Cour d'appel de Paris, 14 octobre 2016, n° 15/20698

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 14 oct. 2016, n° 15/20698
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 15/20698
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 29 septembre 2015, N° 14/0139

Texte intégral

Grosses délivrées

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE
FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 3

ARRÊT DU 14 OCTOBRE 2016

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 15/20698

Décision déférée à la Cour :
Jugement du 30 Septembre 2015 -Tribunal de Commerce de PARIS -
RG n° 14/0139

APPELANTE

SA LAGRANGE GESTION

Immatriculé au RCS Luxembourg sous le n° B 90036

ayant son siège social 25 Boulevard
Royal

L 2449 LUXEMBOURG

prise en la personne de son représentant légal domicilié XXX

Représentée par Me Frédéric BURET, avocat au barreau de PARIS, toque : D1998

Représentée par Me Christian BEER, avocat au barreau de PARIS, toque : E0107

INTIMÉE

SAS CM-CIC AGENCE IMMOBILIERE (CM-CIC
AFEDIM)

ayant son siège social 34 rue du
Wacken

XXX

prise en la personne de son représentant légal domicilié XXX

Représentée par Me Belgin PELIT-JUMEL de la SELEURL
BELGIN PELIT-JUMEL AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1119

Représentée par Me Carole BAUMERT du cabinet ORION avocats et conseils, avocat au barreau de
STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 29 Juin 2016, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Madame X Y, présidente de chambre, chargé d’instruire l’affaire, laquelle a été

préalablement entendue en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame X Y, présidente de chambre, rédacteur

Madame Z A, présidente

Madame B C, conseillère

qui en ont délibéré,

Greffier : lors des débats : Madame D E

ARRÊT :

— contradictoire,

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la
Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

— signé par Mme X
Y, présidente et par Mme F G, greffière auquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Vu le jugement assorti de l’exécution provisoire rendu le 30 septembre 2015 par le tribunal de commerce de Paris qui a :

— déclaré M. H recevable mais mal fondé en son exception d’incompétence, dit l’action de la société CM-CIC Agence Immobilière à l’encontre de M. H prescrite et débouté celle-ci de ses demandes à son encontre,

— débouté la société Lagrange Gestion de sa demande de nullité de la garantie litigieuse,

— condamné la société Lagrange Gestion à payer aux acquéreurs identifiés dans les listes annexés (annexe 11 pour Resitel et annexe 13 pour Soderev) les loyers échus et impayés par ses filiales
Resitel et Soderev à la date du jugement,

— assortit cette condamnation d’une astreinte de 1 000 euros par jour de retard et par infraction constatée, à compter du 15e jour suivant la signification du jugement,

— débouté la société CM-CIC Agence
Immobilière de sa demande de payer les loyers à échoir,

et de sa demande de dommages-intérêts,

— condamné la société Lagrange Gestion à payer la somme de 5 000 euros à la société
CM-CIC

Agence Immobilière par application de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouté les parties de toutes leurs autres demandes,

— condamné la société Lagrange Gestion aux dépens ;

Vu l’appel relevé par la société de droit luxembourgeois Lagrange Gestion à l’encontre de la société CM-CIC Agence Immobilière et ses dernières conclusions signifiées le 14 juin 2016 par lesquelles elle demande à la cour, au visa de l’article 60 de la loi luxembourgeoise du 10 août 1915, modifié par la loi du 23 novembre 1972 sur les sociétés commerciales, les articles L 225-35 alinéa 4 et L 225-68 alinéa 2 du code de commerce français ainsi que de l’article 1129 du code civil français, de :

— réformer le jugement et débouter la société CM-CIC Afedim de toutes ses demandes,

— condamner la société CM-CIC Afedim aux dépens et à lui payer la somme de 50 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile;

Vu les dernières conclusions de la société
CM-CIC Agence Immobilière (CM-CIC Afedim), notifiées par RPVA le 10 juin 2016, qui demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu’il jugé que la garantie du 7 juillet 2008 était valable et, statuant sur son appel incident :

— condamner la société Lagrange Gestion à payer aux acquéreurs identifiés dans les listes annexés (annexe 11 pour Resitel et annexe 13 pour Soderev) les loyers déjà échus et impayés par ses filiales
Resitel et Soderev ainsi que les loyers à échoir jusqu’à leur terme contractuel de 9 années,

