Cour d'appel de Paris, 4e chambre, 14 mars 1997
Chronologie de l’affaire
Résumé de la juridiction
Saisie-contrefacon pratiquee sur le fondement du droit des dessins et modeles et du droit des marques
indication du cautionnement prealable sur la copie de l’ordonnance autorisant la saisie signifiee au saisi (non)
saisi dans l’incapacite d’invoquer valablement le non-respect d’une ordonnance et de dispositions legales
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Sur la décision
Référence : | CA Paris, 4e ch., 14 mars 1997 |
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Juridiction : | Cour d'appel de Paris |
Décision(s) liée(s) : |
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Domaine propriété intellectuelle : | DESSIN ET MODELE;MARQUE |
Marques : | CHOPARD GENEVE |
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : | 1360273 |
Classification internationale des marques : | CL14 |
Classification internationale des dessins et modèles : | CL10-02 |
Référence INPI : | D19970050 |
Texte intégral
FAITS ET PROCEDURE La Cour statue sur l’appel formé par les sociétés LE PETIT FILS DE L.U. CHOPARD FRANCE, dite CHOPARD FRANCE, et LE PETIT FILS DE L.U. C et CIE, dite C GENEVE, d’un jugement rendu le 16 décembre 1993 par le Tribunal de grande instance de Paris dans un litige les opposant à la société CAMILLE BOUHELIER et à M J pris en sa qualité d’administrateur au redressement judiciaire de B. Référence étant faite au jugement entrepris et aux écritures échangées en cause d’appel pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, il suffit de rappeler les éléments qui suivent. C GENEVE est titulaire de différents modèles de montres faisant l’objet d’un dépôt international n 68.681 du 23 avril 1979 régulièrement prorogé. Les modèles référencés G.2465 (montre ronde sertie de brillants) et G.3644 (montre ronde non sertie) ont fait l’objet d’une publication en France le 10 juin 1992. C GENEVE est également titulaire de la marque dénominative « CHOPARD GENEVE » déposée à l’INPI le 24 juin 1986 et enregistrée sous le n 1.360.273 pour désigner en classe 14 notamment des montres. Elle exploite cette marque et la fait exploiter par CHOPARD FRANCE. Après y. avoir été autorisée, C GENEVE a fait pratiquer, dans un magasin sis […] à l’enseigne MONTRES JEAN D’AUMONT, la saisie contre façon d’un modèle de montre qui contreferait ses marques et modèles. C GENEVE et CHOPARD FRANCE ont ensuite fait assigner B puis après la mise en redressement judiciaire de celle-ci, M J ès qualités, aux fins « de constatation judiciaire des actes de contrefaçon des modèles de montres G.2465 et G.3644, des actes d’usage illicite de la marque CHOPARD GENEVE, des actes de concurrence déloyale ainsi que des actes d’obstruction libérée et fautive aux opérations de saisie-contrefaçon ». Mme N Thi Minh Tam, responsable de la boutique de la rue du Temple, est intervenue à l’instance au côté de BOUHELIER et de son administrateur judiciaire. Ces parties ont conclu à la nullité de l’ordonnance du 29 juin 1992 ayant autorisé la saisie-contrefaçon et à la nullité de cette saisie. Critiquant notamment ladite saisie en ce qu’elle avait porté sur une photographie de Mme N apposée au mur de son bureau, elles ont demandé au Tribunal d’ordonner sous astreinte la restitution de cette photographie. Elles ont réclamé le rejet de toutes les demandes de C GENEVE et CHOPARD FRANCE. Le jugement déféré a :
- reçu Mme N en son intervention volontaire,
- prononcé la nullité de la saisie-contrefaçon pratiquée le 30 juin 1992, par M A pour « irrégularité tenant à l’absence d’une remise d’une copie de l’acte constatant le dépôt du cautionnement »,
- ordonné la restitution à B des articles et documents saisis et placés sous scellés à
l’exception de la photographie représentant Mme N restituée à celle-ci,
- rejeté le surplus des demandes des parties. Au soutien de leur appel C GENEVE et CHOPARD FRANCE font valoir que :
- en application de la Convention de LA HAYE du 25 octobre 1980 conclue, notamment entre la Suisse et la France, aucune caution, ni aucun dépôt ne peut être exigé des personnes physiques ou morales en raison de leur seule qualité d’étranger, « que dans ces conditions, la caution, son versement et la notification préalable dudit versement n’est pas applicable à l’espèce, de sorte que la cause de nullité de la saisie-contrefaçon relevée par le Tribunal n’existe pas »,
- la preuve de la contrefaçon peut être administrée par tout moyen et résulte en l’espèce non seulement des opérations de saisie-contrefaçon mais également d’un constat d’achat effectué le 25 juin 1992 sous contrôle d’huissier, dans les locaux parisiens de B,
- les faits sont établis et constituent le délit d’usage illicite de marque et celui de substitution frauduleuse de produit, une atteinte aux modèles de montres, enfin des actes d’obstruction fautive aux opérations de saisie-contrefaçon. Les appelantes prient en conséquence la Cour de :
- valider la saisie-contrefaçon du 30 juin 1992,
- prononcer des mesures d’interdiction et de confiscation sous astreinte ainsi que de publication,
- dire l’arrêt à intervenir opposable à M J.
