Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 4, 13 novembre 2013, n° 11/22014

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Grandmaire Justine · Lettre des Réseaux · 17 décembre 2021

L'article L.442-6, I, 5° du code de commerce sanctionne la rupture brutale, totale ou partielle, d'une relation commerciale établie ; la suppression d'une remise peut ainsi constituer un exemple de rupture partielle. L'article L.442-6, I, 5° du code de commerce sanctionne la rupture brutale, totale ou partielle, d'une relation commerciale établie ; la suppression d'une remise peut ainsi constituer un exemple de rupture partielle. La société G., grossiste de matériels informatiques, distribuait les produits de la société C. auprès de revendeurs professionnels. Un contrat de distribution a …

 

Lettre des Réseaux · 17 décembre 2021

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www.nmcg.fr · 5 juin 2020

la modification des conditions tarifaires et contractuelles peut donner lieu à une rupture brutale des relations commerciales etablies Lire sur le journal de l'Actu en ligne : Cliquez ici Il n'est plus nécessaire de rappeler que l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce a fait l'objet d'une interprétation ambitieuse par les plaideurs qui a considérablement inspiré la jurisprudence établie en la matière. Les nombreux arrêts rendus ont permis de faire émerger une certaine diversité dans les formes de ruptures des relations commerciales établies, totales ou partielles, offrant aux …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 ch. 4, 13 nov. 2013, n° 11/22014
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 11/22014
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 22 novembre 2011, N° 2010034878
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 15 septembre 2022
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Texte intégral

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 4

ARRÊT DU 13 NOVEMBRE 2013

(n° 308 , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 11/22014

Décision déférée à la Cour : Jugement rendu le 23 Novembre 2011 par le Tribunal de Commerce de PARIS – 19ème CHAMBRE – RG n° 2010034878

APPELANTE

SAS CANON FRANCE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Me Charles-Hubert OLIVIER de la SCP LAGOURGUE – OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0029

Assistée de Me Muriel LE FUSTEC plaidant pour le Cabinet ARTLEX, avocat au barreau de NANTES

INTIMÉE

SARL GRAPH’IMAGE agissant poursuites et diligences de son gérant domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

Assistée de Me Muriel PERRIER plaidant pour Me VIVIEN & Associés, avocat au barreau de PARIS, Toque R 210

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 Octobre 2013, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Françoise COCCHIELLO, Président, chargée d’instruire l’affaire et Madame Claudette NICOLETTIS, Conseiller.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Françoise COCCHIELLO, Président, rédacteur

Madame Irène LUC, Conseiller,

Madame Claudette NICOLETIS, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Denise FINSAC

ARRÊT :

— CONTRADICTOIRE

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Françoise COCCHIELLO, Président et par Madame Denise FINSAC, Greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

****

La société Canon France (ci-après Canon) distribue des matériels de bureautique et informatique, principalement des photocopieurs, des imprimantes, des télécopieurs et appareils multifonctions ainsi que les consommables (cartouches, tambour, papier…) destinés à ces appareils.

La société Canon distribue la gamme de produits grand format également appelés produits « LFP » pour « Large Format Printing » par l’intermédiaire de ses sociétés filiales, d’un réseau de distributeurs indépendants agréés ou non selon le type de produits et d’un réseau de grossistes.

La société Graph’image créée en 1994 est un importateur et un grossiste de périphériques informatiques professionnels dans les domaines de la Conception Assistée par Ordinateur, du Dessein Assisté par Ordinateur et de l’imagerie. La société Graph’image exerce une activité de grossiste indépendant et « multimarques» ; elle distribue essentiellement des produits grand format auprès des revendeurs détaillants professionnels, qui eux-mêmes les revendent à leurs clients (bureaux d’étude, agences de publicité, cabinets d’architectes etc..). Depuis 1997, elle distribue des produits Canon.

Le 22 décembre 2005, un contrat de distribution pour les produits grand format de « partenaire agréé Canon » a été conclu pour une durée d’une année automatiquement renouvelable sauf dénonciation par écrit par l’une des parties moyennant un préavis de six mois. En annexe à ce contrat, se trouvaient une annexe «  grossistes/fournituristes » entrée en vigueur le premier janvier 2006, ainsi que des conditions générales de vente « grossistes/fournituristes », ces dernières faisant l’objet d’un avenant le 12 octobre 2006 par lequel la société graph’Image s’engageait sur un niveau d’achat mensuel, avec taux de remise modulé en fonction du niveau d’achat .

