Cour d'appel de Paris, 25 février 2016, n° 15/01390

  • Droit syndical·
  • Accord·
  • Heures de délégation·
  • Dialogue social·
  • Stipulation·
  • Représentation du personnel·
  • Distribution·
  • Employé·
  • Liberté de circulation·
  • Syndicat

Chronologie de l’affaire

Commentaire1

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 
Testez Doctrine gratuitement
pendant 7 jours
Vous avez déjà un compte ?Connexion

Sur la décision

Référence :
CA Paris, 25 févr. 2016, n° 15/01390
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 15/01390
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 15 décembre 2014, N° 13/05204

Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 2

ARRET DU 25 FEVRIER 2016

(n° , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 15/01390

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Décembre 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 13/05204

APPELANTE

FEDERATION DES EMPLOYES ET CADRES CGT FORCE OUVRIERE

prise en la personne de ses représentants légaux

XXX

XXX

Représentée par Me Patricia HARDOUIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056, avocat postulant

Représentée par Me Laurent RIQUELME, avocat au barreau de PARIS, toque : D0295, avocat plaidant

INTIMEES

FEDERATION CGT DES PERSONNELS DU COMMERCE, DE LA

DISTRIBUTION ET DES SERVICES

prise en la personne de ses représentants légaux

XXX

XXX

Représentée par Me Chantal-rodene BODIN CASALIS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148, avocat postulant

Représentée par Me Stéphane KADRI, avocat au barreau de PARIS, toque : B0316, avocat plaidant

SAS GROUPE Y BARRIERE

prise en la personne de ses représentants légaux

XXX

XXX

Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151, avocat postulant

Représentée par Me Raphaël BORDIER, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : NAN701, avocat plaidant

FÉDÉRATION DES SERVICES CFDT

prise en la personne de ses représentants légaux

XXX

XXX

Représentée par Me Jean-jacques FANET, avocat au barreau de PARIS, toque : D0675, avocat postulant

Représentée par Me Daniel SAADAT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0392, avocat plaidant

SYNDICAT CGT DES CASINOS JEUX

pris en la personne de ses représentants légaux

XXX

Bourse du Travail

XXX

défaillant

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 14 janvier 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Catherine METADIEU, Président

Madame Martine CANTAT, Conseiller

Monsieur Christophe ESTEVE, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats

ARRET :

— réputé contradictoire

— rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement

avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Catherine METADIEU, Président et par Madame FOULON, Greffier.

**********

Statuant sur l’appel interjeté par la fédération des employés et cadres Cgt Force Ouvrière à l’encontre d’un jugement rendu le 16 décembre 2014 par le tribunal de grande instance de Paris qui a :

— reçu en la forme l’intervention volontaire de la fédération Cgt des personnels du commerce, de la distribution et des services

— débouté de la fédération Cgt du commerce, de la distribution et des services

— annulé les stipulations de l’article 3.6.2 de l’accord de groupe du 15 mai 2012 relatives au crédit d’heures de délégation au niveau des entreprises en ce qu’elles prévoient que les heures de délégation sont récupérées au plus tard dans les trois mois qui suivent leur acquisition

— débouté la fédération des employés et cadres Cgt Force Ouvrière du surplus de ses demandes

— débouté les autres parties de leurs demandes

— dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile

— condamné la fédération Cgt du commerce, de la distribution et des services et la fédération des employés et cadres Cgt Force Ouvrière aux dépens ;

Vu les conclusions en date du 28 juillet 2015 de la fédération des employés et cadres Cgt Force Ouvrière qui demande à la cour de :

— confirmer le jugement en ce qu’il a annulé les stipulations de l’article 3.6.2 de l’accord de groupe du 15 mai 2012 relatives au crédit d’heures de délégation au niveau des entreprises en ce qu’elles prévoient que les heures de délégation sont récupérées au plus tard dans les trois mois qui suivent leur acquisition

— l’infirmer pour le surplus

— prendre acte de l’appel incident interjeté par la fédération Cgt des personnels du commerce, de la distribution et des services

