Cour d'appel de Paris, 7 octobre 2008, 08/01096

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Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

(Sommaire nº1) Aucun texte ni principe n’imposant d’avertir la personne entendue par les enquêteurs de l’AMF qu’elle est libre de ne pas témoigner, les droits de cette personne ont été suffisamment garantis par la mention de l’objet de l’enquête, qui lui permettait d’identifier sans ambiguïté les faits sur lesquels elle était entendue. (Sommaire nº2) Le dirigeant d’une société, par ses fonctions même, est supposé maîtriser la communication de l’entreprise. Lorsqu’une information inexacte, imprécise ou trompeuse, au sens de l’article 632-1 du règlement général de l’AMF, est communiquée par un émetteur, son dirigeant doit en répondre à moins qu’il ne démontre que des circonstances particulières l’ont privé de l’exercice, total ou partiel, de ces fonctions, justifiant qu’il en ait légitimement ignoré le caractère fallacieux. Tel n’est pas le cas d’une délégation de pouvoirs, qui ne saurait autoriser un dirigeant à se désintéresser totalement de la communication financière de la société et qui, dès lors, ne peut l’affranchir de la responsabilité qui lui incombe au titre de cette dernière. (Sommaire nº3) Le recours à des supports d’information différents pour communiquer sur des comptes provisoires ou des comptes définitifs ne satisfait à l’exigence, rappelée par l’article 2 du règlement COB nº 98-07 devenu l’article 223-1 du règlement général de l’AMF, d’une information exacte, précise est sincère qu’à la condition que les modalités de sa mise en ¿uvre ne fassent pas obstacle à ce que l’évolution réelle de l’activité de la société soit appréhendée avec une précision suffisante.

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, ct0091, 7 oct. 2008, n° 08/01096
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 08/01096
Importance : Inédit
Décision précédente : Autorité des marchés financiers, 3 octobre 2007
Dispositif : other
Date de dernière mise à jour : 15 septembre 2022
Identifiant Légifrance : JURITEXT000019691033
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Texte intégral

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

1ère Chambre-Section H

ARRÊT DU 07 OCTOBRE 2008

(no 40, 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 2008 / 01096

Décision déférée à la Cour : rendue le 04 octobre 2007

par l’AUTORITÉ DES MARCHES FINANCIERS

DEMANDEUR AU RECOURS :

— M. Christian X…

né le 16 novembre 1942 à PLOUGUIEL

de nationalité : Française

demeurant :… 22220 TREGUIER

— Mme Marie-Josée Y… épouse X…

née le 15 janvier 1959 à LANNION

de nationalité : Française

demeurant :… 22220 TREGUIER

— M. Joseph Z…

né le 26 mai 1948 à SEILHAN

de nationalité : Française

demeurant : Pont Losquet Bras 22450 COATREVEN

représentés par Frédérique ETEVENARD, suppléante de l’étude de Maître Jean Jacques A…,

avoué près la Cour d’Appel de PARIS

assistés de Maître Jean Jacques B…,

avocat au barreau de PARIS

IDEFT Société d’avocat

EN PRÉSENCE DE :

M. LE PRESIDENT DE L’AUTORITE DES MARCHES FINANCIERS

17 place de la bourse

75002 PARIS

représenté par Mme Caroline MIRIEU DE LABARRE, muni d’un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 02 septembre 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :

— M. Didier C…, Président

— M. Christian REMENIERAS, Conseiller

— Mme Agnès MOUILLARD, Conseillère

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : M. Benoît TRUET-CALLU

MINISTÈRE PUBLIC :

L’affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par M. Hugues WOIRHAYE, Avocat Général, qui a fait connaître son avis.

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par M. Didier PIMOULLE, président et par M. Benoît TRUET-CALLU, greffier.

* * * * * *

La société Faros, dont M. Christian X… a été le président-directeur général jusqu’en janvier 2006, est spécialisée dans la conception et la fabrication de simulateurs informatiques pour l’apprentissage du pilotage dans les domaines aéronautique, maritime et automobile. Ses actions ont été admises à la négociation en 1996 sur le Nouveau marché, puis sur le Second marché en juillet 1999. Elle a ensuite figuré au compartiment C de l’Eurolist d’Euronext Paris avec une capitalisation boursière de 10 M € et en a été radiée en septembre 2006, la cotation du titre ayant été suspendue à partir du 15 avril 2005 en raison de l’ouverture d’un redressement judiciaire, qui a été clôturé le 16 janvier 2006 par la reprise des actifs par le groupe ECA.

