d’évaluation du taux d’incapacité permanente effectué le 7 mai 2018 par la CPAM du Gard que son taux d’incapacité permanente a été fixé à 80 % avec la fixation d’une date de consolidation au 28 février 2018.

Bien qu’il existe une autonomie entre l’appréciation de l’incapacité par le FIVA et celle effectuée par l’organisme de sécurité sociale, cette dernière constitue un élément indicatif qu’il convient de prendre en considération et d’examiner à l’aune des autres pièces médicales produites.

En l’état des trois certificats médicaux concordants attestant de séquelles digestives à l’origine d’une gêne dans la vie quotidienne de M. X mais dans la mesure où la thérapeutique mise en place sous forme d’intervention chirurgicale (colectomie subtotale) et de cures de chimiothérapie (12 cures suivies entre le 19 septembre 2017 et le 22 février

2018) a permis de stabiliser la pathologie diagnostiquée, il sera fait application d’un taux de déficit fonctionnel de 100 % entre le 3 août 2017 et le 3 août 2019 et de 80 % à partir du 3 août 2019.

Sur la méthodologie de calcul du préjudice :

En application des dispositions de l’article 53.IV de la loi n°2000-1257 du 23 décembre 2000, il doit être tenu compte par le FIVA des prestations énumérées à l’article 29 de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985 et des indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d’autres débiteurs du chef du même préjudice.

Il est constant que pour évaluer l’indemnisation due par le FIVA, il faut ainsi comparer les arrérages échus dus par le FIVA jusqu’à la date à laquelle la juridiction statue et ceux versés par la CPAM sur la même période puis, pour les arrérages à échoir à compter de la décision, calculer et comparer les capitaux représentatifs des deux rentes.

C’est donc vainement que le FIVA se prévaut de l’application de la méthode de calcul dite 'vie entière’ tenant compte d’une indemnisation globale avant et après la date de décision du FIVA, cette méthodologie n’étant pas de nature à permettre la réparation intégrale des préjudices subis par la victime.

S’agissant en revanche de la table de capitalisation applicable, il appartient aux juridictions du fond de déterminer la table la plus adaptée à assurer les modalités de la réparation intégrale du préjudice compte tenu des circonstances de l’espèce.

S’il est exact que la table de capitalisation doit prendre en compte l’espérance de vie actualisée ainsi qu’un taux d’intérêt pertinent au regard des données économiques actuelles, c’est à tort que M. X se prévaut d’une inadaptation de la table de capitalisation du FIVA et sollicite la table de capitalisation publiée par la Gazette du Palais le 15 septembre 2020 alors que la table de mortalité établie par le FIVA a été calculée à partir des données 2012 extraites des projections Insee de la population pour la France métropolitaine 2007-2060 en tenant compte de la population totale sans distinction de sexe, de l’espérance de vie et du solde migratoire et que le taux d’intérêt réel de 1,29 % correspond précisément aux données économiques actuelles lequel a été retenu par arrêté du 19 décembre 2016 pour la révision du barème de la valeur forfaitaire des rentes d’invalidité attribuées aux assurés sociaux en cas d’accident ou de blessures causés par un tiers.

Au regard de ces éléments, il convient donc de comparer les sommes dues au titre des arriérés échus du 4 août 2017 au 30 juin 2020 et les sommes effectivement versées par la CPAM au cours de la même période puis de comparer les montants respectifs de la rente capitalisée à partir du 1er juillet 2020 pour en déterminer ainsi s’il existe ou non un reliquat au profit de M. X.

Les calculs de l’espèce se présentent comme suit :

Les arriérés échus entre la période du 4 août 2017 au 30 juin 2020 s’établissent à la somme de 52 993,84 euros calculée au taux de 100 % de la rente annuelle de 19 436 euros jusqu’au 4 août 2019 et de 80 % entre le 4 août 2019 et le 30 juin 2020.

Compte tenu du capital versé par l’organisme de sécurité sociale sur la même période d’un montant de 30 297,15 euros, il reste un reliquat de 22 696,69 euros auquel M. X peut effectivement prétendre.

S’agissant de la capitalisation de la rente, elle se calcule comme suit :

15 548,80 euros X 17,924 = 278 696,69 euros alors que la capitalisation de la rente servie par la CPAM s’établit à 13 041,96 euros X 17,294 = 233 764,09 euros.

Il reste ainsi un solde positif d’un montant de 44 932,60 euros dont M. X est bien fondé à obtenir le règlement.

Le préjudice fonctionnel de M. X s’établit ainsi à la somme totale de 67 629,29 euros et la décision de rejet notifiée par le FIVA sera infirmée.

Sur le préjudice physique :

M. X réclame la somme de 30 000 euros en réparation de son préjudice physique que le FIVA demande à la cour de fixer à 23 000 euros.

C’est à juste titre que le FIVA soutient que ne peuvent être prises en compte dans l’évaluation de ce poste de préjudice ni les souffrances psychiques relevant du préjudice moral, ni les conséquences objectives relevant du préjudice fonctionnel.

M. X se fonde de son côté sur les souffrances endurées liées à la prise en charge de sa pathologie avec une hospitalisation de quinze jours à la suite d’une intervention chirurgicale en urgence, suivie d’un séjour de quinze jours en maison de repos et de douze séances de chimiothérapie qui lui ont été particulièrement éprouvantes. Il excipe également des troubles du transit digestif subis depuis lors, conséquences de la pathologie qui ont cependant été prises en compte dans le taux du déficit fonctionnel.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, l’indemnisation proposée par le FIVA permet d’assurer la réparation intégrale du préjudice subi par M. X.

Sur le préjudice moral :

M. X sollicite l’allocation d’une somme de 60 000 euros en réparation de son préjudice moral que le FIVA demande à la cour d’évaluer à 38 000 euros.