— débouter la Sas Groupe Y Z de l’intégralité de ses demandes

— débouter la fédération Cfdt de l’intégralité de ses demandes

En conséquence

— juger recevables et bien fondées ses demandes

— juger que les stipulations de l’article 3.1.1 alinéas 3 et 5 de l’accord relatif «au dialogue social, au droit syndical et à la représentation du personnel au sein du Groupe Y Z» du 15 mai 2012, sur la liberté de circulation et l’obligation de se faire accompagner, entravent l’exercice du droit syndical et la liberté de circulation des représentants du personnel

— déclarer ces stipulations illicites et prononcer leur annulation

— juger que les stipulations de l’article 3.1.2 alinéa 2 de l’accord relatif «au dialogue social, au droit syndical et à la représentation du personnel au sein du Groupe Y Z » du 15 mai 2012 sur la liberté de circulation et l’obligation d’information préalable, entravent l’exercice du droit syndical et la liberté de circulation des représentants du personnel

— déclarer ces stipulations illicites et prononcer leur annulation

— juger que les stipulations de l’article 5 de l’accord relatif «au dialogue social, au droit syndical et à la représentation du personnel au sein du Groupe Y Z » du 15 mai 2012 sur la prévention des conflits sociaux entravent l’exercice du droit syndical et le droit de grève

— déclarer ces stipulations illicites et prononcer leur annulation

— juger que les stipulations de l’article 3.6.2 alinéa 2 de l’accord relatif «au dialogue social, au droit syndical et à la représentation du personnel au sein du Groupe Y Z » du 15 mai 2012 sur la récupération des heures de délégation effectuées en dehors du temps de travail et ne permettent pas le paiement des heures de délégation de manière équitable et dans le respect des dispositions conventionnelles

— déclarer ces stipulations illicites et prononcer leur annulation

— juger que les stipulations de l’article 6 alinéa 2 de l’accord relatif «au dialogue social, au droit syndical et à la représentation du personnel au sein du Groupe Y Z » du 15 mai 2012

sont contraires aux articles L.2261-9 et suivants du code du travail relatifs à la dénonciation des accords collectifs

— déclarer ces stipulations illicites et prononcer leur annulation

— condamner la Sas Groupe Y Z au paiement de la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile

— condamner la fédération Cfdt au paiement de la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions en date du 8 juin 2016 de la fédération Cgt du commerce, de la distribution et des services qui demande à la cour de :

— la dire recevable et bien fondé en son appel

— juger que le silence observé pendant près de 15 mois par la Sas Groupe Y Z quant à la démission de son mandat de M. X et de sa nouvelle désignation par un syndicat Cgt des Casinos-jeux constitue un acte déloyal et frauduleux

— juger que le syndicat Cgt des Casinos-jeux non seulement n’a jamais été adhérent des organisations de la Cgt et ne réunissait aucune des conditions statutaires lui permettant de se revendiquer comme organisation affiliée et/ou adhérente de la Cgt

— juger qu’au regard de l’article L.2121-1 du code du travail, le syndicat Cgt des Casinos-jeux ne pouvait prétendre à une quelconque représentativité puisqu’il ne disposait pas d’une ancienneté minimale de deux ans

— constater par ailleurs que le syndicat Cgt des Casinos-jeux ne s’est présenté à aucune élection professionnelle au sein des sociétés composant le groupe Y Z et ne pouvait donc revendiquer une quelconque représentativité en terme d’audience

En conséquence,

— juger nul et de nul effet la signature de l’accord du 15 mai 2012 par le syndicat Cgt des Casinos-jeux et juger non valide l’accord du 15 mai 2012 au motif que l’organisation syndicale Cfdt ne disposait pas au jour de la signature d’une audience au moins égale à 30%

En conséquence,

— juger nul et de nul effet l’accord du 15 mai 2012 relatif au dialogue social, au droit syndical et à la représentation du personnel au sein du groupe Y Z et infirmer sa totalité la décision entreprise

Subsidiairement

— jugées bien fondées les demandes de la fédération des employés et cadres Cgt Force Ouvrière quant au caractère illicite des dispositions des articles L.3.1.1 alinéa 3, 3.1.2, 5, 3.6.2 et l’article 6 alinéa 2 de l’accord du 15 mai 2012