Des avenants à la « politique des services grossistes spécialistes à la valeur ajoutée » ont ensuite été signés le premier juillet 2007 et le premier juillet 2008, qui définissaient les critères de compétence technique et des critères qualitatifs que devait respecter Graph’Image pour bénéficier du statut de grossiste spécialiste, précisant un développement du réseau « conception assisté par ordinateur » avec croissance semestrielle de 10 %.

Un contrat de « services distincts » était signé le premier août 2007 d’une durée d’une année par lequel la société Graph’image s’engageait à fournir des services mis en place dans le cadre de l’animation de son réseau Grand Formats Canon. Un « contrat de services distincts grossiste spécialiste à valeur ajoutée imprimantes grand format » annulant le contrat de « services distincts » du premier juillet 2007 était signé par les parties le 19 septembre 2008 et prenait fin au 31 décembre 2008.

Le 27 avril 2009, la société Canon adressait à la société Graph’image le mail ainsi rédigé : «  Faisant suite à notre dernier entretien, j’ai le plaisir de te confirmer les changements de notre politique tarifaire Grands formats et ce, dès le lancement des nouveaux produits présentés à [Localité 3] le 17 avril dernier…. Ces lancements vont s’étaler sur les mois de mai et de juin, je te communiquerai les tarifications et outils de vente dès que possible. Notre politique commerciale devant encore évoluer, nous dénonçons dès ce jour ( 27 avril 2009) nos contrats de distribution grossistes et grossistes spécialistes, nous reviendrons bien évidemment le plus rapidement vers toi pour te présenter les nouveaux contrats. Je suis certain que ces changements permettront de réussir sur la ligne stratégique que représentent les produits Grands Formats pour Canon… ».

Le 6 mai 2009, la société Canon adressait un courrier à la société Graph’Images lui précisant que le contrat de services distincts « grossistes spécialisé à valeur ajoutée » qui avait pris fin en décembre 2008 avait été maintenu tacitement au premier semestre 2009 mais qu’à compter du premier juillet 2009, « un certain nombre de (ses) filiales commanderont leurs produits LFP directement chez Canon France ».

Plusieurs échanges de courriers ont eu lieu.

Considérant que cette résiliation de son contrat de distribution remettait en cause son statut de grossiste spécialiste et reprochant à la société Canon de détourner à son profit sa clientèle de revendeurs professionnels, de pratiquer une politique tarifaire qui lui était défavorable, d’avoir ainsi rompu de manière brutale et abusive leur relation commerciale, la société Graph’Image a, par acte du 14 mai 2010, assigné la société Canon devant le Tribunal de commerce de Paris aux fins de la voir condamner pour violation des stipulations contractuelles, pour rupture brutale et abusive de la relation commerciale établie et pour déloyauté à son égard, à lui verser des dommages-intérêts.

Par jugement du 23 novembre 2011, assorti de l’exécution provisoire, le Tribunal de commerce de Paris a :

— condamné la SAS Canon France à payer à la SARL Graph’image la somme de 168.071 euros au titre du préjudice subi du fait de la rupture brutale des relations commerciales ;

— débouté la SARL Graph’image de sa demande au titre du préjudice moral ;

— condamné la SAS Canon France à payer à la SARL Graph’Image la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

— débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires.

Le 8 décembre 2011, la société Canon France a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions signifiées le 6 août 2013, la société Canon France demande à la Cour de :

— confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris, dont il est relevé appel, en ce qu’il a débouté Graph’Image de sa demande au titre de prétendus agissements déloyaux de Canon ;

— confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris, dont il est relevé appel, en ce qu’il a débouté Graph’Image de sa demande en réparation au titre d’un prétendu préjudice moral ;

— infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris, dont il est relevé appel, en ce qu’il a jugé que les relations commerciales entre Canon et Graph’Image avaient été brutalement rompues par Canon ;

En conséquence,

— infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris en ce qu’il a condamné Canon à verser à Graph’Image la somme de 168.071 euros en réparation du préjudice qu’elle prétendait avoir subi ;

— infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris en ce qu’il a condamné Canon à verser à Graph’Image la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

— condamner Graph’Image à restituer les sommes versées par Canon au titre de l’exécution provisoire du jugement du Tribunal de commerce de Paris ;

