Cour d'appel de Paris, 27 novembre 2013, n° 10/09121

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 27 nov. 2013, n° 10/09121
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 10/09121
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Paris, 13 juin 2010, N° 09/06925

Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 6

ARRÊT DU 27 Novembre 2013

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S 10/09121

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 Juin 2010 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS section commerce RG n° 09/06925

APPELANTE

S.N.C.F. (SOCIETE NATIONALE DES CHEMINS DE FER FRANCAIS)

XXX

XXX

représentée par Me Jean-Luc HIRSCH, avocat au barreau de PARIS, toque : D1665

INTIMES

Monsieur Y Z

XXX

XXX

comparant en personne, assisté de Me Jérôme BORZAKIAN, avocat au barreau de PARIS, toque : G0242

FEDERATION DES SYNDICATS DES TRAVAILLEURS DU RAIL SUD RAIL

XXX

93200 SAINT Y

représentée par Me Jérôme BORZAKIAN, avocat au barreau de PARIS, toque : G0242

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 08 Octobre 2013, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Marie-Pierre DE LIÈGE, Présidente, chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Pierre DE LIÈGE, Présidente

Madame Marie-Antoinette COLAS Conseillère

Madame A B, Conseillère

Greffier : Monsieur Bruno REITZER, lors des débats

ARRET :

— contradictoire

— prononcé publiquement par Madame Marie-Pierre DE LIÈGE, Présidente

— signé par Madame Marie-Pierre DE LIÈGE, président et par Monsieur Bruno REITZER, greffier présent lors du prononcé.

Les faits :

M. Y Z été engagé dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée par la SNCF. Le contrat est toujours en cours.

Comme 103 autres agents de la SNCF, il a sollicité la condamnation de son employeur à lui verser des rappels de salaire pour avoir méconnu son droit à bénéficier de 52 repos périodiques doubles par an, ainsi qu’une indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 14 juin 2010, le conseil de prud’hommes de Paris, section commerce chambre 4, a condamné la SNCF à verser au salarié des dommages et intérêts, dont le mode de calcul n’a pas été précisé.

La majorité des jugements ont été rendus en premier et dernier ressort ; la SNCF s’étant pourvue en cassation, son pourvoi a été déclaré non admis, la Cour ayant estimé qu’en dépit de la méthode « trouble » d’évaluation retenue par les premiers juges, la question posée ne relevait pas moins de l’appréciation souveraine des juges du fond.

La SNCF a d’autre part interjeté appel des 18 jugements qui avaient été rendus en premier ressort, parmi lesquels la présente décision, dont il est fait appel.

Elle demande à la cour de :

— la dire recevable et bien-fondée en son appel,

— dire que les agents de réserve ne relèvent pas des dispositions de l’article 32-V et n’ont donc pas droit à 52 repos périodiques doubles,

— infirmer le jugement entrepris,

— débouter le salarié de l’ensemble de ses demandes,

— débouter la fédération du rail Sud Rail des fins de son intervention volontaire

— condamner les intimés aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Le salarié et Sud Rail ont a régulièrement formé le présent appel contre cette décision.

Le salarié demande à la cour de condamner la SNCF à lui verser les sommes suivantes :

— rappel de salaire pour repos périodique double 2004/2006 : 4442 €,

— préjudice moral et familial 3000 €,

— article 700 du code de procédure civile : 200 €.

La fédération Sud Rail demande à la cour de condamner la SNCF à lui verser la somme de :

—  5000 € en réparation du préjudice subi du fait du non-respect de la réglementation statutaire par la SNCF,

—  5000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile, demande qu’il convient d’interpréter comme relative à l’ensemble des 18 dossiers soutenus par la fédération Sud Rail,

le tout avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes en application de l’article 1153 du Code civil,

Les motifs de la Cour :

Vu le jugement du conseil de prud’hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties, soutenues oralement à l’audience, auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur les circonstances du litige.

Le personnel de la SNCF relève, depuis 1940, d’un statut spécial qui fait exception aux règles posées par le code du travail. C’est au ministre de tutelle qu’il appartient de fixer la réglementation du travail.

Un décret ministériel de 1999 relatif à la durée du travail du personnel de la SNCF comportait :

— un article 32, pour les salariés de la SNCF.

— un article 38, prévoyant des dispositions particulières pour les agents dénommés «réservistes » dont le travail consiste à effectuer des remplacements, modalités de travail qui posent des difficultés particulières liées à ce type de fonction, notamment nécessité pour l’employeur de procéder à des réorganisations de dernière minute, pour assurer la continuité du service public.

En 2008, un nouveau décret complétant celui de 1999 était publié, donnant lieu à un document interne intitulé RH077. Il instaurait des référentiels ayant valeur de circulaires d’application, distinguant personnel roulant, personnel sédentaire et personnel « réserviste » chargé d’assurer la continuité du service.

L’ensemble des litiges soumis à la cour concerne des agents de la réserve.

