Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 2, 27 octobre 2011, n° 11/02100

  • Vrp·
  • Sociétés·
  • Diffusion·
  • Agent commercial·
  • Statut·
  • Contredit·
  • Contrats·
  • Liquidateur·
  • Mandataire·
  • Travail

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 - ch. 2, 27 oct. 2011, n° 11/02100
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 11/02100
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Paris, 6 janvier 2011, N° F09/01990

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 2

ARRET DU 27 Octobre 2011

(n° , 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S 11/02100

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 Janvier 2011 par le conseil de prud’hommes de PARIS – RG n° F09/01990

DEMANDERESSE AU CONTREDIT

DEFENDERESSE AU CONTREDIT

XXX

XXX

XXX

représentée par Me Patrick BARRAUX, avocat au barreau de STRASBOURG

XXX

DEFENDERESSES AU CONTREDIT

XXX

Deichstrasse A

XXX

ALLEMAGNE

représentée par Me Liliane SABER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0046

XXX

XXX

XXX

DEUTCHLAND

représentée par Me Philippe-claus BASTIAN, avocat au barreau de PARIS, toque : W02 substitué par Me Sophie BOURGUIGNON, avocat au barreau de PARIS, toque : J.095

L BY RABE GMBH

XXX

XXX

DEUTSCHLAND

représentée par Me Philippe-claus BASTIAN, avocat au barreau de PARIS, toque : W02 substitué par Me Sophie BOURGUIGNON, avocat au barreau de PARIS, toque : J.095

DEFENDEUR AU CONTREDIT

Monsieur A B

XXX

XXX

comparant en personne, assisté de Me Jocelyne SKORNICKI LASSERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : D0671

PARTIE INTERVENANTE

AGS CGEA IDF OUEST FAILLITE TRANSNATIONALE

XXX

92309 LEVALLOIS-PERRET CEDEX

représenté par Me Arnaud CLERC, avocat au barreau de PARIS, toque : T10 substitué par Me Marina DUCOTTET CHAREYRON, avocat au barreau de PARIS, toque : T10

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 15 septembre 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Irène LEBÉ, Président

Madame Catherine BÉZIO, Conseiller

Madame Martine CANTAT, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats

ARRET :

— contradictoire

— prononcé publiquement par Madame Irène LEBÉ, Président

— signé par Madame Irène LEBÉ, Président et par Madame FOULON, Greffier présent lors du prononcé.

**********

La Cour statue sur les contredits formés par la Sarl PMA Diffusion , par Me P.A. Z, mandataire liquidateur de la société de droit allemand Lucia Strickwarenfabrik AG, ainsi que par la société Rabe Moden GMBH et la société L By Rabe GMBH à l’ encontre du jugement rendu le 7 janvier 2011 par le conseil de prud’hommes de Paris , section Encadrement , chambre 2 , statuant en formation de départage .

Par cette décision, le conseil de prud’hommes , en présence de Unedic Délégation AGS-CGEA Faillite Transnationale , a rejeté les exceptions d’incompétence soulevées par les sociétés Lucia Strickwarenfabrik AG , Rabe Moden GMBH , L By Rabe GMBH et Sarl PMA Diffusion et dit que M. P. B avait le statut de VRP salarié de la société Lucia Strickwarenfabrik AG .

Relevant que la société Lucia Strickwarenfabrik AG avait un établissement à Paris, le conseil de prud’hommes de Paris a en conséquence retenu tant sa compétence matérielle que territoriale et renvoyé l’affaire à l’audience du bureau de jugement du 14 septembre 2011 , en rejetant en l’état la demande formée par M. P. B au titre de l’article 700 du code de procédure civile .

Vu les conclusions remises et soutenues à la même audience par la société Lucia Strickwarenfabrik AG , représentée par Me P.A. Z , ès qualités de mandataire liquidateur de ladite société de droit allemand , qui demande à la Cour :

— de dire recevable et bien fondé le contredit qu’elle a formé contre le jugement susvisé ,

— d’infirmer le jugement déféré ,

— in limine litis et à titre principal , de déclarer le conseil de prud’hommes de Paris matériellement incompétent pour connaître du présent litige , en l’absence de contrat de travail de M. P. B envers la société Lucia Strickwarenfabrik AG ,

— de juger que le contrat liant les parties est un contrat d’agent commercial ,

— de renvoyer en conséquence M. P. B à mieux se pourvoir , au besoin en saisissant le tribunal de grande instance de Lünebourg , en Allemagne ,

— in limine litis mais à titre subsidiaire , de déclarer le conseil de prud’hommes de Paris territorialement incompétent, d’inviter en conséquence M. P. B à mieux se pourvoir au besoin en saisissant le conseil de prud’hommes de Lyon , lieu de son domicile,

— à titre plus subsidiaire , sur le fond, de réserver les droits de la société Lucia Strickwarenfabrik AG , prise en la personne de son mandataire liquidateur , Me P.A. Z , pour conclure plus avant sur le fond de la présente procédure ,

— de condamner , en tout état de cause , M. P. B à lui verser la somme de 5.000 Euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile .

Vu les conclusions remises et soutenues à l’audience du 22 septembre 2011 par la Sarl PMA Diffusion qui demande à la Cour :

— in limine litis de juger que le conseil de prud’hommes de Paris est matériellement et territorialement incompétent pour connaître du présent litige, M. P. B ayant le statut d’agent commercial ,

— de juger que M. P. B n’a pas d’intérêt à agir à l’encontre de la Sarl PMA Diffusion, faute de lien contractuel avec lui et que son recours est en conséquence irrecevable contre la Sarl PMA Diffusion ,

— à titre subsidiaire , de l’inviter à mieux se pourvoir devant le conseil de prud’hommes de Lyon et réserver les droits de la Sarl PMA Diffusion pour conclure plus avant sur le fond,

— en tout état de cause , de lui donner acte de ce qu’aucune demande de condamnation n’est formée à son encontre ,

— d’en tirer la conséquence de droit du caractère abusif de la présente procédure , et de condamner M. P. B à lui verser les sommes suivantes ainsi qu’à régler les entiers frais et dépens:

* 5.000 Euros à titre de dommages- intérêts pour procédure abusive,

* 3.000 Euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile .

Vu les conclusions soutenues oralement à la même audience par les sociétés Rabe Moden GMBH et société L By Rabe GMBH qui demandent à la Cour :

— d’infirmer le jugement déféré , de dire que le conseil de prud’hommes de Paris n’est pas compétent matériellement pour connaître du litige et de renvoyer M. P. B à mieux se pourvoir devant le Tribunal de Commerce de Paris ,

— de le condamner à verser à chacune des deux sociétés susvisées la somme de 2.000 Euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’à régler les entiers dépens .

Vu les conclusions remises et soutenues à l’audience du 22 septembre 2009 par M. P. B qui demande à la Cour:

— de confirmer le jugement déféré en ce qu’il s’est déclaré matériellement et territorialement compétent,

— de débouter la Sarl PMA Diffusion et la société Lucia Strickwarenfabrik AG , représentée par son mandataire liquidateur , Me P.A. Z , de l’ensemble de leurs demandes , fins et conclusions,

— de condamner la Sarl PMA Diffusion et le mandataire liquidateur de la société Lucia Strickwarenfabrik AG , ès qualités , à lui verser chacun la somme de 4.000 Euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile .

Vu les conclusions remises et soutenues à la même audience par l’Unedic Délégation AGS CGEA Failite Internationale qui demande à la Cour :

— à titre principal :

* de juger que le conseil de prud’hommes est incompétent au profit du tribunal de grande instance de Lünebourg en Allemagne ,

* de juger la demande de M. P. B irrecevable sauf à justifier que la demanderesse ait respecté les règles allemandes de déclaration de créances et que sa créance ait fait l’objet d’une admission provisionnelle permettant au conseil de prud’hommes de statuer ,

— à titre subsidiaire :

* de débouter M. P. B de sa demande de rappel de commissions ,

* de juger qu’en application des dispositions de l’article L. 3253-8 1° du code du travail , sa garantie ne couvre ,en l’absence de liquidation antérieure, que les créances de nature salariale éventuellement dues antérieurement à la date du redressement judiciaire , soit le 13 mars 2008,

* en conséquence , de prononcer sa mise hors de cause pour toute fixation au passif de la procédure collective de créances de nature salariale dues postérieurement à cette date,

* de juger qu’en tout état de cause , sa garantie ne peut concerner que les seules sommes dues en exécution du contrat de travail au sens de l’article L.3253-8 du code du travail , les astreintes et dommages- intérêts mettant en oeuvre la responsabilité de droit commun de l’employeur en étant exclus,

* de statuer ce que de droit quant aux frais d’instance sans qu’ils puissent être mis à sa charge .

SUR CE, LA COUR

Vu le jugement déféré ainsi que les conclusions des parties, régulièrement communiquées , auxquels il convient de se référer pour de plus amples développements .

