Cour d'appel de Paris, 4e chambre, 31 octobre 1997

  • Article l 713-5 code de la propriété intellectuelle·
  • Cession de la marque contrefaisante 1 454 686·
  • Accord ou transaction entre les parties·
  • Affaiblissement du pouvoir attractif·
  • Identite ou similarité des produits·
  • Principe de specialite de la marque·
  • Absence de similarité des produits·
  • Numero d'enregistrement 1 454 686·
  • Numero d'enregistrement 1 486 096·
  • Cuir, vetements et chaussures

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Produits de l’edition (en particulier journal de mode et de decoration) d’une part et vetements, chaussures, accessoires d’autre part

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Paris, 4e ch., 31 oct. 1997
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Décision(s) liée(s) :
  • TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS DU 7 OCTOBRE 1993
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : COSMOPOLITAN
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 1454686;1486096
Classification internationale des marques : CL16;CL18;CL24;CL25
Liste des produits ou services désignés : Journaux et periodiques - cuir, vetements, chaussures
Référence INPI : M19970659
Télécharger le PDF original fourni par la juridiction

Texte intégral

FAITS ET PROCEDURE La Cour statue sur l’appel interjeté par la société de droit suisse AFRINAS d’un jugement réputé contradictoire rendu à son encontre le 7 octobre 1993 par le tribunal de grande instance de PARIS qui, dans un litige l’opposant à la société de droit américain THE HEARST CORPORATION, a :

- dit que la marque COSMOPOLITAN n 1454686 dont elle est titulaire est la contrefaçon de la marque COSMOPOLITAN n 1486096 dont est titulaire HEARST CORPORATION,
- annulé l’enregistrement de cette marque et ordonné sa radiation,
- fait interdiction sous astreinte, avec exécution provisoire, à AFRINAS de faire usage de la dénomination litigieuse à titre de marque,
- condamné AFRINAS au paiement des sommes de 50.000 F à titre de dommages intérêts et de 8.000 F par application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- autorisé HEARST à faire procéder à trois mesures de publication aux frais d’AFRINAS et dans la limite d’un coût total de 36.000 F HT. HEARST est titulaire de la marque COSMOPOLITAN n 1 486 096 déposée pour la première fois en 1978 et désignant les produits de la classe 16, notamment les journaux et périodiques. Par acte du 25 août 1992, elle a fait assigner AFRINAS devant le tribunal de grande instance de PARIS, demandant que soit déclarée contrefaisante la marque COSMOPOLITAN n 1 454 686 (déposée en 1988) dont celle-ci est titulaire à la suite d’un transfert de propriété et qui désigne en classes 18, 24 et 25 notamment le cuir, les vêtements et les chaussures. Elle sollicitait en outre des dommages intérêts et le prononcé des mesures habituelles d’interdiction et de publication. AFRINAS, bien qu’ayant été régulièrement citée, n’a pas comparu, et c’est ainsi qu’a été rendu le jugement réputé contradictoire entrepris. Au soutien de son appel, AFRINAS expose qu’elle avait conclu avec HEARST une transaction prévoyant la cession à celle-ci, moyennant paiement d’une somme de 1 million de francs, de ses droits sur la marque COSMOPOLITAN dans plusieurs pays dont la FRANCE, et qu’elle n’avait pas constitué avocat devant le tribunal parce qu’elle était confiante dans l’assurance que lui avait donnée HEARST d’interrompre les poursuites introduites sur son assignation du 25 août 1992. A titre principal, elle soutient que l’accord qui serait selon elle intervenu avec HEARST empêcherait celle-ci de se prévaloir d’une quelconque contrefaçon ou autre atteinte à ses droits. Elle prie la cour de constater l’existence de cet accord et en conséquence de condamner HEARST à lui payer la somme de 1 million de francs. Subsidiairement, pour le cas où ne serait pas retenue l’existence d’une transaction, elle demande à la cour de constater l’absence de toute contrefaçon parce que les produits couverts par sa marque seraient totalement distincts de ceux que désigne la marque invoquée, et elle fait valoir que HEARST ne peut pas mettre en cause sa responsabilité civile en se prévalant des dispositions de l’article L 713-5 du Code de la propriété intellectuelle dont les conditions d’application, selon elle, ne sont pas

remplies. Elle prie la cour de constater l’absence totale de préjudice de HEARST, et en tout état de cause d’ordonner toute mesure d’instruction aux frais avancés de HEARST à l’effet d’évaluer le préjudice qu’elle a elle-même subi du fait de la brusque remise en cause de leurs accords par son adversaire le 7 mars 1993. HEARST, qui dénie l’existence de l’accord allégué par AFRINAS, conclut principalement à la confirmation du jugement en ce que celui-ci a retenu le grief de contrefaçon à l’encontre de son adversaire. Subsidiairement, pour le cas où la cour estimerait que les produits couverts par les deux marques ne sont pas similaires, elle invoque le caractère notoire de sa marque pour demander qu’en application de l’article L 713-5 du code de la propriété intellectuelle, il soit fait interdiction à AFRINAS d’utiliser la marque incriminée et prononcé la nullité de celle-ci, qu’AFRINAS soit condamnée à lui payer la somme de 50.000 F à titre de dommages intérêts et à supporter le coût de trois publications dans la limite d’un montant de 30.000 F chacune. Les deux parties sollicitent le bénéfice des dispositions de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

