Cour d'appel de Paris, 4e chambre section a, 2 avril 2003

  • Atteinte à la valeur patrimoniale de la marque·
  • Volonté de profiter de la notoriété d'autrui·
  • Atteinte au pouvoir attractif de l'œuvre·
  • Usage dans le sens du langage courant·
  • Élément caractéristique distinctif·
  • Similitude intellectuelle·
  • Agissements parasitaires·
  • Lieu du fait dommageable·
  • Atteinte au droit moral·
  • Banalisation de l'œuvre

Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 4e ch. sect. a, 2 avr. 2003
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Publication : GAZ PAL, 119-120, 28-29 avril 2004, p. 38-39, note d'Isabelle Saya-Salvador ; PIBD 2003, 772, III-477
Décision(s) liée(s) :
  • TGI Paris, 16 février 2000
  • 1998/22808
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : DESSINE MOI...
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 97709166
Référence INPI : M20030205
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Texte intégral

FAITS ET PROCEDURE Vu l’appel interjeté par la société C & A FRANCE d’un jugement rendu le 16 février 2000 par le tribunal de grande instance de Paris qui a :

- rejeté l’exception d’incompétence soulevée par la société C & A FRANCE,
- dit que l’utilisation des termes « Dessine-moi » par la société C & A FRANCE dans un slogan publicitaire présentant une partie de sa collection de vêtements pour enfants à partir du 24 août 1998 sous le titre « Dessine-moi la rentrée » constitue la contrefaçon de la marque dénominative « DESSINE MOI… » enregistrée sous le N° 97 709 166 notamment pour désigner tout article d’habillement ainsi que tout service de publicité, appartenant à la société pour l’Oeuvre et la Mémoire d’Antoine de S,
- interdit à la société C&A FRANCE, sous astreinte de 1.000 F par infraction constatée, de poursuivre l’utilisation des termes « Dessine moi » pour des publicités ou l’offre en vente d’articles de vêtements, à compter de la signification du jugement,
- condamné la société C&A FRANCE à payer à la société pour l’Oeuvre et la Mémoire d’Antoine de S la somme de 50.000 F à titre de dommages-intérêts pour l’atteinte portée à sa marque par la contrefaçon,
- autorisé la société pour l’Oeuvre et la Mémoire d’Antoine de S -EXUPERY à faire publier, en entier ou par extraits, le dispositif du jugement dans trois journaux ou revues de son choix, aux frais de la société C&A FRANCE, sans que ceux-ci puissent excéder à sa charge la somme globale de 45.000 F HT,
- débouté la SOGEX et les Consorts d’A de leurs demandes,
- débouté la société C&A FRANCE de sa demande reconventionnelle,
- condamné la société C&A FRANCE à payer à la société Pour l’Oeuvre et la Mémoire d’Antoine de S la somme de 15.000 F sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Vu les dernières écritures signifiées le 25 juillet 2002 par lesquelles la société C & A FRANCE demande à la Cour :

- d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté l’exception d’incompétence et de dire que le tribunal de grande instance de Paris était incompétent pour connaître de la présente instance et de renvoyer l’affaire devant le tribunal de grande instance de Nanterre,
- de le réformer en ce qu’il a accueilli la demande en contrefaçon formée par la société Pour l’Oeuvre et la Mémoire d’Antoine de S et de débouter cette dernière de l’ensemble de ses prétentions,
- de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la SOGEX et les Consorts d’A de leurs demandes,
- de condamner la société Pour l’Oeuvre et la Mémoire d’Antoine de S -EXUPERY, la SOGEX et les Consorts d’A à lui verser la somme de 1.524, 49 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et celle de 2.286, 74 euros sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Vu les dernières conclusions signifiées le 5 juin 2002 aux termes desquelles la Société Pour l’Oeuvre et la Mémoire d’Antoine de S, les consorts d’A et la société SOGEX

sollicitent la confirmation du jugement déféré en ce qu’il a jugé que l’utilisation des termes « Dessine-moi » par la société C & A FRANCE dans un slogan publicitaire constitue la contrefaçon de la marque dénominative « DESSINE MOI… » N° 97 709 166 et son infirmation pour le surplus, demandant à la Cour de :

- condamner la société C & A FRANCE à payer :

- à la Société pour l’Oeuvre et la Mémoire d’Antoine de S la somme de 76.224, 51 euros à titre de dommages-intérêts au titre de la contrefaçon de la marque dont elle est titulaire,
- à la SOGEX, la somme de 30.490 euros à titre de dommages-intérêts au titre du parasitisme de l’oeuvre « LE PETIT PRINCE » dont elle est cessionnaire des droits dérivés,
- aux Consorts d’A, la somme de 7.622, 45 euros à titre de dommages-intérêts au titre de l’atteinte portée à l’intégrité de l’oeuvre « LE PETIT PRINCE »,
- interdire pour l’avenir à la société C & A FRANCE de reproduire, publier, exploiter et utiliser de quelque manière que ce soit la phrase « Dessine-moi la rentrée », sous astreinte de 15.244, 90 euros par infraction constatée,
- dire que la décision à intervenir pourra être publiée aux frais de la société C & A FRANCE sur simple présentation de devis ou de factures proforma dans les limites pour les insertions dans la presse quotidienne de 15.244, 90 euros HT par insertion et pour les insertions dans la presse magazine de 22.867 euros HT par insertion,
- condamner la société C & A FRANCE à leur verser la somme de 7.700 euros HT sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile.

