Cour d'appel de Paris, 14 novembre 2013, n° 12/21275

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 14 nov. 2013, n° 12/21275
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 12/21275
Décision précédente : Tribunal de commerce, 15 octobre 2012, N° 2011F00449

Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 9

ARRET DU 14 NOVEMBRE 2013

(n° , pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 12/21275

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Octobre 2012 -Tribunal de Commerce de B – 2e chambre – RG n° 2011F00449

APPELANT :

Monsieur A Z

né le XXX à XXX

de nationalité française

XXX

XXX

représenté par : Me Q R, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

assisté de : Me Isabelle DUMORTIER-MEYNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : C2557

APPELANTE :

SCI Y

ayant son siège XXX

92320 H

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

représentée par : Me Q R, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

assistée de : Me Isabelle DUMORTIER-MEYNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : C2557

APPELANTE :

SAS W AA

ayant son siège XXX

XXX

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

représentée par : Me Q R, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

assistée de : Me Isabelle DUMORTIER-MEYNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : C2557

INTIMEE :

SAS D T L ET CONSEIL- I-

ayant son siège XXX

XXX

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

représentée par : Me Maryline LUGOSI de la SELARL MOREAU GERVAIS GUILLOU VERNADE SIMON LUGOSI MICHEL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0073

assistée de : Me Stéphane GUILLOU de la SELARL MOREAU GERVAIS GUILLOU VERNADE SIMON LUGOSI MICHEL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0073

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 16 Octobre 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur AJ AK, Président de chambre

Monsieur Gérard PICQUE, Conseiller

Madame AF AG, Conseillère

qui en ont délibéré,

Un rapport a été présenté à l’audience par Monsieur AJ AK dans les conditions prévues par l’article 785 du Code de procédure civile,

Greffier, lors des débats : Madame Violaine PERRET

MINISTERE PUBLIC : L’affaire a été communiquée au ministère public.

ARRET :

— contradictoire,

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Monsieur AJ AK, président et par Madame Violaine PERRET, greffier présent lors du prononcé.

Le 28 Mars 2006, la SAS W AA a été créée pour transmettre la SA AD Z, majoritairement détenue par Monsieur A Z (PDG), à son fils F Z.

Monsieur F Z était le Président de la nouvelle société W AA dont il détient 80 % des actions, les 20 % restants étant détenus par Monsieur A Z.

Monsieur F Z a démissionné de ses fonctions de Président de la société W AA pour être remplacé par son père, Monsieur A Z suite à une Assemblée Générale du 8 Février 2011, probablement dans la perspective de l’ouverture de la procédure collective du groupe.

La société W AA est la AA rendant les services administratifs et financiers aux différentes sociétés opérationnelles du groupe et déterminant la politique du groupe. Un service administratif et comptable est en charge de l’établissement de toutes les comptabilités avec les programmes informatiques nécessaires. Le service comptable du groupe suivait donc et tenait intégralement la comptabilité de toutes les sociétés et réalisait toutes les déclarations fiscales courantes, notamment les déclarations de TVA et assurait globalement la totalité des obligations fiscales et sociales courantes du groupe. Seule la paie du personnel ainsi que les déclarations sociales correspondantes étaient confiées à une entreprise externe.

La société AD Z, ainsi que d’autres structures, sont les sociétés opérationnelles.

La société AD Z créée en 1922 est une structure familiale dont l’activité principale est le transfert d’entreprises dans le cadre de marchés publics.

Monsieur A Z est resté PDG de la SA AD Z, son fils en étant par ailleurs, administrateur.

Opérant sur plusieurs sites en région parisienne et porteuse d’une centaine d’emplois, sous forme de CDI , elle a été affectée par les conséquences de la crise financière au milieu de l’année 2008 et a subi une perte significative de son chiffre d’affaires sur deux exercices.

La SCI Y, initialement filiale de la société AD Z et propriétaire des locaux loués à cette dernière, a été créée le 3 Février 1993 pour être immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de NANTERRE le 7 Avril 1993 sous le N° 390 736 874. La société Y est détentrice sous forme de contrat de crédit-X de deux biens immobiliers, locaux professionnels :

1- des locaux situés à E

2- des locaux situés à H.

Cette structure est donc porteuse de l’immobilier du groupe soit directement soit à travers des contrats de crédit-X, notamment deux contrats de crédit-X, locaux situés à E (contrat cédé en 2008) et locaux situés à H (contrat cédé en 2009).

La société AD Z étant confrontée à une baisse d’activité liée, notamment, aux conséquences de la crise financière de 2008, Monsieur A Z a décidé lors de l’arrêté des comptes au 31 décembre 2008 :

— de diminuer de moitié la refacturation des prestations de mise à disposition du personnel de direction et d’administration « service comptable », facturé par la société W AA à sa filiale AD Z,

— de compenser cette diminution de produits pour W AA par la facturation d’une commission à la SCI Y sur la cession du contrat de crédit X des locaux d’C à hauteur de 1/3 du prix net vendeur, soit 305.892 €.

*

La société I est l’expert comptable des sociétés du groupe Z depuis l’établissement des comptes annuels de l’exercice clos le 31 Décembre 1991 et a établi tous les bilans de la société AD Z depuis le 31 Décembre 1991.

Elle établit les bilans de la SCI Y depuis le 31 Décembre 1993.

La mission de la société I, effectuée a posteriori du suivi comptable et des déclarations fiscales et sociales réalisées au quotidien par les services internes du groupe, s’est donc toujours limitée à :

1- établir les comptes annuels et les déclarations fiscales correspondantes (liasses fiscales et bordereau de liquidation d’IS),

2- suivre les dossiers juridiques des sociétés (préparation des conseils d’administration, des assemblées générales et, occasionnellement à la demande, d’autres actes), et donc à la réalisation du secrétariat juridique des sociétés, notamment l’approbation des comptes annuels et il n’est pas intervenu dans les actes d’acquisition de filiales, de crédit X, etc.

3- établir également certaines déclarations fiscales spécifiques : TVS et taxes professionnelles.

Les comptes annuels des sociétés AD Z et W AA ont toujours été approuvés par les commissaires aux comptes.

Si les derniers travaux effectués par la société I ont notamment consisté à l’établissement des comptes annuels au 31 Mars 2010, le groupe ne réglant quasiment plus les factures de leur expert-comptable, celui-ci qui n’a plus été contacté, n’a pas finalisé le dossier juridique lié à l’approbation des comptes annuels au 31 Mars 2010.

*

De Mars à Juillet 2010, la SCI Y a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant successivement sur deux périodes : du 1er Janvier 2007 au 31 Décembre 2008, puis du 1er Janvier 2009 au 31 Décembre 2009 à l’occasion de laquelle a été remis en cause le bien-fondé d’une convention.

En 2008 l’administration fiscale a adressé à Monsieur A Z une proposition de rectification faisant état de redressements fondés sur la cession à W AA en 2006 des actions qu’il détenait dans la SA AD Z.

La SCI Y, la SAS W AA et Monsieur A Z ont assigné le Cabinet D T L ET CONSEIL – I devant le Tribunal de Commerce de B en vue d’obtenir réparation du préjudice lié au défaut de conseil du Cabinet I, cabinet d’L comptable

Monsieur A Z revendique un préjudice de 183 574 € qui serait la conséquence d’une cession de titres intervenue en 2006 et objet de redressements fiscaux en 2008 d’impositions personnelles sur la plus-value.

En outre, Monsieur A Z a également fait l’objet d’un redressement sur un compte courant débiteur dans la SCI Y dans le cadre de la procédure de contrôle et revendique un préjudice à ce titre de 135 264 €.

Ainsi, par exploit du 23 Mars 2011 de la SCP MOYA et KRIKORIAN, Huissiers de Justice à SAINT-OUEN, la société Y, la société W AA et Monsieur A Z ont assigné la société D T L ET CONSEIL (I) pour entendre le Tribunal :

1- Constater que la société d’L comptable I a failli à ses obligations de conseil à l’égard de la SCI Y, de la société W AA et de Monsieur A Z,

2- Constater qu’il en résulte pour eux un préjudice.

En conséquence,

1- Condamner I à verser à la SCI Y la somme de 283 000 € en réparation de son préjudice,

2- Condamner I à verser à la société W AA la somme de 50 000 € en réparation de son préjudice,

3- Condamner I à verser à Monsieur A Z la somme de 315 000 € en réparation de son préjudice,

4- Condamner I à verser à AT des demandeurs la somme de 3 000 € en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

5- Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir,

6- Condamner I aux entiers dépens.

