Cour d'appel de Paris, 17 janvier 2017, n° 15/00309, FEMEN

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Chronologie de l’affaire

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Roseline Letteron · Liberté, Libertés chéries · 23 janvier 2018

L'arrêt rendu le 10 janvier 2018 par la Chambre criminelle de la Cour de cassation précise la définition du délit d'exhibition sexuelle. L'article 222-22 du code pénal le réprime en effet, sans réellement le définir : "L'exhibition sexuelle imposée à la vue d'autrui dans un lieu accessible aux regards du public est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende". C'est donc au juge qu'il appartient de préciser les contours de cette infraction. Dans la présente affaire, Mme Z. Y. s'est présentée au musée Grévin, dans la salle rassemblant les statues de cire de plusieurs …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 17 janv. 2017, n° 15/00309
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 15/00309
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 14 octobre 2014, N° P14156000960

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Ch. 11
Prononcé publiquement le jeudi 12 Janvier 2017 par le Pôle 4 – Ch. 11 des appels correctionnels,
Sur appel d’un jugement du tribunal de grande instance de Paris -28e chambre – du 15 : octobre 2014, (P14156000960).
PARTES EN CAUSE :
Prévenue K T Alexsandrovna
Née le 28 février 1988 à MAKIIVKA (UKRAINE) Fille de K Alexandre et de L V
De nationalité ukrainienne
Sans profession, célibataire
Demeurant CASP-70 Rue du Chemin Vert – 75011 PARIS 11EME, ayant élu domicile chez Me DOSE, demeurant 25 rue du Louvre – 75010 PARIS
Libre
Prévenue, appelante
Comparante assistée de Maître DOSE Marie-Laure, avocat au barreau de PARIS, vestiaire D0802
Ministère public appelant incident
Partie civile
LE MUSEE GREVIN SAS ayant son siège 10, Boulevard Montmartre Partie civile, non appelante représentée par Maître NEIDHART Elisabeth, avocat au barreau de PARIS, vestiaire E112
Composition de la cour lors des débats et du délibéré :
président : Cécile GARNIER, conseillers : Thierry MONTFORT Chantal GUICHARD,
Greffier Véronique RAYON aux débats et au prononcé,
Ministère public représenté aux débats Denys MILLET, avocat général, et au prononcé de l’arrêt par Pascal FOURRE, avocat général,
LA PROCEDURE :
La saisine du tribunal et la prévention
Une convocation à l’audience du 17 septembre 2014 a été notifié à K T Alexsandrovna le 05 juin 2014 par un agent ou un officier de police judiciaire sur instruction du Procureur de la République de Paris et avis lui a été donné de son droit de se faire assister d’un avocat. Conformément à l’article 390-1 du code de procédure pénale, cette convocation vaut citation à personne ; -
K T Alexsandrovna a été poursuivi devant le tribunal de grande instance de Paris pour :
avoir à Paris, le 5 juin 2014, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, volontairement dégradé un bien, en l’espèce la statue de cire de Vladimir POUTINE, appartenant au musée Grévin, faits prévus par ART.322-1 AL.1 CPENAL, et réprimés par ART.322-1 AL.l, . ART.322-15 1,2,3,5,6° C.PENAL.
avoir à Paris, le 5 juin 2014, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, imposé à la vue des clients et de la sécurité du musée Grévin une exhibition sexuelle, en l’espèce avoir exhibé à nue ses seins, dans un lieu accessible au regard du public, en l’espèce au musée Grévin, faits prévus par ART.222-32 C.PENAL, et réprimés par ART222-32, ART 222-44, ART.222-45, ART.222-48-1 ALl C.PENAL.
Le jugement
Le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS – 28EME CHAMBRE – par jugement contradictoire, en date du 15 octobre 2014,
Sur l’action publique : déclaré K T Alexsandrovna coupable des faits qui lui sont reprochés, et, en application des articles susvisés, l’a condamné à une peine de 1500 euros d’amende.
sur l’action civile :
condamné K T à payer au Musée Grévin, partie civile, les sommes de de 1000 euros en réparation du préjudice moral, 3004 euros en réparation du préjudice matériel et 500 euros au titre de l’article 475-1 CPP.
rejeté le surplus des demandes.
Les appels
Appel a été interjeté par :
Maître DOSE Marie conseil de Mademoiselle K T, le 15 octobre 2014 contre MUSEE GREVIN, son appel portantant sur les dispositions pénales que civiles : M. le procureur de la République, le 15 octobre 2014 contre Mademoiselle K T
DÉROULEMENT DES DÉBATS :
À l’audience publique du 27 octobre 2016, le président a constaté l’identité de la prévenue assistée de son conseil.
Puis la cour a renvoyé la cause à l’audience du 17 novembre 2016 à 09h00.
À l’audience publique du 17 novembre 2016, le président a constaté l’identité de la prévenue assistée de son conseil.
La prévenue ne parlant pas suffisamment la langue française, le président a désigné d’office comme interprète Madame BEREZA Oleuya, et lui a fait prêter serment « d’apporter son concours à la justice en son honneur et sa conscience ». Cet interprète a apporté son concours chaque fois que cela a été nécessaire.
Le président a informé la prévenue de son droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire.
Maître DOSE Marie-Laure, avocat de la prévenue a déposé des conclusions, lesquelles ont été visées par le président et le greffier, jointes au dossier.
Maître NEIDHART Elisabeth avocat de la partie civile a déposé des conclusions, lesquelles ont été visées par le président et le greffier, jointes au dossier.
Ont été entendus :
L’appelante a sommairement indiqué les motifs de son appel,
Cécile GARNIER a été entendue en son rapport. La prévenue T K a été interrogée et entendue en ses moyens de défense,
Maître NEIDHART avocat de la partie civile en sa plaidoirie
Le ministère public en ses réquisitions
Maître DOSE avocat de la prévenue T K en sa plaidoirie
La prévenue T K qui a eu la parole en dernier
Puis la cour a mis l’affaire en délibéré et le président a déclaré que l’arrêt serait rendu à l’audience publique du 12 janvier 2017
Et ce jour, le 12 janvier 2017, en application des articles 485, 486 et 512 du code de . procédure pénale, et en présence du ministère public et du greffier, Cécile GARNIER, président ayant assisté aux débats et au délibéré, a donné lecture de l’arrêt.
DÉCISION :
Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,
En la forme
Les appels de la prévenue et du procureur de la République, interjetés dans les forme et délai de la loi, sont recevables.
Sur le fond
Les faits et circonstances de la cause ayant été exactement et complètement rapportés par les premiers juges, la Cour s’y réfère expressément.
Sur l’action publique
T K revendiquait le caractère politique de son action, expliquant appartenir au groupe “Femen’ et avoir préparé son acte depuis un an compte tenu de la venue du chef de l’Etat russe en France. Elle précisait que son action dirigée contre la statue de Vladimir Poutine en ayant la poitrine dévêtue portant le slogan était un acte de protestation.
* Sur le délit de dégradations volontaires graves de biens appartenant à autrui: Le conseil de T K déposait un mémoire faisant valoir le fait justificatif au regard du droit de la liberté d’expression ainsi que l’état de nécessité et demandait la relaxe.
T K renversait à deux reprises la statue du musée ce qui entraînait le décrochement et le bris de la tête en plusieurs morceaux puis elle enfonçait un pieu dans le tronc de la statue à plusieurs reprises occasionnant des trous,
Les dégâts réalisés délibérément par T K étaient importants puisqu’ils nécessitaient des travaux de restauration pour un montant d’environ 3000 euros.

