Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 5, 5 avril 2018, n° 17/23286
Chronologie de l’affaire
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Sur la décision
Référence : | CA Paris, pôle 1 - ch. 5, 5 avr. 2018, n° 17/23286 |
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Juridiction : | Cour d'appel de Paris |
Numéro(s) : | 17/23286 |
Décision précédente : | Tribunal de grande instance de Bobigny, JEX, 29 novembre 2017, N° 17/06858 |
Dispositif : | Déclare la demande ou le recours irrecevable |
Sur les parties
- Président : Bernard CHEVALIER, président
- Avocat(s) :
- Cabinet(s) :
Texte intégral
Copies exécutoires délivrées
aux parties le
République française
Au nom du Peuple français
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 5
ORDONNANCE DU 05 AVRIL 2018
Numéro d’inscription au répertoire général : 17/23286
Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Novembre 2017 du Juge de l’exécution de BOBIGNY -
RG N° 17/06858
Nature de la décision : Contradictoire
NOUS, Bernard CHEVALIER, Président, agissant par délégation du Premier Président de cette
Cour, assisté de Cécilie MARTEL, Greffière.
Vu l’assignation en référé délivrée à la requête de :
Madame B C épouse X
[…]
[…]
Madame F X
[…]
[…]
Monsieur W-AA X
[…]
[…]
Monsieur E X
[…]
[…]
Représentés par Me Asma MZÉ substituant Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL
LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
DEMANDEURS
à
Madame N K épouse Y
[…]
[…]
Madame P J épouse Z
[…]
[…]
Monsieur A
[…]
[…]
Monsieur R J
[…]
[…]
Monsieur W AF K
[…]
[…]
Représentés par Me MARTY, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Delphine
ROBLIN-LAPPARRA, avocat au barreau de PARIS, toque : E0705
SELARL S L ET AC AD
[…]
[…]
Non comparante ni représentée à l’audience
Ayant pour avocats postulants lors de la procédure l’AARPI Dominique OLIVIER – U V
THONG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0069
DÉFENDEURS
CAISSE DES DÉPÔTS ET CONSIGNATIONS
[…]
[…]
Non comparante ni représentée
Ayant pour avocat lors de la procédure Me Olivia MAURY, avocat au barreau de PARIS, toque :
R276
168 rue Saint François-Xavier
[…]
Non comparante ni représentée
POUR DÉNONCIATION DE LA PROCÉDURE
Et après avoir appelé les parties lors des débats de l’audience publique du 08 Mars 2018 :
La Selarl L-AD, titulaire d’un office d’huissiers de justice, a été chargée de procéder à
l’exécution de deux arrêts de la cour d’appel d’Aix en Provence rendus les 4 avril 2008 et 30
septembre 2011 prononçant diverses condamnations pécuniaires à l’encontre de Mme B
X née C et de Max X.
ll a été ainsi procédé à la saisie des parts de la SCI de la Vernède dont les époux X étaient
propriétaires par moitié et qui est elle-même propriétaire d’une villa sise à Fréjus, 1655, chemin de la
Vernède, qui constituait la résidence principale de Mme B X.
Du fait du décès de Max X survenu en 2013, les parts de cette SCI ont été recueillies et étaient
détenues en indivision par ses héritiers, soit sa veuve pour 1/4 en pleine propriété et 3/4 en usufruit et
ses trois enfants W AA, E et F, chacun pour 1/4 en nue-propriété ; aucun partage
n’avait été effectué.
La Selarl a indiqué avoir fait sommation aux héritiers de Max X d’avoir à prendre parti sur la
succession par application des articles 771 et 772 du code civil par exploits des 2, 3 et 8 février 2016,
n’avoir obtenu aucune réponse, avoir signifié les arrêts de la cour d’appel d’Aix en Provence des 4
avril 2008 et 30 septembre 2011 aux héritiers du de cujus les 20, 21 et 22 juillet 2016 et, les 19 août
et 4 octobre 2016, avoir procédé à la saisie entre les mains de la SCI la Vernède des parts sociales
détenues dans cette SCI par Mme B X et les héritiers de Max X.
Aucun paiement n’étant intervenu de la part des débiteurs, l’huissier a dressé le cahier de charges en
vue de procéder à la vente aux enchères des parts sociales saisies.
