Cour d'appel d'Orléans, Chambre sociale, 27 juin 2019, n° 16/01395

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Orléans, ch. soc., 27 juin 2019, n° 16/01395
Juridiction : Cour d'appel d'Orléans
Numéro(s) : 16/01395
Décision précédente : Conseil de prud'hommes d'Orléans, 30 mars 2016
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

C O U R D ' A P P E L D ' O R L É A N S

CHAMBRE SOCIALE

PRUD’HOMMES

Exp +GROSSES le 27 JUIN 2019 à

la SCP LAVAL CROZE CARPE

la SCP WEDRYCHOWSKI ET ASSOCIES

ARRÊT du : 27 JUIN 2019

MINUTE N° : 314 – 19 N° RG : N° RG 16/01395

DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’ORLÉANS en date du 31 Mars 2016 - Section : INDUSTRIE

APPELANTE :

La SARL 2EC ELEC prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social sis

[…]

[…]

représentée par la SCP LAVAL CROZE CARPE, prise en la personne de Me Philippe CROZE, avocat au barreau d’ORLEANS, substitué par Me CADINOT-MANTION, avocat au barreau d’ORLEANS

ET

INTIMÉ :

Monsieur C Y

né le […] à […]

[…]

[…]

comparant en personne, assisté de Me Audrey PALMACE, avocat au barreau d’ORLEANS substituant Me Jérôme WEDRYCHOWSKI de la SCP WEDRYCHOWSKI ET ASSOCIES, avocat au barreau d’ORLEANS

A l’audience publique du 04 Octobre 2018 tenue par Madame AH AI-AJ, Présidente de chambre et Madame Carole VIOCHE, conseiller, et ce, en l’absence d’opposition des parties, assistées lors des débats de Mme AF AG, Greffier.

Après délibéré au cours duquel Madame AH AI-AJ, Président de chambre et Madame Carole VIOCHE, conseiller, ont rendu compte des débats à la Cour composée de :

Madame AH AI-AJ, Présidente de Chambre

Madame Carole VIOCHE, Conseiller

Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, Conseiller

Puis le 27 juin 2019 (délibéré prorogé, initialement prévu le 24 Janvier 2019), Madame AH AI-AJ, Président de chambre, assistée de Mme AF AG, Greffier a rendu l’arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE :

La société 2E Elec exerce une activité de travaux d’électricité générale du bâtiment et de l’industrie, de pose de systèmes d’alarmes, d’antennes et d’installations téléphoniques et de télécommunication, câblages divers ainsi que le chauffage, la plomberie et le sanitaire.

Suivant contrat de travail à durée indéterminée du 8 février 2013 à effet du 12 février 2013, la société 2E Elec a embauché M. E Y en qualité de plombier, chauffagiste, statut non cadre, niveau III, coefficient 210 de la convention collective nationale des ouvriers du bâtiment – ouvriers (moins de dix salariés) applicable à la relation de travail et ce, moyennant un salaire brut mensuel de 1 789,71 € pour 151,67 heures de travail. A cette rémunération s’ajoutait le paiement de 17,33 heures supplémentaires structurelles (soit 39 heures de travail hebdomadaire) pour un montant brut de 255,62 €.

En dernier lieu, M. E Y était chef d’équipe plombier statut ouvrier, niveau III, position 1 coefficient 210 et percevait un salaire brut de base de 1 789,71 € pour 151,67 heures auquel s’ajoutait la rémunération pour 17,33 heures supplémentaires structurelles, la durée hebdomadaire de travail demeurant de 39 heures.

Du 7 novembre 2014 au 3 novembre 2017, il était titulaire du certificat de qualification 'brasage fort sur cuivre' délivré par GRDF.

Par courrier recommandé du 4 avril 2015, la société 2E Elec lui a notifié un avertissement pour ne pas avoir déposé les 'feuilles d’heures’ dans les délais impartis.

Le 7 avril 2015, elle lui a notifié deux avertissements : le premier pour avoir quitté prématurément un chantier le vendredi 3 avril 2015 ; le deuxième pour avoir effectué des travaux sur une colonne gaz de manière non conforme à l’étude fournie, de sorte que la validation GRDF avait été refusée.

Le 9 avril 2015, l’employeur lui a notifié un avertissement notamment, pour avoir, le 8 avril 2015, subi des menaces de la part de sa compagne.

Le 14 avril 2015, la société 2E Elec lui a notifié un avertissement pour manque de professionnalisme pour avoir validé les travaux et essais effectués malgré l’existence d’une 'fuite’ sur une colonne de gaz.

Par courrier recommandé du 18 avril 2015, M. E Y a sollicité la régularisation du paiement de sa journée d’enfant malade, de ses paniers repas, de son temps 'd’aller et retour de chantier'. Il a expliqué que les locaux de l’entreprise étant fermés le vendredi 27 mars 2015, il lui avait été impossible de transmettre les feuilles de temps dans les délais requis.

Le même jour, il a adressé un courrier à l’inspecteur du travail (avec copie à son employeur) et a affirmé que le temps de trajet entre le chantier et le dépôt constituait du temps de travail effectif et

devait être rémunéré en conséquence.

Par courrier du 28 avril 2015, l’inspecteur du travail lui a répondu avoir effectué un contrôle au sein de la société 2E Elec et que ces temps de trajet, en tant que temps travail effectif, devaient être rémunérés par son employeur.

Par courrier du 1er mai 2015, la société 2E Elec a notifié un avertissement à M. E Y pour ne pas avoir respecté ses horaires de travail et de pause.

Par courrier du 4 mai 2015 remis le 12 mai suivant, l’employeur lui a précisé que la convention collective nationale ne prévoyait pas l’existence d’une journée pour enfant malade ; que, suite au passage de l’inspecteur du travail, en application des directives de la géolocalisation, il lui devait la somme de 237,58 € et il lui a rappelé les horaires applicables à respecter.

Par un autre courrier du 4 mai 2015, elle lui a notifié un avertissement pour non-respect des horaires de l’entreprise tenant au fait qu’au cours de la semaine précédente, il avait pris une pause café en arrivant sur le chantier, soit pendant les heures de travail effectif.

Par courrier du 7 mai 2015, il lui a notifié une mise à pied conservatoire en raison de divers manquements et dans l’attente du prononcé d’une sanction disciplinaire.

Par courrier du 9 mai 2015, le salarié s’est plaint du comportement d’un autre chef d’équipe constitutif, selon lui, de 'harcèlement' et d’avoir été victime d’une 'agression physique' de sa part le 7 mai précédent. Il en a adressé une copie au procureur de la République du tribunal de grande instance d’Orléans.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 11 mai 2015, M. E Y a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 21 mai 2015.

