Cour d'appel de Paris, 27 mars 2014, n° 13/06816

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Me Pierre-alain Mogenier · consultation.avocat.fr · 19 juillet 2019

La Cour de cassation relève dans un arrêt du 7 mai 2019 (n°17-16675) que des associés qui se sont engagés dans un pacte à ce qu'un cosignataire du pacte conserve une certaine part du capital jusqu'à sa sortie de la société commettent une faute à son égard en votant en faveur d'une réduction du capital à zéro suivie d'une augmentation de capital (coup d'accordéon). Faits : Un cédant d'un fonds de commerce prend une participation minoritaire dans le capital de la société et conclut un pacte d'actionnaires avec les actionnaires majoritaires par lequel ceux-ci s'engagent à ce que le …

 

Didier Poracchia · Bulletin Joly Sociétés · 1er octobre 2014

www.isal.org · 26 mai 2014

Violation d'un pacte d'actionnaires par l'effet d'un coup d'accordéon CA Paris 27 mars 2014 n° 13/06816, ch. 5-9, Lavarec c/ Sté Communications intégration industries LLC Des actionnaires qui ont conclu avec un investisseur un pacte d'actionnaires prévoyant le maintien du niveau de sa participation violent ce pacte d'actionnaires en votant une réduction du capital à zéro suivie d'une augmentation de capital réservée à un tiers sans proposer à l'investisseur d'y souscrire.

 
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 27 mars 2014, n° 13/06816
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 13/06816
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 9 janvier 2013, N° 2010090682

Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 9

ARRET DU 27 MARS 2014

(n° , pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 13/06816 (et 13/06914 : jonction par le présent arrêt)

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Janvier 2013 -Tribunal de Commerce de PARIS – affaires contentieuses 3e chambre – RG n° 2010090682

APPELANT ET INTIME :

Monsieur M B

né le XXX à Touggourt

de nationalité française

XXX

XXX

représenté par : Me Frédéric LALLEMENT de la SCP BOLLING – DURAND – LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

assisté de : Me Yoan HIBON, avocat au barreau de MONTPELLIER

APPELANT ET INTIME :

Monsieur P A

né le XXX à Mont-Saint-Martin

de nationalité française

XXX

XXX

représenté par : Me Frédéric LALLEMENT de la SCP BOLLING – DURAND – LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

assisté de : Me Yoan HIBON, avocat au barreau de MONTPELLIER

APPELANT ET INTIME :

Monsieur C X

né le XXX à Chaumont

de nationalité française

XXX

XXX

représenté par : Me Frédéric LALLEMENT de la SCP BOLLING – DURAND – LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

assisté de : Me Yoan HIBON, avocat au barreau de MONTPELLIER

APPELANT ET INTIME :

Monsieur V X

né le XXX à chatenay-Malabry

de nationalité française

XXX

XXX

représenté par : Me Frédéric LALLEMENT de la SCP BOLLING – DURAND – LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

assisté de : Me Yoan HIBON, avocat au barreau de MONTPELLIER

APPELANTE ET INTIMEE :

Madame I Y

née le XXX à XXX

de nationalité française

demeurant C/o Monsieur M B

XXX

XXX

représentée par : Me Frédéric LALLEMENT de la SCP BOLLING – DURAND – LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

assistée de : Me Yoan HIBON, avocat au barreau de MONTPELLIER

APPELANT ET INTIME :

Monsieur E F

né le XXX à Loches

de nationalité française

XXX

XXX

représenté par : Me Frédéric LALLEMENT de la SCP BOLLING – DURAND – LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

assisté de : Me Yoan HIBON, avocat au barreau de MONTPELLIER

APPELANTE ET INTIMEE :

XXX

ayant son siège XXX

XXX

XXX

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

représentée par : Me Frédéric LALLEMENT de la SCP BOLLING – DURAND – LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

assistée de : Me Yoan HIBON, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE ET APPELANTE:

Société COMMUNICATIONS INTEGRATION INDUSTRIES LLC

ayant son siège XXX

XXX

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège élisant domicile au Cabinet de Bertrand WEIL, avocat, XXX

représentée par : Me Bertrand WEIL, avocat au barreau de PARIS, toque : C0180

assistée de : Me Frank LIPWORTH, avocat au barreau de PARIS, toque : D1551

INTIMEE :

XXX

ayant son siège XXX

34270 SAINT-JEAN-DE-CUCULLES

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

n’ayant pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 27 Février 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur P FRANCHI, Président de chambre

Monsieur Gérard PICQUE, Conseiller

Madame AF AG, Conseillère

qui en ont délibéré,

Un rapport a été présenté à l’audience par Madame AF AG dans les conditions prévues par l’article 785 du Code de procédure civile,

Greffier, lors des débats : Madame Violaine PERRET

MINISTERE PUBLIC : L’affaire a été communiquée au ministère public.