— débouter Graph’Image de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

A titre reconventionnel, condamner Graph’Image à verser à Canon la somme de 20.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Canon France soutient qu’elle n’a pas rompu les relations commerciales qu’elle entretenait avec la société Graph’Image. Elle fait valoir que les conditions tarifaires privilégiées n’ ont pas été remises en cause, que les conditions tarifaires appliquées à la société Graph’Image sur deux nouveaux produits ne constituaient pas des modifications, que le resserrement des taux de remises accordés aux grossistes généralistes et spécialistes ne constitue pas une rupture brutale des relations commerciales, que la cessation de l’approvisionnement des filiales de la société Canon à la société Graph’Image qui ne lui est pas imputable ne peut non plus caractériser une rupture brutale des relations commerciales établies au sens de l’article L. 442-6 I 5° du Code de commerce. Si la rupture des relations commerciales était retenue et lui était imputable, la société Canon estime que la société Graph’Images n ' a subi aucun préjudice, et subsidiairement, sollicite l’infirmation du jugement sur l’évaluation du préjudice prétendument subi par la société Graph’Image, qui n’était pas en état de dépendance économique.

En revanche, elle réclame la confirmation du jugement concernant le rejet des prétentions de la société Graph’Image au titre de ses prétendus agissements déloyaux en ce que la société Graph’Image ne prouve pas un démarchage et un détournement de sa clientèle par la société Canon.

Par conclusions signifiées le 10 mai 2013, la société Graph’Image demande à la Cour de :

— confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris, dont il est relevé appel, en ce qu’il a jugé que les relations commerciales entre la société Canon France et la société Graph’Image avaient été brutalement rompues par Canon sauf en ce qu’il a débouté la société Graph’Image de sa demande en paiement de la somme de 585.000 € correspondant à 525.000 € au titre du préjudice subi du fait de la rupture brutale des relations commerciales et des agissements déloyaux de la société Canon France et 60.000 € au titre du préjudice moral ;

— l’infirmer sur ce point et statuer à nouveau,

En conséquence, y ajoutant,

A titre principal;

— condamner la société Canon France au paiement de la somme de 377.329 € à la société Graph’Image en réparation des préjudices subis par elle du fait de la violation des stipulations contractuelles liant les deux parties, de la rupture brutale de la relation commerciale et des agissements déloyaux dont la société Canon France a été à l’origine ;

En tout état de cause,

— rejeter les prétentions et demandes de la société Canon France ;

— condamner la société Canon France à payer 20.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile à la société Graph’Image.

La société Graph’Image soutient que la société Canon a rompu brutalement leurs relations commerciales qui existaient depuis 1997 par courriel le 27 avril 2009, en modifiant unilatéralement ses conditions de vente, en modifiant sa stratégie de distribution, en mettant fin brutalement aux conditions tarifaires dont elle bénéficiait en sa qualité de grossiste spécialiste ainsi qu’en mettant fin par lettre du 6 mai 2009 à l’approvisionnent de ses filiales par la société Graph’Image avec effet dès le 1er juillet 2009 ; elle ajoute que Canon ne peut soutenir qu’il y aurait eu une baisse significative et constante des ventes auprès des revendeurs détaillants.

Elle prétend qu’au titre de l’article L. 442-6 I 5° du Code de commerce, la société Canon devait respecter un délai de préavis de neuf mois compte tenu de leurs relations commerciales établies depuis plus de dix ans, que les ventes des produits Canon par la société Graph’Image étaient en constante augmentation et représentaient en 2008 23% de son chiffre d’affaires total et que les produits Grand Format Canon n’étaient pas aisément substituables à d’autres produits concurrents.

Par ailleurs, la société Graph’Image fait valoir que la société Canon a manqué à ses obligations de loyauté et de bonne foi dans l’exécution du contrat en ce qu’elle a démarché, avant même la notification de la résiliation du contrat, les clients revendeurs de la société Graph’Image en leur proposant des tarifs plus avantageux et en utilisant à son profit les informations que la société Graph’Image lui avait transmises au cours de l’exécution du contrat.

Elle sollicite réparation de son préjudice au titre de la brutalité de la rupture et au titre de l’exécution de mauvaise foi par Canon de ses obligations, qui correspond à la différence entre la marge brute qu’elle aurait dû réaliser et la marge réelle réalisée, soit 317.329 €.