— condamner la Sas Groupe Y Z et la fédération Cfdt à payer chacun la somme de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Vu les conclusions en date du 27 juillet 2015 de la Sas Groupe Y Z qui demande à la cour de :

— infirmer le jugement déféré en ce qu’il a annulé les dispositions de l’article 3.6.2 relatives au délai de récupération des heures de délégation prises en dehors du temps de travail

— le confirmer pour le surplus

— condamner la fédération des employés et cadres Cgt Force Ouvrière et la fédération Cgt du commerce, de la distribution et des services de l’ensemble de leurs demandes

— condamner solidairement la fédération Cgt du commerce, de la distribution et des services et la fédération des employés et cadres Cgt Force Ouvrière au paiement de la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions en date du 15 juin 2015 de la fédération Cfdt qui demande à la cour de:

— juger la fédération des employés et cadres Cgt Force Ouvrière irrecevable et mal fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions

— juger la fédération Cgt du commerce, de la distribution et des services mal fondée en ses demandes, fins et conclusions

En conséquence,

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté les fédérations demanderesses

En revanche,

— infirmer le jugement en ce qu’il a annulé les stipulations de l’article 3.6.2 de l’accord de groupe du 15 mai 2012 relatives au crédit d’heures de délégation au niveau des entreprises en ce qu’elles prévoient que les heures de délégation sont récupérées au plus tard dans les trois mois qui suivent leur acquisition

En conséquence,

— juger que ces stipulations sont licites et qu’elles doivent recevoir application

— condamner la fédération des employés et cadres Cgt Force Ouvrière à lui verser la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

La Sas Groupe Y Z, société dominante du groupe casinotier et d’hôtellerie de luxe Y Z, est constituée de plus de soixante sociétés et exploite en France 41 casinos et 17 hôtels.

Le 15 janvier 2008, la Sas Groupe Y Z a signé avec les organisations syndicales Cgt, Cftc, Cfdt, Cfe-Cgc, et la fédération des employés et cadres Cgt Force Ouvrière deux accords:

— l’un sur la constitution et le fonctionnement du comité de groupe «Groupe Y Z»,

— l’autre instituant des délégués syndicaux de groupe mettant en place une instance de négociation au niveau du groupe en vue de la négociation et de la signature d’accords applicables directement à l’ensemble des sociétés composant le Sas Groupe Y Z ou des accords cadre ayant vocation à être repris sous la forme d’accords d’entreprise par l’ensemble des sociétés qui composent le groupe, ce dernier accord permettant à chaque organisation syndicale représentative au niveau du groupe de désigner un délégué syndical-Dsg, lequel dispose pour l’exercice de ses fonctions, de moyens en termes d’heures de délégation et de budget.

Un accord collectif de groupe a été conclu le 15 mai 2012 entre la Sas Groupe Y Z, la fédération Cgt du commerce, de la distribution et des services, et le syndicat Cgt des Casinos -jeux relatif «au dialogue social, au droit syndical et à la représentation du personnel au sein du Groupe Y Z».

Cet accord applicable depuis le 1er juin 2012 a notamment pour objet d’une part de favoriser le dialogue social au niveau du groupe en dotant les organisations syndicales de nouveaux moyens et, d’autre part, d’assurer une certaine homogénéité au sein du groupe quant à l’exercice du droit syndical et aux prérogatives des représentants du personnel.

Estimant que cet accord comporte des stipulations moins favorables que les dispositions du code du travail et celles de la convention collective nationale des casinos applicable au sein du groupe, la fédération des employés et cadres Cgt Force Ouvrière a saisi le tribunal de grande instance de Paris par assignations délivrées les 21 et 22 mars 2015 à la Sas Groupe Y Z, à la fédération Cgt des personnels du commerce, de la distribution et des services, et au syndicat Cgt des casinos jeux aux fins d’annulation de certaines stipulations de l’accord signé le 15 mai 2012 comme illicites, à savoir :

— l’article 3.1.1 alinéas 3 et 5 sur la liberté de circulation et l’obligation de se faire accompagner,

— l’article 3.1.2 alinéa 2 sur la liberté de circulation et l’obligation d’information préalable,

— l’article 5 portant sur la prévention des conflits sociaux, entravant l’exercice du droit syndical et le droit de grève,

— l’article 3.6.2 alinéa 2 de l’accord relatif portant sur la récupération des heures de délégation effectuées en dehors du temps de travail,

— l’article 6 alinéa 2.

