Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 1, 18 décembre 2018, n° 16/24924

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Chronologie de l’affaire

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Denis Bensaude · Gazette du Palais · 19 mars 2019
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 1 - ch. 1, 18 déc. 2018, n° 16/24924
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 16/24924
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 1

ARRET DU 18 DECEMBRE 2018

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 16/24924 – N° Portalis 35L7-V-B7A-B2GJ7

Décision déférée à la Cour : Sentence partielle du 10 Novembre 2016 rendue à Paris par le tribunal arbitral de PARIS composée de Mme X, arbitre unique,

DEMANDERESSES AU RECOURS :

Société NEW EUROPE CORPORATE ADVISORY LTD

prise en la personne de ses représentants légaux

[…]

[…]

représentée par Me François TEYTAUD, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : J125

assistée de Me Alice ALLARD, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : R013

Société EPIC FINANCIAL CONSULTING GMBH

prise en la personne de ses représentants légaux

Plössglasse 8

[…]

représentée par Me François TEYTAUD, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : J125

assistée de Me Alice ALLARD, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : R013

DÉFENDERESSES AU RECOURS :

D 5 / LP ès-qualités de liquidateur de la société TWELVE HORNBEAMS S.À.R.L, D 5 / LP,

[…]

L 1882 LUXEMBOURG

représentée par Me Jean-François ADELLE de l’AARPI JEANTET, avocat au barreau de PARIS, toque : T04

D CAPITAL Sp Z oo

prise en la personne de ses représentants légaux

ul. K J 1

[…]

représentée par Me Jean-François ADELLE de l’AARPI JEANTET, avocat au barreau de PARIS, toque : T04

Y CAPITAL LLC

prise en la personne de ses représentants légaux

[…]

19808 Newcastle County-Delaware (USA)

défaillante

Société EUROPEAN TELECOM INVESTMENT COOPERATIEF

prise en la personne de ses représentants légaux

[…]

[…]

défaillante

Société TRG MANAGEMENT UK LLP

prise en la personne de ses représentants légaux

[…]

[…]

défaillante

Société TWELVE HORNBEAMS SARL

prise en la personne de ses représentants légaux

[…]

L1882 (LUXEMBOURG)

défaillante

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 20 novembre 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Dominique GUIHAL, présidente de chambre

Mme Anne BEAUVOIS, présidente

M. Jean LECAROZ, conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues par l’article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

ARRET :

— par défaut

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Dominique GUIHAL, présidente de chambre et par Mélanie PATE, greffière présente lors du prononcé.

Par un contrat de service-conseil (CSC) du 13 juillet 2012, la société Y Capital LLC (Y), enregistrée au Delawar (USA), agissant en qualité de chef de file d’un consortium d’investisseurs, a confié à la société de droit bulgare New Europe Corporate Advisory Ltd (NECA), et à la société de droit autrichien EPIC Financial Consulting GmbH (EPIC) une mission d’assistance financière et stratégique dans le cadre de la soumission à un appel d’offres lancé par le Kosovo pour la privatisation de 75 % de Post & Telecommunication of Kosovo (PTK), fournisseur national de services de téléphonie mobile et fixe, d’internet et de télévision par câble.

Faisant valoir que le consortium avait été retenu dans la procédure de pré-sélection mais n’avait finalement pas soumissionné à l’appel d’offres, les sociétés EPIC et NECA ont saisi la Chambre de commerce internationale, en vertu de la clause compromissoire stipulée par le CSC afin d’obtenir paiement de la somme de 31.071, 50 euros au titre de leurs honoraires et frais, ainsi que de celle de 250.000 euros au titre de l’indemnité de résiliation prévue par le contrat. Leur requête était dirigée non seulement contre Y (défendeur n°1 à l’arbitrage) mais également contre des sociétés présentées comme membres du consortium, à savoir, la société de droit polonais D capital Sp. Z.o.o (défendeur n ° 2), la société luxembourgeoise Twelve Hornbeams SARL (défendeur n° 3), la société anglaise TRG Management UK LLP (défendeur n° 4), qui a reconnu venir aux droits de la société anglaise Citi Venture Capital International Advisers (C), et la société néerlandaise European Telecom Investment Cooperatief U.A. (ETIC, défendeur n° 5), venant également, selon les demanderesses, aux droits de C . EPIC et NECA ont ajouté ultérieurement une demande indemnitaire pour négligence dirigée contre Y, D Capital Sp. Z.o.o et C.

