Cour d'appel de Nouméa, 17 décembre 2015, n° 14/00143

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Nouméa, 17 déc. 2015, n° 14/00143
Juridiction : Cour d'appel de Nouméa
Numéro(s) : 14/00143
Décision précédente : Tribunal du travail de Nouméa, 27 octobre 2014, N° 13/37

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 17 Décembre 2015

Chambre sociale

Numéro R.G. : 14/00143

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Octobre 2014 par le Tribunal du travail de NOUMEA (RG n° :13/37)

Saisine de la cour : 19 Novembre 2014

APPELANTE

LA SOCIETE COFIGEX, SARL, représentée par son gérant en exercice M. N D

Siège social : XXX – XXX – XXX

représentée par Me Laurence AMEND-BOCKEL, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉE

Mme H U épouse B

née le XXX à XXX

représentée par la SELARL MILLIARD-MILLION, avocat au barreau de NOUMEA

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 19 Novembre 2015, en audience publique, devant la cour composée de :

M. Yves ROLLAND, Président de Chambre, président,

M. P Q, Conseiller,

M. François DIOR, Conseiller,

qui en ont délibéré, sur le rapport de M. P Q.

Greffier lors des débats: Mme Cécile KNOCKAERT

ARRÊT : contradictoire,

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,

— signé par M. Yves ROLLAND, président, et par Mme Mikaela NIUMELE, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE

Le 1er septembre 2010, Mme H U épouse B a été embauchée par la société COFIGEX en qualité de chef comptable, moyennant un salaire mensuel brut de 500 000 FCFP pour 169 heures par mois .

Le 31 octobre 2012, l’intéressée a été convoquée à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement prévu le 05 novembre 2012, et fait l’objet d’une mesure de mise à pied conservatoire immédiate.

Par un courrier du 07 novembre 2012, remis par huissier le 08, l’employeur lui a notifié son licenciement pour faute grave.

La lettre de licenciement est ainsi rédigée :

'Suite à l’entretien que nous avons eu le 05 novembre 2012, nous sommes au regret de vous informer que nous avons pris la décision de vous licencier pour faute grave au motif suivant :

Attitude négative, excessive, humiliante, avec dénigrement de la qualité du travail à l’égard de trois salariés de la Société dont deux qui, à un mois d’intervalle ont préféré démissionner plutôt que continuer à être harcelés.

Compte tenu de la gravité de cette faute, votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible ; le licenciement prend donc effet immédiatement et votre solde de tout compte sera arrêté à la date de ce jour sans indemnité de préavis ni de licenciement.

Vous voudrez bien vous présenter à nos bureaux dans les plus brefs délais pour signer le reçu pour solde de tout compte et recevoir votre certificat de travail'.

Le 24 janvier 2013, Mme H U épouse B a déposé sa requête introductive d’instance.

Par un jugement rendu le 28 octobre 2014 auquel il est renvoyé pour l’exposé du litige, le rappel des faits et de la procédure, les prétentions et les moyens des parties, le Tribunal du Travail de NOUMEA, statuant sur les demandes formées par Mme H U épouse B à l’encontre de la société COFIGEX, aux fins suivantes :

* dire qu’elle a fait l’objet d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et vexatoire,

* de condamner la société COFIGEX à lui payer les sommes suivantes :

—  106 169 FCFP au titre de l’indemnité de licenciement,

—  1 061 694 FCFP au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

—  106 169 FCFP au titre des congés payés sur préavis,

—  4 246 782 FCFP à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  1 000 000 FCFP à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire,

—  300 000 FCFP au titre des frais irrépétibles,

a :

* condamné la société COFIGEX à payer à Mme B les sommes suivantes :

—  106 169 FCFP à titre d’indemnité de licenciement,

—  1 061 694 FCFP au titre du préavis,

—  106 169 FCFP au titre des congés-payés sur préavis ,

—  3 430 000 FCFP à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  150 000 FCFP au titre des frais irrépétibles,

* fixé à 530 847 FCFP la moyenne des trois derniers mois de salaire,

* rappelé que l’exécution provisoire est de droit dans les limites prévues à l’article 886-2 du Code de procédure civile,

* ordonné l’exécution provisoire de la présente décision à hauteur de 50 % des dommages-intérêts alloués,

* débouté Mme B du surplus de ses demandes,

* dit n’y avoir lieu à dépens.

