Cour d'appel de Paris, 4e chambre, 14 novembre 1994

  • Baguette incrustee en son milieu d'un lisere de couleur·
  • Combinaison eventuellement protegeable non revendiquee·
  • Article l 122-4 code de la propriété intellectuelle·
  • Action en contrefaçon et en concurrence déloyale·
  • Photographies différentes dans les catalogues·
  • Imitation des documents publicitaires·
  • Modèles de meubles de bureau·
  • Demande reconventionnelle·
  • Élément du domaine public·
  • Identification du modèle

Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 4e ch., 14 nov. 1994
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Publication : PIBD 1995 582 III 96
Domaine propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
Référence INPI : D19940073
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Texte intégral

FAITS ET PROCEDURE Référence étant faite au jugement entrepris pour l’exposé des faits et moyens antérieurs des parties, il suffit de rappeler les éléments essentiels suivants : La Société ATTAL se prévalant de ses droits de propriété artistique sur une gamme de mobilier de bureau dénommée « portique » par elle distribuée depuis février 1987 et estimant que les Sociétés PENTA, GAMBU et FOURNI BURO offraient à la vente des modèles en reproduisant les caractéristiques a, après leur avoir adressé des courriers recommandés avec accusés de réception les mettant en demeure de les retirer de la vente, fait procéder à deux saisies contrefaçon les 4 et 5 mars 1991. Par ordonnance de référé du 8 mars 1991 la Société ATAL a été autorisée à assigner à bref délai les Sociétés GAMBU et FOURNI BURO et à appeler en cause la Société PENTA. C’est dans ces conditions que par exploit en date du 29 mars 1991 ATAL a assigné ces trois sociétés en contrefaçon et en concurrence déloyale. Outre les mesures habituelles d’interdiction et de publication elle sollicitait paiement d’une somme d’un million de francs à titre de dommages et intérêts ainsi qu’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de Procédure Civile. G et BURO concluaient au débouté d’ATAL, formaient une demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts et du chef de l’article 700 du nouveau Code de Procédure Civile et subsidiairement sollicitaient la garantie de PENTA. PENTA concluait également au débouté d’ATAL ainsi qu’au rejet de l’appel en garantie et réclamait à titre reconventionnel la condamnation d’ATAL à lui payer une indemnité de dommages et intérêts et une somme sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de Procédure Civile. Le Tribunal par le jugement entrepris a dit :

- la Société ATAL recevable,
- que les Sociétés PENTA, GAMBU et FOURNI BURO avaient contrefait la gamme « Portique » par la fabrication et commercialisation de la gamme ERGO dans la limite de bureaux comportant en la bordure des plateaux une incrustation d’un liseré de couleur contrastant avec la couleur des plateaux au moyen d’un jonc de forme spécifique. Il a prononcé des mesures d’interdiction avec exécution provisoire et condamné les Sociétés penta, GAMBU et FOURNI BURO au paiement solidaire à ATAL de 150.000 frs à titre de dommages et intérêts et 15.000 frs en application de l’article 700 du nouveau Code de Procédure Civile.

Enfin il a débouté les parties du surplus de leurs demandes. Les Sociétés GAMBU et FOURNI BURO ont interjeté appel le 17 novembre 1992 et PENTA le 20 novembre 1992. Les deux procédures ont été jointes par ordonnance en date du 9 juin 1993. G et FOURNI BURO demandent à la Cour
- d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- de constater qu’ATAL n’établit en aucune façon un quelconque droit d’auteur à son profit lui permettant d’agir en contrefaçon,
- de débouter ATAL de son action en contrefaçon et en concurrence déloyale,
- de condamner ATAL à lui verser la somme de 100.000 frs pour procédure abusive et vexatoire et celle de 50.000 frs en application de l’article 700 du nouveau Code de Procédure Civile. PENTA demande à la Cour de dire que :

- elle n’a pas contrefait la gamme « Portique »,
- la gamme « Portique » n’est pas protégeable sur le fondement de la loi du 11 mars 1957,
- elle n’a commis aucun acte de concurrence déloyale,
- ATAL ne justifie d’aucun préjudice. Reconventionnellement elle sollicite paiement de la somme de 500.000 frs à titre de dommages et intérêts outre 50.000 frs en application de l’article 700 du nouveau Code de Procédure Civile. ATAL poursuit la confirmation du jugement sur le principe de la contrefaçon et les mesures d’interdiction telles qu’ordonnées par le Tribunal. Formant appel incident elle demande à la Cour de :

- condamner PENTA, G et FOURNI BURO au paiement solidaire de la somme de 350.000 frs à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l’action en contrefaçon et de la somme de 500.000 frs pour actes de concurrence déloyale outre 25.000 frs supplémentaires en application de l’article 700 du nouveau Code de Procédure Civile,
- ordonne la publication de l’arrêt dans trois quotidiens ou périodiques de son choix aux frais des appelantes et dans la limite de 30.000 frs par insertion.

