Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 7, 8 décembre 2016, n° 15/23987

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Chronologie de l’affaire

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François Barrière · Bulletin Joly Bourse · 1er mai 2017
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 7, 8 déc. 2016, n° 15/23987
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 15/23987
Décision précédente : Autorité des marchés financiers, 7 octobre 2015
Dispositif : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS Pôle 5 – Chambre 5-7 ARRÊT DU 08 DECEMBRE 2016

(n° 155, 9 pages) Numéro d’inscription au répertoire général : 2015/23987

Décision déférée à la Cour : rendue le 08 octobre 2015

par L’AUTORITE DES MARCHES FINANCIERS

DEMANDEUR AU RECOURS :

— M. X C G

Né le XXX à XXX

XXX

Consultant

Demeurant : House 38 boulevard de Foret – The Beverly Hills – Tai Po – HONG-KONG (République Populaire de Chine)

Elisant domicile au Cabinet de Maître Jeanne BAECHLIN

XXX

Représenté par :

— SCP Jeanne BAECHLIN,

avocate au barreau de PARIS,

toque : L0034

XXX

— Maître M N O et Maître Arnaud de La COTARDIERE

avocats au barreau de PARIS

Cabinet LINKLATERS LLP

XXX

EN PRÉSENCE DE : – L’AUTORITE DES MARCHES FINANCIERS

Représentée par son Président

Ayant son siège : 17 place de la Bourse75082 PARIS CEDEX 02

représentée par Mme Viviane TSE, munie d’un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 15 septembre 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

— Mme D E- AMSELLEM, présidente de chambre, Présidente

— M. Philippe MOLLARD, président de chambre

— Mme Laurence FAIVRE, conseillère

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : M. P Q-R

MINISTERE PUBLIC :

L’affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par Mme Z A, Avocate Générale, qui a fait connaître son avis.

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Mme D E- AMSELLEM, présidente et par M. P Q-R, greffier.

********

Faits et procédure

M. X G, né en Chine, de nationalité canadienne et résidant à Hong-Kong, après des études d’informatique au Canada, a été recruté pour exercer les fonctions de trader dans l’office de Toronto appartenant au groupe Swift Trade, dont M. Y I est le fondateur et le président. Après un an de fonction, M. X G a créé en Chine trois sociétés dénommées les offices, destinées à faire du trading sur différentes plateformes de négociation par l’intermédiaire du groupe Swift Trade :

• la société Xiamen Fortune Investment Consulting Inc. (ci-après l’office de Xiamen), dont il était le représentant légal et président du conseil d’administration et dont il détenait pendant la période incriminée 50% du capital, l’autre moitié étant détenue par son épouse ; • la société Shanghai Fortune Investment Consultant limited (ci-après l’office de Shanghai), dont il était le représentant légal et l’administrateur exécutif et dont il détenait pendant la période incriminée 55% du capital ; • la société Nanchang Fortune Investment Consultant Limited (ci-après l’office de Nanchang), dont il était le représentant légal et administrateur exécutif et dont il détenait pendant la période incriminée 100% du capital.

M. X G a conclu avec la société Swift Trade, un contrat intitulé « access agreement » ayant pour objet la fourniture d’un accès à différentes plateformes de négociation pour y pratiquer du « day trading ». Ce contrat stipulait notamment une exclusivité territoriale de l’office, la passation de la totalité des ordres par l’intermédiaire de la société Swift Trade Inc. et la conclusion d’une licence concernant un logiciel de trading créé par cette société, en contrepartie d’un versement initial de 10 000 dollars et d’une commission mensuelle de 27% sur les revenus bruts générés par l’activité de trading. Ces contrats ont été cédés en 2007 à une autre filiale du groupe Swift Trade, la société Opal Stone, de droit uruguayen, détenue par un trust dont le bénéficiaire final est M. Y I.

M. X G a transmis ce contrat aux offices chinois qui en ont cédé tous les droits et obligations à la société First Fortune Investments Group Limited immatriculée aux XXX, dont M. X G est l’unique actionnaire, laquelle a sous-traité son activité de trading aux offices.