Par courrier du 15 mai 2015, le salarié s’est plaint auprès de l’inspecteur du travail de mesures de 'représailles' exercées suite à son contrôle et a affirmé que son employeur ne respectait pas ses obligations d’affichage notamment en matière de harcèlement moral.

Le même jour, il a sollicité auprès du médecin du travail un examen médical en raison du 'harcèlement moral'.

De même, il a contesté auprès de son employeur (avec copie à l’inspecteur du travail et au procureur de la République) le bien fondé des ses avertissements, a qualifié les agissements de son employeur de harcèlement moral, a affirmé que son état de santé s’était détérioré et qu’il ferait si nécessaire usage de son droit de retrait.

Le 21 mai 2015, le médecin du travail a demandé à l’employeur de le tenir informé de l’enquête 'diligentée et des dispositions que vous avez prises afin de remédier aux effets délétères du dysfonctionnement organisationnel' éventuellement constaté.

Par courrier recommandé du 23 mai 2015, la société 2E Elec a affirmé suivre les directives de l’inspecteur du travail, que les avertissements étaient fondés et que les accusations de harcèlement moral ne l’étaient pas.

Par lettre recommandée du 28 mai 2015, la société 2E Elec lui a notifié son licenciement pour faute grave.

Le 19 juin 2015, M. E Y a saisi le conseil de prud’hommes d’Orléans, notamment, pour contester cette mesure ainsi que sa classification, et solliciter l’annulation des six avertissements.

En dernier lieu, il demandait son positionnement au coefficient 250 et le paiement du rappel de salaire afférent, de voir juger son licenciement injustifié ainsi que le paiement d’une indemnité compensatrice de préavis, d’une indemnité légale de licenciement, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

Par jugement du 31 mars 2016 auquel il est renvoyé pour un ample exposé, le conseil de prud’hommes d’Orléans a :

— dit que M. E Y devait être reclassé au coefficient 250 dans ses fonctions de chef d’équipe, conformément à la convention collective applicable ;

— requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse;

— condamné la société 2E Elec à lui payer les sommes suivantes :

¤ 855,76 € de rappel de salaire suite à reconnaissance du coefficient 250, outre 85,58 € de congés payés afférents ;

¤ 2 109,45 € de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail; ¤12 656,70 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

¤ 4 392,96 € d’indemnité compensatrice de préavis outre 439,30 € de congés payés afférents ;

¤ 988,42 € d’indemnité légale de licenciement ;

¤ 1 500 € d’indemnité de procédure ;

— ordonné à la société 2E Elec de lui remettre l’attestation Pôle emploi, le certificat de travail, les bulletins de paie 'rectifiés' depuis janvier 2014 sous astreinte de 10 € pour l’ensemble des documents, par jour de retard à compter du 15e jour suivant la notification du jugement ;

— débouté la société 2E Elec de sa demande 'reconventionnelle’ et l’a condamnée aux dépens.

Par courrier électronique du 19 avril 2016, la société 2E Elec a régulièrement relevé appel général de cette décision dont elle avait reçu notification le 3 avril précédent.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Vu les conclusions dites 'n°3" enregistrées au greffe le 20 mars 2018, régulièrement communiquées et reprises oralement à l’audience aux termes desquelles la société 2E Elec demande à la cour de :

— infirmer le jugement entrepris ;

— débouter M. E Y de l’intégralité de ses demandes ;

A titre subsidiaire,

— réduire les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à de plus justes proportions ;

en tout état de cause,

— débouter M. E Y de l’intégralité de ses demandes ;

— le condamner à lui payer la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

La société 2E Elec fait valoir en substance que :

sur le licenciement pour faute grave :

— il était le seul chef de chantier et le seul salarié détenteur de la certification de qualification gaz délivrée par GRDF ; il réalisait les commandes de matériel ; il était le seul à pouvoir vérifier et certifier que les installations étaient conformes aux normes de sécurité;

— de nombreux clients se sont plaints en 2014 de la mauvaise exécution du travail de M. E Y ; il n’a pas respecté les consignes en ne réalisant pas une conduite de gaz conforme aux normes en vigueur et à la demande du client ; il n’a pas procédé aux tests d’étanchéité ; la réitération de l’absence de contrôle des réseaux, nouveau fait fautif, l’a conduite à envisager une procédure de licenciement pour motif disciplinaire ; les fuites de gaz auraient pu avoir des conséquences dramatiques et la mauvaise exécution des travaux a entraîné pour la société des pénalités de retard ;

— plusieurs personnes relatent l’existence du travail défectueux de plomberie sur un chantier où il était chef de chantier, fonction qui devait le conduire à s’assurer de ce que le travail avait été correctement réalisé ;

— les avertissements sont fondés ; les autres salariés de l’entreprise attestent de la mauvaise exécution des travaux de la part du salarié et certains ont préféré démissionner; des clients ont également mis fin à la relation de travail avec la société pour les mêmes raisons ;

— il ne déposait jamais dans les délais impartis les feuilles d’heures et les remplissait de manière fantaisiste ; il commandait du matériel au dernier moment ; il ne respectait pas ses horaires de travail ;

— elle ne l’a pas licencié en raison de ses courriers du 18 et 27 avril 2015 ; elle l’a laissé utiliser sa liberté d’expression ;

— il ne démontre pas l’existence d’un harcèlement moral ; sur l’incident du 7 mai 2015 avec M. X, ce dernier s’est contenté de hausser le ton du fait que le salarié ne répondait pas et 'n’avait que faire de ses questions' ; la plainte auprès du procureur de la République a été classée sans suite ; il n’y a pas eu d’entretien avec le médecin du travail ;

— en tout état de cause, il ne rapporte pas la preuve d’un préjudice lié à la perte de son emploi, étant souligné qu’il a retrouvé du travail au sein de la société Bolloré Energy ;

sur l’exécution déloyale du contrat de travail,

— le salarié ne démontre ni la matérialité des faits qu’il allègue, notamment de l’agression reprochée à M. X, ni celle d’un préjudice moral.

Vu les conclusions dites 'récapitulatives n°2" enregistrées au greffe le 10 septembre 2018, régulièrement communiquées et reprises oralement à l’audience aux termes desquelles M. E Y demande à la cour de :

— confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu’il a condamné la société 2E Elec à lui payer la somme de 12 656,70 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et la somme de 2 109,45 € à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

statuant à nouveau,

— condamner la société 2E Elec à lui payer les sommes suivantes :

¤ 22 000 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

¤ 5 000 € pour exécution déloyale du contrat de travail ;

¤ 3 000 € d’indemnité de procédure ;

— condamner la société 2E Elec au paiement des intérêts légaux sur les condamnations à venir à compter de la date de saisine du conseil de prud’hommes ;

— la débouter de ses plus amples demandes, fins et conclusions contraires ;

— la condamner aux dépens.