Considérant que M. P. B , la société Lucia Strickwarenfabrik AG , la société Rabe Moden GMBH , la société L By Rabe GMBH et la Sarl PMA Diffusion déclarent accepter de comparaître volontairement à l’audience du 22 septembre 2009.

Considérant que la recevabilité des contredits formés par la société Lucia Strickwarenfabrik AG , par la Sarl PMA Diffusion et par les sociétés Rabe Moden GMBH et L By Rabe GMBH à l’encontre du jugement déféré n’est plus contestée par l’Unedic Délégation AGS CGEA Faillite Transnationale .

Faits, procédure et prétentions des parties

Considérant qu’il ressort des pièces de la procédure que M. P. B ,défendeur au contredit , expose avoir été engagé le 1er janvier 1985 par un contrat qui, intitulé « contrat d’agent commercial » , correspondait en fait à un contrat de VRP salarié ,par la société Lucia Strickwarenfabrik AG , société de droit allemand, spécialisé dans le prêt à porter féminin , pour assurer la représentation exclusive des produits de la marque Lucia dans le secteur géographique du Sud ouest de la France et avoir été rémunéré sous forme de commissions égales à 10 % des commandes directes et indirectes , y compris ses frais professionnels et ses congés payés ;

qu’un avenant a été conclu entre les parties le 26 novembre 1989 , intitulé « avenant au contrat de représentation commerciale »aux termes duquel les parties dont convenu d’une indemnité en cas de résiliation par la société Lucia Strickwarenfabrik AG et qu’il a dû racheter une carte clientèle Lucia ;

Considérant qu’à la suite de la procédure collective engagée le 13 mars 2008 par le tribunal de Lünebourg ( Allemagne ) à l’encontre de la société Lucia Strickwarenfabrik AG , celle-ci a été placée en redressement judiciaire le 1er mai 2008 , étant précisé que M. P. B a déclaré sa créance le 17 avril 2008 et l’a complétée le 10 juillet 2008 , déclarant n’ avoir été informé que de la fin de prise des commandes pour la collection automne – hiver 2008 avait été fixée par la société Lucia Strickwarenfabrik AG au 1er avril 2008 ;

Que c’est dans ces conditions que ,déclarant avoir appris que la marque Lucia avait

été cédée par le mandataire liquidateur à deux sociétés de droit allemand, Rabe Moden GMBH et L By Rabe GMBH , M. P. B a saisi le 12 février 2009 , le conseil de prud’hommes de Paris de demandes tendant à :

— se déclarer matériellement et territorialement compétent pour connaître du litige ,

— voir reconnaître sa qualité de VRP salarié de la société Lucia Strickwarenfabrik AG , et la déclarer recevable à agir à l’encontre des sociétés Rabe Moden GMBH , L By Rabe GMBH et PMA Diffusion ,

— voir juger que son contrat de VRP salarié a été transféré de plein droit en application des dispositions de l’article L.1224-1 du code du travail de la société Lucia Strickwarenfabrik AG à la société L By Rabe GMBH et à la société Rabe Moden GMBH ,

— voir constater le refus de ce transfert par la société Rabe Moden GMBH et la société L By Rabe GMBH et juger que ce refus s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse de leur part ,

— voir en conséquence condamner in solidum ces deux dernières sociétés à lui verser des indemnités pour rupture abusive de son contrat de travail , indemnité de préavis et indemnité de clientèle ;

— voir également condamner in solidum les sociétés Rabe Moden GMBH, L By Rabe GMBH et la Sarl PMA Diffusion à lui rembourser le montant de sa carte clientèle Lucia;

— voir fixer sa moyenne mensuelle de son salaire à la somme de 12.575 Euros ,

— voir dire le jugement opposable à l’Unedic Délégation AGS CGEA ,

— voir condamner in solidum les différentes sociétés susvisées à lui verser une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

que M. P. B sollicitait en outre la fixation au passif de la société Lucia Strickwarenfabrik AG de diverses sommes à titre de commissions sur la collection printemps – été ainsi que la condamnation in solidum des deux sociétés Rabe Moden GMBH et L By Rabe GMBH à lui verser des commissions au titre de la collection automne- hiver 2008- 2009 outre les intérêts de droit ;

Considérant que devant le conseil de prud’hommes de Paris, le mandataire liquidateur de la société Lucia Strickwarenfabrik AG ainsi que la Sarl PMA Diffusion ont soulevé des exceptions d’incompétence tant matérielle que territoriale à l’égard de cette juridiction, qui , par décision du 23 juillet 2010, s’est déclarée en partage de voix sur cette question ;

que c’est dans ces conditions que , par le jugement déféré , le conseil de prud’hommes a retenu sa compétence matérielle , jugeant que M. P. B avait été lié par un contrat de travail de VRP exclusif , prospectant la seule clientèle de la dite société dans un secteur déterminé et non par un contrat d’agent commercial avec la société Lucia Strickwarenfabrik AG ;

