Cour d'appel de Paris, 20 février 2013, n° 11/07536

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 20 févr. 2013, n° 11/07536
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 11/07536
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Melun, 11 octobre 2009, N° 09/00092

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 6

ARRÊT DU 20 Février 2013

(n° 8 , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S 11/07536-MPDL

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Octobre 2009 par le conseil de prud’hommes de MELUN section commerce RG n° 09/00092

APPELANTE

Madame Y X

XXX

XXX

comparant en personne, assistée de Me Richard ARBIB, avocat au barreau du VAL-DE-MARNE, toque : PC 320 substitué par Me Matthieu DEHU, avocat au barreau du VAL-DE-MARNE,

INTIMÉE

SAS JEFF DE BRUGES EXPLOITATION

XXX

XXX

XXX

représentée par Me Marcel AZENCOT, avocat au barreau de PARIS, toque : A0197 substitué par Me Michael CARACCIOLO avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 Janvier 2013, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Marie-Pierre DE LIÈGE, Présidente, chargée d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Pierre DE LIÈGE, Présidente

Madame C D, Conseillère

Madame A B , Conseillère

Greffier : Mme Evelyne MUDRY, lors des débats

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Marie-Pierre DE LIÈGE, Présidente et par Madame Evelyne MUDRY, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé des faits et de la procédure

Vu le jugement du conseil de prud’hommes de Melun du 12 octobre 2009,qui a considéré que le licenciement de Mademoiselle Y X, par la société Jeff de Bruges était fondé sur une cause réelle sérieuse et a condamné cette société à lui verser 1183€ au titre de l’indemnité de préavis, congés payés de 10 % en sus et 700 € en application de l’article 700 du code de procédure civile, la déboutant de ses autres demandes.

Vu la déclaration d’appel en date du 6 juillet 2011 de la salariée.

Vu ses dernières conclusions du 16 janvier 2013 par lesquelles elle demande notamment à la cour de:

— dire ce licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse

— condamner l’employeur à lui verser 1882,75 euros d’indemnité compensatrice de congés payés, 14 208 € de dommages-intérêts pour licenciement abusif, 3000 € de dommages-intérêts pour procédure abusive, et 2500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions en réponse de l’employeur du 16 janvier 2013 qui demande à la cour d’infirmer la décision du conseil de prud’hommes pour dire que le licenciement repose sur une faute lourde ou à tout le moins une faute grave et d’en tirer toutes conséquences de droit, sollicitant 2500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile

Mlle Y X, a été engagée, tout d’abord par contrat à durée déterminée du 13 novembre 2002 jusqu’au 31 janvier 2003 puis par contrat à durée indéterminée le 1er février 2003 par l’EURL Candice aux droits de laquelle vient la société Jeff de Bruges Exploitation, en qualité de vendeuse conditionneuse, échelon 1A, coefficient 120 moyennant un salaire brut mensuel de 1114,35 euros, elle était affectée dans un magasin situé dans le centre commercial de Pontault-Combault.

Le 23 décembre 2003 Y X était victime d’un accident de travail.

Le 26 décembre 2003, la société Jeff de Bruges convoquait Y X à un entretien préalable à un éventuel licenciement, puis finalement lui adressait le 6 janvier 2004, une lettre d’ avertissement pour des faits de substitution d’étiquettes dans le magasin Carrefour à proximité, .

Après un nouvel entretien préalable reporté au 6 septembre 2004 à la demande de la salariée, l’intéressée étant toujours en arrêt de travail à la suite de son accident, Y X était convoquée pour des faits du 26 juillet 2004.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 8 septembre 2004, elle était licenciée pour faute lourde, pour des faits datant du 26 juillet 2004, période pendant laquelle elle se trouvait en situation d’arrêt maladie.

Alors que la salariée avait saisi le conseil de prud’hommes pour contester son licenciement, l’employeur déposait une plainte avec constitution de partie civile le 1er juin 2006, soit presque 2 ans plus tard devant Monsieur le doyen des juges d’instruction de Melun, pour vol contre Mlle R et recel de vol contre Y X.

