Cour d'appel de Paris, 17 septembre 2008, n° 07/05476

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 17 sept. 2008, n° 07/05476
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 07/05476
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 14 mars 2007, N° 06/085612

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

4e Chambre – Section A

ARRET DU 17 SEPTEMBRE 2008

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 07/05476

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Mars 2007 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 06/085612

APPELANTE

XXX

agissant poursuites et diligences de son représentant légal

XXX

XXX

représentée par la SCP DUBOSCQ – PELLERIN, avoués à la Cour

assistée de Me Vincent FAUCHOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : P 221, plaidant pour DEPREZ-GUIGNOT et associés

INTIMEE

S.A. SEJER

pris en la personne de son représentant légal

XXX

XXX

représentée par la SCP BOLLING – DURAND – LALLEMENT, avoués à la Cour

assistée de Me Jean-Pierre BLESBOIS, avocat au barreau de PARIS, toque : D 1183

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 09 Juin 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Alain CARRE-PIERRAT, Président

Madame Z ROSENTHAL-ROLLAND, Conseiller

Mme Brigitte CHOKRON, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Mme X Y

ARRET : CONTRADICTOIRE -

— prononcé publiquement par Monsieur Alain CARRE-PIERRAT, Président

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Monsieur Alain CARRE-PIERRAT, président et par Mme X Y, greffier présent lors du prononcé.

Vu l’appel interjeté, le 26 mars 2007, par la société PLAY BAC d’un jugement rendu le 15 mars 2007 par le tribunal de commerce de Paris qui a débouté les parties de leurs demandes et l’a condamnée aux dépens ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 2 juin 2008, aux termes desquelles la société PLAY BAC, poursuivant l’infirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions, demande à la Cour de :

* juger que la société SEJER en commercialisant le livre calendrier Mon année 2007 – C’est pas sorcier -365 questions-réponses… pour t’étonner tous les jours et Mon année 2007 – C’est pas sorcier – 365 questions-réponses … pour étonner tous les jours (sic) a commis des actes de parasitisme et de concurrence déloyale à son égard,

* interdire à la société SEJER de fabriquer et de commercialiser les ouvrages Mon année 2007 – C’est pas sorcier -365 questions-réponses… pour t’étonner tous les jours et Mon année 2007 – C’est pas sorcier -365 questions-réponses… pour t’étonner tous les jours et ce sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard constaté à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir,

* ordonner le retrait de tous les exemplaires actuellement offerts à la vente dans tous les points de vente accessibles au public, et ce sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard constaté à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir,

* condamner la société SEJER à lui payer la somme de 370.000 euros à titre de dommages et intérêts,

* ordonner l’exécution provisoire, sans constitution de garantie,

* ordonner la publication du dispositif du jugement à intervenir dans 5 journaux ou magazines de diffusion nationale, dans la limite de 7.000 euros HT par insertion,

* condamner la société SEJER à lui payer la somme de 25.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel,

* en tout état de cause : débouter la société SEJER de l’ensemble de ses demandes ;

Vu les ultimes conclusions, en date du 28 mai 2008, par lesquelles la société SEJER, agissant en sa qualité de locataire-gérant du fonds de commerce de la société LIBRAIRIE FERNAND NATHAN et Cie, poursuivant la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions, demande à la Cour de débouter la société PLAY BAC de l’ensemble de ses demandes et de la condamner à lui verser la somme de 15.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

SUR CE, LA COUR

Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ; qu’il suffit de rappeler que :

* après avoir, en 1989, créé des éventails de questions-réponses dénommés LES INCOLLABLES, destinés aux enfants de 2 à 13 ans, la société PLAY BAC a, en 1995, créé un modèle de livre calendrier sous forme de chevalet, dit CHEVALET 365, avec sa collection intitulée UN MOT PAR JOUR DES INCOLLABLES, destiné aux enfants de 5 à 13 ans,

* en 2003, elle a créé, en partenariat avec la société PRISMA PRESSE, le CHEVALET 365 intitulé Ca m’intéresse- 365 questions/réponses pour aiguiser sa curiosité, dont la première parution a eu lieu en novembre 2004,