La SCI Y et la société W AA reprochent à la société I un défaut de conseil relatif à l’établissement d’une convention entre ces sociétés et à ses conséquences en termes de TVA et d’impôts sur les sociétés dans le prolongement d’un contrôle fiscal.

La SCI Y revendique un préjudice à ce titre de 283 000 €.

La société W AA revendique un préjudice de 50 000 €.

La société I conteste l’intégralité des demandes des sociétés Y et W AA totalisant 333 000 € qui sont parfaitement mal fondées.

*

Par jugement du Tribunal de Commerce de PARIS du 24 Mars 2011, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l’égard de la société W AA fixant la date de cessation des paiements au 12 Février 2010 et désignant Maître AB AC, mandataire judiciaire.

Cette procédure de redressement judiciaire était ouverte sous patrimoines communs avec les sociétés SA AD Z (RCS PARIS 422 483 123), ainsi que les quatre entités acquises en juillet 2009 par W AA : SARL BATIGNOLLES AD SUCCESSEURS (RCS PARIS 384 357 034), SARL SOCIETE D’EXPLOITATION LE POIDS LOURD (RCS PARIS 353 591 704), SARL AD A G (RCS PARIS 388 238 578), et SA A. LEDEME AD (RCS B 327 388 096).

La société I a procédé le 5 Avril 2011 à la déclaration de ses créances aux passifs des sociétés AD Z et W AA entre les mains du mandataire judiciaire. L’essentiel de ces facturations impayées concerne l’établissement des comptes clôturés le 31 Mars 2010 et la préparation des documents d’approbation des comptes annuels.

Le Tribunal de Commerce de PARIS, dans un jugement du 11 octobre 2012, a arrêté le plan de redressement sur une durée de 10 ans et a nommé un commissaire à l’exécution du plan la SELARL FHB en la personne de Maître FACQUES.

*

Dans son jugement du 16 octobre 2012, le tribunal de commerce de B a fait droit partiellement aux demandes formulées à l’encontre du cabinet I en retenant la responsabilité de ce dernier vis-à-vis de la société Y et en le condamnant à lui payer la somme de 73.487 € au titre du rappel d’impôt sur les sociétés pour l’année 2008.

Le tribunal a rejeté toutes les autres demandes formulées.

La SCI Y, la SAS W AA et Monsieur A Z ont fait appel du jugement.

*

La SCI Y, la SAS W AA et Monsieur A Z demandent à la Cour :

1- CONFIRMER le jugement du Tribunal de Commerce de B ayant retenu la responsabilité du Cabinet I au titre de l’impôt sur les sociétés auquel la société Y a été assujettie au titre de l’année 2008,

2- INFIRMER le jugement du Tribunal de Commerce de B pour le surplus des demandes formulées par les sociétés Y, W AA et Monsieur A Z

Et statuant à nouveau,

1- CONDAMNER la société D T L ET CONSEIL à payer à la SCI Y la somme de 59.955 euros au titre de la T.V.A afférente à une facture émise par la société W AA sur 2008 avec intérêts de droit à compter de la délivrance de l’assignation

2- CONDAMNER la société D T L ET CONSEIL à payer à la SCI Y la somme de 107.472 euros au titre des pénalités auxquelles elle a été assujettie à raison des redressements de T.V.A au titre de la cession des contrats de crédit-X en 2008 et 2009

3- CONDAMNER la société D T L ET CONSEIL à payer à la SCI Y, en réparation de son préjudice, la somme de 50.000 euros

4- CONDAMNER la société D T L ET CONSEIL à payer à la société W AA une somme de 50.000 euros en réparation du préjudice subi

5- CONDAMNER la société D T L ET CONSEIL à payer à Monsieur A Z la somme de 315.000 euros en réparation de son préjudice

6- CONDAMNER la société D T L ET CONSEIL à verser à AT des appelants la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu’aux entiers dépens de procédure dont distraction au profit de Maître Q R en application de l’article 699 du Code de Procédure Civile.

Sur l’obligation de conseil de l’expert comptable

Les appelants soutiennent que « les experts comptables sont tenus d’un devoir d’information et de mise en garde et doivent s’assurer de l’efficacité de leurs actes et de leur conformité avec les lois en vigueur et l’intérêt de leurs clients » et qu’en l’occurrence la société AD Z s’est tournée vers I, son expert comptable, pour l’accompagner dans sa restructuration dans le but de la préservation de l’activité.

XXX

1/1 – S’agissant du crédit X

Le 23 Octobre 2008 la SCI Y a cédé le contrat de crédit-X dont elle était titulaire pour des locaux sis 5 à XXX à C pour la somme de 1 417 703 € et sur les conseils du cabinet I, la société W AA a établi une facture d’un montant de 305 892 € HT à destination de la société Y dont le libellé est : « Commission sur le prix net vendeur de cession du contrat de crédit X des locaux situés à C »

Cette facture a pour fondement juridique une convention rédigée par le cabinet I qui figure dans la liste des conventions réglementées soumises à l’Assemblée Générale des Actionnaires de W AA et à son Commissaire aux Comptes aux fins d’établissement de son rapport spécial. (Pièces n°1, 2 et 3)

Cette convention expose qu’en cas de cession du Crédit-X portant sur les locaux d’C au prix de cession brut de 1 255 000 € la plus-value qui en résulterait pour Y ferait apparaître une forte disparité entre ce prix et le prix de cession des titres cédés en 2007 à Monsieur A Z et que dès lors était fixé le principe d’une « convention d’assistance » aux termes de laquelle Y reverserait à W AA une « rétrocession » égale à 1/3 du prix net vendeur de cession du contrat de Crédit-X.

Or, l’administration fiscale a considéré que cette charge ne pouvait être déduite des résultats de la SCI Y au motif que la réalité des prestations réalisées par W AA ne pouvait être établie, et que dès lors cette facture s’analysait en une fausse facture. (Pièce n°4)

En effet tant le libellé de la facture que les termes de la Convention font état de « Convention d’assistance ». Or dans le même temps la Convention justifie cette assistance par la disparité existant entre d’une part le prix de cession du Crédit-X et la plus-value qui en résulte pour Y et d’autre part le prix de cession par W AA des titres de Y à Monsieur A Z. Il y est donc à la fois question de prestations réalisées par W AA pour Y et d’ajustement de prix. Cette méthode a pour effet de déduire une commission analysée comme une charge d’exploitation pour rattraper un défaut d’estimation d’une opération de cession portant sur un actif immobilisé, donc une opération en capital.

Cette incohérence ne peut échapper à l’analyse d’un comptable de base et a fortiori à celle d’une société d’L comptable, le cabinet I.

Elle n’a pas échappé non plus aux services de l’administration fiscale qui a relevé l’incohérence de la Convention rédigée par le cabinet I et a considéré à juste titre que :

' puisqu’il s’agissait d’un complément de prix il n’y avait aucune raison d’en demander le paiement à Y,

' puisqu’il ne pouvait être justifié de prestations fournies par W AA à Y :

' la charge correspondant à la facture devait être rejetée des comptes de Y arrêtés au 31 Décembre 2008,

' la TVA y afférente devait être rejetée du compte TVA déductible puisque ne correspondant pas à une prestation réellement fournie.

Autrement dit, le cabinet I a conseillé à W AA et à Y une convention inefficace et, alors qu’une opération identique a eu lieu en 2009 pour des locaux pris en Crédit-X situés à Châtillon, le cabinet I a choisi de ne pas faire figurer le même type de commission dans les comptes de la SCI Y et de W AA pour cet exercice.

Cette acceptation tacite du bien-fondé de la position de l’Administration témoigne de la reconnaissance par le cabinet I de l’inefficacité et de l’illégitimité de la Convention qu’elle a conseillée et rédigée.

Et ces redressements fiscaux subis par Y ne peuvent être compensées par un dégrèvement que pourrait solliciter W AA puisque la somme de 305 892 € lui a bien été versée.

1/ 2 -S’agissant de la cession des parts de la SCI

Le 24 Mai 2007, la société W AA a cédé à Monsieur A Z les parts qu’elle détenait dans le capital de la SCI Y au prix de 156 310 €.

Eu égard à la cession du contrat de crédit-X intervenue le 23 octobre 2008, le prix des parts sociales arrêté au mois de mai 2007 est « parfaitement » incohérent : dans l’estimation de la cession de ladite participation, acte rédigé par le Cabinet I, l’expert-comptable a « simplement » omis de tenir compte des plus-values latentes sur les éléments d’actif de la société.

La société I, société d’L comptable, présidée par Monsieur D T, expert-comptable, ne peut ignorer les méthodes de détermination de la valeur des sociétés et des parts composant le capital social.

