Cour d'appel de Papeete, Chambre commerciale, 28 septembre 2017, n° 14/00400

  • Sociétés·
  • Maître d'ouvrage·
  • Polynésie française·
  • Corrosion·
  • Réseau·
  • Expert·
  • Matériel·
  • Responsabilité·
  • Mission·
  • Préjudice

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Papeete, ch. com., 28 sept. 2017, n° 14/00400
Juridiction : Cour d'appel de Papeete
Numéro(s) : 14/00400
Décision précédente : Tribunal de commerce de Papeete, 22 mai 2014, N° 228;2009000038
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

288

RB

-------------

Copise exécutoires délivrées à :

— Me Algan,

— Me Bouyssie,

— Me Merceron,

— Me Vergier,

le 05.10.2017.

Copies authentiques délivrées à :

— Me Lamourette,

— Me Jourdainne,

le 05.10.2017.

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D’APPEL DE PAPEETE

Chambre Commerciale

Audience du 28 septembre 2017

RG 14/00400 ;

Décision déférée à la Cour : jugement n° 228, rg n° 2009 000038 – du Tribunal mixte de commerce de Papeete en date du 23 mai 2014 ;

Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d’appel le 23 juillet 2014 ;

Appelant :

La X Polynésie, Sa, enregistrée au Rcs de Papeete sous le numéro 852 B, dont le siège social est situé zone immeuble de […] […], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège ;

Représentée par Me Mathieu LAMOURETTE, avocat postulant au barreau de Papeete et Me M Hughes DELORMEAU, avocat plaidant au barreau de Paris ;

Intimés :

La Société Hotelière Motu Omee S.H.M. O., Sarl, enregistrée au Rcs de Papeete sous le numéro 9143-B, dont le siège social est situé […], prise en la personne de ses

représentants domiciliés en cette qualité audit siège ;

La Société d’Ingénierie et de Gestion S.I.G., Sarl, enregistrée au Rcs de Papeete sous le numéro 6099-B, dont le siège social est situé […], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège ;

Représentées par Me Vaitiare ALGAN, avocat postulant au barreau de Papeete et Me François FROMENT-MEURICE, avocat plaidant au barreau de Paris ;

La Société H Engineering, Sa, enregistrée au Rcs de Nanterre sous le numéro 315 517 318, dont le siège social est situé 25/[…], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège ;

La Société H I, dont le siège social est […], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège ;

Représentées par Me Benoît BOUYSSIE, avocat au barreau de Papeete ;

La Société Polynésienne des Eaux et de l’Assainissement – S.P.E.A., Sa, dont le siège social est situé Allée F Loti – Titioro, […], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège ;

La C, Sa, dont le siège social est situé […], […], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège ;

Représentées par Me Muriel MERCERON, avocat postulant au barreau de Papeete et Me Franck REIBELL, avocat plaidant au barreau de Paris ;

Monsieur F B, demeurant […], […]

Représenté par Me M-Michel VERGIER, avocat au barreau de Papeete ;

Monsieur M-N Y, […]

Non comparant, assignation transformé en procès verbal de recherches en date du 30 septembre 2014 ;

La Socotec Polynésie, Sarl, inscrite au Rcs de Papeete sous le numéro 1384-B, dont le siège social est situé […], […], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège ;

Représentée par Me Gilles JOURDAINNE, avocat au barreau de Papeete ;

Ordonnance de clôture du 9 décembre 2016 ;

Composition de la Cour :

Après que la cause a été débattue et plaidée en audience publique du 30 mars 2017, devant M. BLASER, président de chambre, Mme TEHEIURA, conseiller et Mme TISSOT, vice-présidente placée auprès du premier président, qui ont délibéré conformément à la loi ;

Greffier lors des débats : Mme K-L ;

Arrêt par défaut ;

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;

Signé par M. BLASER, président et par Mme K-L, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A R R E T,

FAITS ET PROCEDURE :

En 2003, la SARL SOCIETE HOTELIERE MOTU OMEE (SHMO) a entrepris, en qualité de maître d’ouvrage, la réalisation d’un l’ensemble hôtelier de luxe, le Saint Régis, sur l’île de Bora Bora. La SARL SOCIÉTÉ D’INGÉNIERIE ET DE GESTION (SIG) est intervenue en qualité de maître d’ouvrage délégué. Chargée de la coordination générale de site, elle a confié à son salarié M. M-N Y une mission de pilotage, de gestion financière et de suivi des coûts.

La maîtrise d''uvre a été confiée à un groupement de maîtrise d''uvre générale composé de M. F B, architecte à l’enseigne TROPICALE ARCHITECTURE, et des bureaux d’études société H ENGINEERING et société H I (bureau d’études hydrauliques), chargées notamment de la conception des réseaux, de l’élaboration des CCTP et CCAP, et de la maîtrise d''uvre d’exécution.

La société SOCOTEC assurait une mission de contrôle technique.

Le marché était divisé en lots. La société X POLYNÉSIE (X) était attributaire des lots 215 courants forts et faibles services généraux, 216 génie climatique services généraux, et 217 plomberie sanitaire services généraux. Ces lots ont fait l’objet de réceptions, le 26 juillet 2006, en l’absence de la maîtrise d''uvre. Une réserve relative aux pompes échangeurs a été émise.

Au cours des mois suivants, le réseau hydraulique a présenté plusieurs désordres : fuites, pression excessive, dégradation prématurée des canalisations en raison de la corrosion ayant nécessité le remplacement de plusieurs pompes et vannes.