DECISION I – SUR L’EXCEPTION D’INCOMPÉTENCE Considérant que la société C & A FRANCE prétend que faute par la société pour l’Oeuvre et la Mémoire d’Antoine de S de rapporter la preuve que le numéro 726 du magazine « FEMME ACTUELLE » dans lequel a été insérée la publicité litigieuse, est vendu ou distribué à Paris, seul le tribunal de grande instance de Nanterre, lieu où elle est établie, est compétent ; Considérant qu’aux termes de l’article 46 du nouveau Code de procédure civile, le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du Heu où demeure le défendeur… en matière délictuelle, la juridiction du lieu du fait dommageable ; Considérant que le magazine « FEMME ACTUELLE », hebdomadaire publié par le groupe PRISMA PRESSE, diffusé à 1.864.537 exemplaires, est nécessairement distribué

à Paris ; que sa vente dans les kiosques parisiens est confirmée par le bordereau de débit des NMPP et l’attestation de M. V, vendeur de presse ; Que les premiers juges ont donc exactement relevé que la publicité litigieuse avait été diffusée dans le ressort du tribunal de grande instance de Paris et ainsi rejeté à bon droit l’exception d’incompétence soulevée par la société C & A FRANCE ; II – SUR LA CONTREFAÇON DE MARQUE Considérant qu’il ressort des éléments produits aux débats que François, Marie- Madeleine, Mireille et Jean de GIRAUD d’A, héritiers de l’écrivain Antoine de S, sont en cette qualité dévolutaires des droits patrimoniaux et moraux afférents à son oeuvre ; Que la société civile pour l’Oeuvre et la Mémoire d’Antoine de S est une société civile constituée entre les héritiers pour l’exercice de leurs droits patrimoniaux, notamment les droits d’exploitation et d’adaptation de l’oeuvre de leur auteur ; Que la société SOGEX détient de la société civile, qui lui en a fait apport, la gestion des droits d’exploitation dérivée de l’oeuvre de l’auteur ; Considérant que la société pour l’Oeuvre et la Mémoire d’Antoine de S est titulaire de la marque dénominative « DESSINE MOI… », déposée le 16 décembre 1997, enregistrée sous le N° 97 709 166, pour désigner notamment les clichés vêtements, chaussures, chapellerie, articles de sport, publicité ; Que la société civile reproche à la société C & A FRANCE d’avoir, en éditant un catalogue comportant le slogan publicitaire « Dessine-moi la rentrée.. », commis des actes de contrefaçon de cette marque ; Considérant que le slogan litigieux ne constituant pas la reproduction à l’identique de la marque « DESSINE-MOI…. », il convient de rechercher s’il existe entre ces deux expressions un risque de confusion ; Que ce risque doit être apprécié globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, le risque étant d’autant plus élevé que le caractère distinctif de la marque opposée est important ; que cette appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des signes en cause, être fondée sur l’impression visuelle d’ensemble produite par celles-ci, en tenant compte de leurs éléments distinctifs dominants ; Considérant que les produits et services désignés par la marque et le slogan sont identiques ; Considérant les mots « dessine-moi » constituent bien l’élément distinctif et attractif dominant du slogan publicitaire « Dessine-moi la rentrée… » ;

Que la société C & A FRANCE soutient en vain qu’elle a fait usage de ce verbe dans son sens courant alors que, conjugué à la seconde personne du singulier de l’impératif, il n’annonce pas un concours de dessin ouvert aux enfants mais une offre promotionnelle sur des vêtements qui leur sont destinés ; qu’elle a en outre repris dans son slogan, sans impératif d’ordre linguistique ou grammatical, les points de suspension présents dans la marque ; Que l’utilisation dans la marque de ce signe de ponctuation, qui a pour vocation d’en interrompre l’énoncé, est de nature à laisser accroire à une possible déclinaison de ce signe par l’ajout d’un substantif ; que cette similitude d’ordre conceptuel entraîne un risque de confusion réel entre les deux signes, le consommateur moyennement attentif étant naturellement conduit à leur attribuer une origine commune ; Que le slogan « Dessine-moi la rentrée… » constitue donc la contrefaçon par imitation de la marque « DESSINE-MOI…. » N° 97 709 166 ; III – SUR LES AGISSEMENTS PARASITAIRES Considérant que la société SOGEX soutient que la société C & A FRANCE a fait usage de l’expression « Dessine-moi » dans le but de créer dans l’esprit du public une confusion avec l’oeuvre de SAINT-EXUPERY « Le Petit Prince » et de tirer indûment profit de celle- ci et de sa notoriété ; qu’elle relève à cet effet que la phrase « Dessine-moi un mouton » a acquis une notoriété telle qu’elle constitue un signe de ralliement des lecteurs ou du public du Petit Prince dont elle permet l’identification immédiate ; Considérant que la société SOGEX a pour objet, conformément à ses statuts, l’exploitation commerciale des droits dérivés de l’ensemble de l’oeuvre d’Antoine de S ; qu’à ce titre, elle autorise la reproduction sur différents supports de l’oeuvre littéraire et graphique de l’auteur ; Que les actes reprochés à la société C & A FRANCE étant susceptibles de porter atteinte à ces droits, la société SOGEX est recevable à agir ; Considérant qu’il est constant que le conte intitulé « Le Petit Prince », dont Antoine de S est également l’illustrateur, connaît une place essentielle dans son oeuvre par le renom exceptionnel qui s’attache tant à l’apparence visuelle du personnage imaginaire du Petit Prince qu’à ses propos ; qu’ainsi l’expression « Dessine-moi un mouton », répétée avec insistance cinq fois par le personnage, au début de la narration, évoque immédiatement pour un très large public, même extraite de son contexte, le Petit Prince, et par extension l’oeuvre elle-même ; Que les articles de presse et les contrats conclus par la société SOGEX produits aux débats établissent que cette expression dans son entier ou limitée aux mots « Dessine-moi » suivis d’autres substantifs tels « en CD ROM », « une cheminée », « un instrument de musique », « une chanson », « un théâtre », « un immeuble », « un succès » est constamment