MOTIVATION

Sur les demandes de la fédération Cgt des personnels du commerce, de la distribution et des services :

L’accord du 15 mai 2015 a été signé par M. X au nom du syndicat Cgt des Casinos-jeux.

La fédération Cgt des personnels du commerce, de la distribution et des services expose que le syndicat Cgt des Casinos-jeux n’appartient pas aux organisations de la Cgt, que ce n’est qu’avec l’assentiment de la Sas Groupe Y Z dont elle invoque la déloyauté, qu’il a pu procéder à la désignation de M. A X en qualité de délégué syndical du groupe le jour même où celui-ci démissionnait du mandat que la fédération lui avait conféré le 15 janvier 2008, que ce syndicat n’est pas représentatif et que par conséquent sa signature n’est pas valable et ne peut être validée.

La Sas Groupe Y Z dernière conteste toute déloyauté et fait valoir que tout, à l’époque, permettait de considérer que la fédération et le syndicat des Casinos-jeux agissaient conjointement au niveau de la branche sous une étiquette syndicale unique.

La Sas Groupe Y Z verse aux débats le statut du syndicat Cgt des Casinos-jeux en date du 10 novembre 2010 mentionnant qu’un exemplaire a été adressé à la fédération Cgt du commerce, de la distribution et des services ainsi que plusieurs documents établissant que le représentant de la fédération et du syndicat siégeaient l’un et l’autre au niveau de la branche Casinos (commissions paritaires mixtes de 2010 à 2012), sans qu’apparaisse un désaccord entre eux.

Aucune des pièces versées ne permet de caractériser une quelconque déloyauté de la part de la Sas Groupe Y Z, à laquelle, ainsi que le souligne le tribunal, il n’appartenait pas d’informer la fédération Cgt du commerce, de la distribution et des services aussi bien de la démission de M. X du mandat donnée par cette dernière que de sa désignation concomitante par le syndicat des Casinos-jeux.

En effet le Groupe Y Z pouvait légitimement, au vu des statuts du syndicat des Casions-jeux et du fait qu’à aucun moment la désignation en tant que délégué syndical du groupe-Dsg de M. X n’a été remise en cause, considérer que ce dernier était habilité à signer l’accord litigieux en qualité de représentant de la Cgt au niveau du groupe.

Il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la fédération Cgt du commerce, de la distribution et des services de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de l’accord du 15 mai 2012.

Sur la liberté de circulation :

L’accord prévoit en ses articles 3 – Moyens du dialogue social, 3.1 – Libre circulation, 3.1.1 -Règles communes à tous les salariés bénéficiant d’un droit à la libre circulation, que'… tenant compte des restrictions d’accès dans certains lieux de travail (ex: locaux de vidéo-surveillance, coffres…) Les parties conviennent de l’obligation pour les salariés élus, mandatés ou nommés d’être accompagnés par une ou des personnes habilitées appartenant au comité de direction de l’entreprise pour circuler dans ces endroits…'.

C’est par de justes motifs que la cour adopte que le tribunal, après avoir rappelé que le principe de libre circulation dans l’entreprise des représentants du personnel pour l’exercice de leurs fonctions n’interdit pas à l’employeur, responsable de la sécurité et de la bonne marche de l’entreprise, de soumettre cet exercice à certaines modalités, sous réserve qu’elles ne limitent pas l’exercice du droit syndical et n’entravent pas les fonctions de ces représentants, a jugé que le fait pour l’employeur, dans le but d’assurer la sécurité des personnes et des biens, d’imposer un accompagnement dans certains lieux strictement définis, à savoir les locaux des coffres, les caisses, les salles des comptées et les locaux de vidéo-surveillance, lieux à accès réglementés et réservés, à un petit nombre de salariés ne constituait pas une atteinte au principe de libre circulation des Dsg.