ARRET :

— défaut

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Monsieur P FRANCHI, président et par Madame Violaine PERRET, greffier présent lors du prononcé.

La SA Wany, créée en 2000, a pour activité la création et la vente de produits robotiques pour le marché des jouets en particulier. La société de droit américain Communications Intégration Industries LLC (ci-après CII) dont le siège est situé à XXX, a une activité d’investisseur.

A sa création, Wany était constituée entre plusieurs groupes d’actionnaires à savoir d’une part des actionnaires dits « Fondateurs » , d’autre part des actionnaires dits « Friends and Family », puis des « Investisseurs du Premier Tour » parmi lesquels la société CII, et enfin des « Investisseurs du Deuxième Tour » comprenant des fonds gérés par diverses banques. Monsieur Q B, M. E F, Mme I Y et M. V X, M. P A et M. C X étaient tous actionnaires fondateurs.

Le 22 novembre 2002 était signé un pacte d’actionnaires entre, de première part, les « Fondateurs » parmi lesquels la SAS Wany Engineering, et 10 personnes physiques dont M. Q B, M. E F, M. V X, et M. P A ; de seconde part, les 20 « Friends and Family » dont M. C X et Mme I Y ; de troisième part, les 10 « Investisseurs du 1er tour », dont la société CII et Mme I Y et enfin de quatrième part, les 5 « Investisseurs du 2e tour ». Ce pacte était prévu avoir une durée de 15 ans.

Entre 2000 et 2008, CII a renforcé sa participation dans le capital de Wany par la voie de rachats successifs d’autres actionnaires pour atteindre 26%, la majorité restant détenue par Wany Engineering SAS, société contrôlée par M. B son président. Durant l’été 2008 et alors que Wany SA connaissait des difficultés financières, des discussions eurent lieu entre Wany et CII portant sur la possibilité de nouvelles avances en numéraire ainsi qu’une restructuration du capital visant à capitaliser une partie de la créance de CII correspondant aux divers concours accordés par cette dernière. L’Assemblée Générale subséquente rejetait ces propositions. Le 26 novembre 2008 une nouvelle Assemblée Générale approuvait la réduction du capital à zéro et prévoyait une augmentation de capital avec suppression du droit préférentiel de souscription laquelle était réservée à un seul nouvel actionnaire, la société MC Holding.

La société CII s’estimant injustement éliminée de l’actionnariat, saisissait le tribunal de commerce de Paris.

Par jugement rendu le 10 janvier 2013 assorti de l’exécution provisoire le tribunal de commerce de Paris a :

— donné acte à la Société COMMUNICATIONS INTEGRATION INDUSTRIELS LLC de son désistement à l’égard de la SARL WANY,

— condamné la XXX, la SARL M. C HOLDING, M. Q B, M. E F, Mme I Y, M. V X, M. P A et M. C X à payer, in solidum, à la Société COMMUNICATIONS INTEGRATION INDUSTRIELS LLC les sommes de :

—  100.000 euros à titre de dommages et intérêts, déboutant pour le surplus.

—  7.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Le tribunal a considéré que le Pacte d’actionnaires n’avait pas été respecté et que par le moyen d’un 'coup d’accordéon’ la société CII avait été évincée au profit de la société MC Holding, jusque là étrangère à la société. Le préjudice a été calculé en tenant notamment compte du fait que la société Wany avait été placée en liquidation judiciaire.

La société CII a interjeté appel de cette décision le 5 avril 2013.

Monsieur Q B, M. E F, Mme I Y, M. V X, M. P A et M. C X ainsi que la sociétéWANY ENGINEERING S.A.S ont interjeté appel de cette décision le 8 avril 2013.