Le salarié fait valoir en substance que :

sur l’annulation des six avertissements :

— la preuve de la matérialité des griefs qui lui sont reprochés n’est pas rapportée ; les avertissements sont disproportionnés et avaient pour but de le pousser à démissionner ;

sur l’absence de bien fondé du licenciement pour faute grave :

— les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis et ne lui sont pas imputables ;

— le premier grief a été sanctionné par un avertissement et ne pouvait donc pas être sanctionné une deuxième fois ; il n’a fait que suivre les directives de son employeur, à savoir fabriquer de manière traditionnelle la colonne de gaz alors qu’il lui avait demandé de lui fournir le matériel nécessaire pour qu’elle soit exécutée en préfabriqué ;

— le prétendu problème de soudure dans le logement n° 1 est antérieur aux avertissements dont la dernière notification remonte au 5 mai 2015 ; à cette date, l’employeur connaissait ce prétendu défaut de soudure ; en choisissant de ne pas le sanctionner, il a épuisé son pouvoir disciplinaire ; en tout état de cause, il n’est pas démontré que cette non-conformité, de même que les autres, lui soient imputables, d’autres salariés, de même que le nouveau chef d’équipe, M. X, étant habilités à effectuer des installations de gaz et ce dernier étant habilité à opérer des contrôles et ayant été chargé de le faire ; en outre, le chantier litigieux n’était pas terminé et il n’avait pas donné l’autorisation à son employeur de délivrer un certificat de conformité à la réglementation en vigueur ; il a été mis à pied avant l’ouverture du gaz ; aucune fuite de gaz ne pouvait se produire puisque la mise en gaz de l’installation n’avait pas eu lieu ;

— il a été victime du comportement de l’autre chef d’équipe qui a été embauché pour le remplacer à terme ; s’il a contesté l’ensemble des avertissements par un unique courrier du 15 mai 2015, c’est que la rapidité de leur succession en un mois ne lui a pas permis de les contester un à un ;

— sur les autres griefs, ils ont déjà été sanctionnés par un avertissement ; son départ anticipé le 3 avril ou son absence le 17 avril sont, en tout état de cause, justifiés ;

— son licenciement est une mesure de représailles au harcèlement moral qu’il a dénoncé auprès de l’inspecteur du travail ;

— contrairement à ce que prétend l’employeur, l’effectif n’est pas inférieur à dix salariés ;

sur la classification :

— en cause d’appel, l’employeur ne conteste plus sa classification en tant que chef d’équipe, coefficient 250 ;

sur les dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail :

— il a été victime de pressions de la part de son supérieur hiérarchique pour le pousser à démissionner, pressions se traduisant, notamment, par l’envoi de plusieurs courriers de reproches ; il a, en outre, été agressé par un des chefs d’équipe, M. X, et son état de santé s’est dégradé l’amenant à être placé en arrêt maladie pour 'stress, harcèlement moral, repos, traitement médical'.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1°) Sur la demande relative à la classification et au rappel de salaire et congés payés afférents :

Il appartient au salarié qui se prévaut d’une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail, de démontrer qu’il assure effectivement de façon habituelle, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu’il revendique.

Au cas d’espèce, en cause d’appel, si la société 2E Elec demande à la cour, aux termes d’une formule générale, de débouter M. E Y de toutes ses prétentions, elle n’articule aucune contestation relativement aux dispositions du jugement qui lui ont reconnu le bénéfice de la classification au coefficient 250 et au montant du rappel de salaire alloué.

La cour n’étant saisie d’aucun moyen sur ce point, le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

2°) Sur la demande d’annulation des avertissements :

En vertu de l’article L.1333-1 du code du travail, en cas de litige le juge apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits sont de nature à justifier une sanction. L’employeur fournit au juge les éléments retenus pour prendre une sanction.

Au vu de ces éléments, et ceux qui sont fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, le juge forme sa conviction, après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Le juge apprécie également le caractère proportionné de la sanction.

Entre le 4 avril et le 4 mai 2015, l’employeur a notifié au salarié sept avertissements.

Le premier avertissement, daté du 4 avril 2015, reproche au salarié le fait que, le lundi 30 mars 2015, ses feuilles de temps n’étaient toujours pas déposées au bureau de l’entreprise en dépit des consignes réitérées d’avoir à les remettre, chaque semaine, le vendredi soir, ou à défaut, au plus tard, le lundi matin suivant.

Par courrier recommandé du 18 avril 2015, M. E Y a reconnu ne pas avoir remis ses feuilles de temps le vendredi 27 mars 2015 en expliquant cependant qu’il avait été dans l’impossibilité de le faire en raison de la fermeture des locaux.

Dans les suites de ce courrier, l’employeur n’a pas contesté cette fermeture. Il ne la conteste pas plus dans le cadre de l’instance prud’homale et ne produit aucun élément, notamment, témoignage, établissant que l’accès aux locaux de l’entreprise aurait été possible. Il produit uniquement un courrier du 2 février 2015 adressé aux salariés de l’entreprise qui rappelle que les ' feuilles d’heures' doivent être transmises le dernier vendredi du mois pour l’établissement des bulletins de paie.

En l’état de ces éléments, si le défaut de remise des feuilles d’heures dans les délais impartis est établi, il n’est pas démontré qu’il ait procédé d’une attitude fautive du salarié.

L’avertissement n’est donc pas fondé et doit être annulé.

Le deuxième avertissement, daté du 7 avril 2015, fait grief au salarié d’avoir quitté prématurément le chantier de la 'Pontonnerie’ situé à Montargis le vendredi 3 avril 2015 à 15h, soit 20 minutes avant le départ des autres ouvriers du chantier, MM. F G et H I et d’avoir ainsi failli à son obligation d’exécuter toutes les heures de travail dues.

L’attestation de M. F G, électricien, est silencieuse sur ce point et ne rapporte d’ailleurs aucun fait dont il aurait été témoin de la part de M. E Y, ni ne comporte aucun propos à son sujet.

Aux termes de ses écritures, le salarié reconnaît avoir quitté le chantier avant ses collègues, mais dans le but de déposer du matériel auprès de l’entreprise CMPO de Villemandeur. Il produit le bon de retour du matériel daté du 3 avril 2015 établi à l’intention de la société Caoutchouc et Plastique pour Industrie et Bâtiment (CPIB) située à Pithiviers, ce que ne conteste pas l’employeur.

Le fait de rapporter du matériel à un fournisseur constituant la fourniture d’un travail effectif, il n’est pas établi que le salarié aurait, le 3 avril 2015, cessé de travailler dès 15 heures et failli ainsi à son obligation d’accomplir tout le temps de travail effectif dû.