reprise pour désigner des manifestations consacrés à l’oeuvre de SAINT-EXUPERY ou dédiées à sa mémoire ; Que cette expression, par l’usage qui en est fait, identifie immédiatement l’oeuvre « Le Petit Prince » auprès d’une large fraction du public ; Considérant que le choix de l’expression « Dessine-moi la rentrée… »par la société C & A FRANCE ne saurait être fortuit dès lors que le recours à l’impératif n’était pas imposé par la syntaxe ; Qu’en faisant usage de cette expression dotée d’un pouvoir évocateur fort pour construire un slogan publicitaire, la société C & A FRANCE a cherché à tirer profit de la notoriété attachée à l’oeuvre littéraire et a ainsi commis des actes de parasitisme ; IV – SUR L’ATTEINTE AU DROIT MORAL DES CONSORTS D’A Considérant que les Consorts d’A soutiennent que l’emploi des termes « Dessine-moi » dans le but manifeste de se référer à l’oeuvre « Le Petit Prince » porte atteinte à l’intégrité de cette oeuvre et caractérise une violation du droit moral dont ils sont dévolutaires ; Mais considérant que la citation d’une phrase de ce conte pour présenter une campagne publicitaire de vente de vêtements destinés aux enfants ne constitue pas en soi une atteinte à l’intégrité de l’oeuvre, alors qu’ils ont accepté son usage pour promouvoir différents produits, notamment des tee-shirts ; Que les premiers juges les ont donc à juste titre déboutés de leur demande ; V – SUR LES MESURES RÉPARATRICES Considérant que l’atteinte à la valeur patrimoniale de sa marque subie par la société pour l’Oeuvre et la Mémoire d’Antoine de S a été exactement indemnisée par les premiers juges par l’allocation d’une somme de 50.000 F, soit 7.622, 45 euros ; Considérant que la SOGEX fait valoir à juste titre qu’elle subit un manque à gagner du fait que la société C & A FRANCE n’a pas sollicité son autorisation et qu’elle n’a pu négocier les conditions de la référence à l’oeuvre de SAINT-EXUPERY ; Que toutefois, le montant des redevances qu’elle perçoit au titre de l’exploitation des droits dérivés est cancellé sur les contrats produit aux débats de sorte que la Cour ne dispose d’aucun élément comptable pour déterminer l’étendue de son préjudice ; que le trouble commercial qu’elle a subi du fait de l’atteinte au pouvoir attractif de cet extrait de l’oeuvre, résultant de sa banalisation, sera indemnisé par l’allocation d’une indemnité de 5.000 euros ;

Considérant que les mesures d’interdiction et de publication prononcées par les premiers juges, qui apparaissent justifiées seront confirmées, sauf à préciser qu’il sera fait mention du présent arrêt ; Considérant que les dispositions de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile doivent bénéficier aux intimés, la somme de 7.700 euros devant leur être allouée à ce titre ; Que la solution du litige commande de rejeter la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive et celle formée sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile par la société C & A FRANCE ; PAR CES MOTIFS Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a débouté la société SOGEX de sa demande au titre du parasitisme ; Le réformant sur ce point et statuant à nouveau ; Dit que la société C & A FRANCE a commis des actes de parasitisme au préjudice de la société SOGEX ; Condamne la société C & A FRANCE à payer à la société SOGEX la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de ces actes fautifs ; Dit que la publication fera mention du présent arrêt ; Rejette le surplus des demandes, Condamne la société C & A FRANCE à payer à la société pour l’Oeuvre et la Mémoire d’Antoine de S, à la société SOGEX et aux Consorts d’A la somme globale de 7.700 euros au titre de leurs frais irrépétibles d’appel, Condamne la société C & A FRANCE aux dépens qui pourront être recouvrés conformément à l’article 699 du nouveau Code de procédure civile.

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