DECISION I – SUR LA DEMANDE EN CONTREFAÇON Considérant que les Sociétés GAMBU et FOURNI BURO font valoir qu’ATAL est irrecevable à agir à un double titre, d’une part parce qu’elle n’établit pas la chaîne des droits qui seule lui permettrait de se prévaloir de sa qualité de cessionnaire des droits de M. R, d’autre part parce que la création invoquée n’est établie ni dans sa date ni dans sa consistance, sa matérialité. Considérant qu’ATAL réplique qu’elle tient ses droits sur la ligne « PORTIQUE » de la société FORM DESIGN MARCEL RAMOND laquelle les tient elle même de M. RAMOND. Qu’elle ajoute que la création invoquée à savoir une série de mobiliers de bureaux comportant en bordure des plateaux une incrustation d’un liseré de couleur contrastant avec la couleur des plateaux, est de façon certaine antérieure à mai 1987 date à laquelle elle a été commercialisée. Considérant ceci exposé qu’il résulte des catalogues et tarifs mis aux débats que la ligne de mobiliers de bureau dénommée système « PORTIQUE » est diffusée et commercialisée sous le nom d’ATAL depuis juin 1987 soit antérieurement à la date à laquelle il a été procédé aux saisies contrefaçon. Considérant par ailleurs qu’il est établi par l’attestation de M. R lequel n’est autre que le gérant de la Société FORUM DESIGN MARCEL RAMOND, par le contrat signé le 21 février 1986 entre cette société et ATAL et par la lettre de l’Institut Français du Design Industriel que M. R a créé début 1986 une série de mobilier de bureau dite projet « PORTIQUE », en a cédé les droits à la Société FORUM DESIGN MARCEL RAMOND laquelle les a elle même recédés immédiatement à la Société ATAL le 21 février 1986, société pour laquelle le mobilier a été conçu si on se réfère au contrat. Considérant qu’en l’absence de toute revendication de tiers, personne physique ou morale, les actes de commercialisation par ATAL des meubles de la série « PORTIQUE » sont de nature à faire présumer à l’égard de tiers poursuivi pour contrefaçon qu’ATAL est propriétaire sur ces meubles du droit de propriété incorporelle de l’auteur. Mais considérant que G et FOURNI BURO font à juste titre valoir qu’ATAL ne justifie pas de la matérialité de la création qu’elle oppose, de ses caractéristiques.

Considérant en effet que ni dans l’attestation de M. R ni dans le contrat de cession du 21 février 1986 les meubles créés ne sont décrits, qu’aucune photographie, aucun plan n’y est annexé. Qu’il ne suffit pas pour agir en contrefaçon de modèle sur le fondement de l’article L.122.4 du Code de la Propriété Intellectuelle de communiquer des plaquettes publicitaires, des tarifs, un dépôt de marque relatif à la seule dénomination « PORTIQUE » encore faut-il identifier dans sa consistance son modèle et ce afin de permettre de rechercher d’une part s’il est protégeable d’autre part s’il est contrefait. Considérant qu’alors que dans son assignation ATAL (p.6 assignation) opposait ses droits sur une gamme de mobilier PORTIQUE en ce compris les divers éléments susceptibles d’être assemblés pour la constitution de bureaux et composés de l’assemblage de piétements en T, et de plateaux ayant en milieu de bordure un jonc de couleurs jaune, verte, noire ou rouge, il apparaît à la lecture de ses écritures d’appel qu’elle identifie aujourd’hui sa création comme étant « la bordure des plateaux des bureaux et l’inscrustation en son milieu d’un liseré de couleur spécifique ». Mais considérant que G et FOURNI BURO établissent par l’attestation de la Société REHAU laquelle se trouve confortée par un plan en coupe daté de janvier 1982 et portant dans un cartouche le nom commercial de cette société que REHAU produit depuis 1982 des baguettes en polymère réf. 714 381 avec une rayure colorée en son milieu (l’attestation rédigée en italien indiquant bien agosto 1982 pour la référence 714 381 et non août 1988 comme mentionné manifestement par erreur sur la traduction en langue française). Considérant que la date de 1982 ne peut être sérieusement contestée dès lors qu’elle figure à deux endroits différents sur le plan de coupe à savoir sur un timbre humide « Z BB 9 Dez 1982 » que dans l’encadré « jahr 1982 ». Que pas davantage ATAL ne saurait s’étonner du fait que la bordure que lui vendrait en exclusivité REHAU porte une référence différente 718 861 compte tenu de ce que l’examen de la plaquette jointe à la lettre de REHAU du 27 février 1991 révèle que cette baguette présente une configuration légèrement distincte de celle référencée 714 381 notamment en ce qui concerne la largeur de la rayure. Considérant que la baguette incrustée en son milieu d’un liseré de couleur étant en 1986 date de la création de M. R dans le domaine public et nul ne pouvant revendiquer la protection d’un genre, ATAL ne peut solliciter des droits privatifs pour l’utilisation de ce type de bordure pour un mobilier de bureau. Que seule une combinaison spécifique entre la baguette et le plateau des bureaux, une découpe particulière de la baguette distincte de la fonction technique de protection remplie par cet élément, un agencement déterminé serait susceptible de constituer une création protégeable par le droit d’auteur.