1/ 3 – S’agissant du redressement de TVA

Lors de la vérification de comptabilité dont a fait l’objet la société Y, l’administration fiscale a constaté que la société n’avait pas reversé au Trésor la T.V.A collectée lors de la cession des contrats de Crédit-X, soit 162.703 € au titre de 2008 et 105.977 € au titre de 2009. (Pièces n°4 précitée et n°5)

Il s’en est suivi des redressements d’un égal montant qui ont été assortis de pénalités de 40% pour manquement délibéré.

Le Cabinet I, étroitement lié à l’ensemble des opérations relatives à la cession des contrats de crédit-X, a établi la déclaration de T.V.A correspondante et d’ailleurs :

— les sociétés venderesses n’avaient pas la capacité de connaître qui était redevable de la T.V.A,

— que ce n’est pas parce qu’une T.V.A figure sur un acte notarié que la partie appelante était nécessairement le redevable légal de la T.V.A,

— qu’elle ne connaît pas eu égard à l’existence de l’acte notarié le fait générateur et l’exigibilité du reversement de la T.V.A dont s’agit,

1/ 4 – S’agissant de la responsabilité de I

Monsieur D T a été reçu par le vérificateur le 4 juin 2010 pour évoquer le contrôle fiscal en cours et notamment le montage préconisé par lui dans l’opération ayant abouti à la facturation de cette commission, (lettre des services fiscaux du 10 juin 2010). Il a ainsi été associé à la procédure de vérification de comptabilité pour qu’il développe ses arguments, étant l’auteur de cette convention.

« A aucun moment le cabinet I qui a pourtant passé les écritures relatives à ces opérations faisant apparaître le montant de la T.V.A qu’il convenait de reverser au Trésor ne s’est assuré de ces reversements ou a alerté la SCI Y du fait qu’en leur absence, compte tenu de l’importance des redressements qui en résulteraient – qui ne pouvaient manquer d’être appliqués puisque la TVA en question figurait dans des actes notariés communiqués à l’Administration Fiscale -, des pénalités d’un tel montant seraient appliquées ».

1/5 -S’agissant du préjudice

1/5/1 ' la SCI Y fixe le préjudice en matière exclusivement de T.V.A à la somme de 167.427 euros avec intérêts de droit et demande, sur l’impôt sur les sociétés, la confirmation de la décision.

1/5/2 ' S’agissant de la société W AA

La SAS W AA fixe son préjudice à la somme de 50 000€.

2 – S’agissant des redressements fiscaux de Monsieur Z

Par acte en date du 28 Mars 2006 Monsieur A Z a cédé à W AA les titres qu’il détenait dans le capital de AD Z pour un prix total de 1 401 412 € mais si cette cession a été financée pour 600 000 € par un prêt bancaire consenti à W AA par la Banque AH AI avec la caution d’J, le solde a fait l’objet d’un crédit vendeur payable en douze ans dont la première échéance ne peut intervenir avant le remboursement du prêt bancaire soit avant le 30 Juin 2012. (Pièce n°6)

Monsieur A Z a été de ce fait soumis à l’impôt sur les plus-values au titre de 2006 sur la base d’un prix dont il a perçu moins de la moitié et dont il n’est pas certain de percevoir le reste.

Il soutient qu’une cession de ces titres comprenant une clause de variation de prix aurait évité ces conséquences fiscales. De même un apport suivi d’une cession partielle aurait évité ces désagréments.

Or, les conditions de cette cession et en particulier son mode de paiement ont été conseillés par le Cabinet I qui n’a en aucune manière prévenu Monsieur A Z des conséquences fiscales qu’il aurait à supporter au plan personnel, pas plus qu’il ne l’a averti des risques qu’il encourrait en cédant la totalité de ses titres en 2006 sans pouvoir en obtenir le solde du prix convenu en Juin 2024, soit dix-huit ans plus tard.

De même le Cabinet I n’a jamais informé Monsieur A Z de la possibilité pour l’administration fiscale de faire application de pénalités égales à 40% de la plus-value non déclarée.

Il est ainsi soutenu que « ce montage consistant à céder des titres pour un prix de 1.400.000 € sans disposer de la trésorerie relative à la taxation de la plus-value et des contributions sociales avant un délai de 24 mois est extravagant. Il existe bien entendu d’autres solutions qui n’ont pas été préconisé par le cabinet I, dont l’incompétence est à ce titre notable quelle qu’en puisse être l’origine.

Il en est de même du défaut de conseil relatif à une distribution de dividendes permettant le rétablissement des opérations de trésorerie liées aux comptes courants inter sociétés sans les conséquences onéreuses résultant du défaut de conseil du cabinet I ».

Le préjudice total subi par Monsieur A Z en raison des fautes commises par K L est ainsi évalué à 315.838 € arrondi à 315.000 €

3 ' sur les frais irrépétibles et les dépens

Pour faire valoir leurs droits, la SCI Y, W AA et Monsieur A Z ont engagé des frais irrépétibles qu’il serait illégitime de laisser à leur charge et ils demandent donc à voir condamner le Cabinet I à leur verser à AT la somme de 5000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

*

La société I demande à la Cour de :

Confirmer le jugement déféré en ce qu’il a écarté la responsabilité de la société I,

Pour le reste,

Infirmer le jugement, pour Dire et juger que la société I n’a commis aucune faute,

Débouter les appelants de toutes leurs demandes,

Subsidiairement,

Dire et juger que I ne peut être condamnée à réparer un préjudice consistant dans le paiement d’une imposition en principal légalement due et en conséquence, limiter la condamnation au profit de la SCI Y au titre de la convention litigieuse au seul montant des intérêts de retards soit : 2.286 € (50.472 € x 5,6 % sur 14 mois du 1er mai 2009 au 30 juin 2010).

En tout état de cause,

Condamner solidairement tous les appelants à payer à la société I une somme de

50 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et en réparation de préjudices causés par leur action.

Condamner solidairement tous les appelants à payer à la société I une somme de

15 000 € en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

Condamner solidairement tous les appelants aux dépens qui pourront être recouverts dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

Elle rappelle en premier lieu que :

1 – La société I n’a pas été saisie de la défense des intérêts de la SCI Y dans le cadre de ces opérations de contrôle fiscal, a tout ignoré propositions de rectifications notifiées à la SCI Y en Juin et Juillet 2010, de la proposition de rectifications notifiée à Monsieur A Z le 23 Juillet 2010, des avis de mise en recouvrement produits et les appelants ne justifient pas des préjudices allégués du seul fait d’une proposition de rectification dont l’issue est inconnue.

2 – C’est la société W AA, animatrice du groupe, qui emploie le personnel comptable qui a notamment en charge, sur le système informatique commun à toutes les sociétés du groupe, la tenue des comptabilités, l’établissement des déclarations de TVA, l’établissement des états de rapprochements bancaires ainsi que la préparation des paiements fournisseurs ; ce service se compose de trois personnes expérimentées, complété d’un personnel de facturation à partir des devis et des interventions de déménagements ; ce sont les services comptables de la société W AA qui émettent et gèrent les facturations intergroupes et tiennent aussi la comptabilité de la SCI Y.

3 – les facturations du cabinet I au titre de ses prestations juridiques s’élevaient en 2008 à 8.075 € HT alors que les prestations d’établissement des comptes annuels totalisaient 46.387 €. Ces montants sont similaires en 2009 ; pour chacune des trois périodes, les honoraires de la société I se sont respectivement élevés à (Cf. pièce n° 37 avec le détail des factures et des travaux) :

—  01/01/2008 au 31/12/2008 : 55.476,73 HT et non pas comme relaté à : 76.791,92 €

—  01/01/2009 au 31/03/2010 : 70.257,12 HT et non pas comme relaté à : 144.169,47 € (à raison de l’établissement de quatre bilans de plus que les années précédentes à 4 nouvelles filiales

—  01/04/2010 à 2011 : 62.002,90 HT et non pas comme relaté à : 74.155,47 €

1 – Sur les redressements fiscaux des sociétés

1/1 – Sur la cession des parts de la SCI

Le cabinet I expose que :

Jusqu’au 26 Septembre 2006, la SCI Y, qui détient 70 % de la SCI DES ARCADES, avec Monsieur A Z (30 % ), était une filiale de la société AD Z (SA AD Z 98 parts – Monsieur A Z 2 parts)

Monsieur A Z a décidé, en 2006, de racheter le patrimoine de la SCI Y en reprenant ses parts sociales avec ses enfants.