NB : l’octroi à Mme B d’une somme de 500 000 FCFP au titre de la réparation d’un préjudice moral distinct de celui causé par le licenciement, mentionné en page 7 du jugement, ne figure pas dans le 'par ces motifs’ de la décision.

Le jugement a été notifié par le greffe le même jour.

La société COFIGEX a reçu cette notification le 30 octobre 2014.

La lettre recommandée avec accusé de réception adressée à Mme H U épouse B a été retournée avec la mention : 'Boîte aux lettres dépourvue de nom'.

PROCEDURE D’APPEL

Par une requête enregistrée au greffe de la Cour le 19 novembre 2014, la société COFIGEX a déclaré relever appel de cette décision.

Dans son mémoire ampliatif d’appel déposé le 19 février 2015 et ses conclusions récapitulatives du 06 juillet 2015 contenant le dernier état de ses demandes, elle sollicite la réformation du jugement entrepris et demande à la Cour :

* de dire que le licenciement de Mme B est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

* de débouter Mme B de l’ensemble de ses demandes,

* de condamner Mme B à lui payer la somme de 300 000 FCFP sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

à titre subsidiaire :

* de limiter l’indemnisation allouée à Mme B à de plus justes proportions.

Elle fait valoir pour l’essentiel :

— qu’à la fin de l’année 2011, M. N D a fait l’acquisition de 85 % des parts sociales de la société COFIGEX qui a pour objet social l’expertise comptable,

— que Mme AK AC-AD, co-gérante et associée, détenait 15 % des parts sociales,

— que très vite, M. N D s’est aperçu que Mme H B, employée en qualité de chef de mission, se comportait comme la dirigeante de fait, les précédents gérants lui ayant donné toute autorité sur le personnel (composé de six autres personnes),

— qu’elle s’est montrée désagréable et hostile à l’égard de la nouvelle équipe,

— que la co-gérante, qui avait pour projet de quitter la structure afin de fonder son propre cabinet d’expertise comptable et qui entretenait des relations d’amitié avec Mme B, a manqué d’implication dans la gestion de la société,

— qu’à la fin de l’année 2012, les relations de travail se sont dégradées au point que deux salariés Mme X et M. F ont donné leur démission à un mois d’intervalle,

— qu’ils ont attesté avoir ressenti un malaise à travailler avec Mme B et avoir été victimes de harcèlement de sa part,

— qu’une nouvelle collaboratrice, Mme V Y, engagée en qualité de secrétaire, a fait part au gérant de ses difficultés relationnelles avec Mme B,

— qu’elle a bénéficié d’un arrêt de travail du 04 au 12 octobre 2012,

— qu’à son retour, elle a dénoncé des faits de harcèlement,

— que son attestation vient corroborer les deux précédentes,

— que deux autres salariés, Mme E et Mme G ont attesté que Mme Y souffrait de ses relations avec Mme B,

— que par la suite, le gérant a appris que Mme B avait déjà sévi de la même manière dans son emploi précédent et qu’elle avait été licenciée par le FSH pour des faits de harcèlement sur certains employés,

— que c’est dans ces conditions que Mme B a été convoquée à un entretien préalable avec mise à pied conservatoire, puis licenciée, faute d’avoir obtenu des explications satisfaisantes,

— qu’elle a contesté cette décision en faisant valoir que l’employeur avait organisé son licenciement de toutes pièces dans le but de diminuer la masse salariale,

— qu’en matière de harcèlement moral sur le lieu de travail, le droit fait peser sur l’employeur une obligation particulière de sécurité,

— qu’il doit prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral,

— que la jurisprudence en a fait une véritable obligation de résultat : non seulement faire cesser les agissements de harcèlement moral mais encore empêcher la survenance de tels agissements,

— qu’à défaut, il pourrait se voir reprocher une abstention fautive pouvant conduire le juge à retenir une faute inexcusable,

— que le harcèlement moral est constitutif d’une faute disciplinaire,

— que c’est dans ce cadre que s’est inscrite la société COFIGEX en décidant de procéder au licenciement de Mme B afin de préserver la santé et la sécurité des autres collaborateurs,

— que la dénonciation des faits de harcèlement par Mme X et M. F n’est intervenue qu’au mois d’octobre 2012,

— que les faits à l’origine de la sanction ne sont donc pas prescrits.