La SARL SHMO a demandé en référé la désignation d’un expert judiciaire. M. G Z, architecte, a déposé son rapport le 16 avril 2008. Il conclut que :

— des anomalies sont survenues sur les installations d’eau potable et d’eau chaude, caractérisées par de nombreux incidents survenus dès la fin des travaux (juin 2006) qui ont entraîné des interventions fréquentes et urgentes et la coupure des circuits d’eau ;

— les causes de ces anomalies sont l’usage de matériels inadaptés aux conditions d’utilisation tropicale sévère et directement en bord de mer, ayant entraîné l’oxydation des parties métalliques, notamment les surppresseurs et les vannes, l’usage de certains matériels en 50 Hz au lieu de 60 Hz, le mauvais calibrage des matériels pour la production d’eau chaude pour la lingerie, des mises en 'uvre non conformes aux règles de l’art (défaut de plots de blocage aux endroits vulnérables, de fixation solide au passage de certains tuyaux pour éviter les vibrations et détériorations lors de changements de pression, absence d'«antibéliers» ;

— les changements de matériel intervenus n’ont pas mis fin aux incidents puisque les caractéristiques techniques des nouveaux matériels comme des anciens ne leur permettaient pas de résister à la corrosion particulière des eaux de Bora Bora ;

— une étude technique était nécessaire pour déterminer la nature des matériaux à utiliser, mettre en place une station de traitement de reminéralisation de l’eau (l’eau provenant de l’osmoseur privé étant jusqu’à 10 fois plus agressive que celle provenant du concessionnaire, elle-même particulièrement corrosive) ;

— le maître de l’ouvrage a subi un préjudice, notamment dans son image de marque.

Par requête du 25 septembre 2008, la SARL SHMO et la SARL SIG ont demandé au tribunal mixte de commerce la condamnation in solidum des sociétés H ENGINEERING, H I, X, ainsi que des sociétés POLYNÉSIENNE DES EAUX (SPEA) et E qui assuraient respectivement la distribution de l’eau industrielle et l’assainissement et la distribution d’eau potable à Bora Bora, à une indemnité provisionnelle et l’organisation d’une nouvelle expertise. Les sociétés H ENGINEERING et H I ont appelé en cause et en garantie M. F B, M. M-N Y et la société SOCOTEC.

Par jugement du 16 avril 2010, le tribunal de commerce a rejeté les demandes d’expertise comptable et de provision et il a ordonné une expertise technique confiée à M. J A. Dans son rapport déposé le 8 août 2011, l’expert conclut que :

— le maître d’ouvrage a assuré dans les faits la direction du chantier par l’intermédiaire de M. M-N Y et il est à ce titre l’un des maîtres d''uvre ; M. Y n’a pas été le garant du respect des procédures administratives du CCAP et des exigences techniques des CCTP ;

— les réceptions ont été faites en l’absence de la maîtrise d''uvre, sans respect du CCAP (pas de procès-verbal préalable, pas d’accord écrit sur les modifications au projet (pression, osmoseur, surpresseur), et du CCTP (conduites en PVC au lieu de PE, pression non conforme) ;

— la société X est intervenue au titre de la garantie de parfait achèvement « de manière correcte mais imparfaite (analyse insuffisante des causes, modification tardive de la pression) » ;

— il ne subsiste plus de désordres au niveau de la fourniture d’eau chaude, au niveau des déboîtements et casse de tuyaux sur le réseau de distribution mais avec des risques de surpression passagère dans le réseau eau froide sanitaire, au niveau de la consommation excessive d’eau sous réserve de l’absence de détection de certaines fuites ; il subsiste un problème de corrosion du matériel dans le réseau eau froide sanitaire ;

— les causes des désordres sont le choix de matériaux inadaptés à la qualité corrosive des eaux de Bora Bora, le non-respect des CCAP et des CCTP déjà évoqué, des manquements aux règles de l’art (châssis surpresseur non fixé, robinets à papillons enterrés ou prisonniers du béton, pression d’épreuve insuffisante, absence du maître d''uvre aux opérations de réception), alors que la société H avait mis en garde le maître d’ouvrage dès 2003 ;

— les travaux à mettre en 'uvre pour remédier aux désordres sont la suppression des équipements corrodables sur le réseau de distribution, la réduction des risques sur le circuit de chauffage par un entretien préventif et la disposition à demeure de pièces de rechange, la réduction des potentialités de nouvelles casses par un contrôle constant du niveau de pression, un plan de recollement des installations, une modification du robinet à flotteur d’alimentation des réservoirs, une «reprise des effets de fond» pour tempérer les effets induits par la pression, une vérification régulière de la qualité de l’eau reminéralisée par l’osmoseur, une meilleure structuration de la maintenance ; le coût des travaux est estimé à la somme totale de 18 350 € HT.

Par jugement du 23 mai 2014, le tribunal mixte de commerce a :

— déclaré irrecevable l’action de la SARL SIG, au motif d’un défaut d’intérêt à agir en sa seule qualité

de maître d’ouvrage délégué, c’est-à-dire de mandataire de la société SHMO ;

— déclaré la société X, la société SOCOTEC et M. M-N Y responsables des dommages subis par la SARL SHMO à hauteur de 40 % (X), 40 % (Y) et 20 % (SOCOTEC), et les a condamnés in solidum à lui verser la somme de 57 056 794 FCP en réparation de ses divers préjudices, et la somme de 500 000 FCP par application de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;

— condamné la SARL SHMO à rembourser à la H ENGINEERING la somme de 10 000 000 FCP correspondant au montant de la prime d’assurance indûment retenue sur ses honoraires ;

— condamné la SARL SHMO à verser aux sociétés SPEA et C la somme de 300 000 FCP, à M. F B la somme de 300 000 FCP, et aux sociétés H ENGINEERING et H I la somme de 300 000 FCP en application de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;

— rejeté les autres demandes présentées notamment contre M. F B, les sociétés H ENGINEERING et H I et les sociétés SPEA et C aux motifs qu’aucune faute contractuelle n’était établie à leur encontre ;

— condamné la société X, la société SOCOTEC et M. M-N Y aux dépens.