Ce premier avertissement du 7 avril 2015 n’est pas fondé et doit être annulé.

Le troisième avertissement, daté du 7 avril 2015, reproche à M. E Y d’avoir réalisé, sur le chantier de 'la Pontonnerie’ à Montargis, une colonne gaz dont la validation a été refusée par la société GRDF lors d’une réunion de chantier du 18 mars 2015 car elle n’était pas conforme au projet établi par la société 2E Elec. Ce refus impliquait de refaire les travaux, d’où une perte de temps et d’argent.

La société 2E Elec verse aux débats un courriel de la société ERDF-GRDF du 18 mars 2015 à 16h19 l’informant de ce que la réception des ouvrages était reportée suite aux non conformités constatées le jour même, parmi lesquelles la réalisation de la conduite montante en gaine gaz de manière traditionnelle, mode de réalisation ne répondant pas aux spécifications ATG B600 et au projet CICM (conduites d’immeuble et conduites montantes en gaz collectif) de l’entreprise.

Il résulte d’un courrier établi par la société Logemloiret, bailleur, le 26 mai 2015 (et non 2014 comme mentionné par erreur sur ce courrier qui fait état de contrôles réalisés les 18 mars et 7 avril 2015) que le projet initialement soumis par la société 2E Elec était une colonne gaz réalisée selon la méthode traditionnelle ; qu’à réception de ces plans, la société GRDF lui avait demandé de revoir son projet et de réaliser une colonne préfabriquée ; qu’elle avait transmis un nouveau projet conforme à la demande mais que, lors du contrôle sur site le 18 mars 2015, il était apparu que la colonne gaz avait été réalisée selon le mode traditionnel; qu’un nouveau contrôle effectué le 7 avril 2015 avait encore permis de constater que la colonne n’était toujours pas réalisée 'selon les normes en vigueur', sans autre précision.

La société Logemloiret mettait la société 2E Elec en demeure de réaliser une colonne de gaz conforme aux prescriptions de GRDF sous huitaine sous peine de résiliation du marché à ses frais et

risques.

M. E Y reconnaît avoir réalisé la colonne de gaz de manière traditionnelle mais soutient avoir agi sur ordre de son employeur auquel, selon lui, il avait pourtant fourni un plan pour une réalisation en préfabriqué et afin qu’il commande le matériel nécessaire à une telle réalisation. Selon lui, l’employeur n’a pas tenu compte de ses préconisations et, par souci d’économie, il ne lui a fourni que les douilles en préfabriqué.

Il conteste avoir été chargé de la commande du matériel et soutient qu’il devait respecter les directives de son employeur en la matière. Il affirme également avoir informé de vive voix ce dernier de 'ce qui n’allait pas sur le chantier'.

M. E Y ne produit pas les plans de départ qu’il soutient avoir établis et soumis à son employeur. Le courrier susvisé de la société Logemloiret contredit son indication selon laquelle il aurait établi un projet initial en préfabriqué.

Il est défaillant à justifier de directives de son employeur lui intimant l’ordre de réaliser la colonne de gaz en mode traditionnel, en contradiction au projet finalement établi, soumis à la société GRDF et validé par elle et, qui plus est, non conforme aux normes en vigueur.

Si les attestations de trois fournisseurs de la société 2E Elec établissent que M. E Y était 'autorisé à commander et à enlever du matériel pour le compte de la société 2E Elec' et si M. J K, ancien salarié de l’entreprise, atteste de ce que l’intimé avait autorité pour effectuer les commandes de matériels pour alimenter les chantiers mais n’y procédait pas en temps utile, ces témoignages ne permettent pas d’établir ni qu’il aurait effectivement procédé à la commande du matériel nécessaire à la réalisation de la colonne de gaz litigieuse, ni, en tout cas, qu’il aurait pris l’initiative et décidé de commander, non pas du matériel pour une réalisation en préfabriqué mais du matériel pour une réalisation en fabrication traditionnel.

Quoiqu’il en soit, en sa qualité de 'responsable gaz’ au sein de la société 2E Elec (connaissances en matière de gaz validées le 14 mars 2013 par Qualigaz, organisme de contrôle de la conformité des installations domestiques de gaz), selon la 'convention nationale professionnel du gaz', M. E Y était 'le garant de la qualité et de la sécurité des installations intérieures de gaz réalisées par son entreprise' ; il était investi d’un 'rôle de conseil auprès des intervenants gaz de l’entreprise' et devait 's’assurer que l’autocontrôle des installations avait bien été effectué avant la signature des certificats de conformité, en cohérence avec le contenu de la Fiche Visa Qualité'.

Compte tenu de ses compétences professionnelles et de sa qualification 'responsable gaz', M. E Y ne pouvait pas ignorer qu’il avait réalisé une colonne gaz non conforme aux règles de l’art, aux normes en vigueur et aux spécifications de sécurité ainsi qu’au projet. Quand bien même il aurait reçu de son employeur l’ordre de réaliser une colonne gaz montante en mode traditionnel, en tant que garant de la qualité et de la sécurité des installations, il lui appartenait de refuser de suivre de telles directives, à tout le moins d’attirer par écrit l’attention de son employeur sur leur défaut de conformité et le refus de les homologuer qui ne manquerait pas d’être opposé.

Il est donc suffisamment établi qu’il a mis en place, en connaissance de cause, une colonne de gaz non conforme tant au projet de l’entreprise validé par GRDF qu’aux normes en vigueur, alors qu’il était responsable gaz et rien ne permet de considérer qu’il ait agi sur ordre. La société 2E Elec oppose de façon pertinente qu’elle n’avait aucun intérêt, notamment économique, à donner de telles instructions qui auraient nécessairement donné lieu à un refus d’agrément de GRDF et donc à la nécessité de refaire les travaux.

La manquement étant matériellement établi et son imputabilité au salarié démontrée, ce second avertissement daté du 7 avril 2015 est fondé. La demande d’annulation sera rejetée.

Le cinquième avertissement, daté du 14 avril 2015, reproche au salarié 'un manque de professionnalisme' sur le chantier de la 'Pontonnerie’ et plus exactement d’avoir refait les travaux nécessaires sur la colonne de gaz litigieuse, d’avoir assuré son employeur de leur conformité et parfaite réalisation alors que, suite à un contrôle qu’il avait effectué, ce dernier avait constaté une 'fuite dans le logement 5".

A part l’indication du logement concerné, la lettre d’avertissement ne fournit aucune indication relative à la localisation de la fuite ni d’explication technique relative à sa cause.