Par conclusions récapitulatives datées du 17 août 2015 contenant le dernier état de ses demandes, Mme H U épouse B sollicite la confirmation du jugement entrepris (en ce compris la condamnation à lui verser une somme de 500 000 FCFP au titre du licenciement vexatoire) et demande à la Cour de condamner la société COFIGEX à lui payer la somme de 280 000 FCFP sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Elle fait valoir pour l’essentiel :

— qu’elle s’entendait parfaitement avec l’ancien gérant de la société COFIGEX, M. L A,

— qu’à la fin de l’année 2011, ce dernier a vendu ses parts sociales à M. N D, déjà gérant du cabinet CE4C,

— qu’au mois de janvier 2012, le personnel de la société CE4C s’est installé dans les locaux de la société COFIGEX,

— que dès son arrivée, M. N D a déclaré à son associée, Mme AK AC-AD, que les salariés de COFIGEX étaient trop payés et pas assez efficaces par rapport à ceux de CE4C payés moins chers et plus productifs,

— que progressivement, M. N D, qui détenait la majorité des parts sociales, a mis la main sur la société,

— qu’à aucun moment il ne lui a fait part de difficultés dans l’exécution de son travail ou dans ses relations avec les autres salariés,

— que M. F a quitté la société pour créer sa propre entreprise,

— que Mme X a quitté la société parce qu’elle ne souhaitait plus travailler avec M. D et qu’elle avait trouvé un emploi dans une autre société de M. A,

— que le 31 octobre 2012 vers 11 heures 30, elle a appris que M. D souhaitait un entretien au sujet des faits de harcèlement dont elle se rendait coupable à l’égard de Mme Y,

— qu’au cours de cet entretien, M. D a déclaré qu’elle harcelait d’autres salariés,

— qu’elle a contesté ces accusations et demandé des précisions sur la nature des faits qui lui étaient reprochés,

— qu’elle n’a obtenu aucune précision de la part de M. D,

— que Mme Y s’est contentée de dire qu’elle lui disait 'bonjour’ au lieu de lui dire 'bonjour V',

— que le même jour, vers 15 heures 40, un huissier lui a remis un courrier de convocation à un entretien préalable avec mise à pied conservatoire,

— qu’immédiatement, M. D est venu dans son bureau, a débranché l’ordinateur et lui a demandé de quitter les lieux,

— que Mme AK AC-AD, associée et co-gérante de la société COFIGEX n’a pas été informée de la mesure disciplinaire envisagée,

— que fortement ébranlée par l’attitude de son employeur, elle a été arrêtée par son médecin pendant plusieurs semaines (mois de novembre et décembre 2012),

— qu’elle n’a rien à voir avec le litige qui oppose M. D et Mme AC-AD (reproches de détournement de clientèle),

— qu’en revanche, elle a appris en lisant le mémoire de la société COFIGEX que le 25 octobre 2012, M. D a reçu un courrier de Mme AC-AD l’informant de sa décision de lui céder ses parts sociales et de créer son propre cabinet,

— que son licenciement pourrait faire partie de la réaction à cette décision,

— qu’en effet, les attestations qui la mettent en cause sont datées du 26 octobre 2012,

— qu’étant considérée comme une proche de Mme AC-AD, M. D a décidé de se séparer d’elle et a cherché un motif pour la licencier,

— qu’en outre, les faits qui lui sont reprochés sont prescrits,

— qu’en effet, Mme Y aurait été arrêtée médicalement pour dépression le 18 mai 2012,

— que M. F, qui a déposé sa démission le 18 août 2012, avait deux mois de préavis à effectuer,

— que Mme X, qui a déposé sa démission le 26 août 2012, avait un mois de préavis à effectuer,

— qu’il appartient à l’employeur de rapporter la preuve de ce qu’il a eu connaissance des faits dans les deux mois de l’engagement des poursuites,

— qu’aucune preuve de cet ordre n’a été rapportée au débat,

— qu’en outre, le Tribunal a retenu que l’attestation de Mme Y contenait des allégations particulièrement imprécises, non situées dans leur contexte, et insuffisantes pour établir une attitude excessive ou humiliante telle que reprochée par l’employeur

— qu’elle a produit des attestations qui démontrent que les reproches formulés à son égard ne cadrent pas avec sa personnalité.

