Cour d'appel de Paris, 25 mars 2014, n° 13/12801

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 25 mars 2014, n° 13/12801
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 13/12801
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 26 mai 2013, N° 13/53614

Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 3

ARRET DU 25 MARS 2014

(n° 194, 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 13/12801

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 27 Mai 2013 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 13/53614

APPELANTE

SCI ELITE prise en la personne de son gérant

XXX

XXX

Représentée par Me Nathalie HERSCOVICI de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056

assistée de Me Philippe LEGRAND de l’Association LEGRAND ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R054

INTIME

Monsieur Z DE LA REGION ILE DE FRANCE – PREFET DE PARIS

XXX

XXX

Représenté et assisté de Me Gérard FALALA de la SELARL FGD AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0086

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 17 Février 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Nicole GIRERD, Présidente de chambre

Madame Agnès BODARD-HERMANT, Conseillère

Madame Odette-Luce BOUVIER, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mlle Véronique COUVET

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Nicole GIRERD, président et par Mlle Véronique COUVET, greffier.

XXX est propriétaire d’un immeuble situéXXX à XXX

.

Le préfet de la région Ile de France (IDF), préfet de Paris, en vue d’une procédure de réquisition de locaux vacants, a décidé en décembre 2012 de procéder à la visite de l’immeuble du XXX afin de déterminer si cet immeuble était susceptible de faire l’objet ultérieurement d’une procédure de réquisition.

Il a demandé par courrier du 5 décembre 2012 à Mme Y es qualité de gérante de la SCI ELITE une date de visite en application de l’article L. 642-7 du code de la construction et de l’habitation, demande à laquelle s’est opposée la SCI.

Par acte du 4 mars 2013, le préfet de la région IDF a assigné la société ELITE devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris aux fins d’une demande tendant à autoriser cette visite par agents assermentés.

Par ordonnance du 27 mai 2013, le juge des référés a fait droit à cette demande en autorisant la visite des locaux situés XXX à XXX et en enjoignant la société ELITE de permettre l’accès de l’immeuble dans le mois suivant la signification de l’ordonnance en communiquant sans délai ses disponibilités, sous astreinte de 300 € par jour de retard susceptible de courir pendant 3 mois.

La SCI Elite a interjeté appel de l’ordonnance.

Par ses dernières conclusions transmises le 19 décembre 2013, elle demande à la cour, vu les articles L.641-1 à L.641-12 du code de la construction et de l’habitation, de la recevoir en son appel et le déclarer bien fondé, d’infirmer l’ordonnance entreprise et statuant à nouveau, de débouter le préfet de l’intégralité de ses demandes, en tout état de cause, constater que la visite de l’immeuble a été effectuée en exécution de l’ordonnance entreprise et que la demande du préfet est dépourvue d’objet, de le condamner à lui payer la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et au paiement des entiers dépens.

L’appelante fait valoir que l’immeuble litigieux n’était pas éligible à la réquisition dès lors que le propriétaire d’un local vacant dispose de la faculté de faire échec à la procédure de réquisition dans les cas et selon les délais qui sont prévus par ces articles.

Elle soutient que son immeuble n’était pas vacant, que ce soit à la date de la demande formée le 5 décembre 2012 ou postérieurement à cette date, compte tenu de la signature d’un premier bail commercial avec la société FINANCIERE TURENNE LAFAYETTE, suivi d’un nouveau bail commercial consenti le 21 mars 2013 à la société BIO C’ BON après résiliation du bail précédent ; qu’en toute hypothèse la vacance du local doit s’apprécier à la date à laquelle le juge statue pour ordonner ou refuser la visite.

Elle fait valoir enfin que la visite a eu lieu le 7 octobre 2013 et qu’à cette date, une demande de dépôt de permis de construire avait été déposée, et que le bail accordé à la société BIO C’BON prévoit un changement d’affectation à usage commercial des 3e et 4e étages qui sont actuellement à usage d’habitation.

Par ses conclusions transmises le 19 décembre 2013, le préfet de la région IDF, intimé, sollicite le débouté de la SCI ELITE de l’ensemble de ses demandes, sa condamnation à payer à l’Etat la somme de 2.500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Il fait valoir qu’une première procédure de « bien sans maître » en 2002 concernant cet immeuble inoccupé de 800 m2 au centre de Paris n’a pas été menée à terme, sa propriétaire ayant envisagé d’y faire des travaux, que l’immeuble est resté vacant avant d’être à nouveau occupé de façon illicite par un collectif d’artistes, expulsé en mai 2011et que le préfet a décidé de relancer la procédure de réquisition dans un contexte de crise grave du logement.

Il soutient que la jurisprudence se rapportant à des droits plus anciens de réquisition a considéré comme vacant un appartement inhabité qui n’avait pas fait l’objet d’un bail, un local sur lequel portait une promesse de vente et a précisé, en cas de bail en cours, que celui-ci ne pouvait faire obstacle à une réquisition que s’il a acquis une date certaine avant la réquisition, qu’une simple promesse de bail ne pouvait en aucun cas mettre fin à une vacance de locaux inoccupés, qu’ a fortiori, de simples pourparlers sont sans aucun effet sur la vacance des locaux.

