Cour d'appel de Paris, 27 février 1997, n° 94/015374

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 27 févr. 1997, n° 94/01537
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 94/015374

Texte intégral

Cour d’appel de Paris, 2ème chambre, section B, arrêt du 27 février 1997 n° 94.015374

ARRET Contradictoire; Prononcé publiquement par Madame TROCHAIN, Président, laquelle a signé la minute avec Madame FLOTTERER, Greffier.

Par un précédent arrêt en date du 12 JANVIER 1996, auquel elle se réfère pour un plus ample exposé des faits, des moyens et des prétentions des parties, la Cour a invité C D épouse X et E A épouse Y à mettre en cause G et F A afin que ces derniers soient en mesure de faire valoir, le cas échéant, leurs moyens sur le mérite de la demande présentée par les appelants tendant à voir prononcer l’annulation des délibérations du 13 JUILLET 1992 des SCI "[…]« , »SIMAP ELYSEES« et MASSIP POINCARE » les ayant désignées en qualité de nouveaux gérants desdites SCI en remplacement de Z et B A, la date d’effet de leur mandat n’intervenant toutefois qu’à la date à laquelle les actuels gérants cesseront pour quelque cause que ce soit leurs fonctions.

G et F A demandent à la Cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, y ajoutant, de condamner Mmes C X et E Y à leur payer la somme de 15.000 FRS sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile;

Ils font valoir, pour l’essentiel, que les résolutions critiquées ne se heurtent à aucune disposition impérative dès lors que les statuts n’évoquent pas la possibilité votée par les associés sans pour autant la prohiber; que les résolutions critiquées ne sont pas contraires aux dispositions du code civil; que ces décisions ne constituent pas un engagement personnel de vote futur puisqu’aussi bien la décision a d’ores et déjà été prise; que rien n’interdit, à l’avenir, aux associés des trois SCI de prendre, par une nouvelles décision ultérieure, une résolution différente de celles qui sont critiquées aujourd’hui;

Que ces délibérations ne sont pas contraires à l’intérêt social; qu’elles n’emportent pas d’égalité entre associés; que les résolutions litigieuses ont été prises par les assemblées ordinaires des associés des trois SCI qui se sont limitées à désigner les futurs gérants sans contracter aucune obligation; qu’enfin, aucune obligation n’a été contractée par les gérants des trois SCI en sorte qu’aucune condition potestative ne peut être retenue en l’espèce, conformément aux dispositions de l’article 1174 du code civil.

Mesdames X et Y demandent à la cour de :

Vu l’arrêt du 12 JANVIER 1996,

Vu l’assignation en intervention forcée délivrée à l’encontre de M. F A et Mme G A le 26 FEVRIER 1996 afin que l’arrêt à intervenir soit rendu commun à leur égard,

Dire que M. F H et G A n’établissent pas la réalité des griefs susceptibles de résulter de l’annulation des résolutions incriminées;

En conséquence,

Les dire irrecevables et en tout cas mal fondés en leurs demandes, fins et conclusions, y compris


celles formées en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile;

Adjuger à Mesdames C X et E Y l’entier bénéfice de leurs précédentes écritures;

En conséquence,

Dire Mesdames C X et E Y recevables et bien fondées en leur appel;

Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions leur faisant grief et statuant à nouveau,

Dire que la quatrième résolution adoptée lors des assemblées générales ordinaires des associés des SCI SIMAP ELYSEES, SCI MASSIP POINCARE et SCI du […] du 3 JUILLET 1992 constitue une violation des dispositions statutaires;

En conséquence,

Prononcer l’annulation de la quatrième résolution adoptée lors desdites assemblées ;

Dire que l’arrêt à intervenir sera transcrit au rang des procès-verbaux des assemblées des SCI SIMAP ELYSEES, SCI MASSIP POINCARE et SCI du […];

A titre subsidiaire, au cas où la Cour considérerait que les résolutions incriminées ne constituent pas une violation des statuts ou encore que la violation des statuts n’est pas une cause de nullité des délibérations :

Dire que les résolutions critiquées sont soumises à une condition potestative prohibée par les dispositions de l’article 1174 du code civil;

En conséquence,

Prononcer l’annulation de la quatrième résolution adoptée lors des assemblées générales ordinaires desdites sociétés ;

Dire que l’arrêt à intervenir sera transcrit au rang des procès-verbaux des assemblées des SCI SIMAP ELYSEES, SCI MASSIP POINCARE et SCI du […];

A titre très subsidiaire, au cas où la Cour considérerait que les résolutions incriminées ne sont pas soumises à une condition potestative;

