Cour d'appel de Paris, Pôle 5, 11 septembre 2013, n° 2011/22046

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5, 11 sept. 2013, n° 11/22046
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 2011/22046
Publication : RLDI, 97, octobre 2013, p. 26, note de Lionel Costes
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 7 novembre 2011, N° 10/04230
Décision(s) liée(s) :
  • Tribunal de grande instance de Paris, 8 novembre 2011, 2010/04230
  • (en réquisition)
Domaine propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
Référence INPI : D20130164
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Texte intégral

COUR D’APPEL DE PARIS ARRET DU 11 SEPTEMBRE 2013

Pôle 5 – Chambre 1 (n° , pages) Numéro d’inscription au répertoire général : 11/22046

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Novembre 2011 – Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 10/04230

APPELANTE SA REPETTO prise en la personne de son représentant légal […] 75008 PARIS Représentée par Me Jean-Claude CHEVILLER (avocat au barreau de PARIS, toque : D0945) assistée de Me Emmanuelle H (avocat au barreau de PARIS, toque : C0610) de la SELARL H

INTIMÉE Société KARINE exerçant sous l’enseigne 'JONAK' prise en la personne de son Président Directeur Général […] 75006 PARIS Représentée par Me François TEYTAUD (avocat au barreau de PARIS, toque : J125) assistée de Me Myriam W S(avocat au barreau de PARIS, toque : R275) de la AARPI MERGUI ASSOCIES

COMPOSITION DE LA COUR : L’affaire a été débattue le 05 Juin 2013, en audience publique, devant la Cour composée de : Monsieur Benjamin RAJBAUT, Président de chambre Madame Brigitte CHOKRON, Conseillère Madame Anne-Marie GABER, Conseillère qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues à l’article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Marie-Claude HOUDIN

ARRET :
- contradictoire

— rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Benjamin RAJBAUT, président, et par Mme Marie-Claude HOUDIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu le jugement contradictoire du 8 novembre 2011 rendu par le tribunal de grande instance de Paris,

Vu l’appel interjeté le 9 décembre 2011 par la SA REPETTO,

Vu les dernières conclusions du 4 juillet 2012 de la société appelante,

Vu les uniques conclusions du 10 mai 2012 de la société KARINE exerçant sous l’enseigne 'JONAK', intimée,

Vu l’ordonnance de clôture du 19 février 2013,

SUR CE, LA COUR,

Considérant que la société REPETTO se prévaut de droits d’auteur sur cinq modèles de chaussures respectivement dénommés BAYA, GITANE, GARBO, KURT et JUDITH ; qu’ayant découvert l’offre en vente par la société KARINE de modèles constituant, selon elle, la reproduction servile des caractéristiques de ces modèles, qu’elle aurait antérieurement créés et commercialisés, elle a dûment autorisée par ordonnance présidentielle du 16 février 2010 fait procéder le 17 février 2010 à des opérations de saisie-contrefaçon dans les locaux de la société incriminée, à laquelle elle reproche, en outre, la commercialisation de chaussures qui présenteraient des similitudes avec deux de ses modèles de chaussures dénommés FLORA et INFANTE ;

Qu’elle a, dans ces circonstances, fait assigner le 9 mars 2010 la société KARINE devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de droits d’auteur et concurrence déloyale ;

Considérant que, selon jugement dont appel, les premiers juges ont essentiellement :

— déclaré la société REPETTO irrecevable à agir en contrefaçon de droits d’auteur, faute d’avoir explicité l’empreinte de la personnalité de l’auteur sur les cinq chaussures en cause se limitant à une simple description en insistant sur des détails qui seraient insuffisants à les différencier, leur forme globale étant empruntée au fonds commun de la chaussure,

— débouté cette société de ses demandes en concurrence déloyale et parasitaire, la condamnant aux frais de procédure ;

Considérant que l’appelante maintient que les modèles revendiqués au titre du droit d’auteur seraient dignes d’être protégés et que l’intimée aurait commis des actes de concurrence déloyale ;

Sur le droit d’auteur

Considérant que pour combattre le grief de contrefaçon, la société KARINE invoque le défaut d’originalité des modèles invoqués, faisant notamment valoir que chacun d’eux correspondrait à un modèle basique ou classique diffusé de longue date sur le marché de la chaussure ;