****

La société CII a transmis ses dernières conclusions par Z le 13 février 2014. Elle demande à la cour de :

— Confirmer le jugement du Tribunal de Commerce de Paris en date du 10 janvier 2013 en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne le montant des dommages intérêts alloués à COMMUNICATIONS INTEGRATION INDUSTRIES,

— Infirmer le jugement du Tribunal de Commerce de Paris en date du 10 janvier 2013 en ce qui concerne uniquement le montant insuffisant des dommages intérêts alloués,

— Ordonner à la XXX, la SARL M. C HOLDING, M. Q B, M. E F, Mme I Y et M. V X, M. P A et M. C X à payer, in solidum, à la Société COMMUNICATIONS INTEGRATION INDUSTRIES LLC les sommes de:

—  800.000 € à titre de dommages plus intérêts au taux légal à compter du 26 novembre 2008,

—  35.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

**

Dans leurs dernières conclusions transmises par Z le 14 février 2014 Monsieur Q B, M. E F, Mme I Y, M. V X, M. P A, M. C X et la société WANY ENGINEERING demandent à la cour d’appel de :

— Révoquer la clôture rendue le XXX,

— A défaut rejeter des débats les conclusions signifiées tardivement par la société

COMMUNICATIONS INTEGRATION INDUSTRIES LLC le XXX comme étant tardives,

— Réformer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris en date du 10 janvier

2013,

Et, statuant à nouveau

— Constater que Monsieur P A n’a pas voté en faveur des résolutions en cause lors de l’assemblée générale du 26 novembre 2008,

En conséquence,

— Rejeter l’ensemble des demandes formulées à son encontre

— Constater que Monsieur C X n’a pas participé au vote des résolutions en cause lors de l’assemblée générale du 26 novembre 2008,

En conséquence,

— Rejeter l’ensemble des demandes formulées à son encontre

En toute hypothèse,

— Constater que le pacte d’actionnaires n’était plus applicable au moment du vote des

résolutions litigieuses de l’assemblée générale du 26 novembre 2008,

— Constater en tout état de cause le respect par les concluants dudit pacte,

— Constater que le vote de l’assemblée générale a été dicté par l’intérêt social,

— Constater l’absence de mauvaise foi des concluants,

En conséquence,

— Dire que les concluants n’ont commis aucune faute de nature contractuelle,

— Constater par ailleurs l’absence de préjudice subi démontré par l’intimée.

En conséquence,

— Rejeter l’ensemble des demandes formulées par la Société COMMUNICATIONS INTEGRATION INDUSTRIES LLC

A titre reconventionnel,

— Constater que la société COMMUNICATIONS INTEGRATION INDUSTRIES LLC a commis des fautes de nature à engager sa responsabilité

— Condamner la Société COMMUNICATIONS INTEGRATION INDUSTRIES LLC à indemniser les concluants de la manière suivante :

— Au profit de la société WANY ENGINEERING S.A.S :

Au titre du préjudice global : 50.000 Euros

— Au profit de Monsieur F E :

Au titre du préjudice moral : 50.000 Euros

— Au profit de Madame Y I :

Au titre du préjudice moral : 10.000 Euros

Au titre du préjudice matériel : 8.000 Euros

— Au profit de Monsieur A P :

Au titre du préjudice moral : 50.000 Euros

Au titre du préjudice matériel : 32.040 Euros

— Au profit de Monsieur X V :

Au titre du préjudice moral : 50.000 Euros

Au titre du préjudice matériel : 1.000 Euros

— Au profit de Monsieur X C :

Au titre du préjudice moral : 10.000 Euros

Au titre du préjudice matériel : 1.000 Euros

— Au profit de Monsieur M B :

Au titre du préjudice moral : 50.000 Euros

Au titre du préjudice matériel : 74.849 Euros

En tout état de cause,

— Condamner la Société COMMUNICATIONS INTEGRATION INDUSTRIES LLC à verser aux concluants la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

**

La société MC HOLDING, bien que régulièrement assignée n’a pas constitué avocat.

********

SUR CE,

Sur la révocation de la clôture

La clôture a été prononcée le 13 février 2014. Le même jour la société CII a transmis de nouvelles conclusions et le jour suivant Monsieur Q B, M. E F, Mme I Y, M. V X, M. P A, M. C X et la société WANY ENGINEERING y ont répondu.

La cour constate qu’il existe une cause grave justifiant la révocation de l’ordonnance de clôture.