DECISION Considérant qu’il est constant que HEARST et AFRINAS avaient engagé en 1992 des négociations ayant pour objectif le rachat par la première du portefeuille de marques COSMOPOLITAN détenu par la seconde notamment dans différents pays européens ; Considérant qu’AFRINAS prétend qu’aux termes d’un accord verbal conclu entre leurs représentants respectifs et confirmé par courrier en septembre 1992, HEARST s’était engagée, en contrepartie de la transmission de ses droits sur ses marques, à lui payer la somme de 1 million de francs français et à renoncer à poursuivre toutes actions en justice à son encontre ; qu’elle soutient que si, par la suite, le contrat n’a pas été signé, HEARST s’étant dérobée, la vente n’en est pas moins parfaite les parties étant convenues de la chose et du prix ; Considérant que HEARST fait valoir en revanche que les vérifications qu’elle a effectuées avant de signer le contrat ayant révélé que AFRINAS lui avait dissimulé l’étendue exacte de ses droits et notamment le fait que l’enregistrement de sa marque avait été rejeté en ALLEMAGNE pour tous les produits et services et qu’il n’avait pas été admis en ESPAGNE pour la classe 25, elle avait été conduite à proposer de ramener le prix à 15.000 $, et à aviser AFRINAS par lettre du 29 mars 1993 qu’à défaut d’acceptation de sa part « elle se considérerait libre de faire valoir ses droits et d’intenter toutes actions en justice afin de sauvegarder ses intérêts » ;

Considérant que les documents versés aux débats font apparaître qu’après l’accord préparatoire conclu en septembre 1992, les parties ont entrepris ensemble de « finaliser » un contrat ; qu’ainsi HEARST a adressé à AFRINAS le 12 janvier 1993 un projet de contrat écrit et détaillé, prévoyant notamment que serait jointe en annexe une liste complète de toutes les marques déposées avec les numéros et dates d’enregistrement ; qu’AFRINAS qui avait communiqué une première liste en juin 1992, en a adressé une version actualisée à HEARST le 25 janvier 1993 ; que les vérifications alors effectuées par HEARST ont suscité les difficultés qui ont conduit à l’échec des négociations ; Considérant que le déroulement des discussions entre les parties ne permet pas de retenir l’affirmation d’AFRINAS selon laquelle un accord aurait été définitivement scellé en septembre 1992 ; qu’en réalité les pourparlers se sont poursuivis au delà, l’envoi par AFRINAS en janvier 1993 d’une nouvelle liste des enregistrements de sa marque montrant que cette société se prêtait à l’époque à la poursuite des négociations et ne prétendait pas que celles-ci avaient déjà été menées à bien ; Considérant qu’il s’ensuit qu’il n’a pas été conclu d’accord dont AFRINAS serait fondée à réclamer l’exécution, et qui justifierait que soit déclarée irrecevable l’action de HEARST ; que les circonstances de l’échec des pourparlers ne sont pas de nature à engager la responsabilité d’HEARST ; qu’il n’y a donc pas lieu d’ordonner l’expertise sollicitée à cet égard par l’appelante ; Considérant que pour accueillir la demande en contrefaçon formée par HEARST les premiers juges avaient relevé que « quoique la marque attaquée soit enregistrée dans des classes différentes, elle sert à protéger des vêtements et autres accessoires de mode que tout consommateur d’attention moyenne sera tenté de rapprocher du magazine connu et de leur attribuer une origine commune Il s’ensuit un risque de confusion réel dans l’esprit du public : la marque COSMOPOLITAN de la société AFRINAS déposée postérieurement à celle du demandeur sera déclarée contrefaisante » ; Considérant que s’opposant aux prétentions de HEARST tendant principalement à la confirmation du jugement du chef de la contrefaçon, AFRINAS expose que les produits désignés par sa marque ne sont pas similaires à ceux couverts par la marque de l’intimée ; qu’elle fait valoir que HEARST avait elle-même admis l’absence de similarité puisqu’elle avait entrepris d’acquérir sa marque pour un prix conséquent ; Considérant que HEARST réplique sur ce point qu’elle n’avait envisagé une transaction globale que pour éviter d’avoir à engager des procédures multiples, longues et couteuses, mais qu’elle avait, tout au long des pourparlers, réservé ses droits et qu’elle avait d’ailleurs introduit dans différents pays des procédures qui ont abouti au prononcé de la nullité ou de la déchéance ou à la radiation de la marque de son adversaire, en SUISSE, en BELGIQUE et en AUTRICHE ; Que sur le fond, elle fait valoir que les produits visés par l’enregistrement incriminé (vêtements, chaussures et accessoires) sont des produits complémentaires et connexes au journal diffusé sous la marque COSMOPOLITAN, ayant pour thèmes essentiels la mode

