Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 1, 3 novembre 2011, n° 10/08198

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 4 - ch. 1, 3 nov. 2011, n° 10/08198
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 10/08198
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 1er février 2010, N° 07/03674

Texte intégral

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 1

ARRET DU 03 NOVEMBRE 2011

(n° 375, 7 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 10/08198

Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Février 2010 – Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 07/03674

APPELANT

Monsieur F X

XXX

représenté par la SCP MENARD SCELLE MILLET, avoués à la Cour

assisté de Maître Pierre-Henri SAMANI, avocat au barreau de PARIS, toque G612

INTIMES

Maître Q-R B

exerçant au sein de la SCP GIORGIO B-MOREL

XXX

Et encore XXX

SOCIÉTÉ MUTUELLES DU MANS ASSURANCES IARD

agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège XXX – XXX

représentés par la SCP ARNAUDY ET BAECHLIN, avoués à la Cour

assistés de Maître Guillaume REGNAULT, plaidant pour la SCP RAFFIN, avocat au barreau de PARIS, toque P133

COMPOSITION DE LA COUR :

Après rapport oral, l’affaire a été débattue le 22 septembre 2011, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Lysiane LIAUZUN, présidente

Madame Christine BARBEROT, conseillère

Madame Anne-Marie LEMARINIER, conseillère

qui en ont délibéré

Greffier :

lors des débats : Mademoiselle J K

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Lysiane LIAUZUN, présidente, présidente, et par Madame Béatrice GUERIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

* *

Par lettre datée du 29 avril 1999, M. F X, promoteur immobilier, a offert à Mme D E, veuve C O P, d’acquérir, sous diverses conditions dont l’autorisation du juge des tutelles, deux appartements constituant les lots n° 62 et 67 de l’état de division d’un immeuble situé au XXX, appartenant à ses enfants, dont l’un d’eux, L, était mineur, au prix respectif de 1 200 000 francs (182 938,82 €) et de 1 800 000 francs (274 408,23 €), offrant de lui verser, dès la réception de son accord, les sommes de 900 000 francs (137 204,12 €) et de 1 100 00 francs (167 693,92 €). Par lettre datée du même jour, Mme C O P a confirmé à M. X son accord. Le 30 avril 1999, M. X a versé à Mme C O P la somme de 2 000 000 francs (304 898,03 €).

Cette vente n’ayant pas été réalisée, le 23 décembre 1999 M. X a mis en demeure Mme C O P de lui restituer la somme versée. Puis, par actes des 5 et 6 mars 2001, il a assigné M. L C O P, Mme C O P et M. Q-R B, avocat, en condamnation in solidum au paiement de la somme de 2 000 000 francs (304 898,03 €). Le 30 mai 2007, M. X a assigné en intervention forcée la société Mutuelles du Mans assurances IARD (la MMA), assureur de M. B.

Le 28 septembre 2001, Mme C O P a déposé plainte avec constitution de partie civile contre M. A pour des faits de tentative d’escroquerie. Le 19 juillet 2005, le juge d’instruction a rendu une ordonnance de non-lieu.

Par jugement du 2 Février 2010, le tribunal de grande instance de Paris a :

— mis hors de cause M. L C O P,

— dit que l’offre d’achat du 29 avril 1999, acceptée le 30 avril 1999, était une promesse synallagmatique de vente de biens immobiliers,

— dit que cette promesse était devenue caduque,

— condamné , en conséquence, Mme C O P, à rembourser à M. X la somme de '304 646 €' avec intérêts au taux légal à compter du 25 décembre 1999,

— rejeté le surplus des demandes,

— condamné M. X à payer à M. L C O P une indemnité de 4 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,

— condamné Mme C O P aux dépens.

M. X a interjeté appel de ce jugement à l’encontre de M. Z de son assureur, la MMA.

Par dernières conclusions du 26 août 2010, M. X demande à la Cour, de :

— infirmer le jugement entrepris,

— dire qu’il a payé le 30 avril 1999 à Mme C O P la somme de 304 898, 03 € en vue de l’acquisition de deux appartements appartenant à son fils mineur, les engagements sous conditions, souscrits selon actes sous seing privé établis les 29 et 30 avril 1999, valant promesses unilatérales d’achat et de vente, étant devenus caducs, faute de réalisation des conditions,

— constater que la somme de 304 898,03 € ne lui a jamais été restituée.