Que le conseil de prud’hommes a également retenu sa compétence territoriale au motif que la société Lucia Strickwarenfabrik AG avait un établissement à Paris , dans la mesure où elle y disposait d’ un bureau situé à XXX , où étaient organisés tant la réception des clients que des défilés ;

Considérant que le mandataire liquidateur de la société Lucia Strickwarenfabrik AG, les sociétés Rabe Moden GMBH et L By Rabe GMBH et la Sarl PMA Diffusion ont respectivement formé contredit contre cette décision;

Que la société Lucia Strickwarenfabrik AG , les sociétés Rabe Moden GMBH et L By Rabe GMBH ainsi que la Sarl PMA Diffusion sollicitent l’infirmation du jugement déféré en soutenant que l’intéressé était lié à la société Lucia Strickwarenfabrik AG par un contrat d’agent commercial , nonobstant la qualification de « contrat de représentant VRP » de son contrat initial , dans la mesure où le contrat litigieux fait expressément référence au statut d’agent ; qu’il ne démontre pas avoir été lié par un contrat de travail de VRP alors que cette qualification n’existe pas en droit allemand , dont relève la société Lucia Strickwarenfabrik AG et qu’en outre , il a exercé son activité dans le cadre d’une EURL à compter de 2007;

Que les sociétés demanderesses contestent tout lien de subordination entre l’intéressé et la société Lucia Strickwarenfabrik AG en faisant valoir que le statut d’agent commercial dont elle relevait emportait également le droit pour la société de lui donner des instructions sans pour autant que soit démontrée l’existence d’un lien de subordination ; qu’il s’en déduit une présomption de non salariat , en application des dispositions de l’article L.8221-6 du code du travail , non renversée par l’intéressé , notamment en l’absence de production de bulletins de paie ;

Qu’elles contestent toute valeur probante aux attestations versées par l’intéressé, en faisant notamment valoir que celles émanant de la CCVRP ne comporte pas le nom de la société dont il déclare être salarié;

Considérant que la Sarl PMA Diffusion s’oppose en outre aux demandes de M. P. B en soutenant à titre principal, qu’il n’a pas d’intérêt à agir à son endroit en l’absence de tout lien contractuel et, à titre subsidiaire , que l’intéressé ne démontre pas avoir été salarié de la société Lucia Strickwarenfabrik AG ni que son éventuel contrat de travail lui ait été de quelque façon transféré ;

Considérant que M. P. B sollicite la confirmation du jugement déféré en faisant valoir qu’il relevait du statut de VRP salarié ; qu’il soutient que sa demande est recevable dans la mesure où il a déclaré sa créance dès le 17 avril 2008, lors de l’ouverture de la procédure collective à l’encontre de la société Lucia Strickwarenfabrik AG par le tribunal de grande instance de Lunebourg , en Allemagne , et l’avait renouvelée le 25 juin 2008 ; qu’il expose avoir appris indirectement , par la presse spécialisée, que la société Lucia Strickwarenfabrik AG avait cédé sa marque à deux sociétés de droit allemand , la société Rabe Moden GMBH et la société L By Rabe GMBH , qui ont ,selon lui , procédé au recrutement de nouveaux représentants en France , des agents commerciaux , et ce , par l’intermédiaire de la Sarl PMA Diffusion dès le mois de mai 2008 ; qu’il avait été en conséquence évincé , en dépit de sa réclamation auprès du mandataire liquidateur de la société Lucia Strickwarenfabrik AG ;

Qu’il en déduit qu’il y a eu transfert d’une entité économique autonome entre la

société Lucia Strickwarenfabrik AG et ces deux sociétés allemandes ; qu’il en conclut que son contrat de travail aurait dû être transféré à ces deux sociétés , Rabe Moden GMBH et By Rabe GMBH , en application des dispositions d’ordre public de l’article L.1224-1 du code du travail ;

qu’il déclare que celles – ci ont proposé en mai 2008 à plusieurs VRP de la société Lucia Strickwarenfabrik AG , par l’intermédiaire de la Sarl PMA Diffusion ,de devenir leur agent commercial ou VRP, ce qui aboutissait , selon lui , à détourner l’application des dispositions de l’article 1124-1 du code du travail qui avaient vocation à s’appliquer , s’agissant du transfert du contrat de travail initial ;

