Cour d'appel de Paris, Pôle 1 chambre 1, 25 mars 2010, n° 08/23901

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 1 ch. 1, 25 mars 2010, n° 08/23901
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 08/23901
Importance : Inédit
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 1 janvier 2023
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Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 1

ARRET DU 25 MARS 2010

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 08/23901

RECOURS EN ANNULATION d’une sentence arbitrale rendue le 10 octobre 2008

à Paris par le Tribunal arbitral composé de du Docteur [J] [H] [T], de M. [B] [G] et de M. [M] [C] Grigera Naon, président

DEMANDERESSE AU RECOURS EN ANNULATION :

La SOCIETE COMMERCIAL CARIBBEAN NIQUEL

ayant son siège : [Adresse 4]

[Adresse 3]

agissant poursuites et diligences de son président Monsieur [Z] [U].

représentée et assistée par la SCP DUBOSCQ – PELLERIN,

avoués à la Cour

DEFENDERESSE AU RECOURS EN ANNULATION :

La SOCIETE OVERSEAS MINING INVESTMENTS LIMITED

ayant son siège :[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par la SCP FISSELIER – CHILOUX – BOULAY,

avoués à la Cour

assistée de Me Louis Christophe DELANOY,

avocat plaidant pour BREDIN PRAT AARPI,

avocat au barreau de Paris Toque T 12

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 25 février 2010, en audience publique

le rapport entendu, devant la Cour composée de :

Monsieur PÉRIÉ, président

Madame BADIE, conseiller

Madame GUIHAL, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme FALIGAND

ARRÊT :

— Contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Monsieur PERIE, président et par Mme Raymonde FALIGAND, greffier présent lors du prononcé.

Par une convention du 12 septembre 1998, les sociétés COMMERCIAL CARIBBEAN NIQUEL SA (CCN) et OVERSEAS MINING INVESTMENTS Ltd (OMI) ont décidé la création d’une entreprise commune pour l’exploitation de gisements de Nickel à Cuba.

Cet accord de coopération ayant été résilié par CCN, OMI contestant les griefs avancés par celle-ci a formé une requête d’arbitrage régi par le règlement d’arbitrage de la CNUDMI conformément à la clause compromissoire prévue au contrat.

Par sentence à Paris du 10 octobre 2008 le tribunal arbitral composé de [M] [C] [K], président, et de [N] [G] et [J] [H] [T] [E], arbitres a décidé que:

'(I) CCN est la défenderesse exclusive dans cet arbitrage, et la présente sentence arbitrale finale est émise uniquement vis-à-vis d’OMI et de CCN ;

(II) les contrats ont été résiliés le 6 août 2004 à la suite de la lettre de résiliation envoyée par CCN ;

(III) les contrats n’étant pas susceptibles d’être exécutés, la requérante n’est pas fondée à demander leur mise en oeuvre concrète ;

(IV) en résiliant les contrats, CCN a violé l’article 16 de l’ACCORD;

(V) en tentant d’imposer Minmetals comme partenaire dans l’E.M sans le consentement d’OMI, CCN a violé l’ACCORD et des accords ou ententes des parties en rapport avec ce dernier;

(VI) en commettant les violations contractuelles mentionnées dans les sous-points (IV) et (V) qui précèdent, CCN a également violé le devoir d’agir de bonne foi conformément à la clause 12, alinéa 1 de l’ACCORD ;

(VII) OMI n’a pas le droit à une déclaration selon laquelle CCN a enfreint ses engagements de confidentialité conformément à la clause 11 de l’ACCORD;

(VIII) la demande reconventionnelle de CCN est rejetée;

(IX) OMI a le droit d’être dédommagée par CCN de la somme de 45.814.560 USD pour la résiliation des contrats et d’autres violations contractuelles dont CCN est responsable;

(X) CCN a le droit à ce qu’OMI lui rembourse les coûts irrécupérables résultant de l’annulation de l’audition qui aurait dû commencer le 30 mars 2007, pour un montant de 28.555,54 USD.

(XI) CCN paiera à OMI la somme de 45.786.004,46 USD obtenue par compensation de la somme de 25.555,54 USD avec la somme de 45.814.560 USD ;

(XII) CCN supportera ses propres coûts légaux et paiera à la requérante ses coûts et honoraires légaux raisonnables dans cet arbitrage, à savoir: (a) 2.482.952,32 GB£; (b) 190.316,06 GB£; (c) 264.858,82 USD; et (d) 5.480,89 AUD ;

(XIII) CCN paiera les coûts et honoraires des arbitres, qui s’élèvent à 2.150.000 USD. Par conséquent CCN remboursera à OMI la somme de 999.233,66 USD payée par OMI sur le compte du Tribunal d’arbitrage pour cet arbitrage;

(XIV) CCN paiera à OMI un intérêt à un taux annuel de 9% qui sera composé tous les ans, sur toutes les sommes en dollars américains ou calculées dans cette devise afin de calculer les intérêts conformément à la présente sentence arbitrale finale sur ces sommes, payables par CCN à OMI en vertu des sous-paragraphes (XI), (XII) et (XIII), depuis la date de la présente sentence arbitrale finale jusqu’à la date où ces sommes auront été entièrement versées à OMI; et

(XV) toute autre réparation, déclaration, ordre, prétention ou demande reconventionnelle introduite ou demandée dans cet arbitrage mais non acceptée expressément au sens du point 241 a été rejeté(e).'