Il affirme que la condition de locaux « susceptibles d’être réquisitionnés » est à apprécier par le juge au jour de la demande de visite ; que faire dépendre la visite d’événements postérieurs à la demande de visiter les lieux n’a pas de sens, sauf à offrir au propriétaire l’opportunité de faire échec à cette visite en cherchant à mettre un terme a posteriori à la vacance de l’immeuble ; qu’en outre la visite préalable est à distinguer de la réquisition elle-même, les conditions applicables n’étant pas les mêmes, la recherche d’une vacance effective n’étant pas exigée au stade de la visite.

Il fait valoir enfin que la SCI ELITE n’est pas une société civile familiale exclue du champ d’application de la procédure de réquisition, contrairement à ce qu’elle soutient.

SUR CE LA COUR

Considérant que selon l’article L. 642-1, alinéa 1, du code de la construction et de l’habitation (CCH) , créé par la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d’orientation sur la lutte contre les exclusions, "afin de garantir le droit au logement, le représentant de l’Etat dans le département peut réquisitionner, pour une durée d’un an au moins et de six ans au plus, des locaux sur lesquels une personne morale est titulaire d’un droit réel conférant l’usage de ces locaux et qui sont vacants depuis plus de dix-huit mois, dans les communes où existent d’importants déséquilibres entre l’offre et la demande de logement au détriment de personnes à revenus modestes et de personnes défavorisées’ ;

Considérant qu’il résulte de l’article L. 642-7 du même code que :

« Le représentant de l’Etat dans le département peut nommer des agents assermentés afin de l’assister dans la procédure de réquisition. Ces agents sont astreints aux règles concernant le secret professionnel. Ceux-ci peuvent :

1° Consulter les fichiers des organismes chargés de la distribution de l’eau, du gaz, de l’électricité, du téléphone, ainsi que les fichiers tenus par les professionnels de l’immobilier, en vue de prendre connaissance des informations strictement nécessaires à la recherche des locaux vacants, à la détermination de la durée de la vacance et à l’identification du titulaire du droit d’usage sur les locaux ;

2° Visiter, accompagnés le cas échéant d’experts, les locaux susceptibles d’être réquisitionnés ; le titulaire du droit d’usage donne son accord pour cette visite ; à défaut, celle-ci ne peut avoir lieu que sur autorisation du juge judiciaire." ;

Considérant qu’en application de l’article R.642-6 du CCH les agents qui effectuent la visite des locaux susceptibles d’être réquisitionnés établissent un procès-verbal décrivant la consistance et l’état des lieux ;

Considérant qu’aux termes de l’article R.641-2 du CCH :

« Sont considérés comme vacants :

1- Les locaux dont le bail est expiré, non reconduit et dont les occupants ne bénéficient pas du droit au maintien dans les lieux ;

2. Les locaux dont le bail est résilié par accord amiable ou décision de justice ;

3. Les locaux dont les occupants ont été condamnés à vider les lieux.

Le maintien sans titre dans les lieux de tout occupant ne fait pas perdre au local sa qualité de local vacant.» ;

Considérant que la visite prévue par l’article L. 642-7 2° du CCH s’inscrit dans la phase préparatoire d’une éventuelle réquisition, prévue par les articles L. 642-9 et suivants, durant laquelle le représentant de l’Etat dans le département notifie au titulaire du droit d’usage des locaux son intention de procéder à une réquisition, ce dernier disposant alors d’un délai de deux mois à compter de la notification, pour faire connaître son accord ou son opposition, son intention de mettre fin à la vacance dans un délai de trois mois au plus à compter de la notification ou son engagement d’effectuer les travaux nécessaires pour mettre fin lui-même à la vacance (article L. 642-10) ; qu’enfin, le titulaire du droit d’usage, qui s’est engagé à mettre fin à la vacance ou à réaliser ces travaux, doit justifier de l’exécution de son engagement sur la demande du représentant de l’Etat dans le département, lequel peut, en l’absence de justification utile notifier l’arrêté de réquisition (article L. 642-12) ;

Considérant qu’en l’espèce, le préfet de la région IDF, préfet de Paris, a, conformément à l’article L 642-7 2° sus visé, demandé à la SCI ELITE de permettre la visite par ses agents de l’immeuble du XXX à XXX ;

Que dans cette lettre du 5 décembre 2012 le représentant de l’Etat , rappelant « le contexte de crise grave que connaît le secteur du logement » et la nécessité de prendre des mesures afin que « les personnes défavorisées puissent accéder à un logement décent » précisait que les services fiscaux lui avaient communiqué « les informations nominatives relatives aux locaux vacants sur Paris, »susceptibles d’être réquisitionnés ", parmi lesquels figurait l’immeuble de la SCI ELITE ; qu’était précisé dans cette demande qu’à défaut de l’accord de la SCI, l’autorisation de cette visite serait demandée au juge judiciaire ;

Considérant que, selon l’article 808 du code de procédure civile, dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal de grande instance peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend ;