Mme X, arbitre unique, a rendu le 10 novembre 2016 à Paris une sentence partielle par laquelle elle s’est déclarée compétente à l’égard du défendeur n° 1, incompétente à l’égard des autres défendeurs, a réservé sa décision sur le point de savoir si la demande indemnitaire relevait de la clause compromissoire, et a condamné EPIC et NECA à payer aux défendeurs 2 à 4 les frais exposés pour leur défense. Elle a rejeté l’extension de la clause compromissoire aux défenderesses 2 à 5 en se fondant sur l’intention des parties au CSC, et a écarté l’application des théories du mandat apparent, de l’estoppel, ainsi que de la stipulation pour autrui.

Le 12 décembre 2016, EPIC et NECA ont formé une recours en annulation de cette sentence.

Par des conclusions notifiées le 18 septembre 2018, elles en sollicitent l’annulation, ainsi que la

condamnation solidaire des défenderesses à payer à chacune d’elles la somme de 30.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile. Elles soutiennent que l’arbitre unique s’est à tort déclarée incompétente à l’égard des défenderesses 2 à 5 (article 1520, 1° du code de procédure civile).

Par des conclusions notifiées le 12 septembre 2018, la société D capital Sp. Z.o.o. (défendeur n° 2 à l’arbitrage) et la société D/5 L.P., agissant en qualité de liquidateur de la SARL Twelve Hornbeams (défendeur n° 3), demandent à la cour de rejeter le recours en annulation et de condamner in solidum EPIC et NECA à payer à chacune la somme de 45.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La déclaration de recours et les premières conclusions ont été signifiées à la société Y à personne le 5 juillet 2017, et à la société TRG Management par lettre recommandée non délivrée et déposée à la poste, ainsi que cela résulte d’un certificat des autorités judiciaires du Royaume-Uni du 24 août 2018. Ces deux sociétés n’ont pas constitué avocat. Il résulte enfin de l’attestation de l’autorité néerlandaise compétente en date du 1er mars 2018 que la déclaration de recours et les conclusions n’ont pu être signifiées à la société European Telecom dissoute le 2 septembre 2013 et radiée du registre des sociétés le 9 décembre 2013.

SUR QUOI :

Sur le moyen unique d’annulation tiré de ce que l’arbitre s’est déclaré à tort incompétent (article 1520, 1° du code de procédure civile) :

EPIC et NECA soutiennent, d’une part, que la clause compromissoire du CSC doit être étendue aux défenderesses à l’arbitrage n° 2 à 5, dès lors que bien qu’elles n’aient pas signé ce contrat, elles se sont impliquées dans son exécution et que, d’autre part, Y, en signant le CSC, stipulait en faveur des membres actuels et futurs du consortium.

La société D capital Sp. Z.o.o. et la société D/5 L.P., ès qualités, exposent qu’elles n’ont ni négocié ni signé le CSC, ni autorisé Y à prendre des engagements pour leur compte, et qu’elles n’étaient pas membre du consortium. En ce qui concerne le moyen tiré de la stipulation pour autrui, elles soutiennent que le droit français n’est pas applicable en l’espèce et que, le serait-il, les conditions de la stipulation pour autrui ne sont pas satisfaites, dès lors, d’une part, qu’Y était membre du consortium, lequel n’était donc pas un tiers à son égard, d’autre part, qu’une stipulation pour autrui peut seulement faire naître des droits au bénéfice de tiers, et non des obligations telles que la soumission à une clause d’arbitrage, enfin, et en toute hypothèse, que cette stipulation n’a pas été ratifiée par les prétendus bénéficiaires. Sur le moyen tiré de l’extension de la clause compromissoire en raison de la participation à l’exécution du CSC, D capital Sp. Z.o.o. et D/5 L.P, ès qualités, font valoir, d’une part, que leur intervention dans l’exécution du contrat était prévue par celui-ci avec une portée limitée, d’autre part, que l’obligation d’exécuter certaines des obligations résultant du CSC était imposée par le memorandum of understanding (MOU) fixant les conditions de fonctionnement du consortium, enfin que cette participation a été purement passive. Elles ajoutent qu’elles n’ont pris connaissance du CSC que dans le cadre de la procédure d’arbitrage, trois ans après la conclusion du contrat litigieux.