Au sein du groupe Swift Trade, deux sociétés, les sociétés Biremis Corporation (ci-après la société Biremis) et OpalStone sont agréées pour accéder aux marchés financiers. La société américaine Biremis est détenue à 99,5% par la société holding du groupe Swift Trade, elle-même détenue à 74% par Monsieur Y I, dirigeant de la société Biremis.

La société Biremis, qui est enregistrée et régulée par la US Securities and Exchange Commission fournit à la société Opal Stone les services de transmission d’ordres électroniques ainsi que de contrôle de ceux-ci et de suivi du risque lié à ces opérations.

En mars 2008, la société Biremis a conclu un contrat avec un prestataire de services d’investissement de droit suédois et membre de marché, la société Neonet Securities, afin de pouvoir accéder aux marchés et plateformes européens.

Ayant eu connaissance par le service de surveillance des marchés de l’AMF, d’interventions atypiques de la société Neonet Securities agissant pour le compte de la société Biremis sur le marché Euronext Paris, en raison notamment du taux élevé d’annulation d’ordres par cette société, le Secrétaire général de l’AMF a ouvert le 18 février 2010 une enquête à compter du 15 février 2009, portant sur le marché de 27 titres.

Les enquêteurs ont relevé que les interventions du donneur d’ordres présentaient les caractéristiques de la technique dite du « layering » ( en français: empilage).

Le « layering » consiste à passer de nombreux ordres d’un côté du carnet d’ordres à plusieurs prix proches de la meilleure limite afin d’exercer une pression sur le carnet d’ordres et le cours du titre puis dans un laps de temps très court, à en passer de l’autre côté du carnet d’ordres au-dessus de la meilleure limite, faire exécuter tous les ordres possibles et, enfin, annuler les ordres passés en premier qui n’ont pas été exécutés. Ce mode opératoire est ensuite répliqué mais en sens inverse. Ce procédé qui implique l’annulation massive des ordres non exécutés, est susceptible de donner une image trompeuse du carnet d’ordres.

Il a connu une extension importante depuis la seconde moitié des années 2000, liée au développement du trading haute fréquence.

À l’issue de l’enquête, la Direction des enquêtes et des contrôles de l’AMF a adressé le 12 février 2014, à M. X G une lettre circonstanciée mettant en évidence 8 807 cas de layering dont 8 077 provenant des trois offices chinois dirigés par M. X G, sur la période comprise entre le 15 février 2009 et le 25 novembre 2009 Ce dernier a répondu le 11 mars 2014.

La Direction des enquêtes et des contrôles a déposé son rapport le 3 juin 2014.

Après examen du rapport d’enquête et de la réponse à la lettre circonstanciée, le Collège de l’AMF a pris la décision d’adresser le 17 juillet 2014, à M. X G une notification de grief par laquelle il est reproché à M. X G d’avoir manqué à l’obligation de s’abstenir departiciper à la mise en 'uvre d’une stratégie de manipulation de cours, manquement prévu par les articles 631-1 et 631-2 du règlement général de l’Autorité des marchés financiers.

Après avoir obtenu deux prorogations de délai, M. X G a formulé des observations écrites le 2 mars 2015.

À la suite de son audition par le rapporteur désigné par la Commission des sanctions et du dépôt du rapport de celui-ci, le 11 août 2015, la Commission des sanctions a, par décision du 15 décembre 2015, prononcé à l’égard de M. X G une sanction pécuniaire d’un million d’euros et ordonné la publication de sa décision sur le site internet de l’AMF.