Des opérations inhabituelles ayant été enregistrées sur le marché du titre Faros avant la publication au BALO des comptes semestriels de 2003, le secrétaire général de l’AMF a décidé, le 10 septembre 2004, d’ouvrir une enquête sur le marché du titre à compter du 1er octobre 2003, enquête étendue le 30 mai 2005 à l’information financière de la société à compter du 1er juin 2002.

Par décision du 4 octobre 2007, la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (ci-après l’AMF) a, pour manquements à l’obligation d’information du public et manquements d’initié, prononcé des sanctions pécuniaires de 50 000 euros contre M. Christian X…, de 3 000 euros contre Mme Marie-Josée X…, épouse du précédent et administratrice de la société, et de 15 000 euros contre M. Joseph Z…, administrateur de la société, et a ordonné la publication de la décision au BALO ainsi que sur le site Internet et dans la revue de l’AMF.

LA COUR :

Vu le recours contre cette décision formé par M. et Mme X… et M. Z… le 25 janvier 2008 ;

Vu les mémoires déposés le 24 janvier 2008 par les requérants, soutenus par leurs mémoires en réplique du 25 juin 2008, par lesquels ils demandent à la cour d’annuler la décision attaquée et de condamner l’AMF à leur payer à chacun une somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Vu les observations écrites de l’AMF en date du 13 mai 2008 ;

Vu les observations écrites du ministère public, mises à la disposition des parties avant l’audience ;

Ouï à l’audience publique du 2 septembre 2008, en leurs observations orales, le conseil des requérants, qui a été mis en mesure de répliquer et a eu la parole en dernier, ainsi que la représentante de l’AMF et le ministère public ;

SUR CE :

— sur la régularité de la procédure

Considérant que M. X… poursuit l’annulation de la procédure en invoquant des violations :

— des droits de la défense :

. les enquêteurs font référence à un fichier de suivi du carnet de commandes de la société Faros qui n’apparaît pas dans le dossier d’enquête et qu’il n’a donc pas pu consulter ;

. un tableau remis par M. D…, ancien directeur financier de Faros, qui établirait, selon les enquêteurs, que « les objectifs n’ont pas été atteints par suite principalement d’une non-réalisation du carnet de commandes », ne contient pas, contrairement à ce qui est prétendu, des données destinées au marché mais des données de budget prévisionnel à usage interne, en outre non fiables car remises par un salarié en cours de licenciement par le mandataire judiciaire ;

. un commissaire aux comptes de la société a été entendu par les enquêteurs le 24 mars 2005 sur la communication financière de la société alors que l’enquête n’a été étendue à cet objet que le 30 mai 2005 ;

— du devoir de loyauté :

. n’ayant été entendu qu’une seule fois le 21 décembre 2005, il n’a pas été mis en mesure d’apporter des précisions utiles ;

. il n’a pas été informé des conséquences éventuelles de son audition, n’a pas été avisé qu’il était libre de ne pas témoigner et de se taire, et a été conduit, dans l’ignorance de l’objet de l’enquête, à faire des déclarations sur la portée desquelles il s’est mépris et, partant, à témoigner contre lui-même ;

Que Mme X… et M. Z… invoquent la même violation du devoir de loyauté pour n’avoir pas été suffisamment informés de la nature exacte de leurs auditions et de leurs conséquences, les mentions relatives à l’enquête sur le marché du titre Faros et sur l’information financière délivrée par la société étant, selon eux, générales et peu compréhensibles pour des non spécialistes ; qu’ils ajoutent que, les règles de procédure du procès équitable imposant un rapport individuel pour chacun des mis en causes, leurs droits n’ont pas été garantis dès lors que le rapport ne distingue pas les griefs reprochés à chacun d’eux ; qu’ils estiment enfin que la décision attaquée doit être annulée parce qu’elle se borne à reprendre le rapport d’enquête sans apprécier les éléments de fait et de droit ;

Considérant, sur les droits de la défense, en premier lieu, que le fichier intitulé « deallist 0301 v200211 », auquel M. X… prétend ne pas avoir eu accès, figure dans le répertoire « Deal list 2003 » copié par M. E…, directeur général adjoint, sur le CD Rom (cote D 200) qu’il a remis aux enquêteurs le 16 juin 2005 (cote D 203) ; que le premier grief manque en fait ;