Il convient en conséquence de rabattre l’ordonnance rendue le 13 février 2014, de prononcer la clôture le 27 février 2014 et de continuer les débats à la demande expresse des parties.

Sur la jonction des procédures

La cour constate que deux procédures ont été ouvertes concernant le même litige. Il convient en conséquence d’ordonner la jonction des procédures ouvertes sous les numéros 13/06816 et 13/06914, toutes deux étant dorénavant enregistrées sous le premier numéro.

La mise hors de cause de Messieurs A et X

Messieurs A et X soutiennent qu’ils doivent être mis hors de cause n’ayant pas participé à l’assemblée générale litigieuse ou ayant voté contre la proposition.

La société CII fait valoir que Monsieur A est responsable en sa qualité de Président du conseil de surveillance de la société et signataire du pacte d’actionnaires et qu’il avait l’obligation d’empêcher la violation de ce Pacte. Monsieur C X était certes absent lors de l’assemblée générale mais il a donné mandat de voter pour lui. Il est donc également responsable.

La cour constate que Monsieur A n’a pas participé aux votes litigieux et qu’il doit en conséquence être mis hors de cause. En effet, il n’entre pas dans les attributions du Conseil de surveillance de vérifier qu’une opération est compatible avec un Pacte d’actionnaires et il n’est pas établi qu’il ait commis une faute pouvant engager sa responsabilité ès qualités.

Quant à Monsieur C X, il a participé au vote par procuration et sa responsabilité est donc engagée au même titre que les autres actionnaires ayant participé à ce vote.

Sur l’inapplicabilité du Pacte d’actionnaires

Monsieur Q B, M. E F, Mme I Y, M. V X, M. P A, M. C X et la société WANY ENGINEERING font valoir que le Pacte n’a pas été violé pour ce qui concerne l’opération de réduction du capital puisque chacun des actionnaires y a participé également. Il en est de même pour l’opération d’augmentation de capital qui ne pouvait plus être proposée aux actionnaires ne détenant aucun titre en vertu de l’article 22 du Pacte. La société CII n’étant plus actionnaire à la suite de la réduction du capital elle ne pouvait en effet plus participer à son augmentation.

Par ailleurs, ils soutiennent que la société CII a refusé de participer à une recapitalisation de la société. Selon les appelants la Société CII avait délibérément fait croire à un nouvel apport de fonds dans le seul but d’augmenter les engagements de M. M B, tout en tentant de capter les actifs incorporels de la Société, qu’elle ne voulait pas participer au financement de la société Wany, qu’elle avait notamment sollicité la conversion de son compte courant de 80.000 euros en actions et ce, afin de lui permettre de remonter à hauteur de 35 % du capital social. Elle avait clairement indiqué qu’elle ne participerait à aucune opération de refinancement de la société WANY si cette dernière ne cédait pas à ses contacts suisses le procès en contrefaçon qui était en cours ainsi que les actifs incorporels de la Société WANY. C’est dans ces conditions que l’assemblée générale du 20 octobre 2008 rejetait la proposition de conversion du compte courant de la Société CII. Cependant, compte tenu de la situation financière de la Société WANY, qui était fortement endettée, qui ne disposait plus de trésorerie, et dont les capitaux propres étaient inférieurs à la moitié du capital social depuis plus de 2 ans puis étaient même devenus négatifs, les dirigeants n’avaient d’autre choix que de constater son état de cessation des paiements. Face à ce risque, l’un des clients de la Société WANY, la société MC Holding proposait de la recapitaliser par le biais d’une augmentation de capital consécutive à un apurement total des pertes, dans le but d’assainir la situation financière.

Ils ajoutent que c’est dans ce contexte que le Directoire décidait de convoquer une assemblée générale extraordinaire en date du 26 novembre 2008 au cours de laquelle il était proposé aux actionnaires de la Société WANY de procéder à une opération d’apurement complet des pertes à concurrence des primes d’émission et d’une réduction de capital, le portant alors à zéro, suivie d’une augmentation de capital de 90.000 euros au profit de la société MC Holding.

Enfin les appelants font valoir leur absence de mauvaise foi et l’absence de préjudice de la société CII.

La société CII fait valoir que le découpage de l’opération ressort d’une logique erronée, qu’il s’agit d’une opération unique et que le pacte a donc bien été violé à son détriment puisqu’on ne lui a pas proposé de suivre l’augmentation du capital. Il en est résulté qu’elle a perdu la totalité de son investissement.