Chacun des salariés demande de bénéficier de l’application des dispositions de l’article 32-V du décret de 1999 relatif à la durée du travail du personnel de la SNCF.

Cet article 32-V repris dans le RH077, prévoit que les agents régis par ces dispositions doivent, par année, bénéficier de 52 repos périodiques doubles c’est-à-dire repos périodiques accolés, de deux ou trois jours.

L’article 38 qui pose une exception pour les agents dits « de réserve », effectuant des remplacements, catégorie à laquelle appartient l’intimé, prévoit qu’ils ont droit à 125 jours de congés par an, avec au moins un week-end par mois et un autre repos périodique double dans le mois, soit, a minima, un total de 24 repos périodiques doubles chaque année alors que les autres agents bénéficient de 52 repos périodiques doubles par an.

La SNCF expose qu’environ 95 % des agents bénéficient de facto de cette réglementation et que dans un nombre limité de situations, les contraintes qui pèsent sur elle au regard du principe de continuité du service public, ne lui permettent pas de faire bénéficier certains agents de ces 52 repos doubles périodiques réglementairement prévus, ce qui peut, le cas échéant, justifier une indemnisation, sous réserve d’un manquement patent à la réglementation et d’un préjudice réellement subi.

Selon la SNCF, qui affirme qu’elle fait tout pour donner le plus possible de congés doubles, dans les limites des contraintes techniques liées à cette fonction de réserviste, le croisement entre la réglementation applicable et la situation individuelle des agents permet de démontrer que la grande majorité d’entre eux a pu en réalité bénéficier d’un nombre de repos périodiques doubles conforme à ce qui est prévu par les textes, mais aussi que l’indemnisation accordée en première instance est totalement disproportionnée, alors que selon elle, les premiers juges n’ont pas pris en compte le fait que l’ensemble des agents ont, en toute hypothèse, bénéficié d’interruptions de travail équivalant en nombre et en qualité aux 52 repos périodiques doubles prévus par la réglementation pour les autres agents.

La SNCF conclut donc au débouté des salariés, soutenant subsidiairement que la plupart n’ont eu que peu de repos doubles manquants, ce qui ne leur a en conséquence occasionné que des préjudices limités, alors notamment que ces agents bénéficient d’un plus grand nombre de repos périodiques par année (114) ainsi que de 11 repos supplémentaires qu’ils ont la possibilité de stocker sur un compte épargne temps dont ne disposent pas les autres salariés.

Les salariés pour appuyer leur demande de bénéficier comme tous les autres agents de 52 repos périodiques doubles par an, invoquent les propos tenus par de M. X lors d’une réunion de la commission nationale mixte du 5 novembre 2001, commission présidée par un représentant du ministère des transports, au cours de laquelle celui-ci, intervenant pour le compte de la SNCF, disait, concernant l’application du point V de l’article 32 de l’instruction d’application du décret du 29 décembre 1999, que la proposition de la SNCF était d’appliquer aux agents de réserve les dispositions de cet article sous réserve que l’employeur soit autorisé à accoler un repos périodique à un repos d’une autre nature.

Toutefois, le procès-verbal de cette réunion de la commission mixte, transmis en cours de délibéré fait apparaître que les organisations professionnelles ne se sont pas mises d’accord lors de cette réunion, la fédération Sud Rail refusant notamment de valider que des repos d’autre nature, puissent être décomptés dans les 52 repos périodiques doubles.

Les parties présentes à la réunion se sont mises d’accord pour un report d’une éventuelle modification du texte de 1999 dans l’attente d’un bilan de la situation pour l’année 2001.

Lors de la réunion suivante, le 6 juin 2002, le même représentant de l’entreprise « déclarait pour lever toute ambiguïté que les agents de réserve bénéficient des 52 repos périodiques doubles prévus à l’article 32 du décret conformément aux propositions déjà faites par l’entreprise lors de la réunion du 5 novembre 2001 » confirmant ainsi l’application volontaire par la société aux agents de réserve des dispositions de l’article 32 du RH077.

La SNCF, qui rappelle qu’il ne s’agit que d’une commission mixte consultative, relativise, dans ses conclusions, les propos de son représentant lors de la réunion de la commission mixte, en affirmant qu’il avait fait ces déclarations « sans y être expressément habilité par l’entreprise alors que la position de l’entreprise a toujours été de leur accorder, dans la mesure du possible, 52 repos périodiques doubles, la réglementation ne l’y contraignant pas.

Toutefois, cette argumentation résiste mal à l’analyse dans la mesure où M X, qui dans les procès-verbaux de la commission mixte de la SNCF apparaît comme l’un des « représentants » de la SNCF, a adopté à plusieurs reprises dans la durée la même position, en dépit des procès-verbaux dont il est évident que l’entreprise avait nécessairement connaissance.

En outre, il ressort d’un document émanant de la Direction des ressources humaines, après la commission nationale mixte du 24 février 2011, que « la règle, prévoyant l’attribution de 52 repos périodiques doubles par an, concerne tous les agents de l’entreprise ».