Considérant, en second lieu, qu’une analyse erronée, quant à leur destination ou leur objet, des informations contenues dans un document figurant parmi les pièces du dossier ne serait pas de nature à invalider la procédure mais aurait pour effet d’altérer la valeur probante dudit document, ce qui relève de l’appréciation au fond ; que le deuxième grief est inopérant ;

Considérant, enfin, que c’est à juste titre que la décision souligne qu’intervenant sur un délit d’initié, les enquêteurs devaient faire porter leurs investigations sur l’existence d’une information privilégiée, ce qui supposait de recueillir des informations sur la communication de la société ; que M. X… ne précise pas en quoi les informations recueillies auprès du commissaire aux comptes excéderaient le champ de l’enquête ainsi circonscrite ; que le troisième grief n’est pas fondé ;

Considérant, sur le principe de loyauté, qu’aucune atteinte à ce principe ne saurait résulter de ce que M. X… n’a été entendu qu’une fois par les enquêteurs le 21 décembre 2005 dès lors qu’il ne conteste pas avoir pu s’exprimer librement devant eux et qu’il lui était loisible de demander une seconde audition s’il estimait avoir des déclarations complémentaires à fournir, ce dont il a été informé lors de sa convocation et qu’il ne prétend pas avoir fait ; que, de toute façon, il a été entendu par le rapporteur après la notification de griefs le 16 mai 2007 et, à cette occasion, a été mis en mesure de faire valoir l’ensemble de ses moyens et arguments puis de nouveau ultérieurement, tant devant la commission des sanctions de l’AMF que devant la cour ;

Qu’ensuite, la décision relève avec pertinence que la convocation adressée à M. X… mentionnait l’objet de l’enquête, à savoir le marché du titre et l’information financière de la société ; qu’au demeurant, le grief invoqué par le requérant apparaît en l’espèce particulièrement dénué de fondement dès lors que le document intitulé « Vos droits à l’occasion d’une enquête de l’Autorité des marchés financiers », qui lui a été adressé avec la convocation, précisait que l’enquête était susceptible de déboucher sur des sanctions prononcées par l’AMF et qu’il pouvait se faire assister d’un avocat ; que c’est donc en connaissance de cause que M. X… s’est exprimé devant les enquêteurs à qui il ne peut reprocher aucune déloyauté pour ne pas l’avoir informé, à ce stade de leurs investigations, qu’il risquait des poursuites pour délit d’initié ou manquement à l’information du public, étant encore rappelé que c’est à compter de la notification des griefs que s’ouvre la phase contradictoire de la procédure ; qu’au surplus, il ne résulte nullement des déclarations du requérant, telles que reproduites dans son mémoire (page 10), qu’il s’y soit auto-accusé, puisque les passages reproduits montrent qu’il se bornait à prendre acte prudemment de l’appréciation de ses interlocuteurs sur les faits objets de leurs investigations, en faisant valoir sa bonne foi ;

Considérant qu’aucun texte ni principe n’imposant d’avertir la personne entendue qu’elle est libre de ne pas témoigner, les droits de Mme X… et M. Z… ont été suffisamment garantis par la mention de l’objet de l’enquête sus-rappelée, qui leur permettait d’identifier sans ambiguïté les faits sur lesquels ils étaient entendus ; que, de même, les règles du procès équitable ont été respectées en l’espèce dès lors que chacun des requérants a été mis en mesure, par la notification des griefs qui lui a été adressée, de connaître avec précision les charges qui étaient retenues contre lui ; qu’enfin, contrairement à ce qui est allégué, la décision précise les éléments de fait et de droit qui la fondent ; qu’elle est donc motivée, peu important qu’elle soit conforme au rapport qui l’a précédée ;

Que la procédure est donc régulière ;

— sur le fond

* les manquements à l’information du public

Considérant que la décision reproche à M. X… deux manquements à l’information du public :

