Cour d'appel de Paris, 4e chambre section a, 14 janvier 2004

  • Combinaison d'une partie verbale et d'une partie figurative·
  • Signe opposé : mots cacher et beth din·
  • Usage dans le sens du langage courant·
  • Agrément pour l'abattage rituel·
  • Forclusion par tolérance·
  • Action en contrefaçon·
  • Caractère descriptif·
  • Caractère distinctif·
  • Concurrence déloyale·
  • Qualité essentielle

Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 4e ch. sect. a, 14 janv. 2004
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Décision(s) liée(s) :
  • Tribunal de grande instance de Paris, 29 mai 2002
  • 2000/20527
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : BETH DIN ; CACHER BETH DIN A.C.I.P. ; BETH DIN DE PARIS
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 3007514 ; 95568123 ; 3007242
Classification internationale des marques : CL03; CL05; CL16; CL29; CL30; CL32; CL33; CL41; CL42
Référence INPI : M20040015
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Texte intégral

Vu l’appel interjeté par la société VILLETTE VIANDES ARGONNE et la société CHALY du jugement rendu le 29 mai 2002 par le tribunal de grande instance de Paris qui a :

- prononcé la nullité de l’enregistrement de la marque dénominative « BETH DIN » N° 00 3 007 514 déposée le 15 février 2000 par l’Association Consistoriale Israélite de Paris,
- constaté la validité des marques complexes N° 95 568 123 et N° 00 3 007 242,
- rejeté la demande en contrefaçon de ces marques,
- condamné in solidum la société CHALY, la société VILLETTE VIANDES ARGONNE, la société Boucherie LES TROIS ETOILES, la société AZI Distribution exploitant la boucherie « Chez Meir R » et la société ISMAH exploitant la boucherie « Chez Jacques » à payer à l’Association Consistoriale Israélite de Paris la somme de 7.500 euros à titre de dommages-intérêts du fait des agissements fautifs commis à son encontre,
- autorisé l’Association Consistoriale Israélite de Paris à faire publier le dispositif du jugement en entier ou par extraits, dans trois journaux ou revues de son choix, aux frais des sociétés défenderesses, le coût total de ces insertions ne pouvant excéder à leur charge la somme hors taxes de 9.300 euros,
- dit que le jugement sera transmis à l’INPI pour inscription au registre national des marques sur réquisition du greffier ou d’une des parties,
- condamné in solidum la société CHALY, la société VILLETTE VIANDES ARGONNE, la société BOUCHERIE LES TROIS ETOILES, la société AZI DISTRIBUTION et la société ISMAH aux dépens et au paiement in solidum à l’Association Consistoriale Israélite de Paris de la somme de 2.700 euros sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Vu les dernières écritures signifiées le 19 novembre 2003 par lesquelles la société VILLETTE VIANDES ARGONNE et la société CHALY demandent à la Cour de :

- à titre principal
- vu le protocole transactionnel du 21 mai 2003, leur donner acte de ce qu’elles acceptent le désistement d’instance de l’ACIP ( Association Consistoriale Israélite de Paris) et qu’en contrepartie elles acceptent de se désister de leur appel,
- à titre subsidiaire,
- constater la nullité des marques « BETH DIN », « CACHER BETH D » et "BETH D DE PARIS, revendiquées par l’ACIP,
- dire l’ACIP irrecevable et mal fondée en son action en contrefaçon,
- à titre plus subsidiaire
- constater la forclusion de l’action engagée par l’ACIP,
- dire l’ACIP irrecevable en son action,
- plus subsidiairement
- constater qu’aucun acre de contrefaçon ou de concurrence déloyale ne saurait leur être reproché,
- débouter l’ACIP de l’ensemble de ses prétentions,
- condamner l’ACIP à leur verser la somme de 6.000 euros sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Vu les écritures signifiées le 10 octobre 2003 aux termes desquelles l’ACIP demande à la Cour de :

- constater qu’elle est propriétaire des marques « CASHER BETH DIN », « BETH D DE PARIS » et « BETH D » régulièrement enregistrées auprès de l’INPI,