Par requête régulièrement enregistrée le 23 juillet 2014 au greffe de la cour, la société X a interjeté appel de ce jugement. Par requête régulièrement enregistrée le 29 juillet 2014 au greffe de la cour, la société SOCOTEC a interjeté appel de ce jugement. Les deux procédures d’appel ont été jointes par ordonnance du 12 décembre 2014. Les SARL SHMO et SIG ont formé appel incident.

DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES DEVANT LA COUR :

1) La société X POLYNÉSIE :

Elle demande à la cour de :

— confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré l’action de la société SIG irrecevable, en l’absence d’intérêt à agir ;

— infirmer le jugement pour le surplus et mettre la société X hors de cause au motif que l’expert Z n’a constaté aucun désordre lors de ses opérations d’expertise, et qu’avant la désignation de M. A, le maître d’ouvrage avait fait réaliser d’importants travaux sur le réseau hydraulique qui ont fait disparaître l’objet du litige et qui dégagent la responsabilité des constructeurs d’origine pour les manquements relevés lors de ses opérations ;

— subsidiairement, dire que les désordres allégués proviennent d’une cause étrangère à l’intervention de la société X et mettre celle-ci hors de cause, au motif que le maître de l’ouvrage et son maître d’ouvrage délégué se sont immiscés dans le choix des matériaux à retenir pour les installations, qu’il s’agit d’une immixtion fautive exonératoire de la responsabilité des constructeurs, et qu’à l’inverse, l’intervention de X durant la garantie de parfait achèvement a été efficace et satisfaisante ;

— à titre très subsidiaire, débouter les sociétés SHMO et SIG de l’intégralité de leurs demandes au motif que les préjudices partiellement admis par le tribunal mixte de commerce relèvent de désordres qui n’ont jamais été constatés contradictoirement ;

— à titre infiniment subsidiaire, en cas de condamnation, dire la société X bien-fondée à être

relevée et garantie intégralement de celle-ci par la société SPEA, la société SOCOTEC POLYNÉSIE, les sociétés H ENGINEERING et H I, et MM B et Y.

2) La société SOCOTEC :

Elle demande à la cour de :

— réformer le jugement en ce qu’il a retenu sa responsabilité ;

— à titre principal, au visa de l’article 1792 du Code civil, juger infondées les demandes de condamnation à son encontre au motif quelle n’a commis aucune faute concernant les désordres relatifs à la corrosion de l’eau au regard sa mission contractuelle qui ne concernait pas les voiries et réseaux divers ;

— à titre subsidiaire, dire que les préjudices réclamés ne sont pas justifiés et ne présentent aucun caractère direct et certain avec la mission contractuelle de la société SOCOTEC ;

— à titre infiniment subsidiaire, dire qu’en cas de condamnation de la société SOCOTEC, celle-ci sera garantie par les personnes responsables du choix des matériaux et de la fourniture de l’eau corrosive ;

— condamner les sociétés demanderesses à lui payer la somme de 400 000 FCP au titre des frais irrépétibles, et à supporter les dépens dont distractions d’usage.

3) les sociétés SHMO et SIG demandent à la cour de :

— infirmer le jugement en ce qu’il a déclaré irrecevable l’action de la société SIG, écarté la responsabilité de M. F B, des sociétés H ENGINEERING et H I et des sociétés SPEA et C, condamné la société SHMO à rembourser à la société H ENGINEERING la somme de 10 000 000 FCP, alloué à titre de dommages et intérêts la somme de 57 056 794 FCP en réparation de divers préjudices ;

— déclarer recevable l’action de la société SIG, et condamner solidairement tous les intimés à leur payer la somme totale de 57 954 794 FCP au titre des préjudices matériels et la somme de 50 000 000 FCP au titre du préjudice commercial ;

— confirmer le jugement pour le surplus ;

— condamner solidairement tous les intimés à leur payer la somme de 500 000 FCP en application de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ainsi que, in solidum, aux dépens.

Elles soutiennent que :

— la SARL SIG a le même intérêt pour agir que la SARL SHMO puisqu’elle est responsable vis-à-vis de celle-ci de la bonne exécution de sa mission ;

— l’expert Z a personnellement constaté la persistance de plusieurs anomalies ; l’expert A, qui est intervenu après la remise en état du réseau hydraulique, a lui-même constaté le désordre lié à la corrosion du matériel ;

— le tribunal a justement retenu la responsabilité de M. Y, sans retenir l’immixtion fautive des sociétés SHMO et SIG ; en revanche, il a écarté à tort la responsabilité de M. B et des sociétés H ENGINEERING et H I, alors que les expertises mentionnent que les bureaux techniques n’ont pas rappelé suffisamment qu’il convenait de prendre en compte le caractère

[…] ;

— la responsabilité contractuelle de la société SOCOTEC et de la société X a été retenue à juste titre par le tribunal ;

— les sociétés SPEA et C avaient une obligation de résultat quant à la qualité de l’eau distribuée, devaient délivrer une eau propre à la consommation et devaient appeler l’attention des différents acteurs du chantier sur le caractère corrosif de l’eau de Bora Bora ; leur responsabilité est engagée sur le fondement de l’article 147 du Code civil ;

— «le défaut de souscription d’assurance ne permet pas aux constructeurs de se dégager leur responsabilité ni de se retourner contre le maître de l’ouvrage, victime de ce manquement» ;

— elles subissent un préjudice de 20 000 000 FCP au titre des préjudices matériels indirects (multiplication des gestes commerciaux pour compenser l’impact des désordres sur l’image de l’hôtel) ; un préjudice de 37 954 794 FCP au titre des préjudices matériels directs (coût des travaux et de la surconsommation d’eau) ; et un préjudice commercial de 50 000 000 FCP résultant de l’atteinte portée à l’image de l’hôtel.