— concernant la responsabilité de M. B, ès qualités d’avocat :

. constater que M. B, ès qualités, est intervenu à cette transaction en qualité de rédacteur d’actes et de conseil des deux parties,

. constater que M. B a fait preuve d’un manque de diligences en ne mettant pas en oeuvre la procédure de saisine du juge des tutelles territorialement compétent aux fins d’autoriser Mme C O P, à procéder à la cession envisagée, alors qu’il en avait la charge,

. constater que M. B ne l’a pas informé des risques qu’il encourait à se libérer de la somme de 304 898,03 €, sans garantie, et n’a pas prévu à l’acte dont il était le rédacteur de mécanismes juridiques pour prévenir ces risques,

. dire que M. B, ès qualités d’avocat, a gravement failli dans l’exécution des obligations qui lui incombaient, et engagé, de ce fait, sa responsabilité,

. dire que le 'jugement’ à intervenir sera déclaré commun et opposable à la MMA en exécution du contrat souscrit par l’ordre du barreau de Nice garantissant les avocats inscrits au tableau, au titre de leur responsabilité civile professionnelle,

. dire que la MMA devra le garantir pour toutes condamnations qui viendraient à être prononcées contre son assuré, M. B,

— concernant son préjudice

. dire que ,du fait des agissements conjoints de Mme C O P et de M. B, il subit depuis le 30 avril 1999 un préjudice patrimonial de 304 898,03 €,

. dire qu’eu égard aux fonctions exercées par M. B, et à la confiance qu’il plaçait en lui, il a subi un préjudice moral important du fait des fautes commises par son conseil,

. dire que la mauvaise foi avérée de Mme C O P et la procédure pénale parfaitement dilatoire qu’elle a initiée lui ont causé un préjudice moral distinct tout aussi important,

. dire qu’il y a lieu de l’indemniser de l’ensemble de ces préjudices,

— en conséquence,

— condamner M. B, ès qualités d’avocat, ainsi que son assureur, la MMA, à lui payer la somme de 304 898,03 € augmentée des intérêts au taux légal à compter du 30 avril 1999, ainsi que celle de 50 000 € au titre de son préjudice moral,

— en tout état de cause,

— condamner M. B, ainsi que son assureur, à lui payer la somme de 20 000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile, dépens en sus.

Par dernières conclusions du 17 janvier 2011, M. B et la MMA demandent à la Cour de:

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré M. X mal fondé à invoquer la responsabilité de M. B et ce faisant l’a débouté de ses prétentions dirigées contre eux,

— plus largement, dire M. X mal fondé en ses demandes,

— constater qu’il n’a pas rapporté la preuve de fautes suffisamment précises et caractérisées opposables à M. B,

— dire qu’il n’est pas apporté la preuve d’un préjudice né, certain et actuel caractérisant une perte de chance,

— dire que le quantum du préjudice n’est pas établi,

— dire qu’il n’est pas apporté la preuve d’un lien de causalité direct exclusif entre les fautes invoquées et le préjudice invoqué,

— en conséquence,

— débouter M. X de toutes ses demandes,

— le condamner à leur régler la somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l’article 1382 du Code civil,

— rejeter toutes demandes plus amples ou contraires,

— condamner M. X à leur régler la somme de 6 000 € à chacun sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, dépens en sus.