— dire que la société CHALY, la société VILLETTE VIANDES ARGONNE, la société BOUCHERIE LES TROIS ETOILES, la société AZI DISTRIBUTION et la société ISMAH en reproduisant et en utilisant lesdites marques se sont rendues coupables d’actes de contrefaçon,
- condamner in solidum ces sociétés à lui verser la somme de 76.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la contrefaçon,
- dire que ces sociétés se sont rendues coupables d’actes de concurrence déloyale, au sens de l’article 1382 du Code civil,
- les condamner in solidum à lui verser la somme de 152.000 euros à titre de dommages- intérêts en réparation du préjudice résultant de la concurrence déloyale,
- leur interdire de reproduire et d’utiliser de quelque manière que ce soit les marques sus- visées,
- les condamner à déposer toute enseigne se référant aux dites marques sous astreinte de 1.500 euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, la cour se réservant la liquidation de l’astreinte,
- ordonner la publication de l’arrêt à intervenir dans quatre journaux de son choix, aux frais des intimées,
- condamner in solidum les intimées à lui verser la somme de 7.600 euros sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Vu l’ordonnance de clôture du 1(er) décembre 2003 ; Vu les conclusions signifiées le 3 décembre 2003 par lesquelles l’ACIP sollicite la révocation de l’ordonnance de clôture ; Vu les conclusions signifiées le 3 décembre 2003 aux termes desquelles la société VILLETTE VIANDES ARGONNE et la société CHALY s’opposent à la révocation de l’ordonnance de clôture.

I – Sur la demande de révocation de l’ordonnance de clôture Considérant que 1"ACIP fait valoir à l’appui de sa demande de révocation de l’ordonnance de clôture que les intimées ont invoqué dans leurs écritures signifiées le 19 novembre 2003 une argumentation nouvelle, fondée sur l’application du protocole d’accord du 21 mai 2003, à laquelle elle n’a pu répliquer ; Mais considérant que le protocole du 21 mai 2003, auquel l’ACIP était partie, a été communiqué aux débats, suivant bordereau signifié le 19 novembre, avec les écritures contenant le moyen critiqué ; que l’ACIP a disposé d’un délai de 7 jours ouvrables pour en débattre de sorte que le principe de la contradiction se trouve respecté ; Qu’il n’y a donc lieu à révocation de l’ordonnance de clôture ; Qu’il s’ensuit que les conclusions signifiées le 3 décembre 2003 par l’ACIP seront déclarées irrecevables et écartées des débats ; II – Sur le désistement d’appel Considérant qu’il n’est pas contesté que la société CHALY et la société VILLETTE VIANDES ARGONNE sont membres de l’Association cultuelle Cha’are Shalom Ve-

Tsedek, signataire avec l’ACIP du protocole transactionnel du 21 mai 2003 ; Considérant que l’article 7 de ce protocole transactionnel prévoit que l’ACICC, dont fait partie l’Association Cha’are Shalom Ve-Tsedek :

- s’engage à intervenir auprès des sociétés Chaly, Villette Viandes Argonne, Boucherie Les Trois Etoiles, Azi D et Ismah pour qu’elles se désistent de l’appel interjeté contre le jugement rendu le 29 mai 2002 par la 3(ème) chambre du tribunal de grande instance de Paris,
- en contrepartie de ce désistement, l’ACIP renonce au bénéfice du jugement rendu le 29 mai 2002 par la 3(ème) chambre du tribunal de grande instance de Paris,
- l’ACIP s’engage à se désister de toute instance et action relativement à la contrefaçon des marques « Casher Beth Din », « Beth D de Paris » ou « Beth D » par les boucheries relevant de l’autorité de l "ACICC ; Mais considérant que la société CHALY et la société VILLETTE VIANDES ARGONNE subordonnent leur désistement de l’appel au désistement par l’ACIP de son instance en contrefaçon de marques : Que par application de l’article 401 du nouveau Code de procédure civile, le désistement de l’appel doit être accepté s’il contient des réserves, ce qui est le cas en l’espèce ; Que l’ACIP ne l’acceptant pas, le désistement est non avenu ; II – Sur la validité des marques Considérant que l’ACIP est titulaire des marques suivantes :

- la marque semi-figurative « CACHER BETH DIN », déposée le 19 avril 1995, enregistrée sous le n° 95 568 123, composée, outre de cette dénomination en hébreu, de la reproduction des rouleaux de la Torah ainsi que d’un tampon comprenant en son centre une reproduction du livre de la torah ouvert et sur sa circonférence la mention « sous le contrôle du Beth D de Paris et de France » ;

- la marque semi-figurative déposée le 14 février 2000, enregistrée sous le N° 00 3 007 242, composée de la dénomination « BETH DIN DE PARIS » et d’un tampon portant en son centre une reproduction du livre de la Torah ouvert et sur sa circonférence la mention « Beth Din P », inscrite également en lettres hébraïques ;