Considérant que la nécessité de diligenter dans les meilleurs délais la procédure de réquisition qui répond à l’objectif à valeur constitutionnelle de la possibilité qu’a toute personne de disposer d’un logement décent caractérise l’existence d’une urgence, au sens de l’article 808 sus visé ;

Considérant que le juge des référés de première instance, pour apprécier l’existence d’une contestation sérieuse de nature à justifier un refus de l’autorisation de visite d’un local susceptible d’être réquisitionné au sens de l’article L 642-7 2° du CCH, s’est situé à bon droit à la date à laquelle le représentant de l’Etat a régulièrement demandé au titulaire du droit d’usage son accord pour visiter l’ immeuble ;

Qu’en l’espèce, il est constant que cette demande a été envoyée à la SCI ELITE le 5 décembre 2012 par lettre recommandée avec avis de réception reçue le 10 décembre 2012 ;

Que pour s’opposer à cette visite, le conseil de la SCI ELITE a indiqué par lettre du 14 décembre suivant au préfet de région que " cela fait maintenant plusieurs semaines que ma cliente [la SCI ELITE, gérée par Mme A B] m’a demandé d’établir un bail commercial au profit de la société H&M pour la totalité de cet immeuble » ;

Considérant qu’il résulte des pièces produites aux débats que l’immeuble en cause était manifestement susceptible d’être réquisitionné, les pourparlers invoqués, qui n’ont pas abouti à la conclusion d’un bail avec la société H&M, ne pouvant être considérés comme constituant une contestation sérieuse de nature à justifier le refus en référé de l’autorisation judiciaire de visite ;

Qu’est inopérant comme tardif le moyen tiré de la conclusion plus de deux mois après, soit le 23 février 2013, d’un bail entre la SCI ELITE et la société FINANCIERE TURENNE LAFAYETTE, société du même groupe que la société appelante, résilié le 18 mars 2013, et la signature d’un bail commercial le 21 mars suivant avec la société BIO C’BON ;

Qu’au demeurant, il n’appartient pas au représentant de l’Etat, à ce stade préparatoire du processus de réquisition, de justifier devant le juge judiciaire du caractère effectivement vacant du logement, la visite de locaux « susceptibles d’être réquisitionnés » ayant notamment pour objectifs de vérifier la réalité de la vacance et l’opportunité d’une telle procédure ;

Qu’en ce qui concerne les conditions d’éligibilité de l’immeuble de l’appelante au regard de l’article L. 642-2 du CCH aux termes duquel les locaux détenus par les sociétés civiles constituées exclusivement entre parents et alliés jusqu’au 4e degré inclus ne peuvent faire l’objet d’une procédure de réquisition avec attributaire, il convient de relever que ne saurait être considérée comme étant une société civile à caractère familial une SCI dont les parts sont détenues par un seul et unique associé, après que celui-ci a racheté les parts d’un autre associé avec lequel il n’avait aucun lien de parenté ;

Qu’il est constant qu’en l’espèce M. C-D E n’avait aucun lien de parenté avec Mme X à qui il a cédé le 21 septembre 2012 l’unique part du capital social qu’il détenait de la SCI ELITE, Mme X devenant dès lors l’unique détentrice du capital sans que la SCI n’acquière de ce fait un caractère familial ;

Qu’en conséquence, la SCI ELITE ne pouvait se prévaloir sérieusement du caractère familial de la société pour s’opposer à la demande de visite ;

Qu’enfin, la seule opposition du titulaire de l’usage du local à cette visite préparatoire ne saurait en elle-même caractériser la contestation sérieuse prévue à l’article 808 du code de procédure civile sauf à priver de son sens la procédure d’autorisation judiciaire prévue par le législateur en cas de refus d’accord amiable ;

Qu’il résulte de l’ensemble de ces constatations que les contestations opposées par la SCI ELITE à la demande de visite de son immeuble ne sont manifestement pas sérieuses ; que sera dès lors confirmée l’ordonnance entreprise ;

Considérant qu’il est constant toutefois qu’à la date à laquelle la cour statue la SCI ELITE a avisé le préfet de région le 16 août 2013 de son acceptation à faire procéder à la visite, laquelle est finalement intervenue le 2 octobre 2013 ;

Que, vu l’évolution du litige, y ajoutant, il y a lieu de dire que la demande du préfet de la Région d’Ile-de-France, préfet de Paris, aux fins d’autorisation judiciaire de visite, est devenue sans objet ;

Considérant que l’équité commande de faire droit à la demande de l’intimé présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ; que l’appelante est condamnés à lui verser à ce titre la somme visée au dispositif de la présente décision ;

Considérant que, partie perdante, la société ELITE ne saurait prétendre à l’allocation de frais irrépétibles et doit supporter les dépens ;

PAR CES MOTIFS

Confirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Vu l’évolution du litige,

Y ajoutant,

Dit la demande d’autorisation judiciaire de visite devenue sans objet,

Condamne la SCI ELITE à payer au préfet de la région Ile de France, préfet de Paris, la somme de 2.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette la demande présentée par la SCI ELITE sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SCI ELITE aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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