Dire que Mesdames C X et E Y établissent que les résolutions critiquées sont constitutives d’un abus de majorité dont elles sont fondées à solliciter l’annulation en application des dispositions de l’article 1844-10 – 3ème alinéa du code civil;

En conséquence,

Prononcer l’annulation de la quatrième résolution adoptée lors des assemblées générales desdites sociétés;

Dire que l’arrêt à intervenir sera transcrit au rang des procès-verbaux des assemblées des SCI SIMAP ELYSEES, SCI MASSIP POINCARE et SCI du […];



Condamner Messieurs Z et B A conjointement et solidairement à régler à Mesdames C X et E Y la somme de 20.000 FRS en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile;

Condamner les mêmes aux dépens de première instance et d’appel, ainsi qu’à ceux de l’intervention de M. F A et Mme G A.

Elles soutiennent, notamment, que G et F A n’indiquent pas s’ils acceptent ou non les fonctions pour lesquelles ils ont été élus; qu’à défaut d’une telle acceptation, les résolutions ne pourront jamais être mises en œuvre; que tant qu’ils n’auront pas pris parti, ils seront manifestement irrecevables à appuyer les prétentions des intimes;

Qu’il ne s’agit pas de rechercher si les résolutions critiquées sont prohibées mais si elles sont autorisées;

Que de telles conventions de dévolution des fonctions de dirigeant sont nulles au contraire à l’intérêt social dans la mesure où elles interviennent dans l’ignorance et au mépris de la survenance d’éventuels éléments d’appréciation nouveaux et imprévisibles;

Que les résolutions dont s’agit impliquent nécessairement un engagement personnel de vote futur dans la mesure où leur mise en œuvre suppose le maintien indéfectible de l’alliance liant Messieurs A jusqu’à ce que l’un ou l’autre ait cessé d’être associé car, à défaut, la désignation du gérant futur qu’ils se sont choisi pourrait être mise en cause;

Qu’en outre, en passant une telle convention, sieurs A se sont privés, en qualité d’associés, du droit de révocation du quo-gérant, ce qui porte atteinte au principe de libre- révocabilité;

Que s’agissant de la SCI du […], en toute hypothèse, la résolution ne pouvait être adoptée sans elles car elles possèdent plus du tiers des parts et que l’article 15 des statuts prévoit que toute décision qui ne relève pas du pouvoir des gérants nécessite un vote des associés réunis en assemblée générale pris à la majorité des deux tiers des voix des associés présents ou représentés;

Qu’en excluant leurs nièces de la future gérance des trois sociétés, les associés majoritaires ne respectent pas la volonté de leur frère, I A;

Qu’en tant qu’associées, elles disposent du droit propre de désigner les nouveaux organes sociaux à la fin du mandat des gérants actuels; que ce droit qui résulte expressément des statuts est de l’essence même du droit des sociétés;

Cela étant exposé, la Cour :

Considérant que les trois délibérations litigieuses identiques du 3 JUILLET 1992 portent atteinte aux règles fondamentales de fonctionnement des sociétés; qu’elles compromettent, en effet, la liberté du vote puis qu’elles instaurent par avance le remplacement dans leurs fonctions de gérants des deux associés majoritaires seuls quo-gérants actuels de ces trois SCI au bénéfice des seules personnes de leur choix et au moment que chacun d’eux aura fixé unilatéralement (sauf l’hypothèse de son décès qui sera examinée ci-dessous), dans l’ignorance et même au mépris de la survenance éventuelle d’éléments nouveaux et imprévisibles;

Que Mesdames C X et E Y disposent en tant qu’associées du


droit propre de désigner les nouveaux organes sociaux à la fin du mandat des gérants actuels; que ce droit participe de l’essence même du droit des sociétés, s’agissant de leurs règles de fonctionnement; que le choix des gérants doit pouvoir s’effectuer librement et en fonction des événements et volontés exprimés à la date de cessation effective des fonctions des gérants actuels;

Qu’en cas de décès en cours de fonction de l’un des oncles de Mmes X et Y, gérant statutaire de l’une ou l’autre des SCI, rien n’indique qu’une réconciliation est à exclure entre cousins germains, héritiers de I A (les sœurs C X et E Y) et héritiers du gérant nouvellement décédé; que ces derniers ne sauraient se voir par avance privés de la possibilité de procéder à un renversement des alliances familiales au motif que leur père et oncle aurait auparavant fait nommer comme gérant de la société à compter de la fin de son mandat un membre de l’hoirie à son (actuelle) dévotion; Qu’en réalité, Messieurs Z et B A n’ont pas eu en vue, en nommant ainsi par avance leurs successeurs aux fonctions de gérant, l’intérêt bien compris de ces trois SCI familiales, mais l’intérêt du seul clan qu’ils représentent, après qu’ils aient déjà, abusant ainsi de l’expérience de leur belle soeur et du jeune âge de leurs nièces accaparé tous les postes de gérant alors que, statutairement, Z et B A exerçaient les fonctions de gérant de la SCI « SIMAP ELYSEES », que B et I J avaient la gérance de la SCI "du […]« et que Z et I K étaient gérants de la SCI »MASSIP-POINCARE" ;