4) M. F B demande à la cour de :

— déclarer irrecevable la SARL SIG en son appel, au motif que seul le propriétaire de l’ouvrage peut prétendre subir un préjudice lié aux travaux de construction et non le maître d’ouvrage délégué ;

— confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

— à titre infiniment subsidiaire, condamner la SARL SHMO à le relever « indemne de toute condamnation pécuniaire et/ou de toute conclusions à relever indemne l’une quelconque des autres parties, en tant qu’auto-assureur de l’ensemble de l’opération de construction, en ce compris le rôle et les prestations intellectuelles du maître d''uvre générale » ;

— condamner la SARL SHMO à lui payer la somme de 1 000 000 FCP au titre de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française, ainsi qu’aux dépens dont distraction au profit de Me VERGIER.

5) Les sociétés H ENGINEERING et H I :

Elles demandent à la cour de :

— au principal, constater que les experts n’ont constaté aucun désordre actuel à l’occasion de leurs opérations d’expertise avant comme après l’intervention de M. D ; en conséquence, débouter les sociétés SHMO et SIG des demandes dirigées à la rencontre ;

— subsidiairement, constater l’immixtion fautive du maître de l’ouvrage et l’existence d’une cause étrangère au désordre découlant de l’irrespect des prescriptions des sociétés H ; dire que ces sociétés «ne sont reprochables d’aucune faute en causalité avec les préjudices dont la réparation est réclamée» ; en conséquence, débouter les sociétés SHMO et SIG de leurs demandes ;

— très subsidiairement, constater que les sociétés SHMO et SIG ont violé l’obligation contractée d’assurer les sociétés H ; en conséquence, les condamner ainsi que M. Y à relever et garantir les sociétés H de toute éventuelle condamnation prononcée à leur encontre ;

— reconventionnellement, condamner in solidum les sociétés SHMO et SIG à payer aux sociétés H la somme de 10 000 000 FCP déduite sans réelle contrepartie du coût de leur prestation, une

somme de 5 000 000 FCP en réparation de son préjudice commercial et de réputation, ainsi que la somme de 565 000 FCP sur le fondement de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française.

6) Les sociétés SPEA et C demandent à la cour de :

— confirmer le jugement en ce qu’il les a mises hors de cause et en ce qu’il a condamné la société SHMO à leur verser la somme de 300 000 FCP ;

— à titre subsidiaire, les dire bien fondées à solliciter d’être intégralement garanties par la société X POLYNÉSIE, la société SOCOTEC POLYNÉSIE, les sociétés H ENGINEERING et H I, M. M-N Y les sociétés SHMO et SIG ;

— infirmer le jugement en ce qu’il a arrêté le préjudice subi par la société SHMO à la somme de 57 056 794 FCP ;

— condamner en cause d’appel in solidum les sociétés SHMO, SIG et X à leur verser la somme complémentaire de 1 000 000 FCP à chacune d’elles, en application de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française, et à supporter les dépens.

7) M. M-N Y étant sans domicile, ni résidence, ni lieu de travail connu en Polynésie, en métropole comme à l’étranger, l’huissier a procédé dans les termes de l’article 396-2 du code de procédure civile de la Polynésie française.

MOTIFS :

1) Sur la recevabilité de l’action de la SARL SIG :

En sa qualité de maître d’ouvrage délégué, la responsabilité de la SARL SIG est susceptible de se trouver engagée à l’égard de son mandant, soit dans l’exécution de sa mission soit dans la reddition des comptes, même si les deux parties ne versent pas aux débats le contrat qui les lie.

Même si ces deux sociétés ont, selon le contrat de maîtrise d''uvre général, des intérêts communs puisque leur adresse postale est la même, la SARL SIG reconnaît, dans ses écritures, que M. M-N Y est son salarié et elle ne conteste pas l’immixtion reprochée à ce dernier dans la maîtrise d''uvre. Elle a dès lors un intérêt né et actuel à agir pour rechercher la responsabilité de celui-ci et défendre à l’action susceptible d’être engagée à son encontre, soit par la maîtrise d''uvre, soit par le maître d’ouvrage, soit par les autres intervenants.

La disposition du jugement qui a déclaré irrecevable son action est donc infirmée.

2) Sur l’existence de désordres :

C’est à tort que certains concluants (société X, sociétés H ENGINEERING et H I) soutiennent l’inexistence de ces désordres au motif qu’ils n’auraient pas été constatés directement par les experts.

D’une part, les experts ont constaté certains désordres, tels que :

— à l’occasion la visite d’expertise du 31 janvier 2008 par l’expert Z : traces de corrosion sur certains boulons de serrage et colliers et grilles des pompes, vannes initiales très rouillées alors que les vannes de remplacement en PVC sont sans corrosion, non utilisation de l’eau chaude du réseau en raison de la présence de dépôts de rouille dans l’eau pour les machines à laver, surpresseurs et vannes en cours de corrosion, problèmes de fonctionnement des pompes à eau chaude, fuites sur

les grosses conduites d’eau vidant anormalement les réserves de stockage ;

— la corrosion des matériels du réseau d’eau froide sanitaire, par l’expert A, même après les réparations effectuées par M. D, à la demande du maître d’ouvrage .