Par décision du 5 octobre 2007, le tribunal correctionnel de Melun condamnait la salariée à une amende délictuelle de 150 € avec sursis. Cependant, la 10e chambre correctionnelle de la cour d’appel de Paris relaxait les deux salariés, le 18 avril 2008, condamnant la société à une somme de 1500 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale du commerce de détail de la confiserie, chocolaterie, biscuiterie et alimentation fine.

L’entreprise compte plus de 11 salariés.

Le salaire brut de référence de la salariée au moment du licenciement était de 1183,03 euros.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l’audience des débats.

Les motifs

Sur le licenciement

La lettre de licenciement pour faute lourde est rédigée comme suit :« vous avez été convoquée le 6 septembre 2004 à un entretien préalable pour être entendue sur un événement survenu le 26 juillet 2004 dans notre magasin de Pontault-Combault on vous exercez la fonction de vendeuse.

Le service de sécurité du centre commercial nous a avisé qu’un enregistrement fait à l’occasion de la surveillance des magasins du centre commercial et que nous n’avions aucunement sollicité, faisait apparaître une sortie de marchandises, soit un sachet transparent de près de 700 g de chocolat, sans le peser et sans le payer. Le sachet vous a été remis par une collègue que vous veniez visiter pendant les heures de sortie autorisée par la sécurité sociale, puisque vous êtes en arrêt maladie.

Cet incident s’est déroulé entre 18:00 et 18:30, heure à laquelle votre collègue était seule.

Vous avez emporté cette marchandise. C’est ce que nous vous avons exprimé clairement dans notre entretien et que vous avez nié

Vous avez fait une station dans le magasin de près de 20 minutes passées en discussion et dégustation de chocolat. Considérant le précédent du 26 décembre 2003 qui vous avait valu un avertissement avec mise à pied et une clémence que vous n’avez pas su mettre à profit par votre inconduite, nous vous notifions votre licenciement pour faute lourde’ »

Lorsque le licenciement est motivé par une faute lourde, le salarié est privé non seulement du droit au préavis et à l’indemnité de licenciement, mais également, en application de l’article L.3141-26 du code du travail, de l’indemnité compensatrice de congés payés prévue à l’article L.3141-21 du même code.

La faute lourde est celle qui, comme la faute grave, résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputable au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée limitée du préavis. Elle suppose, en outre, l’intention de nuire du salarié.

L’employeur qui invoque la faute lourde pour licencier doit en rapporter la preuve.

S’il est exact que la décision rendue par la juridiction pénale, n’empêche pas le juge civil, de retenir une responsabilité au plan civil, il n’en reste pas moins que la 10e chambre de la cour d’appel de Paris en relaxant l’intéressée de tous les chefs de prévention a considéré que la preuve n’était pas rapportée de ce que Mlle R sa collègue, avait conscience de commettre un vol en remettant des chocolats à Y X et de ce que cette dernière avait conscience de recevoir un bien volé.

Cette décision exclut en conséquence l’intention de nuire reprochée par l’employeur et que celui-ci n’établit par aucun autre moyen.

Le débat sur la quantité de chocolat concernée est, par ailleurs, sans pertinence en l’espèce, les dires de l’employeur ayant à cet égard été fluctuants et aucun élément concret n’établissant cette quantité, de toutes façons limitée et donc tout à la fois non susceptible de « nuire » à l’entreprise, mais aussi, ne pouvant justifier une impossibilité immédiate de maintenir la salariée dans l’entreprise.

Au-delà, la matérialité des faits n’est contestée ni par Mlle R, ni par Y X, la première reconnaissant avoir d’une part fait goûter des « nouveautés » et d’autre part remis gratuitement quelques chocolats à Y X , sa collègue de travail venue rendre visite, accompagnée de ses enfants,et qui reconnaît les avoir acceptés.