Que les délibérations litigieuses rompent le principe d’égalité entre associés et constituent de ce fait un abus de majorité;

Que le droit de participer à la désignation des gérants fait partie de ces décisions collectives" auxquelles tout associé a le droit de participer, comme l’énonce l’article 1844 alinéa 1 du code civil; Que les délibérations litigieuses paralysent au préjudice de Mesdames X et Y, le droit dont elles disposent, d’une manière indivise, de voter chaque année pour le gérant de leur choix;

Qu’il y a abus de majorité dès lors que la résolution a été prise contrairement à l’intérêt général de la société et dans l’unique dessein de favoriser les membres de la majorité au détriment de ceux de la minorité;

Qu’il est nécessairement contraire à l’intérêt social que les futurs gérants soient choisis non pour leur compétence mais parce qu’ils appartiennent chacun au clan actuellement majoritaire au sein de l’hoirie A; qu’il ne saurait non plus y avoir conformité à l’intérêt social lorsque les fonctions du futur gérant prennent effet à une date inconnue alors que des éléments d’appréciation nouveaux et imprévisibles, comme il a été dit ci-dessus, sont susceptibles de remettre en cause le bien fondé des nominations intervenues;

Qu’enfin l’intérêt social exige que les dirigeants soient parfaitement libres à l’égard des associés ce qui n’est pas le cas lorsqu’ils ne constituent que l’émanation associé et que le droit d’exercer leurs fonctions est subordonné à une décision de cet associé;

Qu’il est contraire au principe d’égalité des associés que l’alliance majoritaire constituée entre deux associés leur permette de confisquer à leur seul profit la future gérance des sociétés, étant au surplus observé que la gérance bénéficie d’une rémunération de 8% sur le montant brut des loyers perçus par chaque société civile, alors qu’un administrateur de biens professionnel gère les immeubles concernés, ce qui revient à créer et à maintenir un avantage pécuniaire sans contrepartie réelle au seul profit d’une partie de l’hoirie A;

Considérant qu’il convient donc, en infirmant le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a déclaré


recevables en leur action Mesdames C X et E Y – ce qui n’est plus contesté en cause d’appel – de prononcer l’annulation des trois délibérations litigieuses du 3 JUILLET 1992 et de dire que le présent arrêt sera transcrit au rang des procès-verbaux des assemblées générales des SCI concernées;

Considérant qu’il serait inéquitable et économiquement injustifié de laisser à la charge de Mesdames C X et E Y la totalité des frais non compris dans les dépens qu’elles ont dû exposer pour faire valoir leur droits en justice;

Qu’il convient de leur allouer à chacune la somme de 10.000 FRS sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de procédure Civile à la charge solidaire de Messieurs B et Z A;

Considérant qu’il y a lieu de déclarer les parties non fondées dans leurs autres demandes, fins et conclusions et qu’il échet de les en débouter;

Considérant que Messieurs Z et B A succombant dans toutes leurs prétentions, il échet de mettre à leur charge solidairement la totalité des dépens de première instance et d’appel;

PAR CES MOTIFS,

Statuant contradictoirement,

Vu l’arrêt du 12 JANVIER 1996,

INFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu’il a déclaré recevables en leur action Mesdames C X et E Y;

Statuant à nouveau,

ANNULE la 4ème résolution adoptée lors des assemblées générales ordinaires des associés des SCI « SIMAP ELYSEES », « MASSIP POINCARE » et "[…]" du 3 JUILLET 1992;

DIT que le présent arrêt sera transcrit au rang des procès-verbaux des assemblées des SCI « SIMAP ELYSEES », « MASSIP POINCARE » et "[…]" ;

CONDAMNE solidairement Messieurs Z et B A à payer à Mesdames C X et E Y et à chacune d’elle la somme de 10.000 FRS sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile;

Rejette toutes conclusions autres, plus amples ou contraires;

CONDAMNE solidairement Messieurs Z et B A aux entiers dépens de première instance et d’appel et admet la SCP BERNABE-RICARD, avoué, au bénéfice de l’article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

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