Cour d'appel d'Orléans, 31 mars 2016, n° 15/02706

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Orléans, 31 mars 2016, n° 15/02706
Juridiction : Cour d'appel d'Orléans
Numéro(s) : 15/02706
Décision précédente : Tribunal de grande instance d'Orléans, 16 juillet 2015

Texte intégral

COUR D’APPEL D’ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 31/03/2016

SCP LEROY

SELARL DUPLANTIER – XXX

ARRÊT du : 31 MARS 2016

N° : 166 – 16 N° RG : 15/02706

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Grande Instance d’ORLEANS en date du 17 Juillet 2015

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265169753570662

La SARL CITYA RÉPUBLIQUE

prise en la personne de son représentant légal

XXX

XXX

représentée par Me Hugues LEROY de la SCP LEROY, avocat postulant au barreau D’ORLÉANS

D’UNE PART

INTIMÉS : – Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265169324295610

Monsieur Y B

XXX

XXX

La SARL CENTURY 21 – AGENCE DES 3 ROIS

Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

XXX

45110 CHATEAUNEUF-SUR-LOIRE

représentés par Me Sonia MALLET GIRY de la SELARL DUPLANTIER – XXX, avocat postulant au barreau d’ORLEANS,

ayant pour avocat plaidant Me David WEISSBERG de la SCP SYMCHOWICZ WEISSBERG, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Mélanie ROUX, avocat au barreau de PARIS

D’AUTRE PART

DÉCLARATION D’APPEL en date du : 20 Juillet 2015.

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 4 février 2016

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats, du délibéré :

Monsieur Alain RAFFEJEAUD, Président de chambre,

Madame Elisabeth HOURS, Conseiller,

Monsieur Thierry MONGE, Conseiller.

Greffier :

Madame Anne-Chantal PELLÉ, Greffier lors des débats et du prononcé.

DÉBATS :

A l’audience publique du 25 FEVRIER 2016, à laquelle ont été entendus Monsieur Thierry MONGE, Conseiller, en son rapport et les avocats des parties en leurs plaidoiries.

ARRÊT :

Prononcé le 31 MARS 2016 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

EXPOSÉ :

Y X, employé depuis 2010 par la société Citya République en qualité de gestionnaire de copropriétés, a démissionné par lettre du 1er août 2014 et a obtenu le 4 août de son employeur la levée de la clause de non-concurrence qui était stipulée pour une durée de deux années dans son contrat de travail. À l’issue de son préavis, il a été embauché en novembre 2014 par la société Century 21 Agence des Trois Rois, pour laquelle il a également exercé une activité de gestionnaire de copropriétés. Autorisée à agir à jour fixe, la société Citya République a fait assigner M. X et la S.A.R.L. Century 21, par actes du 31 mars 2015, afin de les voir condamner sous astreinte à cesser leurs actes de concurrence déloyale et d’exploiter le fichier des copropriétés de ses clientes, ainsi qu’à lui payer 100.000 euros de dommages et intérêts sauf à voir prescrire une expertise pour chiffrer sa perte de chiffres d’affaires et lui allouer alors une provision de 50.000 euros.

Par jugement du 17 juillet 2015, le tribunal de grande instance d’Orléans a débouté la demanderesse de tous ses chefs de prétentions et l’a condamnée aux dépens de l’instance avec indemnité de procédure à chacun des deux défendeurs, qu’elle a déboutés de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Pour statuer ainsi, les premiers juges ont retenu que Citya République, parfaitement informée de ce qu’il pourrait ainsi poursuivre son activité de gestionnaire de copropriétés pour son compte ou celui d’une concurrente, avait librement décidé d’affranchir sans restriction son préposé du respect de la clause de non concurrence, et ils ont dit que les agissements querellés ne caractérisaient aucun fait de concurrence déloyale.

La société Citya République a relevé appel.

Les dernières écritures des parties constituées, prises en compte par la cour au titre de l’article 954 du code de procédure civile, ont été déposées :

— le 21 janvier 2016 par la société Citya République

— le 16 décembre 2015 par M. X

— le 16 décembre 2015 par la société Century 21 Agence des Trois Rois.