Sur la recevabilité des demandes de M. P. B

Considérant que l’Unedic Délégation AGS CGEA Faillite Transnationale soutient que les demandes de l’intéressé sont irrecevables au moyen que l’article 4 § 2 du règlement de la CEE du 29 mai 2000 prévoit que la production de la créance salariale est soumise à la loi du pays d’ouverture de la procédure collective qui est celle de l’Etat Membre où est établi l’employeur revendiqué , la société Lucia Strickwarenfabrik AG , en l’espèce , la loi allemande ;

Qu’elle fait valoir qu’en application de la loi allemande , l’action de l’ intéressé n’est pas recevable en l’absence de preuve d’une part, de ce qu’il a déclaré l’ensemble de sa créance réclamée devant le conseil de prud’hommes, et non seulement partiellement, auprès du juge allemand de la procédure collective et d’autre part , de l’admission fut ce provisionnelle , de sa créance par l’autorité ou la juridiction allemande compétente ;

Considérant que la Sarl PMA Diffusion soutient que les demandes de M. P. B à son endroit, à savoir le remboursement de la carte clientèle Lucia et une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile sont irrecevables , faute d’intérêt à agir de l’intéressé , en l’absence de tout lien contractuel ;

Mais considérant qu’à ce stade de la procédure , la Cour n’est saisie que du litige portant sur la compétence tant matérielle que territoriale du conseil de prud’hommes de Paris;

qu’il n’y a en conséquence pas lieu , en l’état, de statuer sur la recevabilité des demandes de M. P. B .

Sur le statut de M. P. B et la compétence matérielle du conseil de prud’hommes

Considérant qu’il n’est pas contesté que le contrat litigieux et son avenant ont été exécutés sur le territoire français ; qu’il n’est ni allégué ni démontré que les parties aient prévu l’application d’une législation autre que la législation française ; qu’au contraire , le contrat initialement conclu entre les parties le 7 février 2003 , prévoyait que l’intéressée devait faire les déclarations à l’IRVRP et la CCVRP , organismes de droit français en ce qui concerne la retraite et l’assurance -chômage ;

Qu’il y a en conséquence lieu de faire application des dispositions légales françaises d’ordre public , relatives aux conditions de reconnaissance du statut de VRP revendiqué par M. P. B ;

Considérant qu’il convient de rappeler qu’aux termes de l’article L. 7311-3 du code du travail « est voyageur, représentant ou placier , toute personne qui travaille pour le compte d’un ou plusieurs employeurs, exerce en fait d’une façon exclusive et constante une profession de représentant , ne fait aucune opération commerciale pour son compte personnel , est liée à l’employeur par des engagements déterminant la nature des prestations de service ou des marchandises offertes à la vente ou à l’achat, la région dans laquelle elle exerce son activité ou les catégories de clients qu’il est chargé de visiter , le taux des rémunérations. »;

qu’aux termes de l’article L.7313-1 du code du travail , « toute convention dont l’objet est la représentation, conclue entre le voyageur, représentant ou placier et un employeur , est , nonobstant toute stipulation expresse du contrat ou en son silence, un contrat de travail . »;

Considérant qu’aux termes de l’article L.134-1 du code de Commerce , invoqué par les sociétés demanderesses au contredit , l’agent commercial est défini ainsi qu’il suit :

« l’agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé , de façon permanente, de négocier et éventuellement , de conclure des contrats de vente, d’achat, de location ou de prestation de services , au nom et pour le compte de producteurs, d’industriels , de commerçants ou d’autres agents commerciaux .. »;

Que les sociétés demanderesses au contredit soulignent que le statut d’agent commercial emporte présomption de non salariat, en application des dispositions de l’article L.8221-6 du code du travail dans la mesure où l’intéressée devait être inscrite au régistre des agents commerciaux ;

Considérant qu’il convient de constater que le contrat initialement conclu entre M. P. B et la société Lucia Strickwarenfabrik AG , était dénommé « contrat d’agent commercial »;

qu’il lui revient en conséquence de démontrer qu’il remplit les conditions pour se voir reconnaître le statut de VRP et la présomption de salariat qui y est attachée ,statut dont il revendique le bénéfice pour la période travaillée au sein de la société Lucia Strickwarenfabrik AG ;