* par la suite elle a décliné et diversifié sa gamme dite CHEVALET 365,

* le 19 octobre 2006, LES EDITIONS NATHAN ont édité un livre calendrier chevalet intitulé Mon année 2007 – C’est pas sorcier -365 questions-réponses… pour t’étonner tous les jours qui, selon la société PLAY BAC, reprendrait les caractéristiques de ses ouvrages de la gamme jeunesse sur le thème des questions-réponses et plus particulièrement des CHEVALETS 365,

* par lettre recommandée avec accusé de réception du 17 novembre 2006, la société PLAY BAC a mis en demeure la société LES EDITIONS NATHAN de cesser de commercialiser ce livre calendrier qui, par lettre non datée reçue le 1er décembre 2006, lui a répondu avoir découvert le livre calendrier de la société PLAY BAC intitulé LES INCOLLABLES – 365 questions réponses et a prétendu que cet ouvrage parasitait le sien,

* c’est dans ces circonstances que la société PLAY BAC a engagé la présente procédure à l’encontre de la société SEJER, ès qualités, en concurrence déloyale et parasitaire ;

* sur la concurrence parasitaire

Considérant que, pour s’opposer aux prétentions émises par la société PLAY BAC, la société SEJER conteste l’originalité du CHEVALET 365, en faisant valoir, d’abord, que le concept du livre chevalet serait relativement ancien et banal, ayant elle-même développé, en 1989, ce concept pour une collection d’ouvrages de cuisine intitulée COLLECTION LE LIVRE CHEVALET, ensuite que cette présentation serait destinée à répondre à des nécessités fonctionnelles, aussi, que le concept retenu ne serait que la mise au goût du jour de l’almanach à l’instar de l’ALMANACH VERMOT, dont la première édition remonte au 1er janvier 1886 ; que de même le nombre 365 serait dépourvu de toute originalité puisque devenu générique pour désigner les ouvrages censés fournir une information quotidienne à leurs lecteurs, et, enfin, que la réunion de ces éléments sous forme de chevalet/calendrier à thèmes serait connue dès lors qu’elle constituerait une création américaine remontant aux années 30 ;

Mais considérant qu’un tel moyen tiré d’un prétendu défaut d’originalité est inopérant dès lors que la société PLAY BAC qui ne revendique aucune protection au titre du droit d’auteur, fonde exclusivement son action sur la concurrence parasitaire ;

Que se trouve également inopérant le moyen tiré par la société SEJER de l’absence de confusion, dès lors que la société PLAY BAC qui dispose librement du choix relatif au fondement de son action, n’invoque nullement celui de la concurrence déloyale ;

Et considérant que le parasitisme est caractérisé par la circonstance selon laquelle, à titre lucratif et de façon injustifiée, une personne morale ou physique s’inspire ou copie une valeur économique d’autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements ;

Or considérant qu’il résulte de l’examen des livres calendriers de la société PLAY BAC qu’il s’agisse D’UN MOT PAR JOUR DES INCOLLABLES, dans sa version de 2002, de CA M’INTERESSE-365 QUESTIONS/REPONSES POUR AIGUISER SA CURIOSITE ou LES INCOLLABLES-365 QUESTIONS REPONSES POUR TOUS LES CURIEUX des caractéristiques communes quant au contenu éditorial (des questions/réponses de culture générale pour stimuler la curiosité et l’éveil du jeune lecteur, thème qui se retrouve d’ailleurs pour les deux derniers ouvrages dans leur titre), au format spécifique (notamment une grosse double spirale pour relier les pages et des dimensions particulières [environ 16x15 cm, spirale incluse ] un prix tout aussi spécifique (16/17 euros) et pour cible les enfants de plus de 7 ans ;

Considérant que l’identité de principe de l’éditorial, la proximité de présentation et la similarité de positionnement entraînent, ainsi que le soutient avec pertinence la société appelante, un lien de parenté incontestable entre les ouvrages, de nature à permettre à la société intimée de profiter indûment du succès des ouvrages de la société PLAY BAC (Cf: le classement des meilleurs ventes jeunesse), en s’inscrivant dans son sillage en profitant de ses investissements ;