— que le premier manquement concerne le recours à des supports alternatifs de communication dans des conditions ayant pour effet de ne pas informer correctement le marché, aux motifs que, pour les exercices 2002 et 2003, la société Faros a publié par voie de communiqués de presse ses comptes provisoires, nettement moins déficitaires que les comptes définitifs (résultats d’exploitation et production lesquels n’étaient publiés qu’au BALO), en les assortissant au surplus de commentaires optimistes, laissant anticiper une amélioration qui ne se retrouvait pas dans les chiffres définitifs ; que l’AMF estime en outre que le silence gardé entre les communiqués de presse et les publications au BALO ne pouvait que tromper le marché ;

— qu’au titre du second manquement, il est reproché à M. X… un manquement à l’information du public au cours de l’exercice 2003, pour ne pas avoir fait état des tensions existant sur la trésorerie de la société ; que la décision retient à cet égard qu’à la suite des événements de septembre 2001, la société Sindel, une filiale de la société Faros, avait signé en novembre 2002 avec la marine coréenne un contrat « Rok Navy », portant sur la fourniture d’un simulateur de lutte anti-sous-marine, d’un montant de 10, 5 M € (montant supérieur à la moitié du chiffre d’affaires pour 2002 de la société Faros), que cette dernière a rencontré des difficultés pour financer les garanties de bonne fin et de restitution d’acomptes (70 % du marché), qui n’ont pu être mises en place qu’in extremis-les banques habituelles ayant refusé leur concours et une procédure de mandat ad hoc ayant dû être mise en place par le président du tribunal de grande instance de Guingamp le 11 juin 2003- et au prix d’un accord coûteux avec la Korean Exchange Bank, que, consacrant la quasi-totalité de sa trésorerie à ce contrat, la société a perdu des parts de marché sur les secteurs qu’elle n’avait plus les moyens d’entretenir ou de développer, que, finalement, l’URSSAF, en novembre 2004, l’a assignée en redressement judiciaire ; qu’estimant que les dirigeants de la société Faros connaissaient, dès le début de 2003, les difficultés de la société dans l’exécution du contrat « Rok Navy », l’AMF fait grief à M. X… de n’avoir informé le marché de cette situation qu’au BALO du 1er août 2003, et en outre au titre des comptes sociaux et non des comptes consolidés, et seulement au titre de la garantie de bonne fin, des informations parcimonieuses ayant été délivrées ensuite à l’occasion de la publication des comptes au BALO, le 1er mars 2004, de sorte que ce n’est en définitive qu’a posteriori, dans un communiqué du 16 juin 2004 portant sur les résultats provisoires de 2003 et les perspectives 2004, que l’ensemble des difficultés liées à l’exécution du contrat coréen ont été portées à la connaissance du marché ;

Considérant que M. X… objecte qu’il n’est pas l’auteur des communiqués financiers, cette mission ayant été dévolue à une équipe spécialisée sous l’autorité d’un directeur financier doté, par l’effet d’une délégation écrite, de l’ensemble des pouvoirs nécessaires, et précise à cet égard que les communiqués en cause ont été réalisés par les deux directeurs financiers qui se sont succédé, M. D… d’abord, puis M. F… à partir de 2001, lesquels auraient d’ailleurs reconnu leurs responsabilités en cette matière, ainsi que par M. E…, directeur général adjoint à partir du 7 janvier 2003 ; qu’il conteste le caractère optimiste des communiqués retenu par la décision ;

Que, s’agissant du premier manquement, il rappelle qu’aucune obligation, légale ou réglementaire, n’impose à la société de procéder à la publication des comptes sociaux et consolidés définitifs, ainsi que des chiffres d’affaires trimestriels, à la fois, dans le BALO et dans la presse, que ce n’est que lorsque la société est détentrice d’une information portant, selon l’article 4 du règlement no 98-07 relatif à l’information du public sur « tout fait important susceptible, s’il était connu d’avoir une importance significative sur le cours d’un instrument financier ou sur la situation et les droits des porteurs de cet instrument financier, ou sur le cours du contrat à terme ou de l’instrument financier admis aux négociations sur un marché réglementé mentionné à l’article 1er » et, selon l’article 222-3 du règlement général de l’AMF, sur « toute information privilégiée », au sens de l’article 621-2 du dit règlement, c’est-à-dire une information « qui, si elle était rendue publique, serait susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés ou le cours d’instruments financiers qui leur sont liés », qu’elle est tenue d’en informer le public ; qu’il fait valoir que les écarts entre les chiffres provisoires et les chiffres certifiés tardivement sont peu importants ou ont donné lieu à des communiqués intermédiaires, que les ajustements auxquels la société a dû procéder en raison des demandes tardives des commissaires aux comptes ne peuvent lui être imputés, tant pour 2002 que pour 2003, que ces écarts sont dus à des événements postérieurs à l’arrêté provisoire des comptes, et que le public était suffisamment avisé du caractère non définitif des chiffres provisoires par la mention « en cours d’audit » ; qu’il ajoute que retenir ce grief revient à ajouter à la loi dès lors que la publication des résultats a été exhaustive et complète, dans la mesure où elle comportait tous les éléments d’appréciation, qu’il n’existe pas d’obligation d’avoir recours à des communiqués de presse et que la publication au BALO vaut publicité ; qu’il impute enfin la responsabilité des irrégularités reprochées au « comportement sans précédent des commissaires aux comptes » qui, en raison de leur incompétence, n’ont pas été capables de certifier les comptes sociaux et consolidés à temps et qui étaient donc à l’origine du dépassement des délais légaux et des écarts entre les montants provisoires et les montants définitifs ; qu’il ajoute enfin que l’AMF, dont l’intervention avait été requise pour cette raison fin 2003, en était informée et qu’elle n’a pas alors relevé d’insuffisance dans l’information délivrée ;