- la marque dénominative « BETH DIN » déposée le 15 février 2000, enregistrée sous le N° 00 3 007 514 ; Que ces marques désignent divers produits et services des classes 3, 5, 16, 29, 30, 32, 33, 41 et 42 ; Considérant que la société CHALY et la société VILLETTE VIANDES ARGONNE soulèvent la nullité de ces marques aux motifs qu’elles ne présentent pas le caractère distinctif requis et qu’elles seraient déceptives ; Considérant qu’elles relèvent pertinemment que les termes « CACHER » et « BETH D » sont compris du public de confession israélite, qui lira dans le premier, une préparation particulière des aliments selon les règles de la loi hébraïque et donnera au second, sa signification de tribunal rabbinique ; Mais considérant que les deux signes N° 95 568 123 et N° 00 3 007 242 sont des marques complexes, constituées d’éléments dénominatifs et figuratifs ; qu’elles tirent leur caractère distinctif de la combinaison de ces termes aux éléments figuratifs qui les composent qui. s’ils évoquent la religion juive et ses rites, ne sont pas la désignation nécessaire, générique ou usuelle des produits et services visés ;

Que ce grief sera donc rejeté ; Considérant que pour démontrer le caractère déceptif de ces marques, la société VILLETTE VIANDES ARGONNE et la société CHALY font valoir que la qualité cachère de la viande ne saurait résulter de ce qu’elle aurait été garantie par l’ACIP qui ne peut prétendre représenter la totalité du mouvement israélite ; qu’elles ajoutent que cette qualité s’apprécie au regard du respect des formes rituelles de l’abattage et des modalités selon lesquelles ce rituel est accompli ; Mais considérant qu’aux termes de l’article 1(er) alinéa 1 du décret du 18 mai 1981, l’abattage rituel ne peut être effectué que par des sacrificateurs habilités par les organismes religieux agréés, sur proposition du ministre de l’intérieur, par le ministre de l’agriculture ; Que par arrêté du 1(er) juillet 1982, la commission rabbinique intercommunautaire de l’abattage rituel de l’ACIP a été agréée pour habiliter des sacrificateurs autorisés à pratiquer l’égorgement rituel ; Que l’ACIP ayant reçu l’agrément du ministère de l’agriculture, l’utilisation des mentions « CACHER BETH D » ou « BETH D DE PARIS », qui ont pour finalité de garantir que les produits et services offerts en vente sous ces marques ont subi le contrôle religieux requis par la loi hébraïque, n’est pas de nature à tromper le public sur leur qualité , au sens de l’article L.711-3-c) du Code de la propriété intellectuelle ; Que le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté l’exception de nullité des deux marques N° 95 568 123 et N° 00 3 007 242 ; Considérant que les premiers juges ont exactement estimé que la marque dénominative « BETH DIN » apparaît pour ce même public descriptive de la qualité essentielle des produits d’hygiène, alimentaires, des services de restauration, de pompes funèbres et de laboratoires visés dans l’enregistrement, à savoir qu’ils ont été soumis au contrôle des membres délégués du tribunal rabbinique ; Que le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a déclaré nulle la marque « BETH DIN » N° 00 3 007 514 ; III – Sur la contrefaçon de marques Considérant que les sociétés appelantes soulèvent la forclusion de l’action en contrefaçon telle que prévue par l’article L.716-5 du Code de la propriété intellectuelle, faisant valoir que l’association Cha’are Shalom Ve-Tsedek, à laquelle elles sont affiliées, est titulaire de la marque « Beth Din de Cha’are Shalom Ve-Tsedek » déposée le 31 juillet 1995 ; Mais considérant que les premiers juges ont relevé à juste titre que l’ACIP ne poursuit pas la contrefaçon de ses marques par la marque sus-visée, sur laquelle au demeurant les appelantes ne justifient d’aucun droit ; Que la fin de non recevoir tirée de la forclusion doit donc être écartée ; Considérant qu’à l’appui de son action en contrefaçon, l’ACIP invoque deux procès- verbaux de constat dressés le 13 octobre 1999 et le 8 août 2000 par Maître T, huissier de justice, dans les locaux de la société CHALY et de la société VILLETTE VIANDES ARGONNE ; que, par des motifs pertinents que la Cour adopte, les premiers juges, après avoir fait état des constatations de l’huissier instrumentaire, ont estimé à juste titre que la seule mention sur les enseignes et devantures des deux boucheries exploitées par les sociétés appelantes des mots « cacher » et « Beth D », utilisés dans leur acception courante, à l’exclusion des éléments figuratifs composant les deux marques, ne pouvaient caractériser