D’autre part, ces désordres sont établis soit par la reconnaissance de leur existence par toutes les parties, au cours des opérations d’expertise comme dans leurs écritures (c’est ainsi que X a reconnu, dans un mémorandum du 8 février 2008, l’existence de fuites, d’incidents dus à des pompes mises en place à 50 Hz, d’une pression de départ à 7 bars, ainsi que le remplacement de vannes métalliques par des vannes en PVC pour mettre fin aux problèmes de corrosion), soit par l’ensemble des informations recueillies par les experts au cours de leur mission, qui leur font conclure à l’existence sans aucun doute possible de désordres tels que :

— expert Z : ruptures de certains tronçons de tuyaux dans le vide sanitaire par manque de fixation solide et rigide des tuyaux, avec manque de butée solide contre les vibrations et les à-coups, fissures sur certaines parties de tuyaux et rupture de certains assemblages collés entre tuyaux en polyéthylène et PVC enterrés, non-respect des pressions (7 bars ramenés à 5 bars, alors que les prescriptions sont de 3 bars) ;

— expert A : défaillance des parties électromécaniques dans la production d’eau chaude sanitaire, et des matériels (robinets, pompes, crépine) dans le réseau d’eau froide sanitaire dont l’une des causes est la corrosion ; fuites d’eau ; non-respect des règles de l’art dans l’installation des robinets ou du châssis du surpresseur.

3) Sur les causes des désordres :

Les désordres ainsi établis ont deux causes : le caractère corrosif de l’eau distribuée à Bora Bora et l’inadaptation des matériels destinés au traitement et à l’usage de cette eau à l’hôtel Saint-Régis, dans un environnement salin.

Sur le premier point, il est établi notamment par le rapport d’expertise Z et les pièces versées aux débats par les sociétés SPEA et C, que les eaux de Bora Bora proviennent, soit de forages, soit de deux stations de dessalement de l’eau de mer, une seule étant en service à l’époque des faits (2006) à ANAU. Ces eaux osmosées sont unanimement considérées comme corrosives.

Cependant, il n’est pas établi que la nature corrosive des eaux distribuées par la société C (chargée de la distribution de l’eau potable tandis que la société SPEA distribue de l’eau industrielle) soit ou ait été supérieure au maximum fixé par l’arrêté n° 1639 CM du 17 novembre 1999 fixant les normes de potabilité des eaux destinées à la consommation humaine distribuées par les réseaux, fontaines et citernes à usage collectif. Il ressort du rapport d’expertise A que le pourcentage de chlorure influence fortement le caractère corrosif de l’eau, sans affecter sa potabilité. Or, tous les résultats d’analyse versés au débat démontrent des taux inférieurs (entre 70 et 156 mg/L) au maximum (200 mg/L) prévu par le règlement. La responsabilité de la société distributrice de l’eau ne peut donc être recherchée sur le fondement d’un non-respect des normes réglementaires.

Par ailleurs, le caractère […] était connu de tous les professionnels de l’hôtellerie sur cette île. Plus précisément, l’attention du maître d’ouvrage sur le caractère corrosif de l’eau avait été appelée par la société H I, ainsi qu’il résulte du compte rendu de réunion maître d’ouvrage/maître d''uvre du 12 août 2003 versé aux débats, en présence notamment de M. M-N Y. Il était recommandé, à ce titre, l’installation de surpresseurs en inox.

De même, le cahier des clauses techniques particulières stipulait à l’article 1-3 que « les entreprises sont réputées connaître parfaitement les conditions climatiques du lieu où sont réalisés les travaux et en particulier : la totalité des matériels devront répondre aux rigueurs du climat tropical agressif,

chaud et humide en ambiance saline ['] ».

Il ressort des constatations unanimes des experts qu’il n’a pas été tenu compte de ces avertissements et que les matériels choisis (tuyaux, pompes, vannes, robinets, surpresseurs, etc.) l’ont été, non en considération de la qualité des eaux fournies et de l’environnement général de l’hôtel (milieu salin) mais pour des raisons évidentes de compression des coûts. Ils ont même constaté que les travaux entrepris pour corriger ces défaillances avaient conduit à réinstaller le même type de matériel, alors même qu’il était démontré son inadaptation à la nature de l’eau.

Les causes des autres défaillances résultent aussi de choix de matériels inadaptés. L’expert Z a relevé que l’eau provenant de l’osmoseur de l’hôtel était « jusqu’à 10 fois plus agressive que celle provenant du concessionnaire », qu’il existait une surpression comprise entre 5 et 7 bars, et que certains appareils n’étaient pas adaptés aux caractéristiques électriques du réseau.

Ces défaillances résultent aussi du non-respect des règles de l’art, tel que relevé par les experts, notamment dans l’installation des robinets ou du châssis du surpresseur.

4) Sur la responsabilité de la maîtrise d''uvre générale :

Il ressort du contrat de maîtrise d''uvre générale versé aux débats que la mission de celui-ci était notamment l’élaboration des plan d’études techniques et schémas généraux de principe et de détails relatifs notamment à la production et à la distribution d’eau chaude sanitaire, à la plomberie sanitaire et au traitement de l’eau.