Qu’en ce qui concerne le deuxième manquement, M. X… objecte que, lorsque le contrat « Rok Navy » a été signé, fin novembre 2002, les perspectives de trésorerie ne laissaient pas augurer de sujet d’inquiétude particulier, que, dès que les difficultés avec les banques, liées notamment aux problèmes rencontrés avec les commissaires aux comptes générant une publication tardive des comptes, sont apparues, la société a communiqué d’une façon complète sur ses difficultés financières, ainsi par une publication au BALO du 1er août 2003 précisant que le groupe n’avait pu « faire face à l’intégralité de ses échéances fiscales et sociales », qu’il envisageait de « réduire sensiblement ses effectifs à Lannion », peu important, en présence d’une information aussi alarmante, que n’ait été évoquée expressément que la question de la garantie de bonne fin et non celle de restitution d’acomptes ;

Mais considérant que le dirigeant d’une société, par ses fonctions même, est supposé maîtriser la communication de l’entreprise ; que, lorsqu’une information inexacte, imprécise ou trompeuse, au sens de l’article 632-1 du règlement général de l’AMF, est communiquée par un émetteur, son dirigeant doit en répondre à moins qu’il ne démontre que des circonstances particulières l’ont privé de l’exercice, total ou partiel, de ces fonctions, justifiant qu’il en ait légitimement ignoré le caractère fallacieux ; que tel n’est pas le cas d’une délégation de pouvoirs, qui ne saurait autoriser un dirigeant à se désintéresser totalement de la communication financière de la société et qui, dès lors, ne peut l’affranchir de la responsabilité qui lui incombe au titre de cette dernière ;

Considérant, sur le premier manquement, qu’il n’est pas reproché à M. X… d’avoir méconnu les textes réglementant l’information périodique obligatoire des sociétés ; que la décision précise à juste titre que le recours à des supports d’information différents pour communiquer sur des comptes provisoires ou des comptes définitifs ne satisfait à l’exigence, rappelée par l’article 2 du règlement COB no 98-07 devenu l’article 223-1 du règlement général de l’AMF, d’une information exacte, précise est sincère qu’à la condition que les modalités de sa mise en œ uvre ne fassent pas obstacle à ce que l’évolution réelle de l’activité de la société soit appréhendée avec une précision suffisante ; qu’en l’espèce, il est constant que les chiffres provisoires-dont M. X… ne peut utilement contester qu’ils étaient toujours plus favorables, dans des proportions non négligeables (voir page 6 de la décision), que les comptes définitifs-faisaient l’objet de communiqués de presse sans jamais être assortis de correctifs par la même voie, tandis que les comptes définitifs, quant à eux, n’étaient publiés qu’au BALO, dont l’audience est nécessairement plus restreinte ; que cette dissymétrie dans les modes de publication était de nature à fausser l’appréciation, par le public, de l’évolution de l’activité de la société, peu important à cet égard qu’il fût précisé qu’il s’agissait de données provisoires, d’autant que les communiqués de presse, s’ils mentionnaient quelque sujet de préoccupation (par exemple, tassement de la conjoncture), le contrebalançaient amplement par des références optimistes à d’autres éléments positifs (tels la forte croissance dans un autre secteur ou une meilleure gestion des charges) ; qu’étant encore observé que ce ne sont pas les retards dans les publications qui fondent le manquement, ni les écarts entre les données provisoires et définitives, il n’importe que ces derniers événements fussent imputables aux commissaires aux comptes dont, de toute façon, les éventuelles défaillances ne pouvaient exonérer le dirigeant de la responsabilité personnelle qui pèse sur lui en la matière ; qu’enfin, l’intervention invoquée de l’AMF, qui n’avait d’ailleurs pas pour objet de vérifier le qualité de l’information délivrée par la société, est postérieure aux faits reprochés ;