CCN a formé un recours en annulation contre cette sentence. Elle articule trois moyens : le tribunal arbitral a statué sans se conformer à la mission qui lui a été conférée (article 1502 3° du CPC),le tribunal arbitral a violé l’ordre public international (article 1502 5° du CPC), le tribunal arbitral n’a pas respecté l’égalité des armes violant à la fois le principe de contradiction et l’ordre public procédural (article 1502 4° et 5° du CPC).

Par conclusions du 18 février 2010, elle prie en conséquence la cour d’annuler la sentence et de condamner OMI au paiement de 80.000€ au titre de l’article 700 du CPC.

Par conclusions du 23 février 2010, OMI s’oppose à la demande et sollicite la cour de dire que le rejet du recours conférera l’exequatur à la sentence et de condamner CCN à lui payer 140.000€ par application de l’article 700 du CPC.

SUR QUOI,

Sur le moyen d’annulation pris de la violation du principe de la contradiction et de l’ordre public procédural (article 1502 4° et 5° du CPC) :

A ce titre CCN reproche notamment aux arbitres d’une part, d’avoir accepté le rapport d’expertise KPMG présentant un ensemble complexe d’éléments chiffrés sur lequel le tribunal arbitral s’est appuyé pour fonder le montant de la réparation alors que ce document a été produit tardivement par OMI, après plus de deux ans d’échanges, et que CCN, malgré ses protestations, n’a eu qu’un bref délai pour y répondre d’autre part, d’avoir retenu pour indemniser OMI une perte de chance sans que ce point ait été discuté par les parties, peu important que la question d’une perte de chance ait été évoquée en ce qui concerne la demande reconventionnelle de CCN.

OMI oppose que CCN a disposé du temps nécessaire pour répondre sur le fond au rapport KPMG, ce qu’elle a d’ailleurs fait, et que les arbitres ont bien statué sur le fondement d’une responsabilité contractuelle expressément invoquée et qu’ils n’ont pas l’obligation de soumettre au préalable leur motivation, en l’espèce leur raisonnement sur l’évaluation du préjudice, à une discussion contradictoire ;

Considérant sur le premier point que CCN affirme qu’elle n’aurait pas été mise en mesure par manque de temps de discuter le rapport KPMG sans identifier en quoi un délai plus long -le rapport a été versé aux débats le 31 mai 2007 et le dernier mémoire a été déposé par CCN le 1er octobre 2007- lui aurait permis de faire valoir des observations différentes et plus décisives que celles qu’elle a pu présenter; que cette branche du moyen manque en fait ;

Considérant sur le second point que le tribunal arbitral après avoir dit (§220 et 221) que OMI est en droit d’obtenir un dédommagement qui selon elle consiste 'dans le gain manqué calculé conformément au modèle économique pour le projet KPMG’ ou de manière alternative représente '38% des flux de trésorerie qu’elle aurait reçus en appliquant les paramètres du rapport AMLC’ puis (§223, 224 et 225) procédé à une critique du calcul des réparations ainsi réclamées a décidé (§226) 'Pour toutes les raisons ci-dessus, le Tribunal d’arbitrage considère qu’au lieu des critères de compensation consignés dans la lettre d’OMI du 16 mai 2007 mentionné ci-avant, OMI devra être dédommagée pour la perte de chance de poursuite du projet (…)' puis (§227) '(…)Le bénéfice économique possible qui a été perdu ne peut être mesuré avec certitude, mais la chance perdue de le récolter, elle, peut indéniablement être évaluée’ et (§228) '(…) Le modèle de dédommagement fondé sur la perte de la chance implique un mode de calcul économique moins certain, mais le tribunal d’arbitrage s’estime satisfait en optant pour une approche moins restrictive et conservatrice que celle défendue par OMI (…)' et a conclu enfin, avant de procéder à l’évaluation de cette perte de chance (§229) '(…) Le dédommagement pour la perte de la chance n’est pas le même que celui pour le gain manqué (…) car il repose sur le prédicat non pas que la victime du dommage devra être dédommagée pour le gain manqué qu’elle réclame, mais, en revanche, qu’elle doit l’être pour la valeur économique de la chance perdue (…)';

Qu’ainsi, dans leur raisonnement, les arbitres ont substitué à l’indemnisation réclamée par OMI fondée sur la perte de gain qui leur paraissait en l’espèce inadéquate, une indemnisation fondée sur la perte de chance de voir se concrétiser le projet qu’OMI n’avait pas invoquée ;

Que cette substitution ne constitue pas une simple modalité d’évaluation du préjudice mais modifie le fondement de l’indemnisation d’OMI ; qu’en omettant d’inviter les parties à s’expliquer sur ce point, les arbitres ont méconnu le principe de la contradiction, la circonstance que CCN à l’occasion de sa demande reconventionnelle aurait évoqué, en ce qui la concerne, la perte d’une chance étant à cet égard sans incidence ;

Qu’il convient, en conséquence, d’annuler la sentence arbitrale sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres branches du moyen et les autres moyens soulevés ;

Sur les demandes au titre de l’article 700 du CPC:

Considérant que OMI qui succombe est déboutée de sa demande et paie à CCN 80.000€ ;

PAR CES MOTIFS:

ANNULE la sentence arbitrale rendue à [Localité 2] le 10 octobre 2008 par [M] [C] [K], [N] [G] et [J] [H] [T] [E] ;

CONDAMNE la société OVERSEAS MINING INVESTMENTS Ltd à payer à la société COMMERCIAL CARIBBEAN NIQUEL SA 80.000€ au titre de l’article 700 du CPC ;

CONDAMNE la société OVERSEAS MINING INVESTMENTS Ltd aux dépens et admet la SCP Duboscq-Pellerin, avoué, au bénéfice de l’article 699 du CPC.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT

R. FALIGAND J.F. PERIE

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