L’ordonnance de fixation de la date d’audience a été rendue le 19 août 2015.

MOTIFS DE LA DECISION

1) Sur la recevabilité de l’appel

Attendu que l’appel, formé dans les délais légaux, doit être déclaré recevable ;

2) Sur les demandes présentées par Mme H U épouse B

A) Sur le licenciement

Attendu qu’aux termes de l’article Lp.122-6 du Code du travail, il appartient à l’employeur d’énoncer le ou les motifs du licenciement dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige ;

Que la faute grave, dont la preuve incombe à l’employeur et à lui seul, est celle qui rend impossible le maintien du contrat de travail ;

Que le doute profite au salarié ;

a) Sur la prescription des faits reprochés à Mme H B :

Attendu qu’aux termes de l’article Lp. 132-6 du Code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales ;

Que le point de départ du délai de deux mois est le jour où l’employeur a une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits reprochés au salarié ;

Attendu qu’il résulte des pièces du dossier et des débats qu’au mois d’octobre 2012, à la suite de son second arrêt de travail du 04 au 12 octobre 2012 et après son retour dans l’entreprise, Mme V Y aurait dénoncé les faits de harcèlement commis sur sa personne par Mme H B, ce qui aurait décidé l’employeur a convoquer l’intéressée aux fins d’entendre sa version des faits ;

Qu’il convient de retenir que c’est à cette date, soit mi-octobre 2012, que l’employeur a eu une connaissance précise de la nature et de l’ampleur des faits reprochés à Mme H B à l’égard des trois salariés concernés, lesquels n’étaient pas couverts par la prescription de deux mois prévue par l’article Lp. 132-6 du Code du travail lorsque l’employeur a engagé la procédure de licenciement à son encontre ;

b) Sur les griefs reprochés à Mme H B :

Attendu que la société COFIGEX a procédé au licenciement de Mme H B pour une faute grave fondée sur son 'attitude négative, excessive, humiliante, avec dénigrement de la qualité du travail à l’égard de trois salariés de la société dont deux qui, à un mois d’intervalle ont préféré démissionner plutôt que continuer à être harcelés’ ;

Que les trois salariés visés par ce grief dans la lettre de licenciement sont :

1) M. AA F, qui a travaillé au sein de la société COFIGEX de 2008 à 2012 en qualité d’aide comptable et a donné sa démission le 18 août 2012 (a quitté l’entreprise le 18/10/2012),

2) Mme R X, qui a travaillé au sein de la société COFIGEX de 2010 à 2012 en qualité d’aide comptable et a donné sa démission le 26 août 2012 (a quitté l’entreprise le 20/09/2012),

3) Mme V Y, qui a travaillé au sein de la société COFIGEX à compter du mois de septembre 2011 en qualité d’assistante juridique (selon son attestation, secrétaire selon le registre du personnel) et qui a quitté l’entreprise le 23 février 2013 ;

S’agissant des faits concernant M. F et Mme X

Attendu que dans l’attestation qu’il a établie le 26 octobre 2012 à la demande de la société COFIGEX, M. AA F déclare : 'J’ai rencontré des difficultés dans le cadre de mon travail du fait de H B n’a cessé de me harceler me reprochant sans cesse que mon travail était mal fait ou qu’il n’avançait pas assez vite à son goût’ ;

Que l’intéressé précise qu’il a progressivement perdu confiance en lui, qu’il se sentait inutile et incapable et qu’il a préféré démissionner de son poste ;