Considérant, sur le second manquement, que c’est par une juste appréciation des circonstances de la cause que la décision retient que l’information délivrée au marché quant aux difficultés liées à la mise en place des garanties de bonne fin et de restitution d’acomptes et à leur incidence sur les résultats de la société a été insuffisante et tardive ; qu’à cet égard, M. X… ne peut utilement soutenir avoir satisfait à ses obligations par la publication du 1er août 2003, tardive en elle-même (la désignation du mandataire ad hoc, qui atteste de la gravité avérée de la situation, datant du 11 juin 2003), et qui, même si elle mentionne que « cette mobilisation de trésorerie a eu pour effet de tendre la trésorerie du groupe sur 2003 et ne lui a ainsi pas permis de faire face à l’intégralité de ses échéances fiscales et sociales », ne vise que la garantie de bonne fin pour un montant de 10 % du contrat (1 M € environ), alors qu’au même moment, l’ensemble des garanties à financer avoisinait 3, 5 M € ; que la différence entre ces deux montants, rapprochée des autres données comptables de la société, ne pouvait laisser indifférent un investisseur raisonnable et suffit donc à établir l’influence sensible qu’aurait eu cette information sur le cours du titre si elle avait été divulguée sans délai ;

* sur les manquements d’initié

Considérant que la décision reproche à M et Mme X… et à M Z…, des manquements d’initié pour avoir vendu, la totalité pour les époux X…, et l’essentiel pour M. Z…, de leurs titres Faros alors qu’ils avaient connaissance de la situation de la société et de ses difficultés liées à l’exécution du contrat coréen, lesquelles n’avaient pas été entièrement révélées au public ;

Considérant que M. X… conteste le manquement qui lui est reproché en faisant valoir que :

— l’entreprise a communiqué sur les difficultés de trésorerie engendrées par le marché « Rok Navy » ;

— les problèmes de garantie de restitution d’acomptes ont été réglés le 23 décembre 2003 ;

— des informations alarmistes, générales et autrement plus graves pour la pérennité de l’entreprise ont été données au marché dans le communiqué d’août 2003 (non paiement des échéances fiscales et sociales et intention de réduire les effectifs) ;

— la situation de l’entreprise s’est au contraire améliorée au moment de la cession des titres, soit entre le 3 octobre 2003 et le 3 décembre 2003, ainsi qu’en attestent les appréciations non contestables du mandataire ad hoc sur l’évolution de la situation, les négociations menées par ce mandataire qui ont abouti à la signature de l’accord avec les banques le 7 janvier 2004, le versement en août 2003 dans les caisses sociales d’une somme de 200 K € par l’actionnaire de référence, M. G…, la prise de commandes supplémentaires fermes pour un montant de 8 M €, des apports en trésorerie effectués ultérieurement par M. G…, la société SINDEL et lui-même, enfin la rentabilité attendue du marché « Rok Navy » ;

— une éventuelle communication par Faros sur les difficultés liées à la mise en œ uvre de la garantie de restitution d’acomptes ne pouvait être insérée dans le communiqué du 1er août 2003, et n’avait pas vocation à être effectuée en septembre, octobre, novembre ou décembre dans la mesure où elle était sur le point d’être obtenue et l’a finalement été le 23 décembre 2003 ;

— en l’état des informations délivrées par le communiqué du 1er août 2003, une telle communication serait passée au second plan et n’aurait pas eu d’influence significative sur le cours ;

— il n’y a pas eu d’exploitation d’une information privilégiée, la seule information privilégiée dont il était détenteur concernant les perspectives de redressement de l’entreprise de sorte que c’est l’achat de titres Faros qui aurait été répréhensible ;