SUR CE :

1) Sur la rupture brutale :

a) Considérant que la société Graph’Image reproche à la société Canon d’avoir modifié unilatéralement et substantiellement les conditions de vente : qu’en réduisant unilatéralement le taux de remise dont elle bénéficiait de 37 à 32 %, peu important que cette remise ait été ou non contractuellement prévue, et, dans le même temps, en mettant en place une nouvelle grille tarifaire au profit des grossistes généralistes ( de 20 à 30 % ) , ce qui avait pour effet de « gommer » les différences tarifaires entre les grossistes généralistes et les grossistes spécialistes, Canon a remis en cause le schéma de distribution sélective en place ; que Canon ne peut soutenir avoir continué d’appliquer les conditions tarifaires antérieures ou dénier tout caractère substantiel à cette modification ou encore faire état d’une « adaptation » de ses relations avec elle ou enfin soutenir que Graph’image n’aurait pas respecté l’objectif quantitatif, ce dont elle n’a jamais parlé dans leurs échanges en 2009 ; qu’elle a modifié unilatéralement et substantiellement les conditions de vente ce qui caractérise la rupture brutale,

Considérant que Canon rétorque que la société Graph’Image lui reproche en fait le resserrement des taux de remise qui lui étaient accordés avec ceux des grossistes non spécialistes : que la modification tarifaire qui concerne de nouvelles imprimantes ne peut constituer une modification substantielle des conditions commerciales qui mette la société Graph’Image dans l’impossibilité d’entretenir son courant d’affaires, que les conditions tarifaires n’avaient pas été fixées contractuellement sinon pour trois types d’imprimantes par un avenant en vigueur pour la seule année 2006 et qu’au cours de l’exécution de leurs relations commerciales, ces conditions ont varié, le taux de 30 % s’inscrivant d’ailleurs dans la fourchette des taux de remise qui étaient déterminés en raison des contraintes économiques et commerciales et qui étaient régulièrement accordés à la société Graph’ Image ; que Canon estime que le resserrement des tarifs qui a été progressif pour avoir été « amorcé » en 2007, ne peut constituer une rupture brutale, rappellant à cet effet qu’elle ne s’était pas engagée à maintenir un écart entre les prix des grossistes généralistes et ceux des grossistes spécialistes qui n’était plus justifié dès lors que Graph’Image ne respectait pas l’objectif de développement du réseau des revendeurs détaillants tel que l’avenant de 2008 l’avait fixé, et ce, quoi qu’en dise la société Graph’Image, qu’elle rappelle enfin qu’il ne saurait lui être interdit de relever les marges de ses grossistes généralistes et que la société Graph’image ne peut tenter d’obtenir un avantage concurrentiel discriminatoire et injustifié sur le marché de la distribution des produits LFP ;

Considérant que, conformément aux termes de l’article 2.3 des conditions générales de ventes grossistes, Canon détermine les conditions tarifaires de ses nouveaux produits et les communique lors du lancement dudit produit, et que selon l’art 4.2, Canon communique au grossiste le tarif applicable ainsi que toute modification tarifaire par voie de bulletin de vente ou par tout autre moyen approprié ; qu’ainsi, elle décide seule des taux de remise applicables pour ces nouveaux produits et n’a pas à rechercher l 'assentiment de ses grossistes ; que de même, elle décide seule des modifications concernant les remises des produits existants, s’ils n’ ont pas été déterminés contractuellement, mais doit faire en sorte que la modification ne soit pas substantielle et alors assimilable à une rupture brutale des relations commerciales établies ;

Considérant que les relations entre les deux parties n’ ont pas cessé à la suite des mails échangés en avril et mai 2009, que la société Graph’Image a continué à commander à la société Canon et cette dernière a continué à la livrer, que ce soit en produits grand format ou consommables ;

Considérant qu’il n’est pas contesté qu’à l’époque de l’echange des mails, il existait une gamme de produits « série 100 » composée des IPF 605, 610, 710, 720, 810 et 820 sur laquelle la société Graph’Image bénéficiat d’un taux de remise de 37 % ; que la société Canon mettait sur le marché quatre nouveaux produits ( IPF 650, 655, 750 et 755) et fixait les taux de remise de son grossiste spécialiste Graph’Image sur ces nouveaux produits à 32 % ; que l 'IPF 720 disparaissait du catalogue ; que dans le même temps, Canon portait les taux de remise des grossistes généralistes sur ces même produits de 20 à 30 %, ce qui a entraîné, selon Graph’image un « effondrement » de ses ventes ;