Que s’il ne peut être reproché à un concurrent de commercialiser des produits qui reprennent des éléments techniques du domaine public, il ne doit pas, toutefois, les associer d’une manière proche de l’ensemble des caractéristiques qui font la spécificité d’un produit, arrivé en premier sur le marché ;

Qu’en effet, la société appelante justifie avoir investi, depuis 1995, plus de 2.500.000 euros en ce qui concerne la collection UN MOT PAR JOUR DES INCOLLABLES, plus de 1.400.000 euros, depuis 2003, sur les CHEVALETS 365 QUESTIONS/REPONSES ; qu’il convient, également, de prendre en considération, le travail réalisé pour imposer commercialement les livres chevalets 365 ( pièce n°28) ;

Et considérant que la société SEJER se borne à affirmer avoir investi certaines sommes, si l’on en croit la note interne de la société LES EDITIONS NATHAN, établie par Z A, directrice du département jeunesse Nathan, qui n’est corroborée par aucun document comptable probant et qui, au demeurant, ne mentionne au titre de la promotion qu’une somme de 140.400 euros, ce qui démontre, à supposer même que cette somme soit exacte, que la société appelante a manifestement tiré profit des investissements effectués par la société PLAY BAC ;

Qu’il résulte de ces éléments que la société SEJER a commis des actes de concurrence parasitaire à l’encontre de la société PLAY BAC, de sorte que le jugement déféré sera infirmé ;

* sur les mesures réparatrices

Considérant qu’il résulte des pièces versées aux débats, que le comportement fautif de la société NATHAN a incontestablement causé un préjudice commercial important à la société PLAY BAC dont une partie de la clientèle a été nécessairement détournée, de sorte qu’elle a subi une perte de chance de vendre ses propres ouvrages; qu’il est démontré que, en 1996, les distributeurs n’ont mis en place que 47.433 exemplaires de l’ouvrage LES INCOLLABLES 365 Q/R sur les 78.400 fabriqués, soit un différentiel correspondant aux ventes réalisés par la société NATHAN, et, que, en 2007, la société appelante a également connu une érosion de son chiffre d’affaires, et, par voie de conséquence, de sa marge brute ;

Qu’il suit de ces éléments qu’une indemnité de 100.000 euros sera allouée à la société PLAY BAC en réparation de son préjudice ;

Considérant que pour mettre fin à ce comportement fautif, il convient de faire droit aux mesures d’interdiction et de publication, suivant les modalités retenues au dispositif du présent arrêt; que, compte tenu de ces mesures, il n’y a lieu de faire droit à la demande de retrait ;

* sur les autres demandes

Considérant qu’il résulte du sens de l’arrêt que la société SEJER ne saurait bénéficier des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile; que, en revanche, l’équité commande de la condamner, sur ce fondement, à verser à la société PLAY BAC une indemnité de 15.000 euros ;

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau,

Dit que la société SEJER en commercialisant le livre calendrier Mon année 2007 – C’est pas sorcier -365 questions-réponses… pour t’étonner tous les jours a commis des actes de parasitisme à l’égard de la société PLAY BAC,

Condamne la société SEJER à payer à la société PLAY BAC une indemnité de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice,

Interdit à la société SEJER de fabriquer et de commercialiser le livre Mon année 2007 – C’est pas sorcier -365 questions-réponses… pour t’étonner tous les jours dans un délai de quinze jours à compter de la signification du présent arrêt, et ce sous astreinte de 1.500 euros par jour de retard,

Autorise la société PLAY BAC à faire publier le présent dispositif dans cinq journaux ou magazines de diffusion nationale de son choix et aux frais de la société SEJER, sans que le coût de chaque publication ne dépasse la somme de 3.500 euros H.T.,

Condamne la société SEJER à verser à la société PLAY BAC une indemnité de 15.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne la société SEJER aux dépens de première instance et d’appel qui, pour ces derniers, seront recouvrés conformément à l’article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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Textes cités dans la décision

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Cour d'appel de Paris, 17 septembre 2008, n° 07/05476