La société Citya République affirme que M. X lui avait assuré qu’il n’entendait plus exercer de fonctions dans le domaine de la copropriété. Elle indique, constat à l’appui, qu’il a systématiquement démarché les copropriétés dont il avait la charge chez elle, en leur proposant des tarifs alléchants, voire exceptionnels, spécialement calculés pour être inférieurs aux siens, un projet de contrat, et même une lettre à lui adresser pour ne pas la renouveler dans ses fonctions. Elle indique avoir vainement envoyé plusieurs mises en demeure aux deux intimés pour qu’ils cessent ce comportement. Elle soutient que constitue une concurrence déloyale un démarchage systématique de la clientèle d’autrui grâce à l’utilisation du fichier-clients et des renseignements essentiels s’y rapportant, tels les noms, adresses et sites internet des membres des conseils syndicaux des copropriétés qu’elle gérait, ainsi que le montant des honoraires pratiqués. Elle affirme avoir été grandement déstabilisée par ce comportement, et réclame 100.000 euros à parfaire. Subsidiairement, elle suggère une expertise pour chiffrer son préjudice et sollicite en ce cas une provision de 30.000 euros à valoir sur son indemnisation ainsi que 20.000 euros pour l’atteinte d’ores-et-déjà certaine à son fonctionnement.

Monsieur Y X sollicite la confirmation du jugement déféré. Il rappelle avoir indiqué dans sa lettre de démission qu’il entendait poursuivre son activité de gestionnaire de copropriétés, et il récuse toute manoeuvre à ce titre en contestant les attestations invoquées par l’appelante. Il fait valoir que le démarchage de la clientèle d’autrui, même par un ancien salarié, est libre, dès lors qu’il ne s’accompagne pas d’un acte déloyal, et il affirme que son démarchage des clients de Citya fut parfaitement loyal, précisant que ce n’est que sur leur sollicitation expresse qu’il communiqua, après-coup, à certains d’entre eux, un projet de contrat de syndic et des informations sur la procédure à suivre pour voter un changement de syndic en assemblée générale de copropriétaires.

À titre subsidiaire, si la cour retenait néanmoins une concurrence déloyale, il soutient que le préjudice subi par l’appelante est purement symbolique et doit être fixé à 1 euro, en affirmant que la clientèle de Citya manifestait son mécontentement depuis plusieurs années et que son chiffre d’affaires était en baisse constante, et à titre plus subsidiaire il sollicite une expertise, sans allocation d’indemnité provisionnelle.

Formant appel incident, il demande à la cour de lui allouer 1 euro de dommages et intérêts pour procédure abusive en indiquant avoir fait l’objet de mises en demeure menaçantes et d’un constat dans son bureau qui était des plus désagréables.

La S.A.R.L. Century 21 Agence des Trois Rois conclut dans les mêmes termes à la confirmation du jugement sauf à se voir allouer 10.000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive. Elle fait notamment valoir que l’appelante n’établit aucun détournement de son fichier-clients, aucun démarchage systématique, aucun acte de confusion ou de dénigrement, aucune proposition inférieure à ses tarifs habituels. Elle assure que la perte de chiffre d’affaires invoquée n’est pas démontrée, et que si elle était avérée, elle serait de toute façon sans lien avec les faits invoqués mais résulterait de l’incompétence de Citya, dont la clientèle était mécontente.

Il est référé pour le surplus aux conclusions récapitulatives des plaideurs.

L’instruction a été clôturée par une ordonnance du 4 février 2016, ainsi que les avocats des parties en ont été avisés.

MOTIFS DE L’ARRÊT :

Attendu que l’action de la société Citya République est fondée sur l’imputation d’une concurrence déloyale, et il est inopérant d’épiloguer sur les conditions dans lesquelles elle a accepté de libérer de la clause de non-concurrence M. Y X, qui s’en trouvait en droit d’exercer des fonctions de gestionnaire de copropriétés chez un concurrent et donc, en l’occurrence, dans l’agence Century 21 des Trois Rois ;

Attendu que la clientèle ne peut faire l’objet d’aucun droit privatif, et en vertu du principe de la liberté du commerce et de l’industrie, le démarchage de la clientèle d’autrui est libre dès lors qu’il se fait avec des moyens conformes aux usages commerciaux et ne s’accompagne pas d’actes déloyaux ;