Or considérant que dans ses écritures ATAL ne revendique aucun de ces éléments, qu’elle ne précise pas en quoi l’agencement de la baguette, connue en elle même, porterait l’empreinte de la personnalité de M. R ; Que dans ces conditions faute de définir la consistance de l’oeuvre qu’elle oppose, ATAL est mal fondée à agir en contrefaçon de modèle. Que le jugement entrepris doit donc être réformé de ce chef. II – SUR LA CONCURRENCE DELOYALE Considérant qu’ATAL fait valoir que les sociétés GAMBU, FOURNI BURO et PENTA ont commis des actes de concurrence déloyale, des agissements parisataires en :

- présentant la ligne du mobilier de bureaux ERGO dans des plaquettes et documents commerciaux très proches des siens ce qui aurait pour effet de laisser penser aux consommateurs que les sociétés GAMBU, FOURNI BURO et PENTA sont des filiales ATAL,
- exposant le mobilier de la gamme ERGO à VILLEPINTE à quelques stands de celui d’ATAL. Mais considérant que dès lors qu’il est indispensable pour présenter à la clientèle des meubles de bureau d’en reproduire des photographies dans des catalogues seule une mise en situation identique serait fautive. Or considérant que le seul examen des catalogues ATAL, G et PENTA mis aux débats révèle que les sociétés défenderesses n’ont nullement cherché à copier ni même à s’inspirer du catalogue ATAL. Qu’alors que celui d’ATAL est à dominantes gris et blanc celui présentant la gamme ERGO est sur fond noir. Qu’ATAL met en présence des personnes physiques et accompagne chaque photographie d’un texte de plusieurs lignes tandis que les défenderesses se contentent de reproduire des photographies des meubles et concentrent le texte de présentation sur la deuxième page de couverture. Qu’au surplus aucune photographie n’est identique. Que par ailleurs ATAL ne communiquant aucune plaquette de la collection « PORTIQUE » en quatre pages ne peut valablement soutenir que celle des défenderesses s’en inspirerait. Qu’en conséquence ce grief n’est pas fondé.

Considérant qu’il en est de même du second, ATAL ne rapportant la preuve ni que G et FOURNI BURO aient entrepris des démarches auprès des organisateurs du salon « BUREAU CONCEPT » à Villepinte pour occuper un stand proche du sien ni même de la réalité de cette proximité. Que le jugement doit donc être confirmé de ce chef. III – SUR LES DEMANDES RECONVENTIONNELLES Considérant que les Sociétés PENTA, GAMBU et FOURNI BURO ne rapportant pas la preuve qu’ATAL ait agi dans l’intention de nuire à leurs intérêts et ne justifiant pas avoir cessé au cours de la procédure de commercialiser la gamme « ERGO » seront déboutées de leurs demandes en paiement de dommages et intérêts. Considérant que l’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du nouveau Code de Procédure Civile à l’une quelconque des parties. PAR CES MOTIFS : Réforme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a débouté
- la Société ATAL de sa demande en concurrence déloyale et agissements parasitaires,
- les Sociétés PENTA, GAMBU et FOURNI BURO de leurs demandes en paiement de dommages et intérêts, Le confirmant de ces chefs et statuant à nouveau pour le surplus, Dit la Société ATAL mal fondée en sa demande en contrefaçon de modèles, La condamne aux dépens d’instance et d’appel, Déboute les parties de leurs demandes respectives au titre de l’article 700 du nouveau Code de Procédure Civile, Admet la SCP FISSELIER CHILOUX BOULAY et Me LECHARNY A au bénéfice de l’article 699 du nouveau Code de Procédure Civile.

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