- fixer la créance des sociétés CHOPARD aux sommes suivantes :
- 500.000 F en réparation de l’atteinte portée aux modèles de montre,
- 300.000 F au titre de l’atteinte portée à la marque « HOPARD GENEVE »,
- 100.000 F au titre de la perte de chance résultant de l’obstruction fautive aux opérations de saisie-contrefaçon,
- 500.000 F de provision, à valoir sur la réparation du préjudice commercial résultant de la perte partielle de marché, à parfaire par expertise, B et M J ès qualité de commissaire à l’exécution du plan (jugement arrêtant le plan de redressement de B du 24 août 1993), invoquent essentiellement la nullité des opérations de saisie-contrefaçon et font valoir que :
- l’huissier n’a pas laissé copie à B de l’acte constatant le dépôt du cautionnement de la somme de 10.000 F et ce en violation des dispositions de l’article 12 de la loi du 14 juillet 1909,
- le procès-verbal du 30 juin 1992 est également nul faute par les appelantes de justifier avoir consigné le cautionnement avant de faire procéder aux opérations de saisie- contrefaçon,
- l’ordonnance du 29 juin 1992 ne pouvait autoriser l’huissier à constater une substitution frauduleuse de marque en demandant l’objet sous la seule dénomination « CHOPARD » alors que la marque invoquée est constituée de l’expression « C GENEVE »,
- il existe une contradiction dans la rédaction de l’acte, certaines des opérations n’ayant pu être réalisées qu’avant la signification de l’ordonnance,
- l’huissier a outrepassé ses fonctions en saisissant une photo qui était un souvenir
personnel de Mme N, et a en outre instrumenté en dehors de ses compétences territoriales en téléphonant à Mme B à VILLIERS LE LAC. Les intimés prient en conséquence la Cour de :
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions à l’exception de celles déboutant B et M J de leur demande en dommages-intérêts,
- prononcer la nullité de la saisie-contrefaçon du 30 juin 1992,
- à titre subsidiaire dire que les appelantes sont irrecevables à invoquer de prétendus faits de contrefaçon antérieurs à la publicité de leurs modèles en France,
- ordonner la restitution à B des documents et articles saisis et placés sous scellés,
- ordonner la restitution de la photo de Mme N à celle-ci,
- condamner les appelantes à payer à B une somme de 100.000 F pour procédure abusive et à Mme N une somme de 10.000 F en réparation de son préjudice moral résultant de la saisie abusive de sa photo. Mme N, par conclusions d’appel provoqué est intervenue à la procédure et sollicite le bénéfice des conclusions signifiées par B et M J. Les appelantes concluent en réplique à l’irrecevabilité des demandes de Mme N et au débouté des demandes de B et de M J. Chacune des parties revendique l’application à son profit des dispositions de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile.