Mais considérant que le contrat litigieux qu’il verse aux débats , en date du 1er janvier 1985 ,précisait dans son article 1er que « la société Lucia Strickwarenfabrik AG » confie à « l’agent »la vente exclusive de tous ses produits pour les régions selon la carte géographique qui y était annexée, à savoir le sud – est et l’ est , ce qui correspond à l’exigence légale susvisée de prospection et de prise d’ordres d’achat et de vente sur un secteur déterminé contractuellement , éléments déterminants du statut de VRP , en contradiction avec la qualification d’agent commercial ;

qu’ il ressort en outre des termes mêmes de l’article 2 du contrat initialement conclu entre les parties , relatif aux « obligations » qui lui étaient imparties , dénommée « l’agent »que M. P. B s’engageait à représenter les produits Lucia , à se tenir dans l’exercice de son activité aux instructions de Lucia et à faire tous ses efforts pour lui procurer des affaires …" , ce dont il résulte qu’il avait une mission de prospection d’une clientèle dans un secteur donné pour prendre auprès d’elle des ordres d’achat pour des produits limités à ceux de la société Lucia Strickwarenfabrik AG ;

Qu’enfin, cette convention précisait dans son article 4 les conditions de rémunération de l’intéressée, à savoir « une commission de 10 % comprenant tous ses coûts et frais, et ce »y compris les congés payés "";

or considérant que la circonstance que les frais exposés par l’intéressée ont été intégrés dans ses commissions ne suffit pas à exclure le statut de VRP qu’il revendique dans la mesure où , ne pouvant être mis à sa charge , ils doivent donner lieu à majoration de ses commissions ; que de même , l’intégration de ses congés payés dans sa rémunération est une disposition incompatible avec le statut d’agent commercial que la société Lucia Strickwarenfabrik AG prétend avoir été celui de l’intéressée ;

Considérant que de même , l’intéressé n’est pas utilement contredit lorsqu’il affirme n’avoir pas effectué d’opérations commerciales pour son compte personnel ou une autre société, alors qu’il n’est pas démontré qu’il était inscrit sur le registre des agents commerciaux ce dont il se déduit qu’il ne peut lui être opposée la présomption de non salariat prévue par le texte précité ;

Or considérant que l’affirmation de M. P. B ,selon laquelle la société Lucia Strickwarenfabrik AG lui donnait régulièrement des instructions ,notamment pour « optimiser le chiffre d’affaires de l’entreprise », organisant des réunions qualifiées d’obligatoires par la société Lucia Strickwarenfabrik AG , est corroborée tant par des circulaires versées aux débats , comme celles des 9 avril 2003 et 23 août 2007 , ou des compte rendus de réunions, comme celle des 29 et 30 mai 1985 ,que par les attestations qu’il verse aux débats ,de responsables de la société Lucia Strickwarenfabrik AG , témoignant de ce que celle-ci lui donnait effectivement des instructions, notamment de venir participer à des réunions , qualifiées d’obligatoires au siège en Allemagne ou à Paris;

qu’ainsi , la directrice du bureau de la société Lucia France , situé à XXX , atteste de ce que « chaque saison, les représentants dont l’intéressé, lui remettaient ainsi qu’à l’ Allemagne un plan de tournée détaillée, indiquant les hôtels, téléphones et fax de ces hôtels , » précisant que c’était « afin que nous puissions les contacter à tout moment , leur adresser circulaires et instructions diverses »;

Qu’il ressort de ces constatations que M. P. B exerçait de façon exclusive et constante son activité de représentant conformément aux dispositions de l’article 3 du contrat litigieux ,dans lequel il était précisé qu’elle « ne pourra représenter aucune firme fabriquant ou vendant des produits susceptibles de concurrencer les produits Lucia , sauf avec l’accord exprès de la dite société .. »;

Qu’il était en conséquence contractuellement lié par des engagements précis, déterminant tant la nature des prestations de services ou des marchandises offertes à la vente ou à l’achat , en l’espèce les produits de la société Lucia Strickwarenfabrik AG , que le secteur dans lequel il intervenait , et que la rémunération qu’il en tirait ,conformément à la définition du statut du VRP , peu important à cet égard qu’il ne s’agisse que d’une rémunération variable , cet élément n’étant pas déterminant du statut de VRP;

Qu’au demeurant, la responsable des équipes de ventes, Mme M. X, témoigne de ce qu’elle « connaissait parfaitement le statut de VRP de nos représentants français »;

Qu’il s’en déduit que, dans son activité M. P. B devait suivre les directives que la société Lucia Strickwarenfabrik AG lui adressait directement, sans preuve de ce qu’elles lui étaient transmises par un agent général; qu’en tout état de cause , dans la mesure où il remplissait les conditions susvisées pour se voir reconnaître le statut de VRP auquel est attachée la présomption légale de salariat prévue par l’article L.7313-1 du code du travail, l’état plus ou moins caractérisé de subordination où il était placé est dès lors indifférent; qu’il doit être à cet égard observé que par les déplacements qu’il implique, le travail de VRP suppose une certaine autonomie d’exécution , pour autant non exclusive d’un lien de subordination envers la société Lucia Strickwarenfabrik AG ;