Considérant que le juge de l’annulation contrôle la décision du tribunal arbitral sur sa compétence, qu’il se soit déclaré compétent ou incompétent, en recherchant tous les éléments de droit ou de fait permettant d’apprécier la portée de la convention d’arbitrage et d’en déduire les conséquences sur le respect de la mission confiée aux arbitres;

Considérant que selon une règle matérielle du droit de l’arbitrage international, la clause compromissoire est juridiquement indépendante du contrat principal qui la contient ou s’y réfère et, à condition qu’aucune disposition impérative du droit français ou d’ordre public international ne soit

affectée, que son existence et sa validité dépendent uniquement de l’intention commune des parties sans qu’il soit nécessaire de se référer à un droit national;

Considérant qu’en l’espèce, le contrat de service conseil (CSC), contenant la clause compromissoire en vertu de laquelle l’arbitrage a été engagé, a été signé le 13 juillet 2012, d’une part, par 'Y Capital LLC, société enregistrée en vertu de la législation de l’Etat du Delaware, dûment représentée par M. I Z (désignée ci-après comme le 'Client') et agissant comme investisseur principal pour un consortium d’investisseurs', d’autre part, par EPIC et NECA, désignés comme 'EPIC/NECA’ ou le 'Groupe Conseil'; qu’il est encore précisé : ' le Client et EPIC/NECA étant désignés ci-après comme une 'Partie’ et, collectivement comme les 'Parties'';

Que le contrat portait sur une mission de conseil financier et stratégique pour la soumission à un appel d’offres ('la Transaction') lancé par le gouvernement du Kosovo aux fins de privatisation de 75 % du capital de Poste et Télécommunication du Kosovo;

Que son article 2 stipule :

'Champ du mandat

a. Le Client prendra part à la Transaction en tant qu’investisseur principal du Consortium. A la date du contrat, le Consortium est composé, ou est probablement composé des investisseurs et/ou des financiers potentiels suivants :

i. Y Capital LLC;

ii. […], Luxembourg, qui est une entité à vocation spécifique appartenant à des fonds conseillés par D Capital Sp. Z.o.o., J K, […]; et

iii. International Finance Corporation, 2121 […].

b. La composition du Consortium pourra évoluer, auquel cas, le Client devra rapidement aviser le Groupe conseil de tels changements, mais le Client ou ses filiales doivent toujours y être inclus.

C. Le Groupe Conseil fournira au Consortium conseil et assistance relativement à la préparation, l’audit, la négociation et la clôture de la Transaction (…)';

Que les articles 2.6 à 2.8 explicitent la nature des prestations que le Groupe Conseil s’engage à fournir au Consortium; que l’article 2.6 prévoit ainsi que :

'a. Le Groupe Conseil préparera une stratégie de contact à soumettre à l’approbation du Consortium avant ou à la date du 21 septembre 2012, en la mettant à jour de manière continue. Le Groupe Conseil appuiera et conseillera le Consortium dans le cadre des contacts avec les parties prenantes clés en accord avec la stratégie incluant, entre autres, les gouvernements du Kosovo, des Etats-unis et de la Serbie. Sur demande, le Groupe Conseil représentera ou, au choix du Consortium, contribuera à la représentation du Consortium dans les réunions avec les parties prenantes, le cas échéant.

b. Le Groupe Conseil agira en tous temps conformément aux intérêts stratégiques et financiers du Consortium, et conformément à toute législation applicable au Client et au Consortium, incluant le Bribery Act anglais et le FCPA américain.