La Cour,

Vu la déclaration de recours formé par M. X C G du 15 décembre 2015;

Vu le mémoire de M. X G déposé au greffe de la cour, le 18 décembre 2015, dans lequel il demande à la cour de :

— Constater la violation des droits de la défense au sens de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et le non-respect du principe d’égalité des armes;

— Annuler la décision entreprise ;

Subsidiairement :

— Juger que le manquement de manipulation de cours n’est pas imputable à M. X G ;

— Réformer la décision de la Commission des sanctions ;

Très subsidiairement,

— Juger que le calcul du profit perçu par M. X G au titre des opérations litigieuses est erroné ;

— Réduire le montant de l’amende décidée par la Commission des sanctions ;

Vu les observations de l’AMF du 19 mai 2016 qui invite la cour à rejeter le recours formé contre la décision de la Commission des sanctions du 8 octobre 2015 ;

Vu les conclusions écrites du ministère public notifiées le 14 septembre 2016 aux termes desquels Madame l’Avocat général conclut au rejet de l’ensemble des prétentions du requérant ;

Après avoir entendu à l’audience du 15 septembre 2016, le conseil de M. X G ainsi que le représentant de l’ Autorité des marchés financiers et le Ministère public, le requérant ayant eu la parole en dernier et la possibilité de répliquer;

Sur ce, Sur la violation des droits de la défense

Le requérant fait valoir qu’il n’a pu disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense, ce qui a conduit à une rupture de l’égalité des armes au sens de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Il précise qu’il n’a pu disposer que d’un délai de six mois depuis la notification de grief pour préparer sa défense, alors que le dossier d’enquête contient 624 930 fichiers dont une partie n’ a pu être ouverte pour des raisons techniques.

L’Autorité des marchés financiers précise que M. X G a disposé de près de 11 mois pour préparer sa défense et qu’au demeurant, s’il figure dans le dossier d’enquête des éléments recueillis au cours de l’enquête, ils n’ont cependant pas servi de fondement à la poursuite.

En application de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales,

« §1 Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera (') du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle.

[']

§3 Tout accusé a droit notamment à :

1. Etre informé, dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprend et d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui ; 2. Disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ».

Ainsi la notion de procès équitable suppose le respect de l’égalité des armes. Ce principe implique l’obligation d’offrir à chaque partie une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire.

Au soutien de sa demande sur ce point, M. X G fait valoir, en premier lieu, que sa langue maternelle est le chinois et qu’il ne parle que maladroitement l’anglais.

Néanmoins, il reconnaît dans son mémoire avoir fait ses études supérieures d’informatique au Canada et avoir exercé son premier emploi à l’ « Office de Toronto de Swift Trade comme trader » (p 9/45), ville anglophone.

Ces éléments suffisent à établir que M. X G comprenait l’anglais courant ; d’ailleurs les échanges par courriel entre lui et les représentants de Swift Trade qui sont communiqués à la cour, étaient rédigés en anglais.

Dès lors, le fait que la plupart des pièces du dossier d’enquête soient écrites en anglais, n’a pu constituer un obstacle pour la défense de M. X G.

En second lieu, M. X G fait valoir qu’il ne lui a été donné ni le temps suffisant, ni les facilités nécessaires pour étudier le dossier d’enquête très volumineux et les fichiers de données informatiques impliquant l’utilisation de logiciels qui ne lui ont pas été indiqués ainsi que les fichiers se trouvant dans les cotes D1405, D1419, 1420 et 1429 qui sont restés illisibles.

S’agissant des fichiers figurant dans les cotes précitées, l’ AMF explique qu’il s’agissait de fichiers établis par les autorités de contrôle étrangères, hongroise, pour le premier, et américaine, pour les trois autres et que les données concernent soit la plateforme hongroise Quote MTF, qui n’est pas visée dans la notification de griefs, soit des données américaines transmises dans un format crypté et communiquées au requérant dans un format décrypté ou qui n’ont pas servi de fondement à la poursuite.

Concernant les fichiers de données informatiques impliquant l’utilisation de logiciels prétendument non explicités, l’AMF précise qu’à la demande de M. X G, le Secrétaire général de l’AMF lui a adressé le 5 janvier 2015, d’une part, une nouvelle copie des fichiers de la cote 1551 qu’il n’arrivait pas à ouvrir et qui contiennent les documents (reports) décrivant de façon littérale les phases de « layering » identifiées et des tables de données et, d’autre part, lui a donné les noms des logiciels lui permettant d’ouvrir les tables de données source qu’il n’était pas possible de convertir au format Excell compte tenu de leur volume. La cour relève sur ce point que M. X G n’apporte aucunement la démonstration qu’il n’aurait pas pu ouvrir le nouveau fichier ainsi adressé, ni que l’usage des logiciels indiqués par le Secrétaire général ne lui aurait pas permis d’ouvrir les fichiers contestés.