et la décoration ; qu’elle ajoute qu’eu égard à la « notoriété du journal COSMOPOLITAN (…) mondialement connu (…) la clientèle ne peut qu’attribuer à la même origine que celle du magazine des vêtements, chaussures et accessoires commercialisés sous la marque COSMOPOLITAN » ; Mais considérant qu’en vertu du principe de spécialité, la contrefaçon ne saurait être constituée que si les produits auxquels s’applique la marque incriminée sont identiques ou à tout le moins similaires à ceux que le titulaire de la marque invoquée a visé dans son dépôt ; qu’en l’espèce ne peuvent être tenus pour identiques ou similaires les produits de l’édition et en particulier les journaux couverts par la marque opposée, et les vêtements, chaussures et accessoires désignés par la marque incriminée ; que les premiers juges ont donc estimé à tort que la contrefaçon était caractérisée ; Considérant qu’à titre subsidiaire HEARST invoque devant la cour l’article L 713-5 du Code de la propriété intellectuelle selon lequel « L’emploi d’une marque jouissant d’une renommée pour des produits ou services non similaires à ceux désignés dans l’enregistrement engage la responsabilité civile de son auteur s’il est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cet emploi constitue une exploitation injustifiée de cette dernière » ; qu’elle expose qu’il « est constant que sa marque est notoire », que « le dépôt et l’emploi du signe COSMOPOLITAN par AFRINAS pour les produits vises par son enregistrement procède d’une volonté parasitaire », et lui cause un préjudice constitué par la confusion créée dans l’esprit du public, par l’affaiblissement de la valeur de sa marque et par la gène apportée à ses initiatives tendant à étendre celle-ci à des domaines d’activité qui constituent une extension logique de celle du magazine ; Considérant qu’AFRINAS réplique qu’elle n’a nullement tenté de profiter de la notoriété du magazine COSMOPOLITAN et que l’action en responsabilité civile de son adversaire ne peut prospérer dès lors que « l’article L 713-5 prévoit… que le demandeur… doit prouver à la fois son préjudice et l’exploitation injustifiée de sa marque » ; Mais considérant qu’AFRINAS ne saurait manifestement être suivie dans cette dernière argumentation ; que l’article ci-dessus mentionné n’exige pas que soit démontrée une volonté parasitaire et pose in fine une condition alternative, visant soit l’utilisation « de nature à porter préjudice », soit « l’exploitation injustifiée » de la marque ; Considérant que l’intimée relève exactement que son adversaire ne conteste en aucune manière le caractère notoire de sa marque ; que les pièces mises aux débats conduisent en effet à retenir que cette marque jouit d’une renommée, étant connue d’une large fraction du public, et possédant un pouvoir distinctif qui s’étend au delà des produits d’édition, notamment aux domaines (vêtements, chaussures et accessoires) visés par le dépôt effectué par AFRINAS ; Considérant qu’il n’est pas contestable crue ledit dépôt est de nature à porter préjudice à HEARST, en affaiblissant le pouvoir distinctif et attractif de sa marque, et en constituant un frein à l’extension de celle-ci pour la commercialisation (directe ou par l’intermédiaire de licenciés) de produits se rattachant à la mode ;

Considérant qu’il se déduit des développements qui précèdent que les conditions d’application de l’article L 713-5 du Code de la propriété intellectuelle sont en l’espèce réunies ; que si ce texte ne prévoit pas expressément la sanction de l’annulation de l’enregistrement incriminé, réclamée par HEARST, elle ne la proscrit pas, pas davantage que ne l’excluent les règles de la responsabilité civile qui permettent tant une réparation en nature qu’en équivalent, et qui posent le principe de la réparation intégrale ; Considérant que le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a prononcé l’annulation de l’enregistrement de la marque 1.454 686, ainsi que du chef des mesures d’interdiction et de publication et sur le montant des dommages intérêts en outre alloués à HEARST, l’ensemble réparant équitablement le préjudice subi par l’intimée ; que la mesure de radiation également ordonnée ne saurait toutefois être maintenue ; Considérant que les circonstances ne commandent pas qu’il soit fait droit à la demande d’indemnité complémentaire formée par l’intimée au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ; PAR CES MOTIFS : Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a retenu à l’encontre de la société AFRINAS le grief de contrefaçon et ordonné la radiation de la marque par elle déposée ; Réformant de ces seuls chefs, statuant de nouveau et ajoutant : Dit que les publications ordonnées par les premiers juges devront tenir compte du présent arrêt ; Rejette toute autre demande ; Condamne la société AFRINAS aux dépens d’appel ; Admet la SCP BOMMART FORSTER au bénéfice des dispositions de l’article 699 du nouveau Code de procédure civile.

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Paris, 4e chambre, 31 octobre 1997