Les ventes des parts sociales de la SCI Y ont été réalisées sans plus-value, les capitaux propres de la SCI DES ARCADES à fin 2008 n’étant que de 14 258 € après la vente des locaux qu’elle possédait à CAEN et à AP AQ, par conséquent, la valorisation de cette quote-part de 70 % était négligeable et rappelle que :

1- les locaux situés à C étaient restés vides jusqu’en mars 2006, ils ne procuraient par conséquent aucun revenu locatif.

2- sur la base des bilans 2004 et 2005 de la SCI Y et de la SCI DES ARCADES, le prix de cession a été fixé en 2006 à 2 195 € la part, ce prix étant justifié par le fait que la SCI Y avait acheté très récemment des biens financés par emprunts, crédits X immobiliers et comptes courants d’associés ; par conséquent, la valeur des parts était proche de celle des capitaux propres de la SCI Y, soit 218 567 € au 31 Décembre 2005, la quote-part de 70 % dans la SCI DES ARCADES n’étant pas significative.

3- la quote-part détenue par la SA AD Z dans la SCI Y au 31 Décembre 2004 était de 218 567 € x 98 % = 214 196 €.

4- la perte enregistrée par la SCI Y en 2005 était ponctuelle et due aux frais du contrat de crédit X d’acquisition des locaux situés à C ;

5- le plan comptable actuel excluant la possibilité d’immobiliser ce type de charges, il était donc logique de ne pas réduire le prix du montant de cette perte ponctuelle.

Dans un premier temps (Septembre 2006), 40 parts de la SCI étaient cédées à Monsieur A Z et ses enfants au prix unitaire de 2 195 €, soit une valorisation globale de la SCI retenue à hauteur de 219 500 €.

Concomitamment et pour le même prix, 58 parts étaient cédées à la société W AA.

Suite à ces premières cessions, le capital de la SCI se répartissait ainsi :

— SAS W AA 58 parts

— Monsieur A Z, père 28 parts

— Monsieur F Z, fils 7 parts

— Melle AL Z, fille 7 parts


XXX

Dans un second temps, le 24 Mai 2007, les 58 parts précédemment acquises par la société W AA, ont été revendues par elle à Monsieur A Z au prix de 2 695 € la part, soit 156 310 €.

La société I souligne ainsi que :

— la cession préalable des 58 parts de la SCI Y à la société W AA était justifiée par le fait que Monsieur A Z disposait d’un compte courant créditeur dans cette société, suite au « crédit vendeur » sur la cession des actions qu’il détenait dans la SA AD Z (Cession du 28 mars 2006 ' Cf. pièce n° 29).

— il n’y a eu qu’une seule et unique cession de 98 parts réalisée « techniquement » en deux étapes validées et autorisées par les banques AH AI et J (banques prêteuses pour la reprise de la SA AD Z par W AA.

— cette « cession » a bien été décidée et réalisée en 2006, concomitamment à la création de la société W AA qui avait été créée pour ne reprendre que les structures «opérationnelles » de déménagement du groupe.

— les banques ont formellement autorisé le paiement par compensation avec le compte courant « crédit vendeur » créditeur de Monsieur A Z dans la SAS W AA ramenant ce dernier de 600 542 € à 444 232 € (Cf. pièces n° 7, 8 et 9).

— la réalisation « technique » en deux étapes était justifiée par la présentation des premiers comptes annuels de la société tête de groupe « W AA » au 31/12/2006, faisant ressortir le compte courant créditeur de Monsieur A Z pour un montant créditeur de 600.542 €.

Après ces cessions, le capital de la SCI Y s’est trouvé ainsi réparti à compter du 24 Mai 2007 :

1- Monsieur A Z, père 86 parts

2- Monsieur F Z, fils 7 parts

3- Mademoiselle AL Z, fille 7 parts


XXX

1/ 2 – Sur la cession de crédit X et la convention critiquée du 30 Septembre 2008.

La société I rappelle que :

1 – la SCI Y avait contracté un crédit X immobilier le 9 Mai 2005 d’une durée de 15 ans pour acquérir le site d’C dont l’objectif initial était de louer les lieux à la société AD Z pour ses activités de déménagement et de garde-meuble en remplacement d’anciens locaux situés à BAGNEUX ayant fait l’objet d’une expropriation.

2- compte tenu des travaux d’aménagement à réaliser dans les lieux et de délais, Monsieur AN Z, dirigeant de la société AD Z a préféré louer d’autres locaux situés à H et les locaux d’C sont d’abord restés vides puis ont été loués à la société « LA PLATE-FORME DU BATIMENT », à effet du 1er Mars 2006 avec loyer fortement réduit en raison des importants travaux à effectuer par le locataire.

L’expert comptable observe que :

— il n’a fait que présenter une modalité d’évaluation dans un contexte précis, à une époque précise et n’a commis aucune faute : seuls les comptes 2005 étaient disponibles, les locaux étaient restés vides jusqu’à mars 2006 et le premier contrat de crédit X immobilier avait à peine un an sur les 15 ans de sa durée et le second n’était intervenu qu’en juin 2006 pour une même durée de 15 ans.

— personne n’a présenté la moindre observation particulière sur l’évaluation retenue, ni les commissaires aux comptes des sociétés AD Z et W AA, ni les établissements financiers concernés par l’opération.

— si deux années après le rachat par Monsieur A Z des parts de la SCI Y, une opportunité s’est présentée à lui consistant à céder le contrat de crédit-X des locaux situés à C pour un prix très sensiblement supérieur aux évaluations ayant présidé aux opérations de 2006, le seul fait qu’une cession ultérieure ait pu intervenir à un prix bien supérieur dans un autre contexte n’est pas de nature à démontrer l’existence d’une quelconque faute.

— s’il a formalisé la convention du 30 Septembre 2008 entre la société W AA d’une part et la société Y d’autre part, relative à :

1- la cession du crédit X des locaux d’C,

2- la cession du crédit X des locaux de H

3- et à l’assistance administrative et managériale assurée par la société W AA à la SCI Y

toutes ces opérations ayant été initiées et mises en oeuvre sans son concours.

La convention du 30 Septembre 2008 entre la société W AA et la société Y a donc été rédigée par la société I au regard des opérations intégralement initiées et menées par Monsieur A Z, ses banquiers et son notaire. Aucune de ces opérations n’était fictive.

Le cabinet I ajoute que :

— l’intervention de W AA par ses deux animateurs rémunérés par elle était bien à l’origine de la cession du contrat de crédit-X des locaux situés à C pour un prix notoirement supérieur aux évaluations ayant présidé aux opérations antérieures ; ils avaient consacré énormément de temps pour rechercher des investisseurs et réaliser la cession du contrat de crédit-X au plus offrant, afin d’atténuer les problèmes financiers que rencontraient les sociétés du groupe Z ; aussi la facturation d’une commission à la SCI Y était tout à fait légitime et rémunérait des prestations biens réelles sans lesquelles ce résultat n’aurait pas été atteint.

— si la société AD Z était restée propriétaire de 98 % de la SCI Y (situation qui existait jusqu’au mois de septembre 2006), c’est la quasi-totalité du bénéfice lié à la vente des contrats de crédit-X immobiliers qui serait revenu de droit au groupe Z et non pas à son dirigeant et à ses enfants, quand bien même que ces derniers étaient exclusivement rémunérés sur la société tête de groupe W AA

Autrement dit, la convention de 2008 à priori ne recélait donc pas de risque potentiel notamment fiscal et la déductibilité de la commission d’intervention de Messieurs A et F Z, en tant qu’apporteurs d’affaires pour la SCI Y afin de rechercher des investisseurs et réaliser la cession du contrat de crédit-X au meilleur prix, apparaissait dans son contexte pour tous légalement bien fondée.

1/ 3 ' sur le redressement de TVA de la SCI Y

La société I rappelle que :

— elle n’établissait pas les déclarations de TVA des sociétés du groupe Z ni de la SCI Y et ne tenait pas les comptabilités et que sa seule intervention concernant la TVA sur la cession par la SCI Y de ses deux contrats de crédit-X immobiliers, a été de confirmer le calcul de la part du prix de cession soumis à la TVA par rapport à celle soumise aux droits d’enregistrement.

— ce sont les dirigeants des sociétés W AA (Monsieur F Z) et de AD Z (Monsieur A Z), qui ont effectué eux-mêmes les calculs au demeurant complexes aboutissant au montant précis et définitif de la TVA due par la SCI Y à l’occasion de la cession de ces deux contrats.