M. Y conteste la matérialité de ce grief et argue de ce, qu’en tout état de cause, la mise en gaz n’avait pas été faite.

L’appelante verse aux débats une attestation de M. A I, co-gérant, qui, sur ce point énonce : 'la malfaçon, retard, fuite de gaz et d’eau et non-respect de l’étude de gaz qu’il avait fait'.

Aux termes de son courriel du 9 avril 2015, le représentant de la société GRDF n’indique pas quelles non conformités ou défectuosités ont rendu impossible la réception le 7 avril précédent. Il a précisé que leur contrôleur soudeur était indisponible pour effectuer un contrôle radio des soudures.

En l’état des termes imprécis de l’avertissement quant au fait exactement reproché, des éléments imprécis et non circonstanciés soumis à la cour, la société 2E Elec ne démontre ni la réalité du défaut de soudure qu’elle invoque dans le cadre de l’instance prud’homale (défaut de soudure qu’elle ne situe toujours pas plus précisément à l’intérieur de l’appartement n° 5 – cf page 10 de ses conclusions), ni son imputabilité à M. E Y

L’avertissement du 14 avril 2015 doit en conséquence être annulé.

Le quatrième avertissement, daté du 9 avril 2015, rappelle que le salarié n’effectuait pas son travail correctement, qu’il ne transmettait pas ses feuilles d’heures dans les délais. Il lui fait ensuite grief de critiquer la 'façon d’agir' de son employeur devant ses collègues au sujet de sa rémunération et que sa compagne est venue le menacer le mercredi 8 avril 2015 devant Mme L M, secrétaire de l’entreprise.

Le salarié conteste la matérialité de ces faits. L’employeur ne produit aucune pièce de nature à en justifier. Les attestations de M. N O, électricien, et de M. P Q, électricien, sur le fait que le salarié 'critiquait l’entreprise' ou 'se moquait… des dirigeants' sont imprécises et non circonstanciées, de sorte qu’à elles seules, elles ne font pas preuve des fautes invoquées.

Par conséquent l’avertissement du 9 avril 2015 n’étant pas fondé, il sera annulé.

Le sixième avertissement, daté du 1er mai 2015, reproche à M. E Y d’avoir pris une pause méridienne le jeudi 30 avril 2015 en dehors des horaires prévus (pause prise de 11h55 à 13h10 au lieu de 12h à 13h), en présence de M. R X, chef d’équipe, ce qui, selon l’employeur, n’aurait pas été la première fois.

M. E Y conteste ce grief. L’attestation de M. F X est imprécise et non circonstanciée sur le non-respect des horaires de travail et tout particulièrement silencieuse sur la pause déjeuner du 30 avril 2015. Le manquement invoqué n’étant pas établi, l’avertissement du 1er mai 2015 est annulé.

Par voie d’ajout au jugement entrepris, les avertissements des 4, 7 (pour départ anticipé le 3 avril), 9, 14 avril et 1er mai 2015 sont annulés.

M. E Y sera par contre débouté de sa demande d’annulation du second avertissement notifié le 7 avril 2015.

) Sur le licenciement pour faute grave :

La lettre de licenciement fixe les limites du litige.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

Il incombe à l’employeur d’en rapporter la preuve, le doute profitant au salarié.

Une même faute ne peut être sanctionnée une deuxième fois.

Au cas d’espèce, M. E Y a été licencié dans les termes suivants :

' Monsieur,

Vous avez été convoqué le lundi 11 mai 2015, à un entretien préalable de licenciement, pour le jeudi 21 mai 2015 compte tenu de la gravité des faits reprochés, nous vous avons notifié une mise à pied conservatoire dans l’attente de la décision. Pendant cet entretien, vous êtes venu assisté de Mr S T.

Lors de cet entretien, nous vous avons fait part des griefs que nous étions amenés à formuler à votre encontre.

Ces griefs se rapportent à :

- suite à la réhabilitation de 8 logements collectifs situés à la pontonnerie à Montargis une validation de colonne de gaz nous a été refusée le 18 mars 2015 sur le chantier car vous ne l’avez pas réalisée selon les normes en vigueur, ce qui vaut à l’entreprise un courrier de LOGEM LOIRET où est stipulé l’incompétence et le manque de professionnalisme ainsi que les risques de résiliation du marché et les frais qui ne manqueront pas de s’accumuler (lettre recommandée de LOGEM présentée lors de l’entretien) ce qui vous a valu un avertissement en date du 7 avril 2015.

- je vous ai demandé de refaire les travaux et de faire des essais, ce que vous m’avez dit avoir fait. J’ai commencé à contrôler votre travail ainsi que l’étanchéité de l’alimentation en gaz principale de chaque logement et j’ai constaté une fuite de gaz sur une soudure dans le logement 5. (Avertissement en date du 14 avril). Je vous ai demandé de faire le nécessaire et de revérifier les autres logements.

- j’ai embauché Mr Z le 20 avril 2015, chef d’équipe Plombier, pour vous aider à finir la colonne de gaz de la pontonnerie. Mr X a refait un contrôle de la colonne une fois terminée ainsi que toute l’alimentation en gaz principale dans tous les logements. Il a constaté une fuite de gaz dans le logement 1 où il s’avère que la soudure n’était pas faite alors que vous aviez déjà contrôlé tous les réseaux suite à ma demande.

- je lui ai demandé par la même occasion de faire le tour des chantiers 'pontonnerie’ ou 'maupat’ pour vérifier le travail fait.

- le 7 mai 2015 j’ai été obligé de me déplacer sur le chantier rue Maupat à Montargis suite à l’appel téléphonique de Mr Z. Il s’est plaint de votre comportement car vous ne lui donniez pas les renseignements nécessaires pour le travail alors que vous êtes sur le chantier depuis plusieurs mois et que vous lui auriez répondu qu’il n’avait qu’à se débrouiller puisqu’il était le chef alors que vous avez le même poste dans l’entreprise, vous vous êtes disputés comme il nous le stipule dans sa lettre remise en mains propres le soir même.

- Sur ce courrier il m’a fait part de soucis qu’il a pu constater sur le chantier et dresser la liste des malfaçons constatées sur les deux chantiers en cours (liste montrée lors de l’entretien et mise au dossier).

- le même jour (7 mai 2015) nous avons reçu un recommandé de Mr U V architecte qui nous signalait la gravité des contrôles non conformes sur le chantier en cours rue Maupat et des conséquences très lourdes qui peuvent en découler. Ce qui vous a valu une mise à pied conservatoire.

- vous avez envoyé un courrier en date du 9 mai 2015 pour donner votre version des faits en ce qui concerne le 7 mai 2015 avec Mr X.