Considérant que le principe de la protection d’une œuvre, sans formalité, du seul fait de la création d’une forme originale n’est pas discuté ; qu’il incombe cependant effectivement à la société REPETTO, qui entend se prévaloir des droits de l’auteur pour cinq modèles de chaussures qu’elle commercialise, de caractériser l’originalité de ces chaussures, l’action en contrefaçon étant subordonnée à la condition que la création, objet de cette action, soit une œuvre de l’esprit protégeable au sens de la loi, c’est à dire originale ;

Considérant que pour conclure à l’originalité de ces modèles, la société REPETTO maintient en cause d’appel qu’elle procède de la combinaison d’éléments caractéristiques, exactement retranscrits par le tribunal dans l’exposé des faits et de la procédure (pages 2, 3 et 4 de son jugement) et auxquels la cour renvoie expressément, sauf à préciser qu’il doit être ajouté dans la combinaison du modèle GARBO les caractéristiques suivantes :

<<un patin en forme de goutte stylisée, de 1 cm de hauteur environ, enrobé sur toute sa tranche dans la même matière que le modèle, et qui est rapporté (et non intégré) à la semelle du modèle tout en remontant légèrement vers l’avant ;

- un bout arrondi légèrement ovale>> ;

Que la société appelante précise qu’elle revendique au titre de l’originalité ces combinaisons et, notamment, la combinaison pour la chaussure :

— BAYA : <<de la bride avec un agencement très particulier d’empiècements à l’avant (superposition d’empiècements) et à l’arrière de la chaussure (empiècement arrondi)>>,

— GITANE : <<du système de bride et d’un système de superposition des deux empiècements principaux sur le côté de la chaussure>>,


- GARBO : du <<patin caractéristique avec une forme de bottine courte et arrondie présentant un système d’empiècements particulier>>,

— KURT : du <<patin caractéristique avec une forme de bottine haute et présentant un système d’empiècements particulier>>,

— JUDITH : <<de caractéristiques particulière, alliant la forme représentative des ballerines REPETTO (bordure gros grain, lacette, décolleté profond sur l’avant du pied), avec un empiècement sur l’avant du pied contrastant avec le reste de la chaussure, et un petit talon bobine>> ;

Considérant que pour contester l’originalité prétendue de la physionomie de ces cinq modèles, la société KARINE fait notamment valoir que :

— le modèle BAYA constituerait un modèle dit 'Salomé’ et le modèle GITANE correspondrait à un modèle basique souvent appelé 'CHARLES IX’ ou 'BABIES', ces modèles existant depuis des décennies dans l’univers d de la chaussure, étant définis dans l’ouvrage 'Encyclopédie Les accessoires de A à Z’ , et déclinés depuis de nombreuses années,

— les modèles GARBO et KURT correspondraient respectivement à un modèle 'Richelieu', existant également depuis des décennies, et à la définition usuellement donnée à la 'BOTTINE LACEE', déjà divulguée, le patin à l’avant de la semelle, revendiqué pour ces deux chaussures, relevant d’une technique déjà utilisée par de nombreux chausseurs,

— JUDITH serait un modèle de ballerine classique à petits talons et l’empiècement sur le bout de la chaussure constituerait une particularité largement préexistante à la diffusion revendiquée ;

Considérant que, certes, il ressort de l’examen auquel la Cour s’est livrée, que les représentations produites par l’intimée, pour celles qui apparaissent avoir date certaine et concernant des modèles antérieurs aux modèles revendiqués, n’en présentent pas tous les tous les éléments dans des combinaisons strictement identiques à celles invoquées ;

Mais considérant qu’au terme de cet examen, il est manifeste que non seulement des éléments qui composent les modèles de chaussures en cause sont effectivement connus mais que dans leur forme générale, l’appréciation de la Cour devant s’effectuer de manière globale, en fonction de l’aspect d’ensemble produit par l’agencement des différents éléments et non par l’examen de chacun d’eux pris individuellement, ces modèles relèvent manifestement de

types de chaussures préexistantes appartenant au fonds commun de l’univers de la chaussure ainsi que soutenu par l’intimée ; qu’au demeurant il n’est pas sans intérêt de rappeler que s’agissant de la chaussure BAYA les fiches techniques de la société REPETTO font elles-mêmes référence au 'Salomé’ ainsi que relevé par les premiers juges ;