— ce n’est que dans le cadre des opérations d’établissement des comptes annuels de la SCI Y au 31 Décembre 2008, c’est-à-dire dans le courant du printemps 2009, que I constatera que la SCI Y ne s’était pas acquittée de la TVA qu’elle n’avait d’ailleurs pas déclarée et dans le prolongement des travaux d’établissement des comptes annuels 2008, la société I a confirmé par courriel du 23 avril 2009 adressé au service comptable du groupe, les dettes de TVA et d’impôts sur les sociétés de la SCI Y au 31/12/2008 (Cf. pièce n° 28, mentionnant des montants à régulariser d’impôt sur les sociétés de 72.639 € et de TVA pour 50.560 €).

Elle ajoute que :

— ce sont les prélèvements effectués par Monsieur A Z dans la société AD Z à hauteur de 189 140 € et directement dans la SCI Y pour 115 080 €, soit un total prélevé de 304 220 € (pièce n° 34), qui ont empêché la SCI Y de payer la TVA. Et ceux-ci ont fait d’ailleurs passer son compte courant dans la SCI Y de 42 333 € créditeur au 31 Décembre 2007 à 261 887 € débiteur au 31 Décembre 2008.

— pour la seconde cession de contrat de crédit-X en 2009 portant sur celui des locaux de H, Monsieur A Z a une nouvelle fois appréhendé dans la SCI Y les fonds nécessaires au paiement de la TVA, soit 245 000 € de perception du prix de cession (trois chèques respectivement de 15 000 €, 30 000 € et 200 000 € des 30 et 31 juillet 2009) sans que la TVA n’ait pu ensuite être payée, ni plus tard l’impôt sur les sociétés.

Ainsi, le préjudice allégué de la SCI Y au titre de pénalités pour manquement délibéré relatif au redressement de TVA sur les cessions de crédit X intervenues en 2008 et 2009 pour 107 472 € relève de la responsabilité totale des dirigeants de la SCI Y et de la société W AA.

1/ 4 ' Sur la TVA afférente à la facture émise par la AA W AA à la SCI Y EN 2008, SOIT 59 055 €

La société I rappelle que :

— la convention du 30 Septembre 2008 prévoyait qu’en cas de réalisation des projets de cession des contrats de crédit X des locaux d’C et de H, la SCI Y s’engageait à reverser à la SAS W AA une quote-part du prix de vente sous forme de rétrocession correspondant à une commission sur le prix net vendeur, cette commission étant fixée à 1/3 du prix net vendeur.

— c’est dans ces conditions que W AA a facturé à la SCI Y, le 31 décembre 2008 (pièce adverse n° 1) une commission sur le prix net vendeur de cession du contrat de crédit X des locaux situés à C : 917 676 € x 1/3 = 305 892 € HT.

— cette facture comprend aussi un poste « honoraires » concernant les prestations comptables et administratives pour un total de 24 108 € HT puisque le personnel comptable du groupe employé sur la société AA animatrice « W AA » assurait la totalité du suivi comptable courant de la SCI Y y compris l’établissement des déclarations de TVA.

Le total de cette facture s’élève donc à 330 000 € HT, TVA en sus pour 64 480 €.

Elle ajoute qu’au regard de la position de l’administration fiscale considérant, à l’occasion de la vérification de comptabilité, que la commission versée à la société W AA ne correspondait pas à une prestation entrant dans le champ de la TVA de sorte qu’il convenait de redresser de 59 955 € la TVA déductible chez W AA (305 892 € HT x 19,6 %), car W AA n’avait pas pu démontrer la réalité des prestations rendues en contrepartie du versement de cette commission, la « commission » versée par la SCI Y devenait donc de fait une subvention qui s’est traduite par :

1° – La suppression chez la société W AA de la taxation de la commission 2008 à la TVA pour 59 955 € ce qui, contrairement à ce qui est relaté dans l’assignation, a permis de résoudre la problématique posée par le défaut de versement au Trésor Public de la TVA collectée de la société W AA et se révélait à tout point de vue une opération neutre puisque la SCI Y ne récupérait plus de TVA et la SAS W AA n’était plus redevable de la TVA collectée correspondante.

Une facture rectificative pour 2008 a d’ailleurs été établie et comptabilisée par le service comptable du groupe, neutralisant cette TVA de 59 955 € dans la société W AA.

2° – L’atténuation en grande partie de la problématique que posait le défaut de déclaration de cette TVA collectée par la société W AA depuis plus d’une année. Et les allégations de l’assignation suivant lesquelles les redressements fiscaux subis par la SCI Y ne pouvaient être compensés par un dégrèvement que pouvait solliciter W AA et qu’elle ne pouvait davantage demander le remboursement de la TVA qu’elle avait acquitté à cette occasion, n’ont aucun fondement puisque la TVA collectée par la société W AA n’a pas été reversée au Trésor Public.

« Le défaut de reversement de cette TVA peut ainsi apparaître volontaire de la part des dirigeants de la SCI Y et de la société W AA, en conséquence des prélèvements de trésorerie effectués par Monsieur A Z et ce à l’identique de son comportement pour la TVA collectée de la SCI Y et de la société AD Z. » Le cabinet I souligne à cet égard que dans sa lettre d’affirmation adressée au commissaire aux comptes le 3 juin 2009 (pièce n° 22), Monsieur F Z, dirigeant de la société W AA, écrivait au point n° 12 : « Nous vous confirmons que nous régulariserons au plus vite les écarts de TVA collectée (insuffisance de déclaration) concernant l’année 2008 » et considère que cette phrase engageait le dirigeant sur les régularisations qu’il savait devoir effectuer.

Enfin, sur la facture rectificative pour 2008 établie par la société W AA neutralisant la TVA pour 59 955 €, le Cabinet I la verse aux débats et (pièce n° 33) et soutient qu’elle apparaît dans les comptes de la société W AA : « en effet, si la société I ne dispose pas des états comptables complets à la clôture des comptes de la société W AA au 31 mars 2010, qui ont été édités par le service comptable de cette société, le bilan établi au 31 mars 2010 mentionne en page 10 de la plaquette détaillée des comptes annuels le compte n° 445710 de TVA collectée avec un solde créditeur de 71 473,09 €. Ce solde créditeur du compte TVA collectée de 71 473,09 € au 31 mars 2010 comptabilise la facture rectificative qui comportait une TVA collectée négative de 59 955 € comme le démontre la pièce du défendeur n° 35 ».

1/ 5 ' Sur l’impôt sur les sociétés rappelé au titre de 2008 suite au rejet de la facture W AA

Le rejet de la facture de commission de la société W AA à la SCI Y pour la somme HT de 305 892 € a généré un redressement de complément d’impôt sur les sociétés de la société W AA.

La société I observe que :

— tout d’abord, le redressement à ce titre pour le montant de la commission facturée de 305 892 € HT, au taux d’impôt sur les sociétés réduit de 16,5 % s’élève à 50 472 € et non pas 65 820 €, ce dernier chiffre intégrant un autre rehaussement au titre d’un remboursement de travaux au profit de la Plate-forme du Bâtiment, locataire des locaux situés à C. Ainsi, en tout état de cause, le quantum de la demande était injustifié, le Tribunal ayant confirmé les calculs ci-dessus.

— sur le fond, les dirigeants des sociétés du groupe Z ont été les seuls instigateurs des opérations précédemment relatées et notamment Monsieur A Z qui a été aussi notoirement bénéficiaire des prélèvements qu’il a opérés dans la SCI Y. Et le commissionnement de la société W AA par la SCI Y était aussi la conséquence de l’enrichissement personnel de cette SCI et de ses associés Monsieur A Z et son fils F, indépendamment du fait que ces derniers avaient effectivement réalisé à travers W AA d’importantes prestations pour le compte de la SCI Y.

1/ 6 – Subsidiairement, la société I soutient que seules les majorations pourraient éventuellement être mises à sa charge mais en aucun cas l’impôt sur les sociétés normal dont la société était légalement redevable.

Il en résulterait dans ce cas une limitation de la condamnation à ce titre à un montant maximum de 2.286 € (50.472 x 5,6 % sur 14 mois du 1er mai 2009 au 30 juin 2010) + 20.189 € (50.472 x 40 %), soit 22.475 €.

De surcroît, il convient de tenir compte du contexte étranger à I et notamment du manquement délibéré concernant le versement de la TVA sur les cessions de contrats de crédit-X en raison des prélèvements de Monsieur A Z et de la présence d’un compte courant débiteur né sur l’exercice 2008 du fait desdits prélèvements.

En effet, si le débat et le redressement avaient été circonscrits à la seule problématique de la déduction de la facture de commission dont l’intérêt social n’a pas été contesté, il n’y avait aucune raison pour que l’administration fiscale applique les majorations de mauvaise foi de 40 %.