- Le matin même de l’entretien (jeudi 21 mai 2015), Mr I A est allé au rendez-vous sur le chantier Maupat où une mise en eau de 3 logements a été faite, des fuites sur plusieurs raccords sont apparues, il faut déposer une baignoire alors que la faïence est faite, de même que 2 WC sont raccordés sur le circuit d’eau chaude.

- Je vous rappelle que je vous ai embauché en tant que chef d’équipe plombier coefficient 210 et que le travail demandé a déjà été réalisé auparavant par vous et demande une technicité en adéquation avec votre coefficient. Or je ne comprends pas votre mauvaise volonté à mal faire votre travail.

- Je vous ai rappelé aussi au cours de cet entretien du jeudi 21 mai 2015 les problèmes d’heures non déposées en temps et en heures et remplies de manière fantaisistes, de commandes de matériel faites en dépit du bon sens et les heures de pause qui doivent être respectées malgré les demandes verbales, écrites, et affichées depuis de nombreux mois de la part de ma femme, de moi-même ainsi que de A.

- dans vos courriers du 18 avril et du 27 avril 2015 vous parlez de vos heures et de votre salaire mais ne répondez pas aux recommandés en date du 7 et 14 avril 2015 en ce qui concernent les malfaçons et n’indiquez pas que vous êtes harcelé moralement comme vous l’écrivez dans votre lettre du 15 mai 2015.

Lors de cet entretien vous n’avez justifié d’aucune excuse valable.

Après réflexion, nous avons donc décidé de vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave dans la mesure où les faits précités montre votre manque de professionnalisme rendant impossible la poursuite du contrat de travail sans mettre en péril la santé d’autrui (fuites de gaz), l’organisation du travail, le maintien de la discipline, l’image de l’entreprise en est bafouée, les indemnités à verser de part et d’autre mettent son équilibre financier en difficulté du au fait de refaire les travaux par nous ou par d’autres entreprises quand on est remercié.

Compte tenu de la gravité des faits reprochés, la période de mise à pied conservatoire ne vous sera pas rémunérée. […]'.

La lettre de licenciement commence par reprocher au salarié une seconde fois les faits relatifs au chantier de la Pontonnerie ayant donné lieu aux avertissements des 7 et 14 avril 2015 (non conformité de la colonne de gaz réalisée et constat d’une fuite dans le logement n° 5 en dépit de l’assurance qu’il avait donnée de la bonne réalisation et de la conformité des travaux effectués).

Ces faits ayant déjà été sanctionnés chacun par un avertissement, ils ne peuvent pas être invoqués à l’appui du licenciement de M. E Y.

Il est de même reproché au salarié, à la fin de la lettre de licenciement, le défaut de remise des feuilles d’heures dans les délais impartis et le fait de les avoir renseignées de manière fantaisiste, des commandes de matériel établies en dépit du bon sens et le non-respect des temps de pause. Ces faits ayant déjà été sanctionnés par les avertissements des 4 avril et 1er mai 2015, l’employeur ne peut pas les invoquer à l’appui du licenciement étant observé qu’il ne caractérise pas de nouveaux faits de même nature qui se seraient produits postérieurement à la notification de ces deux sanctions.

****

Concernant le chantier de la Pontonnerie, il résulte des termes de la lettre de licenciement que l’employeur fait grief à M. E Y d’être responsable, dans le logement n°1, de l’absence de soudure sur un tuyau de gaz permettant une fuite de gaz, et de ne pas l’avoir signalée alors qu’il avait affirmé avoir tout contrôlé : 'Mr X a refait un contrôle de la colonne une fois terminée ainsi que toute l’alimentation en gaz principale dans tous les logements. Il a constaté une fuite de gaz dans le logement 1 où il s’avère que la soudure n’était pas faite alors que vous aviez déjà contrôlé tous les réseaux suite à ma demande'.

La société 2E Elec produit le courrier de M. R X, plombier chauffagiste, chef d’équipe, du 7 mai 2015, confirmé par une attestation, lequel affirme avoir constaté que les 'tuyaux d’alimentation de chaudière [étaient] non soudés entre eux, juste emboités et ce malgré l’affirmation de contrôle de la part de Mr Y. Cela aurait pu être dramatique.'

Il apparaît que ce manquement a été porté à la connaissance de l’employeur par ce courrier de M. X du 7 mai 2015, soit après la notification des sept avertissements, dont le dernier du 4 mai 2015, de sorte qu’il n’avait pas épuisé son pouvoir disciplinaire de ce chef à la date de notification du licenciement.

Ce moyen doit être écarté.

M. E Y conteste tant la matérialité que l’imputabilité de ce grief.

Le courrier et l’attestation établie dans les mêmes termes par M. X sont les seules pièces que produit l’employeur à l’appui de ce grief.

Or, M. X n’indique même pas dans quel logement il a constaté ce défaut de soudure.

Il ne l’impute pas à M. E Y et ce dernier oppose sans être utilement contredit qu’il a pu être commis par un autre ouvrier.

De même, l’intimé n’est pas utilement contredit quand il fait valoir qu’à la date du 7 mai 2015, les travaux n’étaient pas terminés sur le chantier de la Pontonnerie, qu’il n’avait pas procédé à tous les contrôles et qu’en aucun cas il n’avait donné à son employeur l’autorisation de délivrer un certificat de conformité à la réglementation en vigueur. Un tel certificat signé n’est d’ailleurs pas produit par l’appelante.

Il résulte d’ailleurs de l’ 'objet' des courriels adressés à la société 2E Elec les 18 mars et 9 avril 2015 par le représentant de la société GRDF que ces interventions des 18 mars et 7 avril 2015 avaient pour seul objet la réception des 'CICM neuves’ du chantier de la Pontonnerie, c’est à dire la réception des seules conduites d’immeuble et conduites montantes en gaz collectif , de sorte que rien ne permet de considérer que le 'feu vert’ aurait été donné par M. E Y relativement à la conformité des autres installations.

Le courrier et le témoignage de M. X ne permettent pas, à eux seuls, d’établir que ce dernier aurait bien affirmé à son employeur avoir contrôlé toutes les installations, notamment, les chaudières, et l’avoir assuré de l’absence d’anomalies ou de non conformités. Ils sont très imprécis en ce que l’intéressé se contente d’indiquer : ' malgré l’affirmation de contrôle de la part de Mr Y' sans que ces énonciations permettent de s’assurer qu’il ait été directement témoin de tels propos qu’il ne relate et ne circonstancie nullement. Ce témoignage est en outre insuffisant car il existait des difficultés relationnelles entre MM. X et Y.

La preuve de ce manquement fait dès lors défaut.

Concernant le chantier de la rue Maupas, la lettre de licenciement reproche au salarié son comportement envers M. R X le 7 mai 2015 ainsi que des malfaçons.