M. X se prévaut à cet égard du préjudice d’angoisse de mort ayant provoqué une anxiété majeure du fait de sa pathologie et des gênes occasionnées par les conséquences de cette dernière l’ayant contraint à limiter très fortement sa vie sociale. Il excipe également d’un sentiment d’injustice au regard de son ancien employeur.

Le FIVA relève à juste titre que le préjudice moral doit s’apprécier in concreto au regard de la nature de la pathologie et des possibilités thérapeutiques existantes qui ont en l’espèce permis une évolution favorable de son état de santé, la pathologie étant curable.

S’il est établi que M. X a effectivement développé un état de stress suite à l’annonce de la pathologie et aux traitements médicaux qu’il s’est vu imposer et que la gêne qu’il subit dans la vie quotidienne est à l’origine de souffrances morales dont il est bien fondé à obtenir réparation, la somme proposée par le FIVA est de nature à réparer intégralement son préjudice.

Sur le préjudice d’agrément :

M. X réclame la somme de 25 000 euros en réparation du préjudice d’agrément que le FIVA demande à la cour de fixer à hauteur de 23 000 euros.

M. X entend obtenir réparation du préjudice découlant de la cessation des activités

antérieurement pratiquées par ses soins consistant d’une part dans le bricolage et d’autre part dans son investissement à l’association de défense des anciens salariés d’Alstom Saint Florent.

Il excipe également d’un préjudice sexuel caractérisé par une perte totale de libido.

Le FIVA oppose à bon droit que le préjudice d’agrément n’a plus vocation à réparer le trouble dans les conditions d’existence qui est pris en compte dans le déficit fonctionnel permanent et qu’il ne concerne dès lors que la réparation d’un préjudice spécifique consistant dans la cessation d’une activité sportive ou de loisir antérieurement pratiquée.

Le préjudice sexuel correspond quant à lui à un préjudice autonome dont la réparation est en l’espèce sollicitée au titre du préjudice d’agrément.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, la proposition d’indemnisation du FIVA permet d’assurer la réparation intégrale du préjudice d’agrément de M. X.

Sur le préjudice esthétique :

M. X sollicite l’allocation de la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice esthétique en lieu et place de la proposition faite par le FIVA à hauteur de 2 000 euros.

Le préjudice esthétique vise à réparer l’altération significative, dommageable et objectivement établie de l’apparence physique de la victime en lien exclusif avec la pathologie de la victime.

Il en découle que si M. X est bien fondé à obtenir réparation du caractère disgracieux de la cicatrice imputable à l’intervention chirurgicale subie, laquelle peut d’ailleurs aisément être dissimulée par les vêtements, il ne peut prétendre aux conséquences d’un amaigrissement dont le lien n’est pas établi avec la pathologie.

Le préjudice sera intégralement réparé par l’allocation de la somme de 2 000 euros.

Sur l’assistance par tierce personne :

M. X sollicite l’allocation d’une somme de 6 720 euros en réparation des besoins en tierce personne rendus nécessaires entre le 3 août 2017 et le 1er mars 2018 soit jusqu’à la fin des cures de chimiothérapie, en précisant avoir bénéficié de l’assistance de sa compagne pour la réalisation des courses alimentaires et des tâches ménagères.

Le FIVA oppose que les besoins en tierce personne ne sont pas établis par les pièces médicales produites et qu’aucune perte d’autonomie n’a été caractérisée sur la période considérée.

Le besoin en tierce personne n’est pas fondé dans la mesure où il ne repose que sur l’attestation établie par la compagne de M. X et n’est pas étayé par des éléments objectifs médicaux.

Il est en outre établi que M. X a fait l’objet de plusieurs hospitalisations durant les cures de chimiothérapie de sorte qu’il bénéficiait d’une prise en charge complète incompatible avec sa demande d’indemnisation au titre de l’assistance par tierce personne.

Sa prétention à ce titre sera donc rejetée.

Sur les autres demandes :

En application des dispositions de l’article 31 du décret du 23 octobre 2001, les dépens de la procédure seront mis à la charge du FIVA et il sera alloué à M. X la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

Reçoit les recours formés par M. Z X à l’encontre des décisions rendues par le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante le 29 juin 2020 et le 11 septembre 2020 ;

Dit n’y avoir lieu à ordonner une expertise ;

Dit que la pathologie présentée par M. Z X justifie un taux d’incapacité fonctionnelle de 100 % entre le 3 août 2017 et le 3 août 2019 et de 80 % depuis cette date ;

Infirme la décision de rejet d’indemnisation du préjudice d’incapacité fonctionnelle et la proposition d’indemnisation des autres chefs de préjudice ;

Statuant à nouveau,

Fixe l’indemnisation du préjudice de M. Z X comme suit :

— Préjudice d’incapacité fonctionnelle : 67 629,29 euros après déduction des sommes versées par la CPAM ;

— Préjudice physique : 23 000 euros

— Préjudice moral : 38 000 euros

— Préjudice d’agrément : 23 000 euros

— Préjudice esthétique : 2 000 euros

— Préjudice d’assistance par tierce personne : rejet

Dit qu’après déduction de la provision versée par le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante à hauteur de la somme de 64 000 euros, le FIVA devra verser la somme résiduelle de 89 629,29 euros à M. Z X ;

Alloue à M. Z X la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile que le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante devra lui verser ;

Dit que les entiers dépens de la procédure seront mis à la charge du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante.

Arrêt signé par M. BRUYERE, Président et par Mme BOUDJELLOULI, Greffière.

LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,

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Cour d'appel de Nîmes, 1ère chambre, 15 avril 2021, n° 20/02161