De plus, le montant en cause n’aurait représenté que 50.472 € d’impôt sur les sociétés alors que le montant redressé totalise en principal 242.118 €.

Dans ce cas, si la Cour devait retenir une faute de I à ce titre, la condamnation devra être limitée aux seuls intérêts de retard, soit 2.286 € (50.472 x 5,6 % sur 14 mois du 1er mai 2009 au 30 juin 2010) qui représentent le seul préjudice direct.

1/ 7 ' Sur le préjudice de « MANQUE DE VISIBILITE ET D’INSECURITE » revendiqué à hauteur de 50 000 €

La société I soutient que :

— l’absence de précisions sur la nature de ce préjudice le rend éventuel, ce qui interdit une quelconque indemnisation.

— subsidiairement, la convention litigieuse a fait l’objet d’une vérification de comptabilité dont les effets sont connus, de sorte qu’il n’existe aucune insécurité future sur cette convention.

— aucun préjudice n’étant réalisé à ce titre, le quantum de la demande est injustifié et la SCI Y en sera déboutée.

— concernant la déductibilité de la commission, la demande est injustifiée au regard des observations précédentes

— l’absence de remboursement de la TVA relève de la même logique que précédemment et la demande est tout autant injustifiée.

En conséquence, la demande de la société W AA à hauteur de 50 000 € est injustifiée et elle en sera déboutée.

2 ' Sur les demandes de MONSIEUR A Z

2/1 ' Sur l’impôt sur les plus values de cession de titres

2/1/1 – La première cession de titres totalisant 1 200 542 €, assortie d’un crédit vendeur à hauteur de 600 542 € s’inscrivait dans un cadre préparatoire au transfert de la direction de l’entreprise et de son capital à son fils F Z détenant dès lors 80 % du capital de la société W AA.

Il était ainsi prévu, après le remboursement des emprunts bancaires se terminant en Juin 2012 (durée de 6 années à compter de Juin 2006), de rembourser progressivement à Monsieur A Z son crédit vendeur à hauteur de 100 000 € par année.

Cela permettait d’assurer à ce dernier des rentrées d’argent sans imposition (la plus-value ayant été imposée lors de la vente) et sans charges sociales tout en laissant la possibilité d’une augmentation de salaire à son fils F qui alors aurait dirigé pleinement l’ensemble des sociétés.

Cela permettait en outre à Monsieur A Z de valider à compter de 2012/2013 des trimestres avec un salaire plus réduit pour atteindre progressivement l’âge de la retraite à taux plein, sans peser sur les résultats des entreprises.

C’est dans ces conditions qu’est intervenue la cession d’actions du 28 Mars 2006 (pièce adverse N° 6) par laquelle Monsieur A Z a cédé à la société W AA 2 957 actions sur les 3 742 qu’il détenait dans le capital de la société AD Z pour un prix de 1 200 542 € payés comptant à concurrence de 600 000 € et, pour le solde, soit 600 542 € à terme par « crédit vendeur » consenti par Monsieur A Z aux conditions suivantes :

1- Durée : 12 ans

2- Taux d’intérêt annuel : 4 % maximum et qui, en tout état de cause, ne pouvait être supérieur au taux maximum fiscalement déductible.

La première échéance de remboursement du capital du « crédit vendeur » était subordonnée au remboursement préalable de la totalité de la dette bancaire de la banque AH AI et d’J, soit au plus tôt à compter de Juin 2012.

Le cabinet I constate dès lors que :

— Monsieur A Z fait une lecture erronée des conditions de son « crédit vendeur » en prétendant que celui-ci serait finalement remboursable sur 24 années alors que la cession d’actions sous conditions suspensives du 28 mars 2006 (pièce 29) précise bien que les prêts consentis par les banques ont une durée de six ans et que la durée du « crédit vendeur » est de 12 années, non pas à compter de l’issue des prêts des établissements financiers, mais à compter de la cession.

— Monsieur A Z ne devait attendre que six années avant de pouvoir percevoir son « crédit vendeur » sur les six années suivantes, soit un crédit vendeur effectif d’une durée de douze années à compter de la cession.

— une clause de variation de prix n’a pu être imaginée dans la mesure où le prix de cession était financé par moitié par concours bancaire, ce qui aurait pu modifier le périmètre général de l’opération.

— ce « crédit vendeur » n’était pas gratuit et produisait intérêts au profit de Monsieur A Z

Elle ajoute qu’il est inconcevable d’imaginer évoquer l’impossibilité du paiement du solde du prix de cession à Monsieur A Z en présence de deux établissements financiers participant au financement de la moitié du prix de cession.

2/1/2 – Après la réalisation des cessions d’actions de Mars 2006, Monsieur A Z a souhaité procéder, le 31 Juillet 2006, à une cession complémentaire de 495 actions de la SA AD Z pour un prix de 200 970 € payables comptant, soit sur la base d’un prix unitaire de 406 € par action, identique à la première cession du 28 Mars 2006.

Cette seconde cession a été intégralement payée à Monsieur A Z par la SAS W AA en 2006 et a pesé sur la trésorerie de cette société et indirectement sur celle du groupe et à l’issue de cette opération, la société W AA se trouvait détenir 3 452 actions (70,05 %) sur les 4 928 actions de 162 € composant le capital social de la société AD Z.

La société I observe que :

— en percevant sur la première cession une somme de 600 000 € représentant la partie payée comptant, Monsieur A Z disposait des fonds nécessaires au paiement de la plus-value de cession qu’il connaissait parfaitement et qui n’avait pas manquée d’être mise en évidence, notamment auprès des établissements financiers.

— il est « consternant » de voir Monsieur A Z invoquer un éventuel risque de défaut de paiement du solde du prix de la première cession de ses actions, alors qu’il a lui-même initié, quelques temps après celle-ci, une seconde cession de ses titres moyennant un paiement comptant de la société W AA de 200 970 €.

— Monsieur A Z a perçu 800 970 € sur un prix de cession de 1 401 512 €, soit près de 60 % du prix.

— la société I n’a conseillé ni les conditions de cette vente, ni son mode de financement et la valorisation de la société AD Z a été principalement réalisée par les établissements financiers sollicités participant au financement et n’a fait l’objet d’aucune contestation par les commissaires aux comptes tant de la SA AD Z que de la SAS W AA.

— à l’époque de ces opérations en 2006, la situation financière globale du groupe Z ne laissait apparaître aucun risque particulier permettant d’imaginer l’éventualité d’un défaut de paiement du solde du prix de cession des actions de Monsieur A Z.

C’est ainsi qu’à la veille de l’ouverture de la procédure collective de ses sociétés, dans l’objectif de réaliser le transfert des entreprises à son fils pour en assurer la pérennité, il n’est pas choquant que Monsieur A Z ait accepté de commencer à percevoir le solde du prix de cession de ses titres, d’une part, après le remboursement des crédits bancaires, ce qui était exigé par les établissements financiers et, d’autre part, dans un délai pouvant aller jusqu’à Juin 2018 pour la dernière échéance.

Le crédit-vendeur a été ramené à 444.232 € suite à la reprise des parts de la SCI Y par Monsieur A Z et même sans cette diminution, il était seulement prévu de rembourser Monsieur A Z la somme de 100.000 € par année, dès la fin du remboursement des emprunts bancaires qui représentaient également 100.000 € par an. Il n’y avait donc pas de disparité entre ce chiffre et la capacité d’autofinancement d’un groupe de sociétés réalisant un chiffre d’affaires consolidé de plus de 9.000.000 €

I n’était pas le conseiller fiscal personnel de Monsieur A Z qui, de surcroît, était à l’époque résident monégasque et avait des conseils adaptés à cette situation.

2/2 ' Sur le redressement du compte courant

Si Monsieur Z reproche encore à la société I, à l’occasion de la vérification de la comptabilité de la SCI Y, qu’il fut constaté à l’actif du bilan de celle-ci un compte courant débiteur à son nom qui aurait été taxé dans ses revenus 2008 dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sans avoir fiscal ni crédit d’impôt pour 261 887 € (pièce adverse n° 8), la société I a constaté n’a pu, lors de l’arrêté des comptes 2008, que constaté que, outre que la TVA sur la cession du premier contrat de crédit-X n’avait pas été déclarée, Monsieur A Z avait prélevé des fonds dans la société AD Z à hauteur de 189 140 € et directement dans la SCI Y pour 115 080 € ; soit des prélèvements pour un montant total de 304 220 € faisant ainsi passer son compte courant dans la SCI Y de 42 333 € créditeur au 31 Décembre 2007 à 261 887 € débiteur au 31 Décembre 2008.