— la cession répondait à des impératifs personnels tenant à la nécessité de procéder à des avances en compte-courant (125 000 € en décembre 2003) et de rembourser une dette personnelle bancaire contractée dans l’intérêt de l’entreprise pour permettre l’introduction en bourse ;

— il a accepté de souscrire en décembre 2003 deux nouvelles cautions personnelles d’un montant global de 1, 967 M € dans l’intérêt de l’entreprise auprès de la Korean Bank pour permettre la poursuite du contrat « Rok Navy », ce qui aurait été impensable s’il n’avait pas considéré que l’entreprise n’était pas en voie de rétablissement ;

— le cours du titre Faros réagit peu aux communiqués et publications ;

— l’acquéreur essentiel des actions qui ont été achetées en bourse au cours de la période a été l’actionnaire de référence (près d'1 / 3 des actions), le groupe G…, qui était en liaison directe et permanente avec l’entreprise, ce qui exclut que le public ait été lésé ;

— il a réalisé une importante moins value en cédant au cours de 4, 31 € des titres qu’il avait acquis au prix unitaire de 8, 17 € en juin 1999 ;

Que Mme X…, qui articule les mêmes objections quant à l’existence d’une information privilégiée, ajoute pour sa part que, n’ayant assisté à aucun conseil d’administration en 2002 et 2003, elle ignorait la situation financière exacte de la société Faros, en particulier les difficultés de cette dernière liées à la mise en place des garanties de restitution d’acomptes, et que l’AMF ne saurait, sans violer l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, lui opposer sa qualité d’épouse pour en déduire, sans aucune autre preuve, sa connaissance de l’information dite privilégiée ; qu’elle souligne enfin qu’elle avait par le passé procédé à des cessions périodiques d’un faible montant de ses titres Faros et que les cessions qui lui sont reprochées étaient motivées par des aménagements à effectuer dans les chambres pour recevoir à Noël ses enfants et petits-enfants ;

Que M. Z…, quant à lui, fait valoir que son statut de salarié, « co-fondateur-actionnaire » très minoritaire et d’administrateur de la société ne signifiait pas qu’il « co-dirigeait » quotidiennement la société avec M. X… ; qu’il prétend que, ses fonctions de « directeur commercial export » le conduisant à s’intéresser exclusivement à l’aspect commercial du marché du Maghreb, il n’avait pas une connaissance précise de la situation de la société et ne se préoccupait pas des détails pratiques des solutions apportées aux difficultés financières qu’elle rencontrait, que, s’il participait aux conseils d’administration, la preuve n’est pas rapportée qu’il eût été informé des difficultés liées au contrat « Rok Navy », qu’enfin, il avait versé dans les caisses sociales, en février 2003, une somme de 50 000 € qu’il n’a pas cherché à récupérer et détenait toujours début 2005 des titres Faros qu’il a ensuite offerts à ses deux filles lesquelles les ont conservés ; que, niant également le caractère privilégié de l’information relative aux garanties de restitution d’acomptes, il fait encore valoir que, s’il a vendu des titres, c’était pour « se repositionner sur des valeurs dont il pensait qu’elles allaient augmenter » dans l’optique de rembourser un prêt personnel arrivant à échéance en mai 2004 ;