Par ailleurs, l’obligation faite aux Dsg, lorsqu’ils se déplacent dans un établissement différent de celui auquel ils sont rattachés, de signaler leur présence, de justifier de leur qualité, et de prévenir de leur visite 48 heures à l’avance, ne constitue pas plus une restriction à l’exercice de leur mandat dès lors que les alinéas 2 et 3 de l’article 3.1.2 de l’accord ne posent, comme les premiers juges le relèvent avec pertinence :

— qu’une simple obligation d’information 'au plus tard au moment de leur arrivée',

— qu’une incitation, ainsi que cela résulte du verbe 's’efforcer', à prévenir de leur visite 48 h à l’avance, sauf en cas de situation d’urgence.

Le jugement est confirmé en ce qu’il a débouté la fédération des employés et cadres Cgt Force Ouvrière de sa demande tendant à voir déclarer illicites les stipulations de l’article 3.1.1 alinéas 3 et 5 et 3.1.2 alinéas 2 et 3.

Sur l’atteinte au droit de grève :

L’article 5 de l’accord prévoit : 'Une négociation entre la Direction et les partenaires sociaux doit impérativement être ouverte en cas de conflit social avec cessation collective de travail, entraînant l’organisation d’autant de réunions que nécessaire'.

La fédération des employés et cadres Cgt Force Ouvrière fait valoir que le fait de subordonner à une négociation préalable tout déclenchement d’une grève par un syndicat est illicite, au motif qu’aucune convention collective ne peut avoir pour effet de limiter ou réglementer pour les salariés l’exercice du droit de grève, constitutionnellement reconnu et que seule une loi peut créer un délai de préavis.

Il convient de relever que s’il est prévu au titre deuxième du code du travail une procédure de règlement des conflits collectifs, cette procédure n’a pas un caractère impératif s’agissant seulement d’une possibilité offerte aux salariés et employeurs, lorsque les conventions ou accords collectifs le prévoient, ou lorsque les intéressés en prennent l’initiative, de soumettre tous les conflits collectifs de travail à une procédure de conciliation, voire de médiation.

Or, alors qu’aucune disposition législative ou réglementaire n’impose une procédure de négociation avant le déclenchement d’une grève, l’article 5 intitulé «prévention des risques sociaux» revêt, ainsi que cela résulte de l’utilisation du verbe 'devoir’ et de l’adverbe 'impérativement', un caractère obligatoire, instaurant ainsi un préalable de négociation équivalent à un délai de préavis, dont de surcroît la durée n’est ni déterminée ni déterminable. Il est en effet indiqué que doivent être organisées 'autant de réunions que nécessaire'.

Par ailleurs, la Sas Groupe Y Z soutient vainement qu’elle est en droit d’imposer un préavis, aucun élément permettant de constater qu’elle s’est vu confier, dans le cadre notamment de son activité d’exploitant de casinos et de manière générale, une délégation de service public. Il est à cet égard indifférent qu’à titre exceptionnel, certains exploitants de casinos puissent bénéficier d’une telle délégation dès lors que c’est un cahier des charges qui définit et fixe alors à l’exploitant du casino les obligations ne relevant pas de son champ d’activité comme ayant trait par exemple à l’animation culturelle ou touristique.

Il y a donc lieu, infirmant le jugement entrepris sur ce point, de déclarer illicite l’article 5 de l’accord du 15 mai 2012 relatif «au dialogue social, au droit syndical et à la représentation du personnel au sein du Groupe Y Z» comme portant atteinte au droit de grève et de l’annuler.

Sur les heures de délégation :

C’est par de justes motifs adoptés par la cour que le tribunal de grande instance a jugé que l’article 3.6.2 de l’accord en ce qu’il prévoit un délai de trois mois pour la récupération des heures de délégation, alors que la convention collective nationale des casinos prévoit en son article 33-5 un délai de six mois, est nécessairement moins favorable aux salariés concernés et contraire aux dispositions de l’article L.2232-35 du code du travail.

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu’il a dit que ces stipulations devaient par conséquent être annulées.

Il en sera de même en ce qui concerne les limites de la rémunération des heures de délégation opérant une distinction entre délégués syndicaux/représentants syndicaux au CE (70% maximum) et les salariés élus/autres nommés ou mandatés (30%), le calcul se faisant mensuellement.