Toutefois, ce document, qui rend compte d’un bilan de l’année 2010 indique page 14 : « la population des agents de réserve reste problématique. La moyenne d’attribution des repos périodiques doubles mesurée sur l’ensemble des régions pour cette population est de 51,1 repos périodiques doubles pris ou déduits.

Sur les droits des agents réservistes à repos périodiques

La cour, rappelant que seul un décret ministériel peut modifier les dispositions afférentes au statut de la SNCF, constate qu’à ce jour, aucun texte ministériel n’est intervenu depuis le décret du 29 décembre 1999 tel que modifié par le RH077 de 2008, pour reconnaître aux agents réservistes les mêmes droits qu’aux autres agents de la SNCF en matière de repos périodiques doubles.

La cour relève toutefois que, de manière constante et réitérée, et en dépit de l’absence de dispositions réglementaires en vigueur, depuis plus de 10 ans, la SNCF « reconnaît », un droit des salariés réservistes à bénéficier du même nombre de repos périodiques doubles que leurs collègues, affirmant à plusieurs reprises « faire tout son possible », en dépit des contraintes spécifiques à cette catégorie de salariés, pour aligner leur situation sur celle des autres agents.

Cette promesse, cette reconnaissance, rappelées à plusieurs reprises par la SNCF et respectées pour un grand nombre de ces agents réservistes, ne sauraient toutefois être analysées comme un 'engagement unilatéral de l’employeur'.

En effet, ceux-ci bénéficiaient en moyenne nationale en 2010, -dernières données transmises à la cour-, de 51,1 repos périodiques doubles, par an la région ayant le résultat le moins satisfaisant justifiant d’une moyenne de 50 repos périodiques doubles, et celle ayant le meilleur résultat justifiant d’une moyenne de 51,9 repos périodiques doubles, alors que les dispositions réglementaires en vigueur pour les autres agents de la SNCF prévoient 52 repos périodiques doubles par an.

Ce déficit du nombre des repos périodiques doubles, même s’il apparaît généralement limité, n’en occasionne pas moins un préjudice aux salariés qui le subissent, préjudice ouvrant droit, à proportion, à des dommages et intérêts, pour ceux des salariés vis-à-vis desquels cette promesse d’alignement sur les repos périodiques de leurs collègues non réservistes n’a pu être tenue.

Le préjudice en résultant sera indemnisé, pour chaque salarié, et après recoupements entre les éléments fournis par le salarié et ceux fournis par l’employeur, de manière forfaitaire toutes causes confondues, à raison d’une base forfaitaire de 50 € par repos périodique double manquant, préjudice moral et familial inclus

La cour allouera donc au salarié pour déficit de repos périodiques doubles, entre 2004 et 2008, compte tenu du nombre de repos manquants, la somme de 900€.

Sur les dépens et la demande de dommages et intérêts au titre de l’article 700 du Code de procédure civile

La SNCF qui succombe supportera la charge des dépens de première instance et d’appel.

La Cour considère que, compte tenu des circonstances de l’espèce, il apparaît inéquitable de faire supporter par le salarié la totalité des frais de procédure qu’il a été contraint d’exposer. Il lui sera donc alloué, en application de l’article 700 du code de procédure civile, une somme de 200 euros, pour l’ensemble de la procédure.

Sur la recevabilité de la demande de la fédération Sud Rail

Les syndicats et leurs fédérations peuvent agir en justice pour faire valoir ou défendre les droits des salariés entrant dans leur objet social.

En l’espèce, en ne respectant pas totalement sa promesse d’aligner le nombre de repos périodiques doubles des réservistes sur celui des autres salariés de l’entreprise, nombre fixé réglementairement à 52 repos par an, la SNCF porte atteinte à l’intérêt collectif et occasionne un préjudice à l’ensemble des salariés et aux organisations syndicales et représentants.

Il sera donc alloué pour la présente procédure à la fédération Sud Rail :

—  100 € en réparation du préjudice subi du fait de l’inégalité de traitement entre les salariés de l’entreprise,

—  100 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Décision de la Cour :

En conséquence, la Cour,

Infirme la décision du Conseil de Prud’hommes sur le montant des sommes allouées

et statuant à nouveau et y ajoutant :

Condamne la SNCF à payer à M. Y Z.

—  900 €, en réparation de son préjudice pour repos périodiques doubles manquants de l’année 2004 à l’année 2008,

somme avec intérêts au taux légal à compter de la décision des premiers juges.

Condamne la SNCF à payer à la fédération Sud Rail :

—  100 € en réparation du préjudice subi du fait de l’inégalité de traitement entre les salariés de l’entreprise,

—  100 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Déboute les parties de leurs demandes complémentaires ou contraires.

Condamne la SNCF à régler au salarié la somme de 200 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile pour l’ensemble de la procédure.

La condamne aux entiers dépens de l’instance.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,

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Textes cités dans la décision

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  2. Code civil
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