SUR CE, LA COUR

Considérant que chacun des responsables d’un même dommage est tenu d’en réparer la totalité et que la responsabilité professionnelle de l’avocat n’est pas subsidiaire, ce dernier ne disposant pas du bénéfice de discussion ;

Qu’au cas d’espèce, M. X poursuivant M. B sur le fondement de la responsabilité professionnelle en prétendant que l’avocat a fautivement participé à la négociation de la vente consentie par Mme C O P et à l’occasion de laquelle il a versé à celle-ci la somme de 2 000 000 francs (304 898, 03 €), cette action n’est pas subordonnée à l’impossibilité d’obtenir réparation de la venderesse condamnée à la restitution de cette somme par le jugement entrepris ;

Qu’en conséquence, il convient d’examiner si M. B a commis une faute ;

Considérant, sur la responsabilité professionnelle de M. B, qu’il résulte des déclarations de M. B devant les services de police, au cours de son audition du 28 octobre 2002 à la suite de la plainte déposée par Mme C O P , qu’il était l’avocat de la famille C depuis vingt cinq ans ainsi que de M. X depuis une dizaine d’années, que, sachant que la famille C recherchait des liquidités pour faire face à des dettes successorales et 'connaissant bien les différents acteurs', il a confirmé à M. X et à Mme C O P son accord pour les assister dans les démarches relative à la vente immobilière litigieuse et a matérialisé l’accord que les parties avaient déjà mis en place, notamment, le versement d’une partie du prix de vente immédiatement, par 'le document intitulé 'offre d’achat’ reprenant les différentes conditions qu’il fallait respecter pour arriver à la vente’ ;

Considérant que le vendeur et l’acquéreur ayant requis l’assistance de M. B dans la vente parce qu’il était avocat et ce dernier ayant fourni ce concours, sa responsabilité professionnelle est susceptible d’être encourue, peu important qu’aucun honoraire n’ait été versé par les clients ;

Considérant que l’avocat, rédacteur d’un acte sous seing privé, est tenu, quelles que soient les compétences personnelles du client, de veiller à l’efficacité de l’acte qu’il rédige et d’assurer l’équilibre des intérêts en présence ;

Qu’il vient d’être dit que M. B était le rédacteur de la lettre datée du 29 avril 1999 aux termes de laquelle M. X s’était engagé envers Mme C O P, sous diverses conditions, à acquérir deux appartements au prix respectif de 1 200 000 francs (182 938,82 €) et de 1 800 000 francs (274 408,23 €) et à lui verser, dès la réception de son accord, les sommes de 900 000 francs (137 204,12 €) et de 1 100 00 francs (167 693,92 €) ;

Qu’ainsi, alors même que les conditions n’étaient pas levées, dont l’autorisation du juge des tutelles, l’acquéreur s’engageait à verser à la venderesse les deux tiers du prix ;

Que, M. B, qui n’ignorait pas les difficultés financières de Mme C O P, avait l’obligation d’assurer l’équilibre des intérêts en présence en prévoyant soit le séquestre des fonds entre les mains d’un tiers soit une sûreté de nature à en garantir le remboursement, sauf à en avoir été expressément dispensé par M. X ;

Qu’ainsi, la faute de M. Y, en tant que rédacteur d’acte, est établie ;

Considérant que M. X soutient que les déclarations de M. B devant les services de police constituent un aveu ; que leur caractère probant vient d’être retenu contre leur auteur ; que rien ne permet de diviser la reconnaissance des faits par M. B selon que ceux-ci sont favorables ou défavorables à la thèse soutenue par M. X ;

Que M. B a, notamment, déclaré aux services de police qu’il devait préparer la demande auprès du juge des tutelles, mais qu’il n’a pu déposer la requête dans la mesure où M. X, qui, en tant qu’agent immobilier, devait faire établir les attestations justifiant la valeur des biens, documents indispensables pour obtenir l’accord du juge des tutelles, ne lui avait jamais transmis les documents ;

Que ces déclarations, qui sont cohérentes, établissent que le défaut de diligence invoqué par M. X n’est pas imputable à M. B ;

Considérant que, si l’avocat n’est pas dispensé de ses obligations en sa qualité de rédacteur d’acte par les compétences ou les connaissances de son client, cependant, il est possible, le cas échéant, d’estimer que celui-ci a commis une faute ayant contribué à la production de son préjudice ;

Considérant qu’il est constant que M. X exerce la profession de promoteur immobilier ; qu’il dispose donc d’une expérience lui permettant de mesurer les dangers consistant à verser des fonds sans garantie de remboursement à l’occasion d’une opération immobilière ;