Le pacte d’actionnaire du 22 novembre 2002 stipule dans son article 12 que : ' Chaque membre du Groupe Investisseurs du 1er Tour et Investisseurs du 2 ème Tour bénéficiera d’un droit permanent au maintien de sa participation dans le capital de la Société à hauteur de la quotité du capital qu’il détiendra ou viendrait à détenir à l’issue de son entrée dans le capital de la Société. En conséquence, en cas d’augmentation de capital, d’émission d’obligations convertibles ou d’obligations à bon de souscription d’actions, d’obligations remboursables en action ou, plus généralement, de toute opération financière ayant pour conséquence une modification immédiate ou à terme du nombre d’actions de la Société, les Fondateurs et Friends & Family s’obligent expressément à proposer aux Investisseurs du 1er Tour et Investisseurs du 2 ème Tour de participer à l’opération, au prorata de leur participation dans le capital de la Société, dans les mêmes conditions que celles prévues par l’opération financière.'

L’article 22 du pacte dispose que 'Le présent Pacte prend effet à compter de sa signature par les Investisseurs du 2e Tour pendant une durée de quinze (15) ans…

Néanmoins, à la date à laquelle une Partie ne détiendrait plus aucun Titre de la Société, le présent Pacte prendrait fin à l’égard de cette Partie mais resterait en vigueur à l’égard des autres Parties.'

Il résulte du procès verbal de l’assemblée générale extraordinaire du 26 novembre 2008 que l’ordre du jour était notamment la réduction du capital à zéro sous condition suspensive d’une augmentation de capital en numéraire de 90.000 euros par la création de 90.000 actions nouvelles et la suppression du droit préférentiel de souscription des actionnaires au profit de personnes dénommées.

La première résolution votée était la réduction du capital, la deuxième résolution était la réduction du capital par voie de réduction à zéro du nombre total des actions, la troisième résolution était, sous réserve de l’adoption de la résolution suivante concernant la suppression du droit préférentiel de souscription, l’augmentation du capital par émission de 90.000 actions et enfin la quatrième résolution était la suppression du droit préférentiel de souscription et de réserver l’émission de ces actions en totalité à la société MC Holding.

L’ensemble de ces résolutions a été voté à la majorité des voix.

Dans son rapport à l’assemblée générale Monsieur B décrit l’opération et précise qu''Elle ne serait définitive qu’au jour de la réalisation définitive de l’augmentation de capital'.

La cour considère que l’opération litigieuse ne peut que s’analyser en une opération unique, aucun des segments de l’opération, mis à part celui ayant fait l’objet de la quatrième résolution, ne pouvant être réalisé sans que les autres le soient aussi. C’est d’ailleurs ainsi que Monsieur B avait lui même analysé l’opération puisque la réduction du capital à zéro s’est faite sous la condition suspensive de l’augmentation du capital et que l’opération ne devenait définitive qu’à ce moment.

Ainsi, c’est au moment où l’augmentation du capital a été votée que la réduction à zéro a été réalisée.

Il en ressort que lors du vote de l’augmentation du capital la société CII était encore détentrice de ses actions et qu’elle avait donc encore le droit en vertu du Pacte d’actionnaires, toujours en vigueur, de souscrire préférentiellement à l’augmentation.

Il est constant qu’il ne lui pas été proposé de souscrire à cette augmentation en violation de l’article 12 du Pacte. Le vote de la quatrième résolution réservant l’augmentation du capital à la société MC Holding est donc intervenu alors que la société CII aurait déjà dû s’être vue proposer la souscription préférentielle.

Le moyen soulevé par Monsieur Q B, M. E F, Mme I Y, M. V X, M. P A, M. C X et la société WANY ENGINEERING selon lequel il avait été proposé en vain à de nombreuses reprises à la société CII de participer à des opérations de recapitalisation est inopérant au regard de la violation de la convention liant les parties.

De même, l’explication donnée selon laquelle l’intérêt social commandait une telle opération ne peut prospérer, la société CII ne critiquant pas le principe de recapitalisation de la société mais uniquement la violation du Pacte d’actionnaires.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé que le Pacte d’actionnaires avait été violé par les décisions prises lors de l’assemblée générale des actionnaires du 26 novembre 2008.