Qu’il appartient à celui qui se dit victime d’une concurrence déloyale de la prouver ;

Que la seule circonstance que certains clients ont suivi l’ancien salarié dans une entreprise rivale ne caractérise pas une faute, en l’absence de démonstration de manoeuvres ou de pressions;

Attendu qu’en l’espèce, où l’appelante avait été judiciairement autorisée à pratiquer un constat dans l’agence Century 21 'Trois Rois’ et sur l’ordinateur professionnel utilisé par M. X, il n’y a pas été mis en évidence la présence du fichier-clients de la société Citya République, intègre ou même modifié ;

Attendu que ne peut être assimilé à un détournement du fichier-clients le fait que M. X a contacté certains présidents ou membres de conseils syndicaux de copropriétés qu’il connaissait de par ses fonctions chez Citya République en leur déclarant se tenir à leur disposition pour leur présenter les prestations et tarifs de son nouvel employeur dans la perspective où leur copropriété envisagerait de charger de syndic ;

Attendu que rien n’établit que ce démarchage, dont le constat objective une vingtaine de cas, ait été massif ou systématique ;

Qu’il n’est pas démontré qu’il se serait accompagné d’un dénigrement de la société Citya, et n’en constitue, notamment, pas un, le fait que X ait mis en avant le caractère 'raisonnable’ des tarifs qu’il proposait, ni qu’il ait indiqué que Century 21 ne pratiquait pas certains 'faux frais', quand bien même les illustrations qu’il en donne, en visant des 'forfaits papeterie’ ou des 'indemnités pointe de trésorerie', correspondraient à des pratiques tarifaires de Citya ;

Qu’il n’est pas non plus établi que ce démarchage ait été accompli en recourant à des procédés non conformes aux usages commerciaux et à cet égard, n’en constitue pas un, dans un secteur concurrentiel qui publie et affiche largement ses tarifs, le fait d’avoir évoqué -d’ailleurs dans quelques rares cas avérés- un ordre de prix de ce qu’il en coûterait à la copropriété démarchée si elle choisissait Century 21, étant observé qu’il ne s’agissait pas de véritables devis mais d’indications tarifaires générales dans un courriel ;

Qu’il n’est ni prouvé, ni véritablement soutenu, que les prix ainsi proposés aient été inférieurs aux tarifs normalement pratiqués par l’agence, y compris la remise de 20%, consentie la première année comme à tout nouveau client ;

Que ne constitue pas non plus un procédé déloyal, ni plus généralement fautif, le fait, pour M. X, d’avoir indiqué à certains des interlocuteurs qu’il avait démarché comment procéder pour changer de syndic de copropriété, et d’avoir transmis, à cette occasion, un courrier type en blanc non renseigné de demande de convocation d’assemblée générale ou de mise à l’ordre du jour d’une résolution, non plus que d’avoir fourni l’information sur les textes légaux à invoquer pour passer outre à un éventuel refus du syndic en place ;

Attendu qu’il n’est ni justifié, ni fait état, d’une confusion créée ou entretenue par M. X, que ce soit entre son activité actuelle et ses fonctions antérieures, entre son nouvel employeur et le précédent, ou de toute autre type ;

Qu’a fortiori n’est-il justifié d’aucune manoeuvre ;

Attendu que le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté la société Citya République de tous ses chefs principaux et subsidiaires de prétentions ;

Qu’il le sera aussi en ce qu’il a rejeté la demande reconventionnelle de dommages et intérêts formulée par M. X, en l’absence de preuve du caractère fautif de l’action engagée non plus que du constat -judiciairement autorisé- pratiqué en préalable ;

PAR CES MOTIFS

la cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort:

CONFIRME, en toutes ses dispositions, le jugement entrepris

y ajoutant :

DÉBOUTE les parties de leurs autres prétentions autres ou contraires

CONDAMNE la S.A.R.L. Citya République aux dépens d’appel, ainsi qu’À PAYER en application de l’article 700 du code de procédure civile une indemnité de procédure de 1.300 euros à chacun des deux intimés.

Arrêt signé par Monsieur Alain RAFFEJEAUD, Président de chambre et Madame Anne-Chantal PELLÉ, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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Textes cités dans la décision

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