Les deux expertises mettent hors de cause la maîtrise d''uvre générale (l’architecte B et les sociétés H ENGINEERING et H I) en constatant que l’ensemble des plans et schémas, ainsi que les CCAP et CCTP, ont été correctement rédigés, en tenant compte des particularités chimiques de l’eau distribuée.

Les sociétés H relèvent à juste titre que le CCTP prévoyait explicitement : «des matériels de circulation de l’eau tout inox notamment pour les équipements tels que le surpresseur eau de ville, la pompe de forage extérieur en puits, les surpresseurs d’incendie, d’eau osmosée, le surpresseur général d’eau d’arrosage du site ; des tuyauteries prévues en PVC spéciales haute pression ; des dispositifs d’adaptation tenant compte de la fréquence du courant indiqué en 60 Hz ; la prise en compte de la climatologie et ses conséquences sur les équipements et installations ».

Les deux expertises relèvent au contraire qu’à l’occasion de l’exécution du marché, leurs prescriptions n’ont pas été respectées par la société X POLYNÉSIE. Celle-ci avait été chargée directement par le maître d’ouvrage délégué de l’exécution, notamment, du lot 114 (plomberie-sanitaires hébergement), 302a (réseaux divers extérieurs) et des lots 302b/223 (mécanique des réseaux/désalinisation). Les experts mentionnent que la maîtrise d''uvre générale a été purement et simplement écartée de la réalisation et du suivi du chantier et l’expert A relève que des pièces du marché ont été modifiées sans son avis (convention avec SOCOTEC non conforme au contenu du CCAP, avenant au CCAP,') et qu’elle n’a pas été convoquée aux opérations essentielles de suivi et de réception du chantier. L’expert Z relève que la direction et la surveillance des travaux n’ont pas été confiées à l’architecte mais à M. M-N Y.

Les dispositions du jugement qui n’ont pas retenu la responsabilité de la maîtrise d''uvre générale sont confirmées.

5) Sur la responsabilité de la société X POLYNÉSIE :

Le marché signé le 5 janvier 2004 entre cette entreprise et le maître d’ouvrage mettait clairement à sa charge la réalisation des travaux qui ont généré les désordres constatés.

L’expert A relève que les CCTP n’ont pas été respectés strictement ; que des modifications telles que le remplacement des conduites prévues en PE par du PVC collé, ont été apportées sans raison aux prescriptions de la maîtrise d''uvre générale ; que les essais en pression avec vérification des taux de fuite n’ont pas été réalisés correctement ; que certaines procédures du CCAP n’ont pas été respectées.

Le tribunal a relevé à juste titre que si la société X POLYNÉSIE avait porté remède à une partie des désordres dans le cadre de la garantie de parfait achèvement, les reprises étaient insuffisantes pour assurer le bon fonctionnement des installations puisque le maître de l’ouvrage avait dû lui-même remédier en 2009 aux fuites et à l’oxydation des matériels et que l’expert avait constaté la nécessité de remplacer une partie des équipements inadaptés aux caractéristiques chimiques de l’eau.

Cependant, la responsabilité de cette société dans les désordres se trouve largement atténuée par l’immixtion fautive de M. M-N Y agissant au nom du maître d’ouvrage délégué.

6) Sur la responsabilité de M. M-N Y :

Toutes les parties, y compris le maître d’ouvrage et le maître d’ouvrage délégué, s’accordent à reconnaître la responsabilité de M. M-N Y dans les désordres constatés. Selon l’expert A, celui-ci a assuré certaines fonctions relevant de la maîtrise d''uvre : «il est intervenu avec une double casquette (avec une part d’autorité sur les aspects financiers) et en s’immisçant dans la fonction de maîtrise d''uvre (en particulier dans le cadre des réceptions), ce qui a faussé le jeu des responsabilités» ; «il s’est substitué au maître d''uvre lors de la réalisation des travaux et en particulier lors de la réception ; Il n’a pas été le garant du respect des procédures administratives du CCAP et des exigences techniques des CCTP ». Selon l’expert Z, « il a accepté de réceptionner des installations et matériels douteux, voire partiellement défectueux».

L’expert A en tire la conclusion que «le maître d’ouvrage a assuré, dans les faits, la direction du chantier, notamment par la mission qu’il a confiée à M. Y». Cependant, ainsi que l’a relevé le tribunal, cette mission est définie dans le contrat passé entre la société SIG et M. M-N Y, qui est versé aux débats, et qui confie à celui-ci, en qualité de responsable OPC (ordonnancement, pilotage et coordination), une mission de prestations intellectuelles se décomposant en une mission de coordination général de site, une mission de coordination particulière de certains ouvrages (hébergement, services généraux, aménagement de la lagune, aménagements extérieurs, bâtiments maintenance, staff village et travaux SPA) et une mission d’assistance à la conduite d’opérations pour aider au suivi financier.

Il est explicitement mentionné que le responsable OPC «ne peut en conséquence se substituer ni aux entreprises ni au maître d''uvre dans l’exercice de leurs responsabilités techniques et obligations». Dès lors, l’immixtion, établie par la totalité du dossier, de M. Y à tous les niveaux de la maîtrise d''uvre, en écartant purement et simplement la maîtrise d''uvre générale, y compris au moment de la réception des travaux litigieux, s’est faite en violation de la convention qui le liait au maître d’ouvrage délégué. Si la cour a la conviction que M. Y, dont la seule mission utile aux yeux du maître d’ouvrage était la compression des coûts et des délais, a agi avec l’accord tacite du maître d’ouvrage, elle ne possède pas les éléments de preuve lui permettant d’impliquer les sociétés SHMO et SIG dans l’immixtion, la compétence technique de ces sociétés en matière de construction n’étant par ailleurs nullement démontrée.