Le courrier et l’attestation établis par M. X à ce sujet, qui ne sont corroborés par aucune autre pièce, ne permettent pas, à eux seuls, d’établir que, ce jour là, M. E Y aurait refusé de lui donner des renseignements et lui aurait dit de se débrouiller car il était le chef, pas plus qu’ils ne font preuve d’un comportement ou de propos désagréables. La preuve de la matérialité des griefs fait défaut.

Le 9 mai 2015, le cachet de la Poste faisant foi de cette date, le salarié a adressé à l’employeur un courrier très circonstancié, daté du même jour, dénonçant les reproches incessants et propos violents (à titre d’exemple: 'je vais t’emplâtrer') de M. X à son égard sur les chantiers.

Il verse aux débats le courrier adressé le 18 mai 2015 à l’inspection du travail, par M. W AA, salarié d’une entreprise tierce qui travaillait sur le chantier Maupas, (assorti de sa pièce d’identité) qui indique que M. E Y subissait de pressions et remarques désobligeantes ainsi que des propos dévalorisants de la part de M. X dont il ne cite au demeurant pas la teneur. Il relève que, le 7 mai 2015, ce dernier avait agressé verbalement M. Y sans raison valable et qu’après cette altercation, celui-ci était 'extrêmement affecté par ces agissements répétés'.

Aux termes de son courrier du 7 mai 2015, M. R X a reconnu son emportement verbal envers M. E Y et s’en est excusé auprès de l’employeur ; il a expliqué cet emportement par l’insolence de son collègue et le fait que, depuis son arrivée dans l’entreprise le 20 avril précédent, il se refusait à lui donner des informations sur les travaux en cours.

En l’état de ces éléments, si l’existence d’une altercation verbale survenue le 7 mai 2015 entre M. E Y et M. R X est établie, il n’est pas démontré qu’elle trouve son origine dans le comportement ou des propos de M. E Y, lequel doit, à tout le moins, bénéficier du doute.

Sont ensuite reprochés à M. E Y des non conformités ou malfaçons constatées par l’architecte, M. V U, sur le chantier de la rue Maupas à Amilly.

Le 6 mai 2015, M. V U, architecte a adressé aux sociétés 2E Elec, Malet, Rodrigues et Bureau un courrier aux termes duquel il leur indiquait avoir, à l’occasion d’un deuxième contrôle dans le logement n°19, faisant suite à un premier contrôle du 13 février précédent, constaté que l’étanchéité à l’air n’était toujours par satisfaisante. Il déplorait que ses préconisations aient été peu ou mal respectées et qu’aucun travail de mise en conformité n’ait été effectué sur les sept logements de l’îlot G. Il a mis en demeure la société 2E Elec de reprendre, après réouverture des plafonds, des travaux très essentiellement sur des gaines VMC et d’effectuer un travail sur le ventouse de la chaudière. L’employeur ne verse aucune pièce de nature à établir que M. E Y était spécialement en charge de ces travaux et que les malfaçons lui auraient été imputables. L’architecte ne cite pas le nom de l’intimé.

Aux termes de son courrier du 7 mai 2015 et de l’attestation qu’il a établie, M. R X impute à M. E Y des malfaçons sur des tuyaux permettant le passage de l’eau, le défaut

de raccordement de sonde extérieure d’une chaudière, des malfaçons sur des pipes de WC coupées trop longues et sur des ensembles de douches qui n’étaient pas au niveau mais aucune malfaçon relative aux gaines VMC.

M. A I, co-gérant de la société 2E Elec, dit avoir constaté avec 'l’architecte M. B', sur le chantier des Maupas, diverses malfaçons relatives à la 'pose de raccord PER en sol sous dalle béton (aucune possibilité de remplacement du PER et risque de fuite)' et le défaut de 'réalisation des étanchéités à l’air des traversées de parois pour l’acheminement des gaines VMC et sortie gaz’ que M. E Y s’était engagé à refaire lors de rendez-vous hebdomadaires. Cependant, aucune pièce, notamment aucun compte rendu de chantier, ne vient corroborer la teneur de ce témoignage laconique, de la réalité des malfaçons et, surtout, de leur imputabilité à l’intimé. Il en est de même des fuites constatées le 21 mai 2015 lors de la mise en eau de trois logements nécessitant la dépose d’une baignoire et du fait que deux WC avaient été raccordés sur le circuit d’eau chaude.

Il ressort des pièces produites par l’employeur que ce dernier a conclu un contrat de sous-traitance avec la société la Plomberie du Gâtinais le 20 janvier 2015 pour effectuer des travaux de plomberie sur le chantier rue Maupas à Amilly représentant 25 logements. Le chef de chantier de la société sous-traitante, M. AD AE, certifie qu’il est intervenu 'à la suite d’un retard accumulé sur le chantier, de plusieurs problèmes de livraison et un travaux défectueux par M. E Y'. Il n’est pas spécifié dans le contrat que le sous-traitant n’interviendra que sur un lot spécifique de logements.

Par conséquent, il n’est pas établi que les malfaçons soient imputables à M. E Y.

Ce grief n’est pas matériellement établi.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que, soit certains faits invoqués à l’appui du licenciement avaient déjà été sanctionnés par un avertissement, soit la preuve de leur matérialité et/ou de leur imputabilité à M. E Y n’est pas rapportée. Le jugement déféré doit dès lors être confirmé en ce qu’il a déclaré le licenciement de ce dernier dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le licenciement étant injustifié, M. E Y a droit au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis et d’une indemnité légale de licenciement dont les montants, non discutés par la société 2E Elec, ont été justement appréciés par les premiers juges.

Le jugement sera confirmé de ces chefs.

Les parties sont en désaccord sur le point de savoir si, au moment de la rupture, la société 2E Elec employait au moins onze ou moins de onze salariés.

Il incombe à l’employeur qui invoque un effectif inférieur à onze salariés d’en rapporter la preuve.

L’appréciation de l’effectif habituel doit se faire à la date de la présentation de la lettre de licenciement.

La société 2E ELEC produit :

¤ un tableau dactylographié de décompte des effectifs de janvier 2013 à novembre 2015 faisant ressortir qu’elle employait alors dix salariés dont deux à temps partiel ;

¤ une copie d’un extrait du registre des entrées et des sorties du personnel du 1er novembre 2008 au 4 avril 2016 ;

¤ une attestation de l’expert-comptable du 16 mars 2018 certifiant que M. A I, co-gérant, n’est plus salarié de l’entreprise mais simple co-gérant soumis au régime TNS (travailleur non salarié) depuis le 1er mai 2014 et qu’à la date du licenciement de M. E Y, l’effectif de l’entreprise était de dix salariés dont deux à temps partiel.