— à titre subsidiaire, condamner la société
Lagrange Gestion à payer aux acquéreurs ainsi identifiés les loyers échus et impayés par ses filiales Resitel et
Soderev arrêtés au jour où la cour statuera,

— en tout état de cause, prononcer cette condamnation sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard et par infraction constatée aux engagements pris dans la lettre de garantie,

— condamner la société Lagrange gestion à lui payer la somme de 50 000 euros au titre du trouble commercial subi du fait de sa défaillance et réserver son droit de parfaire ce chiffre,

— condamner la société Lagrange Gestion à lui payer la somme de 15 000 euros pour résistance abusive et celle de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— la condamner aux entiers dépens de la procédure ;

SUR CE,

Considérant qu’une charte de partenariat a été signée le 18 janvier 2007 entre le groupe Lagrange, spécialisé dans la commercialisation de biens et droits immobiliers de loisir et de défiscalisation, et la société CM-CIC Afedim en vue de la commercialisation de résidences de services gérées par des filiales du groupe Lagrange, dont les sociétés Resitel et
Soderev, lesquelles devaient les exploiter dans le cadre de baux commerciaux consentis par les acquéreurs, moyennant le paiement de loyers;
que la société CM-CIC Afedim, apporteur d’affaires, devait proposer à sa clientèle les produits du groupe Lagrange de manière à assurer la bonne réalisation des ventes, en contrepartie du paiement d’une commission ;

Que le 7 juillet 2008, M. H, administrateur délégué de la société
Lagrange Gestion a signé un acte sous seing privé intitulé 'garantie’ et rédigé comme suit :

'Nous soussigné, Lagrange Gestion, prise en la personne de son représentant légal Pierre-Olivier
Toumieux, dûment habilité,

Connaissance prise du partenariat conclu entre le Groupe
Lagrange et la société CM-CIC Afedim, dont le siège est à Strasbourg (67) 34 rue du Wacken, en vue de la commercialisation par cette dernière de résidences services gérées par nos filiales, dont liste en annexe, partenariat aux termes

duquel la société CM-CIC Afedim a souhaité que la société Lagrange Gestion se porte garante de ses filiales vis à vis des acquéreurs de lots du réseau CM-CIC Afedim dans la mesure où ces acquéreurs vont être amenés à conclure des baux commerciaux avec les dites filiales.

Prenons par les présentes les engagements suivants :

. Pour garantir le bon paiement des loyers que ses filiales pourraient devoir à l’un de leurs bailleurs dans le cadre des baux commerciaux signés entre eux pour une durée minimale de neuf années, la société Lagrange Gestion déclare, par les présentes, irrévocablement se porter garante des dites filiales, dont liste en annexe envers l’ensemble de leurs bailleurs.

. La société Lagrange gestion s’engage, à première demande d’un des bailleurs, à lui payer le loyer afférent aux baux commerciaux, objets du point précédent, sans pouvoir soulever de contestation pour quelque motif que ce soit, passé un délai de 30 jours après l’échéance impayée, la demande du bailleur résultant suffisamment d’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée au siège de la société Lagrange
Gestion attestant que le versement des sommes réclamées est dû en vertu du présent engagement.

. En conséquence, la société Lagrange
Gestion sera tenue de régler les sommes réclamées sur présentation de cette lettre. Le règlement devra intervenir au plus tard dans les 10 jours ouvrés à compter de la réception de la présente lettre recommandée visée au point précédent.

La présente garantie constitue une stipulation pour autrui au profit de l’ensemble des bailleurs. En conséquence, l’original du présent acte sera remis à la société CM-CIC Afedim pour compte commun de l’ensemble des bailleurs qui pourront lui en demander copie et pourront ainsi s’en prévaloir dans les conditions stipulées ci-avant à l’encontre de la société Lagrange Gestion…' ;

Considérant que les sociétés Resitel et
Soderev n’ayant plus payé les loyers, les acquéreurs ont eux-même rencontré des difficultés pour rembourser leurs crédits ; que la société CM-CIC Afedim, le 22 mai 2012 a mis en demeure la société Lagrange
Gestion d’exécuter les engagements par elle souscrits au bénéfice ses acquéreurs, puis le 29 juin 2012 de payer aux acquéreurs les sommes dues au titre des loyers impayés; que n’obtenant pas satisfaction, elle a saisi le tribunal de commerce de
Paris qui a fait droit à ses demandes par le jugement déféré