Attendu que dans l’attestation qu’elle a établie le 26 octobre 2012 (il semble que le chiffre 2 se superpose à un chiffre 3), à la demande de la société COFIGEX, Mme R X déclare : 'J’ai rencontrée des difficultés dans le cadre de mon travail du fait que H B n’a cessé de me harceler et de mettre en doute mon travail’ ;

Que l’intéressée précise qu’elle s’est sentie déstabilisée et démotivée dans ses tâches professionnelles et qu’elle a tout fait pour changer cette situation au sein du cabinet en postulant dans d’autres sociétés ;

Attendu qu’en premier lieu il convient de relever que les attestations établies par les deux salariés démissionnaires, Mme X et M. F commencent par la même phrase : 'J’ai rencontré(e) des difficultés dans le cadre de mon travail du fait que H B n’a cessé de me harceler…' ;

Que ceci est de nature à remettre en cause leur objectivité ;

Attendu que les attestations établies par ces deux salariés sont au surplus équivoques et ne contiennent aucun fait susceptible d’être rattaché à un comportement fautif de Mme B ;

Que la motivation de leur démission peut avoir une toute autre cause, la création d’une entreprise pour M. F, une meilleure offre d’emploi pour Mme X;

Que Mme H B établit que M. F a quitté la société COFIGEX pour créer sa propre entreprise et verse aux débats l’Extrait Kis de la société AG4, une sarl. exploitée depuis le 1er août 2012, ayant pour activité 'les travaux en bâtiment général de second oeuvre et de rénovation’ et dont les gérants associés sont : M. AA F et M. AH AI AJ ;

Que ce document révèle encore que l’adresse de la société, 35 rue AE AF AG – XXX, correspond à l’adresse personnelle de M. AA F;

Que par ailleurs, l’employeur ne démontre pas que M. F a démissionné en raison des agissements Mme B à son égard ;

Que le témoignage fourni par une autre collègue de travail, Mme C, fait apparaître qu’à plusieurs reprises, Mme B a été amenée à faire des reproches justifiés à l’intéressé à propos de son travail et de son comportement ;

Attendu que la société COFIGEX soutient que Mme X, ayant appris le départ de Mme B, a pris contact avec M. D et lui a demandé s’il accepterait de la reprendre dans son équipe, et que Mme X a été embauchée;

Qu’elle a produit aux débats un contrat de travail daté du 20 novembre 2012, contenant l’engagement de Mme R X à compter du 1 er décembre 2012, pour tenir un emploi de comptable ;

Que Mme H B soutient quant à elle que l’intéressée a quitté la société COFIGEX pour se faire embaucher dans une autre société dirigée par M. A ;

Qu’en toute hypothèse les faits concernant M. F et Mme X n’apparaissent pas clairement établis et ne sauraient légitimer le licenciement de Mme H B ;

S’agissant des faits concernant Mme Y

Attendu que dans l’attestation qu’elle a établie le 29 octobre 2012 (on voit nettement un chiffre 2 qui se superpose à un chiffre 3), à la demande de la société COFIGEX, Mme V Y déclare : 'A plusieurs reprises Mme B H est intervenue dans mes tâches alors que j’ai 14 ans d’expérience professionnelle, et viens me stréssé après mes horaires en me mettant la pression. A ce jour, aucune marque de respect de sa part à mon égard, des regards, des remarques, des manipulations plus méchantes et stupides sont dirigées contre moi’ ;

Que l’intéressée précise qu’elle se réveille la nuit, qu’elle va à reculons au travail et qu’elle ne tiendra pas longtemps ayant déjà eu ce type de harcèlement ;

Attendu que les faits dénoncés par Mme V Y ne sont pas datés dans le temps et apparaissent très imprécis ;

Qu’il est légitime, pour un supérieur hiérarchique, d’intervenir dans les tâches d’un salarié qui lui est subordonné ;

Que le témoignage fourni par une autre collègue de travail, Mme Z, qui travaillait avec Mme B et Mme Y, indique qu’elle n’a jamais été témoin d’aucune brimade, agressivité, acte de dénigrement ou toute autre pression morale ou physique de la part de Mme B à l’égard de Mme Y ni envers un autre collègue, ce qui contredit les reproches formulés par l’intéressé qui déclare avoir été victime d’un manque de respect ou de comportements et manipulations méchants et stupides ;