c. Le Goupe Conseil prendra contact avec les parties prenantes clés dans le cadre des efforts de lobbying visant à s’assurer que le dossier de l’appel d’offres, les règles et les procédures de la Transaction sont conformes aux pratiques commerciales généralement acceptées, aux objectifs de reprise à effet de levier du Consortium, aux ambitions d’accès, de suivi du Consortium et de revente ultérieure de l’investissement, etc. A cette fin, le Groupe Conseil travaillera avec le Consortium et ses divers conseillers pour s’assurer, entre autres, que les notes explicatives et les suggestions du Consortium et de ses conseillers relevant de la Transaction sont bien présentées et expliquées aux parties prenantes clés.';

Considérant que l’article 4 est relatif aux contreparties financières du contrat; que les article 4.1, 4.2 et 4.3 prévoient que le Client versera chaque mois une provision de 10.000 euros pendant la durée du contrat, qu’il remboursera au Groupe Conseil ses débours et qu’il paiera une rémunération de résultat en cas de succès; que l’article 4.5 stipule que si le Client ou le Consortium choisissent de rompre le contrat, le Client devra payer au Groupe Conseil une indemnité de résiliation forfaitaire de 250.000 euros; enfin, que l’article 4.6 prévoit que tout paiement sera fait à EPIC qui sera responsable de la répartition avec NECA et que 'le Client sera tenu responsable de tout paiement envers EPIC selon les termes du Contrat, et sera le destinataire et le payeur des factures d’EPIC';

Considérant, enfin que l’article 14 stipule :

'Droit et arbitrage.

Ce contrat et toute obligation non-contractuelle ou tout litige survenant dudit Contrat, sera régi et interprété conformément aux lois d’Angleterre et du Pays de Galles sans qu’il soit tenu compte de leurs dispositions en matière de conflits de lois. Tous les litiges entre les Parties survenant de ce Contrat ou relatifs à sa violation, rupture ou annulation, seront définitivement réglés conformément au Règlement de la Cour internationale d’Arbitrage de la Chambre de commerce internationale de Paris (France (Règlement de la C.C.I.) Devant un arbitre nommé conformément à ce Règlement. La sentence sera définitive, exécutoire et sans appel. La langue de travail de cette procédure sera l’anglais, et la procédure se déroulera à Paris, France.';

Considérant qu’au mois d’octobre 2012, sans que le jour de signature soit indiqué, a été conclu le protocole d’accord du consortium (MOU, pour mémorandum of understanding); que la dernière page du contrat principal a été signée par M. Z, représentant d’Y Capital, par M. A, représentant de C et par M. B, représentant de Fund Advisors Ltd ('D'); que toutes les pages du contrat principal et des annexes portent un seul et même paraphe, vraisemblablement, celui de M. A;

Que ce MOU fixe les modalités de financement de l’opération et les conditions de fonctionnement du consortium; qu’il définit en particulier le rôle et les pouvoirs du comité de gestion composé de M. Z pour Y, de M. A pour C et de M. B pour D, ainsi que d’observateurs, dont Mme E et M. F pour D, et MM L M et N O pour C ;

Considérant que l’annexe 1 du MOU présente le budget des frais engagés pour la transaction; qu’il s’agit d’une énumération des différents prestataires de conseil en matière juridique, financière, fiscale et comptable avec l’indication du montant de leurs rémunérations; que pour EPIC/NECA il est mentionné le remboursement des débours, 150.000 euros, et une rémunération de résultat;

Considérant qu’EPIC et NECA soutiennent que la clause compromissoire du CSC est opposable aux défenderesses dans la mesure où elles sont intervenues dans l’exécution de ce contrat;

Considérant, en premier lieu, que les défenderesses font valoir que le CSC stipule qu’EPIC et NECA fournissent leurs prestations au 'Consortium', mais qu’il réserve la qualité de 'Client’ et de 'Partie’ à Y, qu’il prévoit que seule Y reçoit et règle les factures et qu’il énonce que la clause

compromissoire s’applique aux litiges opposant les 'Parties au Contrat’ (article 14); qu’elles en déduisent que la volonté des signataires du CSC a été de faire participer les membres du consortium à l’élaboration du projet de réponse à l’appel d’offres, sans que de cette intervention puisse se déduire une extension de la clause compromissoire dont le domaine est expressément réservé aux seuls signataires;