Considérant que la société Lagrange Gestion, appelante, prétend en premier lieu que l’objet de la garantie n’est pas suffisamment déterminé, ce qui rend l’acte nul ; qu’elle expose en ce sens :

— que la lettre de garantie constitue un engagement unilatéral, qu’il n’y a pas de contrat entre elle et la société CM-CIC Afedim, qu’il n’y a pas de convention principale, ni de convention accessoire, que ni l’intimée, ni les bailleurs qui ont acquis les lots vendus n’ont la qualité de contractants à l’acte du 7 juillet 2008,

— que l’engagement souscrit ne rentre pas dans les trois catégories de sûretés personnelles que sont la lettre d’intention, la garantie à première demande et le cautionnement,

— que par sa forme, il s’apparente à une lettre d’intention, mais que ses modalités sont contradictoires et relèvent à la fois d’un cautionnement et d’une garantie à première demande,

— qu’il ne s’agit ni d’une stipulation pour autrui, ni d’une lettre d’intention, ni d’une garantie à première demande, ni d’un cautionnement,

— que la lettre de garantie n’est pas conforme au droit commun des sûretés, ni au droit des obligations, les bénéficiaires de cette garantie n’étant pas déterminés, ni même déterminables au sens de l’article 1129 du code civil, étant précisé qu’ à la date de sa signature, les baux n’étaient pas encore conclus et

la durée de ceux ayant été souscrits étant d’une durée variable ;

Mais considérant que c’est dans le cadre de leurs relations d’affaires, exprimées notamment dans la charte de partenariat, que la société Lagrange Gestion, à la demande de la société CM-CIC Adefim, s’est engagée à garantir ses filiales au profit des acquéreurs ayant acquis des lots par l’ intermédiaire de la société CM-CIC Afedim; que l’engagement s’analyse en une stipulation pour autrui conférant une garantie à des tiers; que la société CM-CIC
Afedim, le stipulant, dispose à l’encontre de la société Lagrange Gestion, le promettant, d’une action en exécution de la promesse ;

Que contrairement à ce que soutient l’appelante, l’objet de l’obligation garantie est parfaitement déterminé ou déterminable; qu’en effet, la société Lagrange Gestion s’est engagée à indemniser les propriétaires/investisseurs, auxquels elle a vendu des biens par l’entremise de CM-CIC Afedim, du montant des loyers dont ses filiales, locataires des propriétaires, ne s’acquitteraient plus; que l’article 1129 du code civil n’est pas applicable à la détermination du prix; que la durée de la garantie est celle de chacun des baux qui ont été conclus ;

Qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la lettre de garantie est valable au regard du droit commun des obligations ;

Considérant que l’appelante fait valoir en second lieu :

— que la lettre de garantie est conforme à l’objet social, l’article 2 de ses statuts prévoyant qu’elle peut emprunter et accorder aux sociétés dans lesquelles elle participe ou s’intéresse directement ou indirectement tous concours, prêts, avances ou garanties,

— mais que l’engagement a été signé par un administrateur délégué,

— qu’en droit luxembourgeois, la société est administrée par un conseil d’administration qui a pouvoir d’accomplir tous les actes nécessaires ou utiles à l’objet social, à l’exception de ceux que la loi ou les statuts réservent à l’assemblée générale,

— que par application de l’article 60 de la loi luxembourgeoise du 10 août 1905, la gestion journalière des affaires de la société peut être déléguée à un ou plusieurs administrateurs,

— que la notion de gestion journalière n’est pas définie par la loi luxembourgreoise, qu’elle a été empruntée à la loi belge et que la cour de cassation belge retient deux catégories d’actes relevant d’une telle gestion journalière : d’une part les actes commandés par les besoins de la vie quotidienne de la société, d’autre part les actes de peu d’importance nécessitant une solution rapide sans attendre la réunion du conseil d’administration,

— que la cour d’appel du Luxembourg considère que la notion de gestion journalière doit s’apprécier in concreto,