Attendu qu’il en va de même en ce qui concerne l’attestation établie par Mme C qui décrit Mme B comme une femme douce, travailleuse, compétente, qu’elle n’a jamais vu crier ni humilier Mme Y ni aucun autre salarié ;

Que ce témoin précise qu’il arrivait à Mme B de faire des remarques justifiées à Mme Y à propos d’erreurs portées sur le cahier de transmission ou du retard dans son travail mais ajoute qu’il est abusif de considérer ces faits comme du harcèlement ;

Que le dossier fait état d’un premier arrêt de travail pour Mme Y intervenu au mois de mai 2012 ;

Que l’employeur ne justifie d’aucun avertissement oral ou écrit adressé à la suite de cet incident à Mme B alors même que les faits reprochés sont considérés par lui comme graves et qu’ils auraient perduré dans le temps ;

Attendu qu’il résulte des réponses apportées par Mme AK AC-AP, co-gérante de la société COFIGEX, que le départ de M. F et de Mme X ne sont pas liés à l’attitude de Mme H B et qu’aucun salarié n’est jamais venu se plaindre auprès d’elle de faits de harcèlement de la part de celle-ci;

Qu’au vu de ces éléments, il apparaît que les faits relatés par ces trois personnes sont insuffisants pour établir l’existence d’une attitude négative, excessive, d’un comportement humiliant, d’une volonté de dénigrement de leur travail, tels que reprochés à Mme H B par son employeur, la société COFIGEX ;

Attendu qu’au vu des développements qui précèdent, c’est par une juste appréciation du fait et du droit que le premier juge a retenu que les griefs liés au comportement de Mme H B n’étaient pas établis et a dit que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Qu’il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris sur ce point ;

B) Sur l’indemnisation du licenciement abusif

Attendu qu’au visa des articles Lp. 122-22 , Lp. 122-27 et Lp. 122-35 du Code du travail et des éléments se rapportant au montant du salaire de Mme H B (530 847 FCFP), de son ancienneté au sein de l’entreprise (26 mois), de son âge au moment du licenciement (49 ans), c’est à juste titre que le premier juge lui a accordé les sommes suivantes :

* 106 169 FCFP au titre d’indemnité de licenciement,

* 1 061 694 FCFP au titre du préavis,

* 106 169 FCFP au titre des congés-payés sur préavis ,

* 3 430 000 FCFP à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du licenciement dépourvu de réelle et sérieuse ;

Qu’il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris sur ce point ;

C) Sur l’indemnisation du préjudice moral

Attendu qu’il est constant qu’un licenciement, même justifié par une cause réelle et sérieuse, ne doit pas être vexatoire et qu’à défaut l’employeur peut être condamné à payer au salarié des dommages-intérêts ;

Qu’en l’espèce, il est établi que les circonstances du licenciement ont été particulièrement brutales, Mme H B ayant fait l’objet d’une mesure de mise à pied immédiate devant ses collègues de travail juste après l’entretien au cours duquel elle avait été confrontée à Mme V Y et alors même qu’aucun avertissement préalable ne lui avait été notifié par l’employeur ;

Qu’au vu de ces circonstances, c’est à juste titre que le premier juge a considéré que Mme H B justifiait d’un préjudice moral distinct de celui causé par le licenciement et lui a accordé la somme de 500 000 FCFP à titre de dommages-intérêts;

Qu’il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris sur ce point également, sauf à le préciser dans le « par ces motifs » ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire déposé au greffe ;

Déclare l’appel recevable en la forme ;

Confirme le jugement rendu le 28 octobre 2014 par le Tribunal du Travail de NOUMEA en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant ;

Condamne la société COFIGEX à payer Mme H B la somme de 500 000 FCFP à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral distinct, mention omise dans le dispositif du jugement confirmé ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires comme mal fondées ;

Vu les dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, condamne la société COFIGEX à payer Mme H B la somme de 250 000 FCFP ;

Dit n’y avoir lieu à statuer sur les dépens.

Le greffier, Le président.

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code du travail
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