Mais considérant que la clause compromissoire insérée dans un contrat international a une validité et une efficacité propres qui commandent d’en étendre l’application aux parties directement impliquées dans l’exécution du contrat et dans les litiges qui peuvent en résulter, dès lors qu’il est établi que leur situation et leurs activités font présumer qu’elles ont eu connaissance de l’existence et de la portée de la clause d’arbitrage, bien qu’elles n’aient pas été signataires du contrat la stipulant;

Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce que soutiennent les défenderesses, la circonstance que l’implication du tiers dans l’exécution du contrat stipulant la clause compromissoire résulte d’obligations contractées en vertu d’un autre contrat – en l’occurrence le MOU -, n’exclut pas que cette implication emporte extension de la clause compromissoire à ce tiers;

Considérant, en troisième lieu, que les défenderesses prétendent que leur intervention dans l’exécution du CSC était essentiellement passive et ne peut donc avoir pour effet de leur étendre la clause compromissoire;

Considérant, toutefois, qu’il résulte des pièces versées aux débats que M. P B et/ou Mme Q E – respectivement membre et observateur du comité de gestion constitué en vertu du MOU -, ont non seulement participé aux réunions organisées avec les membres du consortium et avec les représentants d’EPIC/NECA, mais qu’ils ont, en outre, adressé par courriel des commentaires, des griefs et des instructions à EPIC/NECA; qu’ainsi un courriel de Krzysztof B envoyé le 10 octobre 2012 depuis l’adresse kkrawczyk@innovacap.com aux membres du consortium ainsi qu’aux représentants d’EPIC/NECA proposait un ordre du jour avant une conférence téléphonique; qu’un courriel signé de 'Q E, Directrice générale, D Capital, J K, 00-124 Varsovie, Pologne', envoyé le 12 octobre 2012 depuis l’adresse mmagnuszewska@innovacap.com aux préposés d’EPIC et NECA, demandait la mise en place d’une salle de données virtuelles pour l’échange des questions et des informations; qu’un courriel du 22 octobre 2012 du même envoyeur aux mêmes destinataires réclamait la fourniture de mises à jour régulières sur la situation des concurrents; qu’un nouveau courriel du 6 novembre 2012 signalait que 'le processus de flux d’informations dans la salle de données virtuelles (VDR) ne se passe pas comme prévu, nous voyons donc des retards de livraison dans la plupart des flux, et à cette fin, je préférerais accepter quelques jours de délai en échange d’un matériel de bonne qualité, au lieu de distribuer un travail en cours. Veuillez vous coordonner avec Tomek et N sur les travaux d’évaluation/modélisation comme précisé dans l’e-mail ci-dessous.';

Considérant que les sociétés D Capital Sp. Z.o.o et D/5 LP, ès qualités, font valoir que c’est à tort que M. B et Mme E ont été présentés dans la liste des parties au projet comme, respectivement 'managing partner’ et 'managing director’ d’D Capital, alors qu’ils n’avaient pas cette qualité ainsi que cela résulte des extraits du registre des sociétés d’août et novembre 2012 qui indiquent que les gérants sont Mme G et M. H;

Considérant, toutefois que les défendeurs ne discutent pas l’authenticité des courriels envoyés à EPIC et NECA par Mme E et signés par elle en qualité de directrice générale d’D Capital avec l’indication d’un siège social qui est bien celui figurant sur l’extrait du registre des sociétés;

Que M. B, qui, suivant les documents sociaux, est directeur de Fund Advisors Ltd, associé unique d’D Capital Sp. Z.o.o., a également envoyé ses courriels aux membres du consortium et à EPIC et NECA depuis une adresse innovacap.com; que c’est au nom d’D qu’il s’exprime;

Considérant, du reste, que la société D Capital ne peut sans se contredire, se prévaloir de ces mêmes échanges de courriels pour soutenir que son intervention dans l’exécution du CSC a été modeste et prétendre qu’elle n’y a pas pris part;