DECISION Considérant que l’appel provoqué de Mme N, dont l’intervention volontaire a été jugée recevable par les premiers juges, est également recevable, celle-ci ayant intérêt à appuyer les demandes de B et de M J et à solliciter des condamnations supplémentaires ; Considérant qu’il est constant que l’ordonnance du 29 juin 1992 autorisant à pratiquer une saisie-contrefaçon de modèle et de marque fixait un cautionnement de 10.000 F à consigner par C GENEVE entre les mains de l’huissier instrumentaire, préalablement aux opérations de saisie et ce en vertu de l’article 12 de la loi du 14 juillet 1909 codifié sous l’article L.521-1 du Code de la propriété intellectuelle et de l’article 21 de la loi du 4 janvier 1991 en matière de marques ; Considérant qu’il est établi par les pièces du dossier, d’une part, que la copie de l’acte constatant le dépôt du cautionnement n’a pas été laissée ou signifiée au saisi, d’autre part, que la copie de l’ordonnance autorisant la mesure qui a été signifiée au saisi ne comportait pas l’indication du cautionnement préalable mentionné sur l’original de ladite ordonnance ;
Considérant que les appelantes invoquent les dispositions de la Convention de LA HAYE du 25 octobre 1980 qui prévoient que : « Aucune caution ni aucun dépôt, sous quelque dénomination que ce soit, ne peut être exigé en raison de leur seule qualité d’étranger ou leur seul défaut de domicile ou de résidence…., des personnes physiques ou morales ayant leur résidence habituelle dans un des Etats contractant qui seront demandeurs ou intervenants devant les Tribunaux d’un autre Etat contractant. » Mais considérant que l’ordonnance susvisée n’est pas contraire aux dispositions de la Convention de LA HAYE dès lors qu’elle a été prise notamment au visa de l’article 21 de la loi du 4 janvier 1994 sur les marques, selon lequel la saisie réelle peut être subordonnée à la constitution de garanties et qui ne distingue en rien suivant la nationalité du requérant ; Considérant que les appelantes n’établissent pas que cautionnement prévu par l’ordonnance aurait été effectivement versé par elles ; que le courrier de M A, en date du 19 février 1993, qu’elles versent aux débats, indique que C GENEVE lui avait remis un chèque de 10.000 F, mais ne précise pas si ce versement lui avait été fait préalablement aux opérations de saisie ; Considérant que comme l’ont relevé les premiers juges, « l’absence d’une remise de copie de l’acte constatant le dépôt du cautionnement a mis le saisi dans l’incapacité d’invoquer valablement le non respect d’une ordonnance dont la copie incomplète lui était remise ainsi que celui de dispositions légales » ; Que les irrégularités de forme alléguées faisant grief aux intimés, leur permettent de se prévaloir de la nullité de la saisie-contrefaçon ; Que les faits de contrefaçon de modèles et de marque incriminés sur la base de cette saisie ne sont donc pas établis ; Considérant que le constat d’achat d’une montre « C » du 25 juin 1992, versé aux débats par les appelantes, n’apporte pas davantage la preuve des actes de contrefaçon ; qu’en effet la montre saisie est marquée JEAN D’A ; qu’aucune facture n’est versée aux débats mais un simple bon de garantie n’émanant pas de B mais d’une société MONTRES JEAN D’AUMONT ; qu’enfin l’huissier s’est contenté de noter la présence d’un panneau lumineux où il lit société BOUHELIER sans que cette circonstance démontre que c’est la société BOUHELIER qui a vendu la montre litigieuse ; Considérant que les appelantes qui ne rapportent pas la preuve des actes de contrefaçon seront déboutées de leurs demandes ; que les mesures de restitution ordonnées par le Tribunal seront dès lors confirmées ; Considérant qu’à juste titre encore les premiers juges ont rejeté les demandes reconventionnelles des intimés et de Mme N, qui n’établissent ni même n’allèguent aucun moyen à l’appui de ces demandes ; que les appelantes titulaires des modèles et de la
marque précités ont pu se méprendre sur la portée de leurs droits ; qu’il ne sera pas davantage alloué de dommages-intérêts du chef d’une procédure abusive ; Considérant que l’équité ne commande pas qu’il soit fait droit aux demandes formées au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ; PAR CES MOTIFS : Reçoit Mme N en son appel provoqué ; Confirme le jugement déféré ; Rejette toute autre demande ; Condamne les sociétés CHOPARD GENEVE et CHOPARD FRANCE aux dépens d’appel ; Admet M BODIN C au bénéfice des dispositions de l’article 699 du nouveau Code de procédure civile.
Textes cités dans la décision