Les deux salariées concernées ont soutenu que ces pratiques occasionnelles correspondaient à une tolérance de l’employeur.

L’employeur soutient le contraire invoquant les dispositions du règlement intérieur.

Cependant, si la salariée confirme par quatre attestations régulières en la forme rédigées par d’autres anciennes salariées de la société Jeff de Bruges que cette tolérance, -de consommation sur place mais également de se faire occasionnellement un petit sachet de chocolat -, existait effectivement au sein de la société et était cautionnée par la responsable du magasin, en revanche, l’employeur est dans l’incapacité de prouver que le règlement intérieur qu’il invoque, dont il n’est d’ailleurs pas fait mention dans le contrat de travail, avait été effectivement porté à la connaissance des salariés et en particulier de Y X, soit au moment de son embauche, soit avant la commission des faits qui lui sont reprochés. D’autre part, les quelques attestations produites par l’employeur contredisant la salariée sur cette supposée tolérance, sont rédigées exactement dans les mêmes termes (témoignages Raussin et Bisin) et d’une valeur probante fort limitée, car émanant de salariés de l’entreprise.

Enfin,les faits relatés par l’employeur, pour fonder son licenciement, n’ont été constatés qu’en une seule occasion et le préjudice est en tout état de cause fort limité.

Force est en outre, pour la cour, de rappeler, que ce licenciement pour faute lourde est intervenu, comme la première sanction de janvier 2004 (prise pour des faits de nature totalement différente) alors que la salariée était en arrêt de travail suite à un accident de travail, ce qui n’est pas sans jeter un doute, qui doit profiter à la salariée, sur la cause réelle du licenciement.

Dès lors, la cour considère que le caractère réel et sérieux de la cause du licenciement n’est pas établi.

Sur les dommages et intérêts pour rupture abusive

Les circonstances de l’espèce caractérisées notamment par un certain acharnement procédural de l’employeur, l’ancienneté dans l’entreprise de la salariée et le préjudice qu’elle en a nécessairement subi,-étant restée une année avant de retrouver un emploi-, justifient de condamner l’employeur à verser à Y X, une somme de 11 000 € , toutes causes confondues, au titre des dommages et intérêts pour rupture abusive.

Il ne sera pas alloué, dès lors, de dommages et intérêts supplémentaires pour le caractère abusif de la procédure de licenciement.

Sur l’indemnité de congés payés

Les congés payés qui n’ont pas été réglés à la salariée l’employeur invoquant une faute lourde, lui sont dus, s’agissant d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La société Jeff de Bruges devra donc régler à Y X à ce titre, une somme de 1882,75 euros correspondant aux 31,83 jours de congés payés qu’il lui restait à prendre au moment de la rupture du contrat de travail.

Sur l’indemnité de préavis et les congés payés afférents

Le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, la salariée est fondée à demander le règlement de son indemnité de préavis ainsi que des congés payés afférents, dont le montant n’est pas contesté par l’employeur. Il lui sera donc accordé 1183 € correspondant au mois de préavis et 118,30 euros pour congés payés sur ce préavis.

Sur dépens et les frais irrépétibles

L’employeur succombant, devra régler les entiers dépens de l’instance.

Vu l’article 700du code de procédure civile,la cour le condamnera à régler 2000 € à Y X au titre des frais irrépétibles qu’elle a engagés pour la procédure d’appel.

Par ces motifs

La cour,

Confirme la décision du conseil de prud’hommes de Melun en ce qui concerne l’indemnité de préavis avec congés payés afférents et l’ indemnité allouée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’infirme pour le surplus et y ajoutant condamne la société Jeff de Bruges à payer à Y X:

—  11 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif

-1882,75 euros d’indemnité compensatrice de congés payés

Déboute les parties de leurs demandes complémentaires ou contraires.

Condamne la société Jeff de Bruges à régler les entiers dépens de l’instance ainsi qu’à payer à Y X 2000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,

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Cour d'appel de Paris, 20 février 2013, n° 11/07536