En l’état des éléments ainsi produits, la preuve d’un effectif inférieur à onze salariés est suffisamment rapportée.

M. E Y comptant plus de deux ans d’ancienneté dans l’entreprise au jour de son licenciement (2 ans et 3,5 mois) et celle-ci employant habituellement moins de onze salariés, trouvent à s’appliquer les dispositions de l’article L. 1235-5 du code du travail selon lesquelles, en cas de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, le salarié peut prétendre à une indemnité correspondant au préjudice subi.

L’intimé justifie avoir perçu les allocations de chômage à compter du mois de juillet 2015, avoir retrouvé assez régulièrement du travail en intérim à compter du 18 janvier 2016 et avoir, après ces missions d’intérim, été embauché en contrat de travail à durée déterminée par la société Bolloré Energy en qualité de technicien service chauffage du 1er juillet au 1er décembre 2016 puis en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er décembre 2016 avec reprise de son ancienneté à compter du 2 mai 2016 et ce, moyennant une rémunération mensuelle brute de 1900 € sur treize mois. Les avis d’impôt sur les revenus produits révèlent qu’il a perçu un revenu d’un montant de 23 306 € au titre de l’année 2014, de 19 515 € au titre de l’année 2015, de 25 835 € au titre de l’année 2016 et de 23 636 € au titre de l’année 2017. Son lieu de travail qui était situé à 6 kilomètres de son domicile quand il était embauché par la société 2E Elec est désormais situé à Orléans, soit éloigné de 55 kilomètres.

En considération de la situation particulière de M. E Y, notamment de son âge et de son ancienneté au moment de la rupture, des circonstances de celle-ci, de sa capacité à retrouver un emploi compte tenu de sa formation, les premiers juges ont fait une exacte appréciation du préjudice ayant résulté pour lui du licenciement injustifié en lui allouant la somme de 12 656,70 €. Le jugement sera confirmé sur ce point.

) Sur la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral du fait de l’exécution déloyale du contrat de travail :

Entre le 4 avril et le 4 mai 2015, soit en un mois l’employeur a notifié au salarié six avertissements dont cinq s’avèrent non fondés alors qu’il n’est justifié d’aucun reproche ni d’aucune sanction antérieurs.

Il ne fait pas débat qu’une altercation a eu lieu entre M. E Y et M. R X le 7 mai 2015. Dans un courrier remis en mains propres le même jour (confirmé par une attestation), M. R X a reconnu s’être emporté verbalement envers le salarié en imputant cet emportement à l''insolence' et au manque de professionnalisme de ce dernier. Il s’en est excusé. Cet emportement verbal est confirmé par M. W AA, peintre en bâtiment au sein de la société Guerola, qui a signalé le 18 mai 2015 à l’inspecteur du travail 'des pressions, remarques désobligeantes, ainsi que des propos dévalorisants' subis au quotidien par M. E Y de la part de M. R X sans toutefois citer de faits précis ni fournir d’autre date que celle du 7 mai 2015.

M. J K, ancien ouvrier plombier chauffagiste de la société 2E Elec, a certifié que ses rapports avec M. E Y s’étaient dégradés au point qu’il avait démissionné en février 2014. Il relate la mauvaise organisation du travail et de l’approvisionnement en matériaux imputable au chef d’équipe. M. P Q, électricien, confirme la dégradation des relations entre les ouvriers à compter de l’arrivée de M. E Y dont il indique qu’il n’avait pas une bonne

mentalité. Il fait état de sa part de mensonges et de critiques non fondées au sujet des travaux réalisés par ses collègues.

En revanche, M. AB AC, ancien salarié de la société 2E Elec atteste avoir travaillé 'sans problème particulier' avec l’intimé depuis 2011.

Le salarié produit également un avis de prolongation d’arrêt de travail (du 23 mai au 5 juin 2015, soit en partie pendant la procédure de licenciement) aux termes duquel le médecin généraliste mentionne comme éléments d’ordre médical 'stress, harcèlement moral, repos, traitement médical.'.

La multiplication d’avertissements non fondés dans un très court laps de temps que M. E Y a contestés de façon circonstanciée et qui sont intervenus en l’absence de passé disciplinaire, l’agression verbale dont il a été victime le 7 mai 2015 de la part du nouveau chef d’équipe et l’engagement d’une procédure de licenciement dès le 11 mai 2015, soit sept jours après le dernier avertissement, et la notification d’un licenciement, fondé sur des faits imprécis, déjà sanctionnés pour certains et non matériellement établis pour d’autres ou dont l’imputabilité au salarié n’est pas prouvée caractérise de la part de la société 2E Elec un manquement à l’obligation d’exécuter loyalement le contrat de travail et dont il est résulté pour le salarié un préjudice moral qui, en l’état des éléments médicaux produits, sera justement réparé par l’allocation d’une somme de 500 € de dommages et intérêts. Le jugement entrepris sera infirmé quant au montant alloué.

6°) Sur les intérêts de retard :

Il convient de rappeler que les intérêts au taux légal courent sur les sommes à caractère salarial à compter de la réception par l’employeur de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation, soit en l’espèce, le 2 juillet 2015 et, à défaut de demande initiale, à compter de la date à laquelle ces sommes ont été réclamées, et qu’ils courent sur les sommes à caractère indemnitaire à compter du jugement déféré sur le montant de la somme allouée par les premiers juges et à compter du présent arrêt pour le surplus.

PAR CES MOTIFS ;

La cour, statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;

Infirme le jugement entrepris s’agissant du montant des dommages et intérêts alloués à M. E Y en réparation du préjudice résulté pour lui du manquement de l’employeur à exécuter loyalement le contrat de travail ;

Le confirme en toutes ses autres dispositions ;

Statuant à nouveau du chef infirmé et ajoutant ;

Déclare nuls les avertissements notifiés par la société 2E Elec à M. E Y les 4, 7 (pour départ anticipé le 3 avril), 9, 14 avril et 1er mai 2015 ;

Déboute M. E Y de sa demande d’annulation du second avertissement notifié le 7 avril 2015 ;

Condamne la société 2E Elec à lui payer la somme de 500 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral ayant résulté pour lui du manquement à l’obligation d’exécuter loyalement le contrat de travail ;

Dit que les créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter du 2 juillet 2015 et celles de nature indemnitaire à compter du 31 mars 2016, date du jugement déféré;

Condamne la société 2E Elec à payer à M. E Y la somme de 2 500 € au titre de ses frais irrépétibles d’appel et la déboute elle-même de ce chef de prétention ;

La condamne aux dépens d’appel.

Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre et par le greffier

AF AG AH AI-AJ

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Cour d'appel d'Orléans, Chambre sociale, 27 juin 2019, n° 16/01395