— qu’en l’espèce, l’engagement de garantie n’est pas un acte courant et de faible importance eu égard au montant des dettes de loyers garanties, et aucune urgence ne justifiait l’absence de consultation du conseil d’administration,

— que l’article 5 de ses statuts n’apporte pas de précision sur la notion de gestion journalière et que le conseil d’administration n’avait confié aucun mandat à M. H,

— que l’utilisation dans l’acte de la formule’ dûment habilité’pour le signataire ne peut fonder la croyance légitime du tiers permettant de recourir à la notion de mandat apparent,

— que l’importance de l’acte, qui excédait les limites de la gestion journalière, imposait à la société

CM-CIC Afedim de vérifier les pouvoirs du signataire,

— que les allégations de la société CM-CIC
Afedim sur sa surface financière lors de la signature de l’engagement sont inexactes au regard de ses pertes cumulées, de ses dettes et des avances consenties à ses filiales à cette date ;

Mais considérant que si M. H était administrateur délégué, chargé de la gestion des affaires courantes de la société Lagrange Gestion par application de la loi luxembourgeoise ainsi que des statuts de la société et que la signature de la lettre de garantie, en raison du montant de l’engagement, ne peut constituer un acte de gestion journalière, il demeure :

— que depuis 1994 et encore maintenant, M. H est le président directeur général du groupe
Lagrange, dont font partie notamment les sociétés
Lagrange Gestion, Resitel et Soderev,

— qu’il est connu des tiers comme étant l’animateur de ce groupe,

— que dans l’engagement du 7 juillet 2008, il s’est référé expressément à la charte de partenariat du 18 janvier 2007- ce qui démontre qu’il en avait parfaitement connaissance – et s’est présenté comme 'dûment habilité’ pour signer au nom de la société Lagrange Gestion ;

Qu’au regard de ces circonstances, la société
CM-CIC Afedim se trouvait dans une situation l’autorisant à ne pas vérifier les pouvoirs du signataire; qu’elle a légitimement pu croire dans les pouvoirs de M. H ;

Considérant, en conséquence, que la société CM-CIC Afedim est bien fondée en sa demande de condamnation de la société Lagrange Gestion, sous astreinte, à payer entre les mains des acquéreurs les loyers échus et ceux à échoir jusqu’à leur terme contractuel de 9 ans, non réglés par les sociétés
Resitel et Soderev et identifiés dans les annexes 11 pour
Resitel et 13 pour Soderev ;

Considérant que la société CM-CIC Afedim ne démontre pas l’existence d’un trouble commercial subi du fait de la défaillance de la société
Lagrange Gestion; qu’elle sera donc déboutée de sa demande de dommages-intérêts d’un montant de 50 000 euros à ce titre ; qu’il n’y a pas lieu de réserver son droit à parfaire ce chiffre ;

Que l’appelante n’ayant pas fait dégénérer en abus son droit de résister aux demandes formées à son encontre, la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive sera rejetée ;

Que vu les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, il convient d’allouer la somme de 5 000 euros à la société CM-CIC Afedim et de rejeter la demande de la société Lagrange Gestion de ce chef ;

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant dans les limites de l’appel,

CONFIRME le jugement en ce qu’il a débouté la société Lagrange Gestion de sa demande de nullité de la garantie litigieuse,

L’INFIRME pour le surplus des dispositions concernant la société Lagrange Gestion et, statuant à nouveau :

CONDAMNE la société Lagrange Gestion à payer aux acquéreurs identifiés dans les listes annexées,

à savoir annexe 11 pour Resitel et annexe 13 pour
Soderev, les loyers échus impayés par ses filiales
Resitel et Soderev ainsi que les loyers à échoir jusqu’à leur terme contractuel de 9 années,

ASSORTIT cette condamnation d’une astreinte de 1 000 euros par jour de retard et infraction constatée aux engagements pris dans la lettre de garantie, ce à compter du 30 ème jour suivant la signification de l’arrêt,

CONDAMNE la société Lagrange Gestion à payer la somme de 5 000 euros à la société CM-CIC
Afedim par application de l’article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE les parties de toutes leurs autres demandes,

CONDAMNE la société Lagrange Gestion aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

C. G C. Y

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Cour d'appel de Paris, 14 octobre 2016, n° 15/20698