Que si leurs combinaisons précises, telle que revendiquées, sont susceptibles de leur conférer une physionomie propre permettant de les distinguer d’autres modèles du même genre dans le cadre d’un examen attentif de leurs détails de réalisation, il n’est pas pour autant démontré que ces combinaisons très détaillées, d’association de découpe, talons, finitions ou courbures, et système d’empiècements, de brides ou d’assemblage de patin, connus dans le domaine de la chaussure ou relevant d’un savoir faire, même si elles mettent en évidence des choix pour partie arbitraires, soient de nature à réellement traduire un parti-pris esthétique empreint de la personnalité de leur auteur au sens des dispositions du livre I du Code de la propriété intellectuelle ;

Qu’en fait il n’apparaît pas que l’adaptation ou déclinaison de chaussures préexistantes réalisée permette de conférer aux modèles invoqués une protection au titre du droit d’auteur ;

Qu’au contraire l’originalité de ces modèles, au sens des dispositions précitées ne s’avère pas suffisamment établie ;

Considérant qu’il en résulte que si la société REPETTO apparaît recevable à agir elle est mal fondée en ses demandes formées au titre de la contrefaçon de droits d’auteur ;

Sur la concurrence déloyale et parasitaire

Considérant que les premiers juges ont justement rappelé que la concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce ; qu’en conséquence, en l’absence de droits privatifs sur les modèles précités et de droits d’auteur revendiqués sur deux autres modèles invoqués

(modèle FLORA de ballerines à talon plat et modèle INFANTE à talon droit assez épais, patin en forme de goutte et bout arrondi légèrement ovale d’une ligne dite 'Cabaret'), le seul fait que des chaussures quasi identiques ou similaires à ces modèles soient commercialisées par un concurrent ne saurait suffire à caractériser un acte de concurrence déloyale ;

Considérant qu’il n’est nullement démontré qu’un réel risque de confusion ait été recherché ni existé, étant relevé que si un particulier a pu mentionner sur un site de vente en ligne qu’un modèle d’escarpins serait la réplique exacte du modèle de chez REPETTO

visant l’existence d’un procès (pièce 53 de l’appelante) ce n’est que postérieurement aux faits reprochés ;

Qu’en fait il n’apparaît pas que la commercialisation des chaussures incriminées, clairement faite sous la marque 'JONAK', était susceptible de laisser croire à un consommateur normalement avisé qu’il pouvait s’agir de chaussures de la société REPETTO ou dépendant d’une ligne de cette dernière ;

Considérant qu’aucun effet de gamme ne saurait être caractérisé, même si trois modèles d’une même ligne associée à quatre modèles de trois autres lignes de la société REPETTO sont en cause ; qu’en effet les collections de cette société comprennent de nombreux modèles ou déclinaisons et chacun est en droit d’exploiter les tendances de la mode ou la reprise de modèles relevant de classiques de la chaussure ; qu’au demeurant s’il est reproché à la société intimée de s’être 'rapprochée au plus près’ des modèles BAYA et GITANE il n’est pas sérieusement contesté qu’elle avait antérieurement commercialisé des modèles du même genre ;

Considérant qu’enfin il n’est pas établi que les prix pratiqués par la société KARINE ne se justifieraient que par une appropriation illicite des modèles litigieux, et seraient ainsi fautifs, ni que cette société aurait adopté une attitude parasitaire, étant relevé qu’hors l’extrait internet précité (non pertinent à raison de sa date) les captures d’écran produites ne visent pas les modèles de chaussures en cause ;

Qu’en réalité, il n’est pas démontré qu’en l’espèce la société intimée, qui assure la promotion des produits qu’elle commercialise sous sa marque, aurait indûment profité du travail 'quasi artisanal', d’investissements spécifiques ou de la réputation de la société REPETTO ;

Considérant que la décision entreprise ne peut, en conséquence, qu’être confirmée en ce qu’elle a débouté la société REPETTO de son action en concurrence déloyale ;

PAR CES MOTIFS,

Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’elle a déclaré la société REPETTO irrecevable à agir en contrefaçon de droits d’auteur sur les chaussures BAYA, GITANE, GARBO, KURT et JUDITH ;

Statuant à nouveau dans de cette limite,

Déclare la société REPETTO recevable, mais mal fondée en son action en contrefaçon de droits d’auteur des chaussures BAYA, GITANE, GARBO, KURT et JUDITH ;

La déboute, en conséquence, de toutes ses demandes à ce titre ;

La condamne aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile, et à verser à la société KARINE une somme complémentaire de10.000 euros en application de l’article 700 dudit Code, au titre des frais irrépétibles d’appel.

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