La société I ne tenait pas en effet la comptabilité des sociétés en question et a donc été confrontée au simple constat de ces prélèvements réalisés et sans ces opérations de transfert de compte courant débiteur de la SA AD Z à la SCI Y, le compte courant de l’intéressé dans la SA AD Z aurait été débiteur du montant de ses prélèvements.

Plus généralement, il convient de rappeler que :

1- Au titre de l’exercice 2008, indépendamment de sa rémunération brute annuelle de 109.764 €, Monsieur A Z a prélevé :

* Sur la société AD Z : 189 140 €

* Sur la SCI Y : 115 080 €

* Sur la SCI DES ARCADES : 198 000 €


Soit en 2008 : 502 220 €

2 – Au titre de l’exercice 2009 :

2/1 – Sur la SCI Y : 288 000 € dont 245 000 € dès la sortie de son rendez-vous de signature de cession du second crédit X chez le notaire sans que la TVA n’ait pu ensuite être payée, ni plus tard l’impôt sur les sociétés.

Ainsi, sur les exercices 2008 et 2009 Monsieur A Z a prélevé 790 220 €.

Il est encore rappelé qu’il a aussi perçu 600 000 € sur la première vente de ses actions de la société AD Z à la société W AA et 200 970 € sur la seconde cession de ses actions de cette même société, soit en 2006 : 800 970 €.

Ainsi, entre 2006 et 2009, Monsieur A Z a disposé de plus de 1 590 000 €, indépendamment de ses salaires.

Il disposait donc incontestablement des moyens nécessaires à l’acquittement des impositions légalement dues.

3 – Sur la demande reconventionnelle

Dès lors que la société I n’a commis aucune faute à l’égard des demandeurs mais encore, que l’action apparaît particulièrement illégitime, mal fondée et opportuniste, elle a causé un préjudice certain à la société I qui s’est trouvée contrainte de consacrer un temps considérable à la reprise de dossiers comptables anciens afin d’organiser sa défense étant rappelé que, de surcroît, elle n’a pas été payée de ses dernières prestations dont elle a dû faire déclaration de créances aux passifs des sociétés de Messieurs A et F Z pour un total de 101.941,43 € TTC. Ceci justifie la condamnation solidaire des défendeurs à payer à la société I une somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

4 – Sur les frais irrépétibles et les dépens

La société I ayant dû exposer des frais pour assurer la défense de ses intérêts il serait injuste de laisser ces frais irrépétibles à sa charge de sorte qu’il est sollicité la condamnation des appelants solidairement à lui payer la somme de 15 000 € en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens

******

SUR CE,

Sur les redressements concernant les entreprises

Sur la cession des parts de la SCI

La cour observe qu’à l’issue de cette opération, l’objectif de « sortir » la SCI Y de la société d’exploitation AD Z était réalisé conformément à la demande des commanditaires et que les opérations ont donné lieu à des conventions réglementées tant dans la société AD Z que dans la société W AA, lesquelles n’ont fait l’objet d’aucune observation particulière des commissaires aux comptes et ont été approuvées par les assemblées.

Sur la cession du crédit X

La cour observe que le 23 Octobre 2008 la SCI Y a cédé le contrat de crédit-X dont elle était titulaire pour des locaux sis 5 à XXX à C pour la somme de 1 417 703 € et sur les conseils du cabinet I, la société W AA a établi une facture d’un montant de 305 892 € HT à destination de la société Y dont le libellé est : « Commission sur le prix net vendeur de cession du contrat de crédit X des locaux situés à C »

Cette facture a pour fondement juridique une convention rédigée par le cabinet I qui figure dans la liste des conventions réglementées soumises à l’Assemblée Générale des Actionnaires de W AA et à son Commissaire aux Comptes aux fins d’établissement de son rapport spécial. (Pièces n°1, 2 et 3)

Cette convention expose qu’en cas de cession du Crédit-X portant sur les locaux d’C au prix de cession brut de 1 255 000 € la plus-value qui en résulterait pour Y ferait apparaître une forte disparité entre ce prix et le prix de cession des titres cédés en 2007 à Monsieur A Z et que dès lors était fixé le principe d’une « convention d’assistance » aux termes de laquelle Y reverserait à W AA une « rétrocession » égale à 1/3 du prix net vendeur de cession du contrat de Crédit-X.

Elle considère que le seul fait que l’administration fiscale, a posteriori, n’ait pas partagé le bien-fondé de la facturation de cette commission n’établit pas une faute de I, car le fait que la SCI Y n’a pas pu démontrer la réalité des prestations rendues en contrepartie du versement des commissions facturées par la société W AA ne signifie pas que lesdites prestations n’aient pas existé et elle ne le fait toujours pas et aurait du mal à le faire dès lors que la commission litigieuse était aux yeux des intervenants de l’époque parfaitement justifiée par la réalité des prestations incontestablement fournies et sans lesquelles le résultat n’aurait pas été obtenu.

Sur le redressement de TVA

La cour rappelle que le cabinet I ne tenait pas la comptabilité des sociétés du groupe qui était tenue en interne et considère que, dès lors que pour les deux sociétés aucune régularisation n’est finalement intervenue au cours de l’exercice suivant d’une durée de 15 mois se clôturant le 31/03/2010, alors que dans le même temps Monsieur A Z prélevait à nouveau des fonds en 2009 sur la SCI Y pour un total de 288.000 € sans se soucier de régulariser le paiement de la TVA du précédent exercice, il n’est pas démontré une faute du cabinet I.

Plus généralement, la cour considère que le fait pour un expert comptable, en l’espèce, la société I, d’accepter de donner des explications pour le compte de son client sur des opérations comptables à l’administration fiscale ( ici en l’espèce dans le cadre du recours hiérarchique intervenu en juin 2010) n’implique en aucune façon une acceptation tacite du bien fondé de la position de l’administration fiscale sur l’appréhension fiscale de l’opération, encore moins une reconnaissance de sa responsabilité, et plus encore une reconnaissance de l’inefficacité et du caractère illégitime de l’écriture comptable.

Il appartient au seul débiteur d’accepter un redressement fiscal, le dirigeant social ayant alors à arbitrer le risque d’un contentieux en prenant en compte le choix de gestion fait antérieurement, surtout dans le cadre d’une recherche d’optimisation fiscale dans une opération de restructuration de son capital investi.

En l’espèce, il est indubitable que les choix fiscaux opérés relevaient d’une volonté d’avantager les associés dirigeants aux dépens des entreprises, ce qui peut se comprendre à raison de l’origine familiale de l’entreprise créée, mais alors ces choix ne relèvent pas de la responsabilité de l’expert comptable qui n’avait alors qu’une obligation de contrôle de « légalité externe », en l’occurrence remplie.

Les entreprises n’ont pas consulté, préalablement aux opérations, leur expert comptable mais ont sollicité une mise en 'uvre de leur choix de gestion, ainsi que cela ressort de la demande formulée auprès du cabinet I et du commissaire aux comptes (pièce n° 20) de soutenir la position du groupe Z et de défendre ses intérêts et donc les conventions intervenues afin de réduire les pertes de la société AD Z.

Et d’une part les prélèvements de fonds, dans une structure ou dans une autre, rendaient corrélativement impossible toute opération rétroactive surtout dans la mesure où, comme dans le cas de la SCI Y, cela conduisait à la disparition de la trésorerie.

Et d’autre part, l’intervention du cabinet I dans le cadre du recours hiérarchique avait seulement pour objectif d’expliquer les opérations et le contexte dans lequel cette opération précise était intervenue.

La justification des opérations a posteriori étant pour le moins aléatoire, ce sont les dirigeants des entreprises en cause qui ont seuls opté pour la mise en 'uvre de la théorie du moindre mal et à raison d’ailleurs puisque l’administration fiscale n’a pas été jusqu’à considérer que la commission perçue par la société W AA, ni les importantes avances de trésorerie effectuées par la SCI Y à la société W AA, ainsi qu’à la société A. G, étaient contraires à l’intérêt social de la SCI Y et à son objet social, ce qui aurait eu pour conséquence de requalifier l’ensemble de ces opérations en revenus de capitaux mobiliers fiscalement imposables pour Monsieur A Z.