Considérant que la société Graph’Image ne saurait discuter les taux de remise que la société Canon a cru bon de consentir aux grossistes généralistes, que la société Canon est en effet libre de décider sur ce point comme elle l’entend ;

Considérant que le taux de remise de 37 % sur les produits IPF 500, IPF 600 et IPF 700 avait été précisé dans l’avenant aux conditions générales du 12 Coctobre 2006, que Graph’Image peut contester les conséquences des taux de remise pratiqués sur les nouveaux produits dès lors qu’ils remplacent des produits existant dont la vente était pour une part très importante ( selon elle 50 % de ses ventes globales) dans la réalisation de son chiffre d’affaires ; que toutefois, cette modification de 5 % du taux de remise qui concerne en réalité 35 % de son chiffre d’affaires ne saurait constituer une modification substantielle des conditions consenties caractéristique d’une rupture brutale des relations commerciales ;

Considérant que le niveau des ventes de la société Graph’Image a souffert de la politique tarifaire de la société Canon mais qu’il apparaît que ce sont des actions de la société Canon autres que la baisse du taux de remise à Graph’Image qui en sont à l’origine ;

b) Considérant que la société Graph’Image reproche également à la société Canon d’être responsable de la cessation brutale de l’approvisionnement des filiales Canon à compter du 1er juillet 2009 ;

Considérant que Canon indique que cette cessation ne lui est pas imputable mais à ses filiales qui sont autonomes juridiquement, que l’ arrêt de l’approvisionnement n’a pas été brutal mais annoncé par un préavis suffisant de deux mois ; que, par ailleurs, l’approvisionnement des filiales ne se justifiait plus ;

Considérant toutefois que c’est la société Canon qui a informé par courrier du 6 mai 2009 la société Graph’Image de la cessation de l’approvisionnement des filiales à compter du premier juillet 2009 ; que la société Canon France définit la politique commerciale du groupe Canon, que l’information qu’elle donne à Graph’Image traduit son rôle à cet égard et justifie sa mise en jeu de sa responsabilité personnelle ;

Considérant ensuite que peu important qu’elles aient ou non été contractualisées, les relations commerciales entre Graph’Image et les filiales de Canon ont existé et ce, depuis l 'année 2006, se traduisant par un approvisionnement « grands formats » des sociétés filiales Canon qui concourrait à la réalisation du chiffre d’affaires de la société Graph’Image pour 32% en 2006, pour 52 % en 2007 et pour 60 % en 2008 ;

Considérant de surcroît que la société Canon explique la décision d’approvisonner les filiales à partir de 2006 par le souci de permettre à Graph’Image de «  dégager une marge confortable pour financer les actions de developpement nécessaires pour investir et developper la clientèle de revendeurs professionnels » ; que toutefois, rien ne permet d’accréditer cette allégation de la part de la société Canon, que le contrat distinct « grossiste spécialisé à valeur ajoutée » précisait seulement la société Graph’Image avait la charge de soutenir l’action commerciale de ces filiales ;

Considérant que contrairement à ce que soutient la société Graph’Image, c’est la durée des relations commerciales en ce qu’elles concernent l’approvisionnement par Graph’image des sociétés filiales du groupe Canon qui doit être prise en compte pour déterminer la durée du préavis et non l’intégralité de la durée de la relation ayant existé entre Canon France et Graph’Image ;

Considérant ici que le préavis de trois mois était nécessaire, que le préavis donné à la société Graph’Image a été de deux mois ;

Considérant que la société Canon doit indemniser le préjudice qui en résulte pour la société Graph’Image ;

Considérant en effet que contrairement à ce que l’appelante soutient, la société Graph’Image a subi un préjudice en traison de la brutalité de la rupture qu’il convient de réparer par l’allocation de dommages-intérêts, qu’il importe peu que la société Graph’Image ait pu, dans le cadre d’ un partenariat avec la société HP, qui s’est ensuite soldé par un échec, se fournir en produits grands formats et qu’en définitive, son chiffre d’affaires n’ait subi aucune baisse en 2009 ;

Considérant que la société Graph’Image ne peut justifier par la progression de son chiffre d’affaires la nécessaire prise en compte du seul chiffre d’affaires réalisé en 2008 pour calculer le montant des sommes qui lui sont dues en réparation de la brutalité de la rupture des relations commerciales avec les filiales de la société Canon organisée par cette dernière ;