En conséquence, le délit de dégradations graves d’un bien appartenant à autrui est constitué,
Les articles 10 et 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen proclament la liberté d’expression et celle d’opinion, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi.
Les dégradations de la statue dans un musée constituent une atteinte à la loi française définie et réprimée aux articles 322-1 et 322-15 du Code pénal.
T K ne faisait pas face au moment de la commission de l’infraction à un danger actuel ou imminent. Les moyens employés par la prévenue sont en outre disproportionnés au regard * des intérêts de la libre discussion de questions d’intérêt général” qu’elle entendait faire valoir. La critique de nature politique qu’elle soutenait, ne nécessitait pas d’accomplir en France des dégradations de bien dans un musée. Compte tenu de ces éléments, les conditions de l’état de nécessité ne sont pas réunies. La sanction pénale d’un comportement qui ne présente aucun caractère satirique mais qui consiste en une dégradation d’un bien appartenant à autrui pour exprimer une protestation à l’encontre d’un président d’un pays étranger, n’est pas disproportionnée.
Il convient de confirmer le jugement sur la culpabilité de T K de ce chef d’infraction.
* Sur le délit d’exhibition sexuelle:
Le conseil de la prévenue conclut à la relaxe de celle-ci arguant que T K s’est servie de sa poitrine pour porter un message politique et non dans un but à caractère sexuel et que l’élément moral de l’infraction n’est pas constitué.
Le délit d’exhibition sexuelle suppose pour être constitué que le corps ou la partie du corps soit volontairement exposé à la vue d’autrui et paraisse dénudé. L’acte ou le comportement incriminé doit être de nature sexuelle.