Sur les fautes de CII

Les appelants font valoir à titre reconventionnel que la société CII a commis des fautes, qu’elle a fait preuve de mauvaise foi et qu’elle a abusivement poursuivi Messieurs A et X.

La cour considère qu’il ne peut être reproché à la société CII d’avoir proposé de céder une partie de la propriété intellectuelle afin de trouver des fonds pour renflouer la société, cette proposition n’ayant en tout état de cause pas été approuvée et n’apparaissant pas en soi comme une violation du préambule du Pacte qui ne fait qu’indiquer que les éléments de propriété intellectuelle devraient être maintenus dans la société. Il ne s’agit donc pas d’un pillage comme le laisse entendre les appelants.

Le moyen selon lequel la société CII aurait commis des fautes et serait de mauvaise foi car elle avait souhaité elle-même violer le Pacte en proposant de céder un brevet est donc inopérant, ce projet n’ayant pas abouti et n’ayant été qu’une simple proposition.

De même, le projet d’accord du 25 juin 2008 de CII ne fait que rappeler que le Pacte n’est plus adapté à la nouvelle structure de l’actionnariat et propose une réduction du capital suivi d’une augmentation. Le fait que la société CII ait été consciente du problème ne peut constituer une faute exclusive de la responsabilité des appelants.

L’action intentée par la société CII à l’encontre de certains actionnaires n’est pas arbitraire contrairement à ce qu’affirment les appelants, Monsieur A étant impliqué à titre de Président du conseil de surveillance et non en sa qualité de simple actionnaire.

Enfin, il ne peut être reproché à la société CII d’avoir tenté d’exécuter la décision de première instance alors que les appelants n’étaient pas représentés. Les appelants étaient en effet représentés mais n’ont pas conclu pour des raisons obscures et peu convaincantes.

Sur le montant du préjudice

La société CII sollicite le paiement de la somme de 800.000 euros à titre de dommages et intérêts. Elle fait valoir que le tribunal de commerce a mal évalué son préjudice qui comprend le montant des apports en capital qu’elle a effectués et qui s’élèvent à 345.008 euros et non à 100.451 euros comme l’ont relevé les premiers juges et la perte de chance de participer au développement de la société qui a eu de bons résultats d’exploitation après l’opération litigieuse, la liquidation judiciaire n’étant intervenue que plus tard pour des raisons peu claires.

La cour constate que la société CII ne produit aucune pièce qui établirait qu’elle aurait apporté plus de 100.451 euros. Il convient en conséquence de rejeter cette demande.

Quant à la perte de chance, la cour considère que c’est à juste titre que le tribunal de commerce a considéré que la société WANY ayant été placée en liquidation judiciaire en juillet 2011, l’espérance de gains pour la société CII était inexistante à court terme. La cour relève que l’opération litigieuse de 2008 avait pour origine les pertes importantes subies par la société WANY et que l’entrée au capital de la société MC Holding n’a eu pour effet que de la recapitaliser et reporter ainsi la cessation des paiements. Au regard de ces éléments la société CII n’établit pas qu’elle aurait pu doubler la valeur de ses apports entre 2006 et 2011.

La décision du tribunal de commerce de Paris sera en conséquence confirmée.

Sur l’article 700 du Code de procédure civile

La société CII sollicite le paiement de la somme de 35.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

La cour considère qu’il serait inéquitable de lui laisser la charge des frais qu’elle a engagés et qui ne sont pas compris dans les dépens. Il lui sera en conséquence alloué la somme de 35.000 euros à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

Révoque l’ordonnance de clôture du 13 février 2014 et prononce la clôture le jour de l’audience,

Ordonne la jonction des procédures ouvertes sous les n°13/06816 et 13/06914 et dit qu’elles seront enregistrées sous le premier numéro.

Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 10 janvier 2013 sauf en ce qu’il a condamné Monsieur C X,

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes,

Condamne in solidum Monsieur Q B, M. E F, Mme I Y, M. V X, M. P A, la société WANY ENGINEERING et la société MC HOLDING à payer à la société COMMUNICATIONS INTEGRATION INDUSTRIELS LLC la somme de 35.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

Condamne Monsieur Q B, M. E F, Mme I Y, M. V X, M. P A, la société WANY ENGINEERING et la société MC HOLDING aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE, LE PRESIDENT,

V.PERRET F. FRANCHI

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