Considérant qu’il s’ensuit de l’ensemble de ces constatations que si le contrat litigieux faisait état d’un « agent commercial » et s’il prévoyait qu’il pouvait être résilié au cours des trois premières années , avec un préavis de 3 mois, puis de 6 mois ,et qu’en « cas de résiliation du contrat à l’initiative de la société Lucia , il lui sera versé une indemnité égale au maximum à une année de commissions , mais sans indemnité dans le cas de rupture du fait de » l’agent ", il ressort néanmoins des conditions dans lesquelles il était exécuté que les parties avaient eu l’intention de donner à l’intéressé une mission correspondant à celle d’un VRP au sens de l’article L.7311-3 précité du code du travail ; que M. P. B remplissait en conséquence les conditions pour se voir reconnaître la qualité de VRP et donc de salarié de la société Lucia Strickwarenfabrik AG ;

que dès lors ,l’obligation de racheter sa clientèle , de même que la réduction à 8% de sa rémunération jusqu’au rachat de la carte de VRP par l’intéressé , ou encore la prise en charge par lui – même de la totalité des cotisations IRVRP et CCCRP ne saurait valoir exclusion du bénéfice du statut de VRP salarié qui est d’ordre public alors qu’il verse aux débats une attestation de la CCVRP selon laquelle il était inscrite en tant que VRP auprès de cet organisme , le représentant de cet organisme précisant que l’expression « en tant qu’employeur fictif », concerne les VRP dont les employeurs sont étrangers ;que ce même organisme atteste de ce qu’il a toujours relevé du régime de Sécurité Sociale en tant que salariée, n’était pas assujetti à la TVS et n’avait pas été inscrit au registre du Commerce ;

Que cependant, dans la mesure où M. P. B ne conteste pas utilement avoir exercé son activité dans le cadre d’une EURL à compter de 2007 , sans précision de date, il y a lieu de considérer qu’il ne peut bénéficier du statut de VRP que jusqu’à la date à laquelle il a effectivement exercé son activité dans ce nouveau cadre commercial ;

Qu’il en résulte que le litige opposant M. P. B à la société Lucia Strickwarenfabrik AG relève de la compétence prud’homale en ce qui concerne la période pendant laquelle il a exercé son activité dans le cadre du statut de VRP;

Sur la compétence territoriale

Considérant que M. P. B sollicite la confirmation du jugement déféré en ce que le premier juge a retenu sa compétence territoriale au moyen que la société Lucia Strickwarenfabrik AG avait un établissement en France, plus particulièrement à Paris, 24 rue Tronchet où l’entreprise avait un bureau ; qu’il fait valoir que l’ancienne directrice commerciale de la société atteste de l’activité de l’entreprise dans cet établissement , où étaient organisés la réception des clients et des défilés;

Qu’il soutient en outre que son contrat de travail prévoyait une clause attributive de compétence en faveur des « tribunaux de Paris »;

Considérant que le mandataire liquidateur de la société Lucia Strickwarenfabrik AG , de même que les autres parties , s’opposent à sa demande en faisant valoir que l’entreprise allemande n’avait pas d’établissement en France et que dès lors , seul le tribunal de Lünebourg est territorialement compétent, ou, à titre subsidiaire , celui de Lyon dans le ressort duquel est situé le domicile de l’intéressé ;

Que le mandataire liquidateur de la société Lucia Strickwarenfabrik AG ainsi que les sociétés Rabe Moden GMBH et L By Rabe GMBH et la Sarl PMA Diffusion contestent la validité de la clause attributive de compétence prévue par le contrat litigieux et soutiennent que seul le tribunal de Lünebourg en Allemagne est compétent, ou, à défaut, le conseil de prud’hommes de Lyon, dans le ressort duquel l’intéressé a son domicile ;

Mais considérant que , conformément aux dispositions de l’article 14 du code civil, s’agissant d’un litige entre un salarié de nationalité française résidant en France et une entreprise étrangère de l’Union Européenne , une juridiction française peut être retenue comme compétente , même en l’absence d’établissement de l’employeur en France, dès lors qu’il s’agit de la juridiction dans le ressort de laquelle l’intéressé organise son activité pour le compte de l’employeur et où se situe le centre effectif de son activité professionnelle ;