Considérant que les dommages-intérêts alloués à la société Graph’Image pour trois mois de préavis doivent fixés après calcul de la moyenne mensuelle du chiffre d’affaires sur trois ans et après application du taux de marge brute de 15 % à 26754, 72 Euros, que toutefois, la société Graph’Image a bénéficié de deux mois de préavis de sortre que la somme allouée sera fixée à 8918, 24 Euros ;

2) Sur le manquement par la société Canon France aux obligations de loyauté et de bonne foi :

Considérant que Graph’Image reproche à Canon d’avoir démarché les clients revendeurs avant le mois d’avril 2009 et leur avoir proposé des tarifs plus avantageux, d’avoir utilisé des informations dont elle disposait en raison de l’exécution du contrat de distribution consenti à Graph’Image ; que la société Canon expose qu’elle peut intervenir « potentiellement en concurrence avec d’autres distributeurs de son réseau sur le marché de la distribution de matériel de reprographie » sans que cela revête un caractère déloyal, qu’elle indique qu’aucune preuve n’ est rapportée d’un comportement déloyal de sa part, que ce soit le démarchage des clients de Graph’Image notamment, ou la volonté manifestée de l’évincer de son réseau ; qu’elle soutient que les remises consenties dans le cadre d’offres promotionnelles étaient ouvertes à tous les grossistes, y compris Graph’Image et financées par Canon, que la société Graph’Image n’a subi aucune baisse de son chiffre d’affaires ;

Considérant quen selon les pièces versées aux débats, rien dans les exemples que fournit la société Graph’Image, ne permet de dire que Canon a «  syphonné les clients revendeurs’ de la société Graph’Image en démarchant ceux-ci et en leur proposant des conditions plus favorables que celles que Graph’Images pouvait leur proposer ; qu’en effet, que ce soit lors du salon de [Localité 3] en avril 2009, que ce soit dans les relations avec le client CCS CAD CAM System, ou avec le client Buroland, ou encore avec la société Images Services, rien ne permet d’imputer une quelconque déloyauté de la part de Canon qui n’a jamais proposé des taux de remise plus importants que ceux qu’elle pratiquait pour Graph’Image ; que lors de l’envoi d’un bulletin d’information spécialisée sur une promotion Canon, l’appelante accordait une remise importante de 25 % plus 10 % auprès de l’ensemble des grossistes et distributeurs et justifie qu’elle finançait elle-même ces promotions qui ne pesaient en aucun cas sur les grossistes dont faisait partie la société Graph’Image ; que la société Graph’Image ne peut soutenir, n’en rapportant pas la preuve, que Canon est intervenue directement ou indirectement auprès de ses clients ce qui a eu pour effet « d’affecter sa crédibilité et de la priver de toute possibilité de vendre les produits » ;

Considérant que pour ces motifs, la demande faite au titre de la violation par la société Canon de ses obligations de loyauté et de bonne foi dans ses relations contractuelles avec la société Graph’Image sera rejetée ;

3) Sur le préjudice moral de la société Graph’Image :

Considérant que la société Graph’Image qui ne justifie pas la faute de la société Canon qui serait liée à la brutalité de la rupture des relations avec les filiales qu’elle a organisée et dirigée, ne peut obtenir la réparation du préjudice moral qu’elle dit subir, qu’elle sera déboutée de sa demande sur ce point ;

4) Sur les restitutions :

Considérant que la société Canon a, avec le présent arrêt, un titre pour obtenir restitution des fonds qu’elle a pu verser en trop dans le cadre de l’exécution provisoire, que sa demande est sans objet ;

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Infirmant le jugement déféré sur le quantum des dommages-intérêts alloués à la société Graph’Image, ainis que de l’indemnité pour frais irrépétibles,

CONDAMNE la société Canon France à verser à la société Graph’Image la somme de 8918, 24 Euros à titre de dommages-intérêts,

CONFIRME le jugement pour le surplus,

DÉBOUTE la société Canon France du surplus de ses demandes,

CONDAMNE la société Canon France à payer à la société Graph’Image la somme de 15000 Euros pour les frais irrépétibles engagés en première instance et en appel,

CONDAMNE la société Canon France aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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Textes cités dans la décision

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  2. Code de procédure civile
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