7) Sur la responsabilité de la société SOCOTEC :

Cette SARL est une société de contrôle technique dont la mission, établie par une convention conclue le 5 juin 2003 avec le maître d’ouvrage, était de contrôler «les risques de désordres matériels susceptibles de mettre en cause la responsabilité décennale et biennale des constructeurs» (article 17)

et d’effectuer «le contrôle technique de l’exécution» de l’ensemble des ouvrages visés par le décret n° 67-1166 du 22 décembre 1967 (article 18). Ce texte, abrogé en métropole, vise notamment les canalisations et tuyauteries considérées comme gros ou menus ouvrages.

Si les articles 1er à 5 de la loi n° 78-12 du 4 janvier 1978, qui modifient notamment les articles 1792 à 1792-6 du Code civil, ont été étendus à la Polynésie française par la loi n° 96-609 du 5 juillet 1996, les dispositions des articles 8 et suivants puis des articles L. 111-23 et suivants du code de la construction et de l’habitation relatives au contrôle technique qui les ont remplacées n’ont pas été étendues à la Polynésie française. De sorte que le contrôleur technique n’est pas soumis aux dispositions des articles 1792 et suivants en Polynésie française.

Il en résulte que les obligations de la société SOCOTEC sont tout entières renfermées dans le contrat du 5 juin 2003. Or celui-ci dispose en son article 24 que «l’intervention de la SOCOTEC ne portera pas sur le fonctionnement des installations et elle ne vérifiera pas que ces installations sont propres à l’usage auquel elles sont destinées».

En revanche, le même article poursuivait : « les vérifications afférentes aux dispositions contractuelles et à la conformité des ouvrages et installations à la législation, aux règlements et aux normes, ne sont effectuées par la SOCOTEC que dans la mesure où ces vérifications intéressent la mission définie aux articles 17 et 18 ci-dessus ». Or, ces articles incluent, par renvoi au décret de 1967 précité, les tuyaux et canalisations.

En conséquence, le tribunal était bien fondé à relever qu’il appartenait à la société SOCOTEC « de s’assurer du respect par la société X des prescriptions du CCTP et les procédures du CCAP et d’attirer l’attention du maître de l’ouvrage sur les risques générés par l’incompatibilité des matériaux et matériels utilisés sur le réseau hydraulique avec les documents contractuels », et les dispositions du jugement qui ont retenu la défaillance de la société SOCOTEC dans la mise en 'uvre de ses obligations contractuelles sont confirmées.

8) Sur le partage des responsabilités :

La cour retient, comme le tribunal, la responsabilité de la société X POLYNÉSIE, de M. M-N Y et de la société SOCOTEC dans la survenance du dommage, mais elle opère un partage entre les responsables dans les proportions suivantes :

— société X : 30 %,

— M. M-N Y : 60 %,

— société SOCOTEC : 10 %.

L’immixtion de M. M-N Y ne produit pas un effet totalement exonératoire car elle n’est pas la cause unique du dommage. Si sa compétence notoire dans les domaines où il est intervenu n’est pas contestée par les parties, il ne s’est pas pour autant substitué à la société X dans l’exécution de ses obligations issues de la convention du 5 janvier 2004. De même, il n’est pas démontré qu’il soit intervenu dans la mission confiée à la société SOCOTEC.

Compte tenu de la participation de chacune de ces parties à la survenance du dommage, les condamnations seront prononcées in solidum.

9) Sur l’indemnisation des préjudices :

Le tribunal a exactement évalué à 2 189 742 FCP les frais exposés pour pallier les dysfonctionnements et désordres subsistant après les travaux réalisé en 2009, sur le fondement de

l’estimation de l’expert A (18 350 €). Il a de même exactement évalué à 14 867 052 FCP les dépenses de la société SHMO entre 2007 et 2010 pour tenter de remédier à ces fuites, à la détérioration prématurée d’un matériel inadapté et aux manquements aux règles de l’art. Enfin, la surconsommation d’eau résultant des fuites constatées en rapport avec les désordres a été évaluée à 20 898 000 FCP à dire d’expert, et le coût de l’équipe de maintenance à la somme de 372 653 FCP à dire d’expert. La société SHMO limite sa demande à la somme de 37 954 784 FCP au titre des préjudices matériels, et cette somme lui sera allouée.

La société SHMO sollicite par ailleurs une somme de 20 000 000 FCP correspondant à un «préjudice matériel indirect» résultant soit de la «mobilisation du personnel», soit de la multiplication des «gestes commerciaux» à l’égard des clients insatisfaits. Ce préjudice sera pris en compte au titre du préjudice commercial.

L’expert Z note que «l’équipe de l’hôtel a dû intervenir, vu l’urgence et la gravité et surtout les gênes provoquées pour le bon fonctionnement de l’hôtel» en raison de la pression excessive de l’eau, des coupures d’eau et des défaillances dans la production d’eau chaude. Au regard des standards de qualité auxquels pouvait prétendre l’hôtel Saint Régis, le préjudice commercial est évident. Il s’est traduit, d’une part, par la multiplication des gestes commerciaux à l’égard des clients insatisfaits et, d’autre part, par une perte de clientèle résultant soit de la redistribution de certains clients dans d’autres hôtels, soit d’une réputation ternie auprès des clients potentiels et des professionnels du tourisme.