Que de même, en application des dispositions du règlement CEE n° 44-2001 , est compétent pour connaître du litige entre un salariée et une entreprise située dans un autre pays relevant de l’Union Européenne le tribunal du lieu où le salarié exécute habituellement son travail sous les ordres de cet employeur ;

Or considérant qu’ il ressort de l’attestation de l’ancienne directrice commerciale export de la société Lucia Strickwarenfabrik AG , Mme X, régulièrement délivrée, qu’en tant que responsable commerciale , responsable des équipes de vente et de leur recrutement , faisant donc partie de l’équipe de direction de l’entreprise , que la société Lucia Strickwarenfabrik AG " avait toujours eu un bureau à Paris ; que celui -ci « était à l’entière disposition des représentants pour recevoir leurs clients »et que « de nombreuses commandes y étaient prises »; qu’elle précise que « toutes nos réunions de travail s’y déroulaient »et que « le bureau de Paris était le point de rencontre et le lieu de travail privilégié de tous »;

que ce témoignage est corroboré par celui de la directrice du bureau de Paris, Mme C D , qui atteste de l’existence de ce bureau depuis 1999, et de ce que ce bureau assurait la gestion administrative et comptable des commandes effectuées par les représentants de la société Lucia Strickwarenfabrik AG en France ,dont l’intéressé;

que ce témoin précise que des négociations avaient lieu dans ce bureau avec les clients;

qu’il en résulte que , quand bien même le salarié résidait dans le ressort de Lyon et se déplaçait dans tout le secteur qui lui était contractuellement affecté, il était rattaché pour l’organisation de son activité au bureau parisien de la société Lucia Strickwarenfabrik AG quand bien même celle-ci avait son siège social en Allemagne ;

Qu’il s’ensuit que le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a retenu la compétence territoriale du conseil de prud’hommes de Paris pour connaître du présent litige.

Que le contredit formé par le mandataire liquidateur de la société Lucia Strickwarenfabrik AG , la Sarl PMA Diffusion et les sociétés Rabe Moden GMBH et L By Rabe GMBH à l’encontre du jugement déféré sera en conséquence rejeté;

Qu’il y a en conséquence lieu , en l’état de la procédure , de renvoyer les parties devant le juge du fond , à savoir le conseil de prud’hommes de Paris , devant lequel seront débattues l’ensemble de leurs autres demandes ainsi que les fins de non recevoir qui sont opposées à l’intéressé.

Considérant que les circonstances de la cause et l’équité justifient d’appliquer les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de M. P. B à l’égard du mandataire liquidateur de la société Lucia Strickwarenfabrik AG et de rejeter les demandes formées à ce même titre par le mandataire liquidateur de la société Lucia Strickwarenfabrik AG et la Sarl PMA Diffusion .

Considérant que la créance de M. P. B sur le passif de la société Lucia Strickwarenfabrik AG sera fixée à la somme de 1000 Euros , qui sera cependant exclue de la garantie de l’Unedic Délégation AGS CGEA IDF Faillite Transnationale , dans la mesure où elle ne fait pas partie du périmètre de la garantie légale de celle-ci, conformément aux dispositions des articles L.3253-8 du code du travail ;

Considérant qu’il y a lieu de mettre les frais du présent contredit à la charge du mandataire liquidateur de la société Lucia Strickwarenfabrik AG , ès qualités .

PAR CES MOTIFS

Rejette le contredit formé par la société Lucia Strickwarenfabrik AG, la Sarl PMA Diffusion, les sociétés Rabe Moden GMBH et L By Rabe GMBH à l’encontre du jugement déféré ,

Confirme le jugement déféré en ce qu’il a retenu la compétence matérielle et territoriale du conseil de prud’hommes de Paris pour connaître du présent litige ,

Renvoie les parties devant cette juridiction pour qu’il soit jugé sur l’ensemble des autres demandes des parties et des fins de non recevoir qui sont opposées au salarié ;

Fixe la créance de M. P. B au passif de la société Lucia Strickwarenfabrik AG , représentée par son mandataire liquidateur , à la somme de 1.000 Euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ,

Déboute le mandataire liquidateur de la société Lucia Strickwarenfabrik AG , la Sarl PMA Diffusion et l’Unedic Délégation AGS CGEA Faillite Transnationale, de leurs demandes d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de dommages- intérêts pour procédure abusive ,

Déboute M. P. B de sa demande d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile envers la Sarl PMA Diffusion ,

Met les frais du présent contredit à la charge de la société Lucia Strickwarenfabrik AG , représentée par son mandataire liquidateur .

LE GREFFIER LE PRESIDENT

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 2, 27 octobre 2011, n° 11/02100