Qu’aux termes de la lettre de M. X du 29 avril 1999, l’offre d’achat a été faite à la suite d’une réunion entre celui-ci et Mme C O P le 28 avril 1999 ; qu’il ressort des déclarations de M. B devant les services de police, déclarations sur lesquelles M. X, lui-même, se fonde pour soutenir ses prétentions, qu’antérieurement à la rédaction de l’offre, M. X et Mme C O P avaient été mis en relation en vue de l’opération immobilière litigieuse par l’intermédiaire d’un tiers et qu’ils avaient déjà mis en place les conditions de l’accord, notamment, celle du versement immédiat d’une partie du prix de vente ; que, lors de sa propre audition par les services de police le 28 avril 2002, M. X a déclaré que le versement immédiat de la somme de 2 000 000 francs avait été demandé par Mme C O P pour des raisons personnelles, cette dernière devant régler cette somme dans la même journée, et que les deux appartements lui étaient 'apparus comme une bonne affaire même loués’ ; que, dans sa lettre du 29 avril 1999, M. X a reconnu avoir été informé des difficultés fiscales et successorales que Mme C O P rencontrait et de ce que les deux biens faisaient l’objet 'd’une saisie hypothécaire’ ;

Que, devant les services de police, M. B a déclaré qu’il avait mis en garde les parties contre les risques de leur acccord, mais que M. X 'paraissait plus que satisfait de l’opération qu’il était entrain de réaliser’ ;

Qu’ainsi, M. X, qui connaissait les difficultés financières de Mme C O P et était en mesure, en raison de son expérience professionnelle, de mesurer le danger de libérer les deux tiers du prix immédiatement, bien que mis en garde par M. B, a pris délibérément le risque de ne pas récupérer les fonds, ce, dans le but de réaliser une bonne affaire, sachant que Mme C O P n’aurait vraisemblablement pas accepté la séquestration de la partie du prix dont elle avait un besoin urgent ;

Que, dans ces conditions, M. X a commis une faute qui a concouru à son propre dommage à hauteur de 80 % ;

Considérant que le préjudice de M. X, dont le caractère est actuel et certain, pour être né de la situation dommageable créée par l’avocat à proportion de la faute commise par ce dernier, et qui ne consiste pas dans la perte de chance de réaliser la vente, mais dans la non-restitution de la somme de 2 000 000 francs (304 898,03 €) versée en exécution de l’offre d’achat rédigée par l’avocat, doit être évalué à la somme de 304 898,03 € x 20% = 60 979,60 € au paiement de laquelle il convient de condamner, comme le demande l’appelant, M. B et son assureur, la MMA ;

Considérant que le présent arrêt étant constitutif de droit, les intérêts au taux légal courront sur cette somme à compter de cette décision ;

Considérant que M. X, dont la confiance n’a pas été trahie et qui ne peut se prévaloir à l’encontre de M. B du dommage que lui aurait causé la procédure pénale initiée par Mme C O P, ne justifie pas d’un préjudice moral ; qu’il doit donc être débouté de cette demande ;

Considérant que la solution donné au litige implique le rejet de la demande de dommages-intérêts formée par les intimés contre l’appelant ;

Considérant que l’équité ne commande pas qu’il soit fait application de l’article 700 du Code de procédure civile au profit d’aucune des parties ;

Considérant que chacune des parties conservera ses propres dépens d’appel ;

PAR CES MOTIFS

Statuant dans les limites de l’appel :

Réforme le jugement entrepris, mais seulement en ce qu’il a débouté M. F X de sa demande de dommages-intérêts formée contre M. Q-R B et la société Mutuelles du Mans assurances IARD ;

Statuant à nouveau de ce seul chef ;

Retient la responsabilité professionnelle de M. Q-R B, avocat ;

Dit que le préjudice de M. F X a été causé à hauteur de 80 % par sa propre faute et à hauteur de 20 % par celle de M. Q-R B ;

Condamne M. Q-R B et son assureur, la société Mutuelles du Mans assurances IARD, à payer à M. F X la somme de 60 979,60 € à titre de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Confirme le jugement pour le surplus ;

Rejette les autres demandes ;

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens d’appel.

La Greffière, La Présidente,

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Textes cités dans la décision

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  2. Code civil
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