Mais considérant qu’ainsi qu’il a déjà été dit, M. X… s’est abstenu fautivement de porter à la connaissance du marché l’information privilégiée tenant à l’ampleur des difficultés de trésorerie de la société Faros, en se bornant à signaler que la société recherchait le financement d’une garantie contractuelle pour un montant d’environ 1 M €, alors que c’était un financement de 3, 5 M € que la société s’efforçait d’obtenir au même moment ; que, si les financements en cause ont pu être obtenus le 23 décembre 2003 et si un accord a pu être finalisé en janvier 2004 avec les principaux créanciers, il reste que les cessions reprochées à M. X…, intervenues entre le 3 octobre et le 3 décembre 2003 (portant sur la totalité des 130 973 actions qu’il détenait pour un montant global de 564 328 euros), ont été effectuées bien avant ces événements et qu’ainsi c’est faussement que ce dernier prétend que la seule information privilégiée qu’il détenait alors était le redressement prévu de l’entreprise ; qu’au demeurant, la décision retient avec pertinence que les prévisions de redressement émises par le mandataire ad hoc en octobre 2003 partaient nécessairement d’une situation détériorée et se fondaient sur les chiffres dont on a vu qu’ils étaient erronés ; qu’il est en outre constant-la société l’avait elle-même reconnu-que l’ouverture de la procédure collective a été provoquée par les fortes tensions sur la trésorerie du groupe liées au contrat coréen, qui ont perturbé la conduite de certains marchés, contribué à la perte de crédibilité du groupe face à quelques gros clients et entraîné des pertes de parts de marché ; qu’ainsi, c’est contre ce que le dossier révèle que M. X… conteste le caractère privilégié, en octobre et décembre 2003, de l’information en cause ; que les cessions auxquelles il a procédé alors qu’il était détenteur à raison de ses fonctions d’une telle information et, comme tel, tenu à un devoir absolu d’abstention, suffisent à caractériser le manquement reproché, sans qu’il puisse utilement se prévaloir des versements, au reste nettement moindres, qu’il a effectués dans les comptes de la société simultanément, des garanties personnelles qu’il a accepté de souscrire, indépendantes des agissements en cause, de la moins-value qu’il a subie, inférieure à celle qu’il aurait supportée si l’information avait été divulguée, enfin de l’identité de l’acquéreur, prétendument informé de la situation réelle de la société, l’infraction en cause ayant de toute façon porté atteinte à l’égalité de traitement des investisseurs, à la transparence et à l’intégrité du marché ;

Considérant qu’en l’état de ces éléments, qui établissent avec certitude le manquement d’initié reproché à M. X…, les ventes effectuées par son épouse, administratrice de la société, au cours de cette même brève période, et qui lui ont permis, comme lui, de se défaire de la totalité des titres Faros qu’elle détenait (4 860 actions pour un montant de 24 854 euros), démontrent que celle-ci avait connaissance de l’information en cause et de son caractère privilégié et que les cessions qu’elle a ordonnées obéissaient à la même stratégie ;

Considérant que M. Z… a reconnu lui-même qu’il remplissait normalement ses fonctions d’administrateur, qu’il avait connaissance des communiqués de presse juste avant leur publication et qu’il situait les difficultés de la société au deuxième semestre 2003, du fait de la baisse d’activité du secteur aéronautique à la suite des attentats de 2001 et des problèmes de financement du contrat « Rok Navy » en 2002, difficultés ayant engendré des tensions sur la trésorerie en 2003 ne permettant pas de réaliser les ventes prévues sur le marché algérien, à très forte marge ; que, dans ces conditions, c’est vainement qu’il prétend ne pas avoir été détenteur d’une information privilégiée lorsqu’il a procédé aux cessions litigieuses, de sorte qu’est caractérisé le manquement reproché, sans qu’il soit nécessaire d’analyser les mobiles qui l’ont conduit à le commettre ;

— sur les sanctions

Considérant qu’aux termes de l’article L. 625-15 du code monétaire et financier, le montant de la sanction doit être fixé en fonction de la gravité des manquements commis et en relation avec les avantages ou les profits éventuellement tirés de ces manquements ;

Qu’à cet égard, la décision rappelle avec pertinence que les manquements à la bonne information du public et les manquements d’initié ont porté atteinte aux droits des épargnants, ont faussé le fonctionnement du marché en portant atteinte à l’égalité d’information et de traitement des investisseurs ainsi qu’à leurs intérêts, enfin ont procuré aux requérants un avantage injustifié qu’ils n’auraient pas obtenu dans le cadre normal du marché ;

Que c’est donc en tenant compte de ces éléments et, nécessairement, de ceux d’atténuation invoqués par les requérants, que la commission des sanctions a prononcé contre M. X…, coupable de manquements à l’information du public et de manquement d’initié, une sanction de 50 000 euros après avoir relevé qu’il avait évité une perte de 40 000 euros, et contre Mme X… et M. Z… qui, au titre de leur manquement d’initié, avaient évité les pertes de 2 414 euros et de 20 000 euros, les sanctions respectives de 3 000 euros et 15 000 euros ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les recours doivent être rejetés ;

PAR CES MOTIFS

Rejette les recours formés par M. X…, Mme X… et M. Z… contre la décision du 5 octobre 2007 de la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers ;

Rejette leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile ;

Les condamne aux dépens ;

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Benoit TRUET-CALLUDidier PIMOULLE

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
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Cour d'appel de Paris, 7 octobre 2008, 08/01096