Quant au manque de temps invoqué par M. X G pour prendre connaissance, analyser et expertiser la totalité du dossier d’enquête, il reconnaît qu’entre la date de notification de grief le 19 juillet 2014 et le 2 mars 2015, date à laquelle il a déposé ses observations en réponse, il a bénéficié de deux prorogations de délai, qui se sont ajoutées au délai réglementaire de deux mois, lui permettant de disposer finalement d’un délai de sept mois.

En outre, durant l’instruction, le rapporteur lui a également accordé un délai supplémentaire de deux mois pour prendre connaissance des documents communiqués par le Secrétaire général le 5 janvier 2015.

Enfin, la cour relève qu’un mois après la notification de grief accompagnée du rapport d’enquête, le requérant a fait le choix de s’entourer, selon ses dires, d’une équipe de juristes et non d’informaticiens, pour analyser les fichiers contenant notamment les données recueillies qui n’ont pas été exploitées pour fonder le grief.

Ainsi M. X G a disposé, au total, d’un délai de neuf mois pour préparer sa défense.

De surcroît, entre la date de dépôt de son recours le 15 décembre 2015 et la date d’audience devant la cour d’appel le 15 septembre 2016, M. X G a disposé d’un nouveau délai de huit mois dont il n’a pas usé pour produire les éléments qui auraient permis de remettre en cause les faits à l’origine de la notification de grief. L’argument de M. X G selon lequel ce délai ne saurait s’analyser comme un délai complémentaire dès lors que « l’analyse du dossier comme les arguments de M. X G sont d’ores et déjà gravés dans le marbre de la décision » de la Commission des sanctions étant inopérant au regard des pouvoirs d’annulation et de réformation conférés à la cour d’appel.

Il s’en déduit que M. X G n’est pas fondé à affirmer qu’il n’a pas disposé des moyens suffisants pour préparer sa défense.

Il ne saurait non plus affirmer que le délai n’était pas suffisant au regard du volume du dossier d’enquête alors que le grief qui lui est reproché porte sur une seule technique de manipulation de cours, le « layering », dont l’analyse détaillée est exposée dans le rapport d’enquête et dont les paramètres d’identification, qui sont identiques pour les huit mille cas retenus, sont expliqués minutieusement par les enquêteurs dans leur rapport. A cet égard, le volume du dossier d’enquête s’explique par le fait qu’il comprend les données générées par la réitération de la même technique d’opérer, sur 27 titres différents du même marché, pendant neuf mois, par plusieurs traders étrangers agissant au travers d’une chaîne de mandataires.

Il ne saurait davantage comparer le délai qui lui a été accordé par rapport au délai d’enquête de l’AMF de quatre ans, alors que ce dernier comprend les délais de recherches des informations dont les durées ne relèvent pas de la maîtrise de l’AMF, compte tenu notamment, des nombreuses demandes faites aux autorités de contrôle étrangères.

En définitive, l’ensemble des éléments qui précèdent ne permet pas d’établir que M. X G a été placé, pour préparer sa défense, dans une situation de net désavantage par rapport à l’AMF.

Le moyen tenant à la rupture de l’égalité des armes et à la violation des droits de la défense doit, par conséquent, être rejeté.

Sur l’imputabilité du manquement de manipulation de cours

M. X G ne conteste pas la caractérisation du manquement de manipulation de cours au sens des articles 631-1 et 631-2 du règlement général de l’Autorité des marchés financiers.

Au vu des pièces communiquées à la cour par M. X G et par l’AMF, l’existence d’une manipulation de cours est établie et la décision de la Commission des sanctions sera confirmée sur ce point.