La seule différence ainsi instituée ne laisse pas supposer l’existence d’une inégalité dès lors que ces différents salariés ne sont pas placés dans une situation identique eu égard à la spécificité de chacun des mandats tant en ce qui concerne son objet que sa nature, le tribunal relevant de plus avec justesse que les délégués syndicaux et les représentants syndicaux bénéficient d’un contingent supérieur d’heures de délégation.

Sur les dispositions finales de l’accord :

L’article 6 est ainsi rédigé : 'Le présent accord s’appliquera au 1er jour du mois qui suit son dépôt auprès de la Direccte.

Il annule et remplace toute disposition contenue dans un accord préexistant, engagement unilatéral et/ou usage contraire applicable dans les entreprises entrant dans son champ d’application tel que défini à l’article 1 sans qu’il soit nécessaire de les dénoncer…'.

La fédération des employés et cadres Cgt Force Ouvrière estime que cet article est illicite comme étant contraire aux dispositions des articles L.2261-9 et suivants du code du travail, prévoyant une procédure spécifique de dénonciation, impliquant le respect de délais précis et l’ouverture d’une nouvelle négociation.

La Sas Groupe Y Z fait valoir que s’agissant de deux accords de même niveau, et dès lors qu’ils emportent les mêmes effets, un accord de groupe peut valablement revenir sur un accord collectif ayant le même objet conclu dans une entreprise entrant dans son périmètre et invoque le fait, à l’instar de la Cfdt, qu’un accord collectif qui a le même objet qu’un usage a pour effet de le remettre en cause.

Si effectivement, un accord collectif qui a le même objet qu’un usage ou un engagement unilatéral peut mettre fin à ceux-ci sans qu’il soit besoin de procéder à sa dénonciation, en revanche, il ne peut mettre en échec les dispositions invoquées de l’article L.2261- 9 du code du travail en prévoyant, ce que la fédération des employés et cadres Cgt Force Ouvrière dénonce, une substitution automatique d’un accord d’entreprise par un accord de groupe, seul type d’accord au demeurant ne pouvant comporter de dispositions dérogatoires.

Cette dernière fait observer à juste titre, qu’en vertu de l’article L.2261-7 du code du travail seules les organisations syndicales de salariés représentatives, signataires d’une convention ou d’un accord ou qui y ont adhéré, sont habilitées à signer les avenants portant révision, et que par conséquent le principe de substitution automatique a de plus pour effet de rendre inopérantes les règles relatives à la représentativité syndicale, une organisation syndicale non présente et non signataire d’un accord d’entreprise pouvant ainsi le remette en cause par la signature d’un accord de groupe.

Il convient donc, infirmant le jugement déféré sur ce point, de déclarer illicite l’alinéa 2 de l’article 6 de l’accord du 15 mai 2012.

Sur l’article de l’article 700 du code de procédure civile :

L’équité commande qu’il soit fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et de condamner la seule Sas Groupe Y Z à verser à la fédération des employés et cadres Cgt Force Ouvrière la somme de 2 000 € à ce titre.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré en ce qu’il a débouté la fédération Cgt du commerce, de la distribution et des services de l’ensemble de ses demandes, et en ce qu’il a débouté la fédération des employés et cadres Cgt Force Ouvrière de ses demandes en annulation des articles 3.1.1, 3.1.2 alinéa 2, 3.6.2 de l’article 5 de l’accord du 15 mai 2012 relatif «au dialogue social, au droit syndical et à la représentation du personnel au sein du Groupe Y Z»

L’infirme pour le surplus

Statuant à nouveau

Annule les stipulations de l’article 5 de l’accord du 15 mai 2012 relatif «au dialogue social, au droit syndical et à la représentation du personnel au sein du Groupe Y Z» comme portant atteinte au droit de grève

Annule les stipulations de l’article 6 alinéa 2 de l’article 6 de l’accord du 15 mai 2012 relatif «au dialogue social, au droit syndical et à la représentation du personnel au sein du Groupe Y Z» comme étant contraires aux articles L.2261-9 et suivants du code du travail

Ajoutant au jugement

Condamne la Sas Groupe Y Z à verser à la fédération des employés et cadres Cgt Force Ouvrière la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Condamne la Sas Groupe Y Z aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Paris, 25 février 2016, n° 15/01390