La société SHMO ne justifie pas de la somme de 18 201 027 FCP qu’elle réclame sur le fondement d’un document qualifié «extraction comptable», puisqu’une partie de cette somme, à hauteur de 8 767 214 FCP, est une provision comptable. De même, la fourniture d’extraits des bilans 2008 et 2009 ne suffit pas à établir que la baisse de fréquentation trouve sa cause unique dans les problèmes d’alimentation en eau, puisque cette période correspond à l’apogée de la crise économique qui a frappé l’ensemble du secteur touristique en Polynésie française. Dès lors, l’évaluation du préjudice commercial à la somme globale de 20 000 000 FCP par le tribunal doit être approuvée.

En conséquence, il y a lieu de condamner in solidum la société X, M. M-N Y et la société SOCOTEC à verser à la société SHMO et à la société SIG la somme de 57 954 784 FCP en réparation de leur préjudice. Cette somme correspond à la somme demandée par les sociétés SHMO et SIG dans leurs conclusions récapitulatives du 20 janvier 2017.

10) Sur la demande des sociétés H ENGINEERING et H I relative au remboursement de la prime d’assurance acquittée pour son compte par le maître de l’ouvrage :

Le tribunal a exactement relevé que les articles 1-2-6 et 1-3-7 du contrat de maîtrise d''uvre générale du 8 avril 2003 disposaient que l’assurance dite « globale », couvrant les dommages de l’ensemble des ouvrages pendant et après la construction ainsi que la responsabilité professionnelle et civile du maître d''uvre général, était souscrite par le maître de l’ouvrage moyennant une participation forfaitaire de la société H ENGINEERING à hauteur de 10 000 000 FCP à déduire des honoraires dus à la société H I.

Il a de même exactement relevé que le contrat d’assurance signé le 29 novembre 2005 entre la société SHMO et la compagnie d’assurances SMABTP ne satisfaisait pas à l’engagement pris par le maître de l’ouvrage envers le maître d''uvre général puisqu’il excluait notamment, en son article 8, les VRD et tous les équipements extérieurs aux bâtiments, ce qui a conduit la compagnie d’assurances à décliner sa garantie au titre des fuites sur le réseau d’eau chaude et des canalisations corrodées.

La société SHMO n’ayant pas satisfait à son obligation contractuelle, puisque la retenue de 10 000 000 FCP n’a pas été affectée à la couverture des risques prévue au contrat du 8 avril 2003, c’est à bon droit que le tribunal a ordonné la restitution de cette somme. Celle-ci sera restituée à la société H

I puisqu’elle avait été déduite de ses honoraires.

11) Sur les frais du procès :

En application de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française, il serait inéquitable de laisser à la charge de M. F B, des sociétés H ENGINEERING et H I, et des sociétés SPEA et E, les frais du procès devant la cour d’appel. M. M-N Y, la société X POLYNÉSIE et la société SOCOTEC seront condamnés à verser à chacun d’eux la somme de 300.000 FCP à ce titre et les dépens seront à leur charge en application de l’article 406 du même code.

Il ne sera pas fait application de l’article 407 à l’égard des sociétés SHMO et SIG puisque celles-ci succombent sur quelques chefs de demande.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, par défaut, en matière commerciale et en dernier ressort ;

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a :

— déclaré irrecevable l’action de la SARL SOCIÉTÉ D’INGÉNIERIE ET DE GESTION (SIG),

— réparti la responsabilité des auteurs du dommage selon le pourcentage suivant :

. société X : 40 %

. M. M-N Y : 40 %

. société SOCOTEC : 20 %

— fixé à 57 056 794 FCP la somme allouée à la SARL SOCIETE HOTELIERE MOTU OMEE (SHMO),

Statuant à nouveau sur ces seuls chefs,

Déclare recevable l’action de la SARL SOCIÉTÉ D’INGÉNIERIE ET DE GESTION (SIG),

Déclare la société X POLYNÉSIE, la société SOCOTEC et M. M-N Y responsables des dommages subis par la SARL SOCIETE HOTELIERE MOTU OMEE (SHMO) et par la SARL SOCIÉTÉ D’INGÉNIERIE ET DE GESTION (SIG), la répartition de la responsabilité entre ces trois personnes étant la suivante :

— société X : 30 %,

— M. M-N Y : 60 %,

— société SOCOTEC : 10 %.

Condamne in solidum la société X POLYNÉSIE, la société SOCOTEC et M. M-N Y à verser à la SARL SOCIETE HOTELIERE MOTU OMEE (SHMO) et à la SARL SOCIÉTÉ D’INGÉNIERIE ET DE GESTION (SIG), la somme globale de 57 954 784 FCP en réparation de ses divers préjudices ;

Confirme pour le surplus la décision entreprise ;

Y ajoutant,

Condamne in solidum M. M-N Y, la société X POLYNÉSIE et la société SOCOTEC à payer, en application de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française :

— à M. F B, la somme de 300 000 FCP,

— aux sociétés H ENGINEERING et H I, la somme unique de 300 000 FCP,

— aux sociétés POLYNÉSIENNE DES EAUX (SPEA) et E, la somme unique de 300 000 FCP,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 407 du même code au profit ou à l’encontre des SARL SOCIETE HOTELIERE MOTU OMEE (SHMO) et SOCIÉTÉ D’INGÉNIERIE ET DE GESTION (SIG),

Rejette toute autre demande,

Condamne M. M-N Y, la société X POLYNÉSIE et la société SOCOTEC aux dépens, qui pourront être recouvrés conformément à l’article 409 du même code.

Prononcé à Papeete, le 28 septembre 2017.

Le Greffier, Le Président,

signé : M. K-L signé : R. BLASER

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Papeete, Chambre commerciale, 28 septembre 2017, n° 14/00400