En revanche, M. X G fait valoir que le manquement ne lui est pas personnellement imputable et que la Commission des sanctions ne rapporte pas la preuve qu’il a pris part aux opérations critiquées ou à la mise en 'uvre d’une stratégie manipulatoire.

Il conteste aussi le fait d’avoir été le seul à être poursuivi par l’AMF alors que M. Y I a été poursuivi et sanctionné par les autorités de contrôle étrangères.

Sur ce dernier point, l’AMF rappelle que le Collège de l’AMF dispose du pouvoir de décider l’opportunité des poursuites conduisant à notifier les griefs.

La cour ajoute que la direction des enquêtes et des contrôles avait proposé au Collège de rechercher la responsabilité pénale de M. Y I.

S’agissant de l’imputabilité du manquement à M. X G, l’AMF rappelle qu’il est juridiquement possible d’imputer des manquements à des personnes qui ont participé à leur mise en 'uvre sans avoir matériellement émis les ordres.

En l’espèce, à la lecture des courriels cités dans les observations de l’AMF et communiqués à la cour, il s’avère que :

• M. X G avait été informé par le groupe Swift Trade avant 2009 que la stratégie de layering était interdite sur les marchés européens dont Euronext (courriels n°14,16,18,42) ; • M. X G connaissait la stratégie de layering avant 2009 d’après le plan de trading sur le marché londonien (dénommé LES) qu’il adresse à Swift Trade le 23 janvier 2008 ( courriels n°21,29,36,47) ; • M. X G a été informé le 25 août 2009 que la stratégie de manipulation de cours donnait lieu à une enquête de conformité de la part de deux marchés européens (courriel n°19) ; • Les traders des offices chinois dont M. X G était l’actionnaire à 50% ou 100% et le dirigeant, n’étaient pas des travailleurs indépendants : ils étaient recrutés par un office et dépendaient d’un directeur des ressources humaines (courriel n°23), leur rémunération leur était versée par l’office et même si leur montant était calculé en fonction des gains réalisés sur leurs opérations de trading, ils n’avaient pas la liberté d’en calculer le pourcentage ( courriels n°22, 23) ; M. X G exerçait, y compris en 2009, un pouvoir disciplinaire sur eux consistant en un pouvoir d’admonestation et de révocation ( courriels n°12,13,26,30,31,32). M. X G négociait lui-même auprès de Swift Trade le montant des « buying power » (définis comme la somme d’argent allouée pour exécuter les opérations de trading), y compris en 2009 (courriels n°24, 33,34,35,36) ; Il présentait à Swift Trade, l’élaboration d’une stratégie de trading qu’il demandait à ses équipes d’appliquer (courriels n°27, 29,30,36,46) ; • M. X G participait directement à l’élaboration de stratégie de trading (courriels n° 43,44,45) ; • M. X G intervenait lui-même auprès de Swift Trade pour la réparation d’incidents matériels affectant les ordinateurs de trading, par exemple pour demander la réparation de la touche d’annulation massive des ordres d’achat ou de vente (courriel n°11) ; • M. X G a reconnu « s’être réinstallé en Chine en 2006 » (mémoire page 9/45) ;

Il ressort de ces éléments un faisceau d’indices qui révèle que M. X G intervenait directement dans le processus de recrutement des traders et dans l’exercice du pouvoir disciplinaire à leur égard, dans l’élaboration des stratégies de trading et dans les moyens donnés aux traders pour opérer sur les marchés d’actions et qu’il avait connaissance avant 2009 que le « layering » était illicite sur le marché Euronext.

Il est aussi établi que toutes les opérations de layering ont cessé sur le marché Euronext Paris à partir du 25 novembre 2009, soit le jour-même où M. X G a reçu trois courriels du service de conformité de Swift Trade et de M. Y I lui signalant des opérations « suspectes » portant sur un grand nombre d’ordres suivies d’annulations massives effectuées par deux traders de l’office de Xiamen et lui transmettant « les instructions d’Euronext sur le layering » avec la demande de « travailler dur pour remettre de l’ordre dans son bureau » ( courriels 1,2 et 20).