L’agent d’accueil Aurélien Aliotti déclarait avoir entendu à plusieurs fois un cri disant *fuck dictator" ou ‘fuck Vladimir Poutine". Il ajoutait que la femme avait sa veste ouverte, étant nue dessous avec des inscription de couleur rouge sur le ventre, qu’après avoir commis les dégradations sur la statue, elle s’était relevée en laissant le pieu dans la statue, qu’elle était venue vers lui en fermant sa veste et qu’il avait bien compris qu’elle voulait faire passer un message politique.
T K déclarait protester contre Vladimir Poutine depuis des années et avoir décidé cette action en raison du déplacement du chef d’Etat russe en France en inscrivant sur sa poitrine “kill Putine” et qu’elle avait avisée la presse. Des photographies étaient mises en ligne par la presse. L’une utilisée par le site des actualités de RTL était jointe au dossier sur laquelle T K apparaissait tenant le pieu dirigé vers la statue qu’elle soutenait, le haut du corps dénudé portant des inscriptions au niveau de la poitrine. Les pièces produites par la partie civile montraient que les faits avaient été repris dans toute la presse. La photographie et l’écrit de la rédaction confirmaient les déclarations de la prévenue sur l’absence de mise en scène sexuelle mais bien sur son intention de porter un message politique.
L’exposition d’un torse nu de femme à la vue d’autrui en dehors de tout élément intentionnel de nature sexuelle, ne peut dans les circonstances dans lesquelles cette exposition s’est déroulée le 5 juin 2014, recouvrir la qualification d’exhibition sexuelle, s’agissant de l’utilisation par la prévenue de sa poitrine dénudée portant un message écrit à des fins de manifestation d’une expression en dehors de toute connotation sexuelle. En conséquence, il y a lieu de la renvoyer des fins de la poursuite du chef d’exhibition sexuelle.
T K est célibataire, sans enfant à charge, bénéficiaire du statut de réfugiée politique. Elle est militante active du mouvement Femen. Elle est sans emploi et touche le revenu de Solidarité active. Son casier judiciaire ne mentionne aucune condamnation. Compte tenu de l’absence de condamnation antérieure, de sa personnalité, il convient de la condamner à une amende de 600 euros.
Sur l’action civile
Par conclusions déposées et soutenues à l’audience, la partie civile demande la confirmation du jugement en ce qu’il a condamné T K à réparer le préjudice du musée Grévin et la condamnation à lui verser à titre de préjudice financier du fait de la dégradation de la statue de cire de Vladimir Poutine la somme de 3,004euros, au titre du renforcement de la sécurité la somme de 8,296,27 euros, au titre du préjudice moral et de l’image, la somme de 10.000euros ainsi qu’un montant de 3.000euros sur le fondement de l’article 475-1 du code de procédure pénale.
Le tribunal a rejeté la demande formée au préjudice des frais afférents au renforcement : de la sécurité du musée après les faits en l’absence de cause directe. Il convient de rappeler que la partie civile n’est pas appelante. Elle ne justifie pas d’une aggravation de son préjudice depuis le prononcé du jugement et il n’y a pas lieu d’évoquer et d’accorder la réparation d’un préjudice pour lequel elle a été déboutée.
Le montant alloué à la partie civile pour le préjudice matériel est justifié au regard de la facture produite pour la réparation de la statue endommagée. La partie civile produit des éléments et notamment le fort retentissement dans la presse de la commission des faits par T K et de l’atteinte à l’image du musée en résultant. Le premier : juge a fait une juste appréciation de ce préjudice qu’il convient de confirmer.
Le montant alloué au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale doit être confirmé et il serait inéquitable de laisser à la charge de la partie civile les frais afférents à la procédure d’appel. Il y a lieu d’ajouter un montant de 500 euros sur le fondement de l’article 475-1 du code de procédure pénale.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement à l’encontre de T K et de la partie civile, Déclare les appels de la prévenue et du ministère publics recevables,
- Sur l’action publique
Confirme le jugement entrepris sur la culpabilité de T K pour l’infraction de dégradations de biens appartenant à autrui,
Infirme le jugement pour le surplus des dispositions pénales,
Renvoie T K des fins de la poursuite du chef d’exhibition sexuelle, et l’en relaxe,
Condamne T K à une amende de 600 euros
Et aussitôt, le président, suite à cette condamnation, a, conformément aux dispositions de l’article 707-3 du Code de procédure pénale, avisé la condamnée que :
- si elle s’acquitte du montant de l’amende dans un délai d’un mois à compter de ce jour, ce montant est diminué de 20 % sans que cette diminution puisse excéder 1.500 euros, – le paiement de l’amende ne fait pas obstacle à l’exercice des voies de recours.
- Sur l’action civile,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions civiles,
Y ajoutant,
Condamne T K à payer à la partie civile la somme de 500 euros en application de l’article 475-1 du code de procédure pénale,
LE PRÉSIDENT
LE GREFFIER
La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d’un montant de 169 euros dont est redevable la condamnée. Ce montant est diminué de 20% en cas de paiement dans le délai d’un mois : – à compter du jour du prononcé de la décision si celle-ci est contradictoire, – à compter de la signification si l’arrêt est contradictoire à signifier ou par défaut.

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