Enfin, le fait que l’administration fiscale ait finalement considéré que faute de preuve cette commission n’était pas déductible et devait en conséquence s’analyser comme une subvention, ne remettait pas en cause l’intérêt de la convention pour la continuité de l’exploitation des sociétés AD Z et W AA.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Sur les redressements concernant Monsieur Z

Monsieur A Z reproche à la société I d’avoir été soumis à l’impôt sur les plus-values au titre de l’année 2006 sur la base d’un prix de cession d’actions qu’il détenait dans le capital de la société AD Z, dont il n’aurait perçu que la moitié et dont il ne serait pas certain de percevoir le reste. Et il ajoute qu’une cession de ses titres comprenant une clause de variation de prix aurait évité ces conséquences fiscales, alors que I aurait conseillé les conditions de cette cession sans avoir prévenu Monsieur Z de celles-ci et des risques qu’il encourait en cédant ses titres en 2006 sans pouvoir en obtenir, éventuellement, le solde du prix en Juin 2024, soit 18 ans plus tard.

Par ailleurs, Monsieur A Z reproche à la société I de ne pas l’avoir informé de la possibilité pour l’administration fiscale de faire application de pénalités égales à 40 % de la plus-value non déclarée.

Il prétend donc ainsi avoir subi un préjudice de 183 574 € représentant les impôts sur la plus-value qui lui sont réclamés sur la partie du prix de cession de ses titres qu’il ne serait pas certain de percevoir, majorés des pénalités appliquées.

Monsieur A Z prétend aussi que dans le cadre de la vérification de la comptabilité de la SCI Y, il aurait été constaté à l’actif du bilan un compte courant à son nom qui aurait été taxé sur ses revenus 2008 dans les catégories des revenus de capitaux mobiliers sans avoir fiscal, ni crédit d’impôt pour 261 887 €.

Les impôts et pénalités réclamés à ce titre s’élèveraient à 198 116 €.

Monsieur A Z reproche à I de ne pas lui avoir conseillé, alors qu’il détenait 86 % des titres de la SCI Y, de procéder à une distribution de dividendes qui lui aurait permis, selon ses dires, de rembourser ce compte courant débiteur au moyen de revenus bénéficiant d’une taxation minorée, de sorte qu’il n’aurait eu à payer que 62 852 € d’impôts au lieu des 198 116 € qui lui seraient réclamés et qu’il subirait ainsi un préjudice évalué à la différence de 135 264 €.

C’est ainsi un préjudice global arrondi à 315 000 € que revendique Monsieur A Z à l’encontre de la société I.

Sur l’impôt sur les plus values de cession de titres

Il ressort des éléments fournis par la société I qu’en fait, Monsieur A Z ne devait attendre que six années avant de pouvoir percevoir son « crédit vendeur » sur les six années suivantes, soit un crédit vendeur effectif d’une durée de douze années à compter de la cession. Dès lors, ce délai global de « crédit vendeur » de douze années à compter de la cession n’est pas critiquable en soi d’autant qu’il prenait en compte les exigences des établissements financiers qui ont avalisé l’opération et la date prévue du départ à la retraite de Monsieur Z.

Sur la plus value

Après la réalisation des cessions d’actions de Mars 2006, Monsieur A Z a souhaité procéder, le 31 Juillet 2006, à une cession complémentaire de 495 actions de la SA AD Z à la société W AA dans laquelle son fils F détenait 80 % du capital social et dont, quelques temps après, il devait lui-même détenir les 20 % restants.

La société I constate avec raison que Monsieur A Z disposait donc en 2006 de paiements comptants totalisant 800 970 € (600 000 € financés par les prêts bancaires à l’occasion de la première cession et 200 970 € payés comptant sur la vente complémentaire), et que cette somme étant largement suffisante pour payer son impôt sur les plus-values voisin de 220 000 € et qui ne représentait donc que 25 % des 800 970 € perçus comptant.

Outre que le compte courant débiteur de Monsieur A Z dans la SCI Y est la conséquence de prélèvements qu’il a effectués sous sa seule responsabilité et que les services comptables des entreprises concernées ont traité, on peut s’étonner que Monsieur A Z ait attendu pour engager la responsabilité de la société I, cinq ans après que ces opérations aient été exécutées et que les crédits consentis par la banque AH AI et J aient été remboursés, tout au moins jusqu’à la fin de l’année 2010.

De la même façon, l’intimée fait observer utilement que l’information sur la possibilité pour l’administration fiscale de faire application d’une pénalité égale à 40 % de la plus-value non déclarée aurait supposé que Monsieur A Z ait indiqué à la société I qu’il avait la volonté délibérée de ne pas déclarer ses plus-values, et/ou, que l’intéressé n’ait pas disposé des fonds nécessaires au moment du paiement de l’imposition de celles-ci.

Le jugement sera donc également confirmé sur ce point.

La cour observe de façon plus générale que si le Code de déontologie des experts comptables dont il résulte que l’expert-comptable n’est pas un simple scribe n’ayant à répondre que de ses erreurs arithmétiques et non, sur un plan plus élevé de la méthode suivie, de l’organisation générale et de l’exactitude économique et juridique de la comptabilité, se trouve mis en cause non pas l’exécution de la mission confiée à I par les appelants mais un devoir de conseil en matière fiscale, alors que I n’avait pas de mission en ce domaine et qu’il n’est pas à l’initiative des décisions prises mais seulement de leur mise en 'uvre conformément aux décisions arrêtées.

I n’a donc pas conseillé les opérations et ne saurait être tenu pour responsable des choix ainsi faits par d’autres, les appelants étant entourés de leurs conseils et ne pouvant manquer, au regard de l’enjeu personnel et familial du montage envisagé, de prendre les précautions d’usage pour éviter le désagrément d’un redressement fiscal ou d’une procédure d’abus du droit (L64-1 LPF) ou d’en avoir accepté le risque.

Sur la demande reconventionnelle

La cour observe que si l’intimée réclame des dommages intérêts pour procédure abusive pour avoir été abusivement mise en cause, elle n’articule pas une démonstration efficace de nature à justifier un préjudice, sinon général, en lien de causalité avec la faute reprochée, étant observé que la question des frais de procédure est envisagée sous la demande consacrée aux frais irrépétibles.

La demande sera donc rejetée.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il sera fait droit, dès lors que les appelants succombent en totalité, à l’ensemble des demandes de l’intimé.

Sur l’amende civile

La cour entend souligner que non seulement la société I est étrangère aux agissements des dirigeants sociaux à l’origine de redressements fiscaux et qui sont liés à des opérations qu’ils ont personnellement initiées, mais que l’action engagée et l’appel fait montrent une volonté nette de transfert des conséquences de choix de gestion en matière fiscale fait par les demandeurs sur l’expert comptable, alors au surplus que les demandeurs ne fournissent aucun contrat définissant la mission de I et que ce professionnel n’a pas été totalement payé de ses prestations.

Et au-delà même, la société I relève avec raison que les conditions dans lesquelles cette mise en cause est réalisée traduit une forme de volonté de nuire puisque :

— les appelants dénient, à titre d’exemple, l’existence d’une facture rectificative alors qu’elle a été comptabilisée par leurs services comptables internes sur le logiciel du groupe : CCMX FINANCE neutralisant l’impact de cette TVA de sorte qu’il n’en résulte aucun préjudice

— ont accepté la requalification de commission en subvention (seconde opération de cession de crédit-X des locaux de H intervenue en 2009), ce qui a eu pour effet de faire disparaître tout redressement sur cette seconde opération.

Elle considère ainsi que les conditions sont réunies pour prononcer à l’encontre de AT des appelants une amende civile de 3000€.

Afin de permettre le recouvrement de l’amende civile par le Trésor Public, le Greffe enverra une copie de la décision au siège de la Recette des Finances du domicile de la personne condamnée.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement en date du 16 octobre 2012 sauf en ce qu’il a en retenu la responsabilité de la société I vis-à-vis de la société Y et condamné celle-ci à lui payer la somme de 73.487 € au titre du rappel d’impôt sur les sociétés pour l’année 2008.

L’infirme sur ce point,

Déboute la SCI Y de ce chef,

Déboute les parties de leurs autres demandes et rejette les conclusions plus amples ou contraires

Condamne la SCI Y, la SA W AA et Monsieur A Z à payer AT à la société I une somme de 5000 € en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

Condamne solidairement les appelants aux dépens qui pourront être recouverts dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

Condamne la SCI Y, la SA W AA et Monsieur A Z AT à une amende civile de 3000 euros.

Dit que pour permettre le recouvrement de l’amende civile par le Trésor Public, le Greffier enverra une copie conforme du présent arrêt à la Trésorerie du siège de la SCI Y, à la Trésorerie du siège de la SA AA et à la Trésorerie du domicile de Monsieur A Z.

LA GREFFIÈRE, LE PRESIDENT,

V. PERRET F. AK

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
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Cour d'appel de Paris, 14 novembre 2013, n° 12/21275