des faits de contrefaçon par imitation ; Que le jugement entrepris doit donc être confirmé sur ce point ; IV – Sur la concurrence déloyale Considérant que, faisant valoir qu’elle est l’unique association cultuelle agréée par le ministère de l’agriculture pour la gestion et la cachérisation alimentaire dans le respect des règles religieuses, l’ACIP soutient que l’utilisation des termes « Beth D », « Beth D de Paris » et « Cacher Beth D » par les sociétés appelantes est de nature à créer une confusion dans l’esprit de la clientèle en laissant supposer que ces boucheries sont exploitées sous le contrôle du Beth D de Paris et ont reçu son agrément pour vendre de la viande casher ; Considérant que par décision du 7 mai 1987, le Ministre de l’Intérieur a refusé l’agrément de l’Association CHA’ARE SHALOM VE-TSEDEK en qualité d’organisme religieux pouvant habiliter des sacrificateurs pour la pratique de l’abattage rituel ; que par jugement du 28 juin 1989, le tribunal administratif de Paris a rejeté le recours formé par l’association à l’encontre de la décision de refus ; que par arrêt du 25 novembre 1994, le Conseil d’Etat a rejeté la requête de l’association ; que la Cour Européenne des droits de l’Homme saisie par l’association a, par décision du 27 juin 2000. dit qu’il n’y avait pas violation de l’article 9. combiné avec l’article 14, de la Convention ; Considérant qu’il ressort des procès-verbaux de constat dressés les 13 octobre 1999 et 8 août 2000, que les sociétés CHALY et VILLETTE VIANDES ARGONNE ont apposé sur les enseignes et devantures de leurs magasins situés à Paris la mention « sous le contrôle du BETH-DIN CHA’ARE SHALOM VE TSEDEK » ; que sans rechercher si la qualité de la viande offerte à la vente par les sociétés CHALY et VILLETTE VIANDES ARGONNE répond aux prescriptions de la loi hébraïque, cette mention est de nature à laisser accroire à la clientèle principalement locale, soucieuse de se conformer aux préceptes de la religion juive, que les produits proposés sont contrôlés par le tribunal rabbinique de Paris, l’apposition du nom de l’association CHA’ARE SHALOM VE TSEDEK n’excluant pas cette garantie ; Que pour rejeter la requête de l’association CHA’ARE SHALOM VE-TSEDEK, le Conseil d’Etat a considéré qu’il ne ressortait pas des pièces du dossier que cette association, qui n’organise pas de célébration et ne dispense aucun enseignement, ne présentait, en raison de ses activités, le caractère d’un organisme religieux ; Qu’en se prévalant d’un agrément pour la pratique de l’abattage rituel dont seule l’Association ACIP est à ce jour titulaire, les sociétés CHALY et VILLETTE VIANDES ARGONNE ont commis une faute préjudiciable à l’ACIP ; V – Sur les mesures réparatrices Considérant que les premiers juges ont exactement apprécié le préjudice subi par l’ACIP du fait des agissements fautifs des sociétés CHALY et VILLETTE VIANDES ARGONNE en lui allouant une indemnité de 7.500 euros à titre de dommages-intérêts ; Que la mesure d’interdiction qui apparaît justifiée sera également confirmée ; Considérant que les dispositions de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile doivent bénéficier à l’ACIP, la somme complémentaire de 6.000 euros devant lui être allouée à ce titre ; Que la solution du litige commande de rejeter la demande formée sur ce même fondement par les appelantes ;

PAR CES MOTIFS Dit n’y avoir lieu à révocation de l’ordonnance de clôture ; Rejette le moyen d’irrecevabilité tiré du désistement d’appel des sociétés CHALY et VILLETTE VIANDES ARGONNE ; Dit le désistement non avenu ; Confirme en toutes ses dispositions soumises à la Cour le jugement entrepris ; Y ajoutant ; Condamne in solidum la société CHALY et la société VILLETTE VIANDES ARGONNE à payer à l’ACIP la somme de 6.000 euros sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne in solidum la société CHALY et la société VILLETTE VIANDES ARGONNE aux dépens qui pourront être recouvrés conformément à l’article 699 du nouveau Code de procédure civile.

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