Ces indices établissent de manière grave, précise et concordante que M. X G définissait la stratégie de trading appliquée par les offices chinois, en contrôlait l’application effective par les traders employés par ces offices et ne pouvait ignorer ni l’existence des opérations litigieuses effectuées sur les 27 titres cotés sur le marché Euronext Paris, entre le 15 février 2009 et le 25 novembre 2009, par lesdits traders, ni le fait que ces opérations reposaient sur une technique ayant pour objet d’entraver l’établissement du prix sur le marché et d’induire autrui en erreur.

L’allocation de « buying power », l’intéressement financier et le contrôle de conformité exercé par les sociétés du groupe Swift Trade à l’égard des traders des offices chinois ne constituent pas des éléments de causalité de nature à exonérer, ne serait-ce que partiellement, M. X G de sa responsabilité dans sa participation à la mise en 'uvre de la stratégie de layering.

C’est donc à juste titre que la Commission des sanctions a décidé que M. X G ayant concouru à la réalisation du manquement de manipulation de cours, il devait se voir imputer ce manquement et les moyens invoqués à ce sujet par M. X G sont rejetés.

Sur la sanction

En application de l’article L.621-15, c), alinéa 2, du code monétaire et financier, le montant de la sanction doit être fixé en fonction de la gravité des manquements commis et en relation avec les avantages ou les profits éventuellement tirés de ces manquements.

M. X G considère que la Commission des sanctions n’a pas été en mesure d’évaluer le bénéfice économique qu’il aurait retiré des opérations litigieuses et que la sanction infligée est disproportionnée au regard du bénéfice auquel il aurait éventuellement pu prétendre qu’il évalue à 50 000 euros au plus.

L’AMF rappelle qu’il ne résulte pas des dispositions légales que la sanction est fixée seulement en fonction du montant net de la plus-value réalisée.

Bien que M. X G reconnaisse que la stratégie de layering a été réitérée plus de huit mille fois entre le 15 février 2009 et le 25 novembre 2009 sur plus d’une vingtaine de titres du marché Euronext Paris, il en minimise cependant sa gravité en considérant qu’elle ne lui a pas procuré des gains aussi importants que ceux évalués par les enquêteurs.

Mais la gravité du comportement d’abus de marché résulte davantage du trouble qu’il engendre sur le ou les marchés que du gain acquis par son auteur.

En l’occurrence, le layering conduit à fausser le processus de formation du prix d’une action en distordant l’offre ou la demande.

Compte tenu de la réitération de ce comportement sur un grand nombre de titres du même marché pendant plusieurs mois consécutifs, ces opérations dénuées de toute réalité économique ont eu pour effet, par leur ampleur, de porter atteinte à la négociation équitable et ordonnée sur le marché Euronext Paris et à la loyauté de son fonctionnement.

Si la gravité est, ainsi qu’il vient d’être précisé, le principal facteur à prendre en compte pour l’évaluation de la sanction, l’existence d’un éventuel profit est néanmoins un élément d’appréciation.

Cependant, la fixation du montant de la sanction n’est pas le résultat d’une opération mathématique dont l’un des facteurs serait le montant exact du gain obtenu par la personne sanctionnée. Il suffit d’établir qu’une plus-value a éventuellement été réalisée, or en l’espèce, M. X G reconnait dans ses conclusions avoir bénéficié d’un profit du fait de la mise en 'uvre de la stratégie de layering.

Dès lors, compte tenu de la particulière gravité du manquement et du profit qui en est découlé, c’est par une juste application du principe de proportionnalité que la Commission des sanctions a prononcé une sanction pécuniaire d’un million d’euros à l’égard de M. X G.

Par ces motifs Rejette le recours formé par M. X G contre la décision rendue par la Commission des sanctions de l’AMF le 8 octobre 2015;

Condamne M. X G aux dépens de l’instance.

LE GREFFIER,

P Q-R

LA PRÉSIDENTE,

D E- AMSELLEM

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