Qu’ainsi, et peu important le statut de M. B et de Mme E au sein d’D, il est établi qu’ils ont donné des ordres en son nom à EPIC et NECA et que leur autorité pour le faire n’était pas discutée par leurs interlocuteurs; que la société D Capital est donc bien intervenue directement dans l’exécution du CSC;

Considérant, enfin, que si la société D Capital soutient qu’elle n’a pas eu connaissance de la clause compromissoire du CSC, il apparaît que sur le MOU l’indication de la société Fund Advisors Ltd en tant que partie est suivie de la mention entre parenthèses '(D)', et qu’à la fin de l’acte la signature de M. B est apposée 'au nom et pour le compte d’D'; qu’au MOU sont jointes des annexes dont l’une contient la liste des prestataires de conseil avec l’indication du budget correspondant, (frais et honoraires fixes et de résultat);

Considérant que le MOU est signé par les représentants d’Y, d’D et de C mais n’est paraphé page par page que par ce dernier; qu’il ne saurait, par conséquent, se déduire de l’absence de paraphe de M. B sur les annexes qu’il n’aurait pas eu connaissance de celles-ci alors qu’il n’a pas non plus paraphé le contrat principal;

Considérant que la situation et l’activité d’D Capital, société d’investissement, qui participait à un consortium créé pour soumissionner à un appel d’offres international et qui, par surcroît, connaissait l’existence du contrat de conseil conclu par Y avec EPIC et NECA, font présumer qu’elle a eu connaissance de l’existence et de la portée de la clause d’arbitrage, bien qu’elle n’ait pas été signataire du contrat la stipulant;

Considérant qu’il convient d’annuler la sentence en ce que l’arbitre unique s’est déclarée incompétente à l’égard d’D Capital et lui a alloué une somme au titre des frais de procédure;

Considérant que, de même, la société Citi Venture Capital International (C), non signataire du CSC, mais signataire du MOU, a participé aux travaux communs du consortium et d’EPIC/NECA par l’intermédiaire de ses représentants au comité de gestion du consortium, M. S A (membre) et MM L M et N O (observateurs), ainsi que cela résulte de courriels envoyés depuis les adresses N.O@citi.com et L.M@citi.com;

Que pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés, il convient d’annuler la sentence en tant que l’arbitre unique s’est déclarée incompétente à l’égard de TRG venant aux droits de C et lui a alloué une somme au titre des frais de procédure;

Considérant qu’il convient, en revanche, de confirmer la sentence en ce que l’arbitre unique s’est déclarée incompétente à l’égard d’D/5 LLP venant aux droits de la société Twelve Hornbeams dont l’intervention dans l’exécution du contrat n’est pas démontrée, et à l’égard de laquelle il n’est pas justifié d’une autre cause d’extension de la clause compromissoire;

Qu’il convient également de confirmer la sentence en ce que l’arbitre unique s’est déclarée incompétente à l’égard d’ETIC dont il n’est pas démontré qu’elle vienne aux droits de C;

Sur l’article 700 du code de procédure civile :

Considérant que la société D Capital, qui succombe, ne saurait bénéficier des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile; qu’elle sera condamnée solidairement avec TRG à payer à chacune des recourantes la somme de 30.000 euros sur ce fondement;

Considérant que l’équité ne commande pas de faire bénéficier D/5 LLP des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;

PAR CES MOTIFS :

Annule la sentence mais seulement en ce que l’arbitre unique :

— s’est déclarée incompétente à l’égard de la société polonaise D Capital Sp. Z.o.o. et a condamné la société bulgare New Europe Corporate Advisory Ltd et la société autrichienne EPIC Financial Consulting GmbH à lui payer la somme de 5 916,78 euros au titre des frais de procédure,

— s’est déclarée incompétente à l’égard de la société anglaise TRG Management UK LLP et a condamné la société New Europe Corporate Advisory Ltd et la société EPIC Financial Consulting GmbH à lui payer la somme de 54.648,05 £ au titre des frais de procédure.

Condamne solidairement la société D Capital Sp. Z.o.o et la société TRG Management UK LLP aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, ainsi qu’au paiement à chacune des sociétés New Europe Corporate Advisory Ltd et EPIC Financial Consulting GmbH de la somme de 30.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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