L’adjudication a eu lieu le 21 avril 2017 au profit de la SAS AB Home Investissement moyennant le
prix principal de 390 000 euros en principal.
L’huissier a dressé le projet de répartition du prix d’adjudication et a notifié celui-ci aux débiteurs qui
ont élevé diverses contestations, ce qui l’a conduit à assigner les membre de la famille X par
acte des 27, 28 et 30 juin devant le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Bobigny en
vue de faire homologuer le projet de répartition du prix d’adjudication entre les divers créanciers,
Mme Y, Mme Z, M. A, M. J et M. K.
Les membres de la famille X ont fait défaut dans cette instance et le juge de l’exécution du
tribunal de grande instance de Bobigny a rendu le 30 novembre 2017 une décision ordonnant la
répartition du prix selon des modalités définies dans ladite décision.
Les 15 et 27 décembre 2017, Maître L a, conformément à ce jugement, procédé à la répartition
des fonds entre les divers créanciers.
Les membres de la famille X ont fait appel de ce jugement par déclaration du 28 décembre
2017.
Par actes des 29 décembre 2017 et 2 janvier 2018, ils ont fait assigner la Selarl S L et
AC AD ainsi que Mme Y, Mme Z, M. A, M. J et M. K
devant le délégataire du premier président de la cour d’appel de Paris afin d’obtenir le sursis à
l’exécution de ce jugement et voir juger que les dépens suivront ceux de l’instance au fond.
Ils ont fait dénoncer cette assignation à la SAS AB-Home Investissement et à la Caisse des Dépôts et
Consignations et ont demandé que l’ordonnance à intervenir leur soit opposable.
Ils ont exposé dans leur assignation les moyens suivants à l’appui de leurs demandes :
— l’article 1309 nouveau du code civil ne permettait pas à l’huissier de poursuivre la vente ;
globale des parts, il aurait dû diviser les poursuites contre chacun d’eux à concurrence de leurs parts
respectives ;
— l’adjudication du 21 avril 2017 est nulle comme entreprise au mépris de l’effet suspensif prévu par
l’article R 121-22 du code des procédures civiles d’exécution et alors que le premier président de la
cour d’Aix en Provence avait été saisi d’une demande sur le fondement de ce texte préalablement à
l’adjudication du 21 avril 2017, par assignation du 13 avril 2017 ;
— le transfert de propriété au profit de l’adjudicataire ne pouvait avoir lieu car, s’agissant d’une SCI
familiale, la clause d’agrément prévue par les statuts aurait dû être respectée ; la distribution du prix
ordonnée en première instance ne pouvait donc avoir lieu ;
— le juge de l’exécution ne pouvait pas statuer sur la distribution du prix en l’absence de l’adjudicataire
non assigné en première instance ;
— les frais alloués à l’huissier sont injustifiés.
La Selarl S L et AC AD a déposé des conclusions avant l’audience du 15 février
2018 aux termes desquelles elle a demandé le rejet de la demande des membres de la famille X
et leur condamnation à payer les sommes de 3 000 euros en application de l’article 32-1 du code de
procédure civile et de 10 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi
qu’à supporter les dépens.
Elle y a fait valoir, à titre liminaire, que, compte tenu de la répartition du prix effectuée en exécution
jugement en cause, la demande de sursis était sans objet.
A l’audience du 15 février 2018, l’affaire a été renvoyée à l’audience du 8 mars 2018 afin que les
membres de la famille X fassent connaître leurs observations sur l’objet de leur demande de
sursis à exécution alors que le prix d’adjudication avait été réparti.
Le 7 mars 2018, ils ont déposé des conclusions de désistement au greffe dont ils ont demandé le
bénéfice à l’audience du 8 mars 2018.
Mme Y, Mme Z, M. A, M. J et M. K ont fait déposer des
conclusions avant l’ouverture des débats aux termes desquelles ils demandent à la présente
juridiction de :
— dire la demande des requérants sans objet ;
— dire irrecevable leur demande de sursis ;
subsidiairement,
— débouter les consorts X de leur demande de sursis ;
en tout état de cause,
— les condamner à leur payer la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de
procédure civile ainsi qu’à supporter les dépens ;
— les condamner solidairement à leur payer la somme de 10 000 euros au regard du caractère abusif
de la présente procédure ;
— les condamner chacun au paiement d’une somme de 3 000 euros par application de l’article 32-1 du
code des procédures civiles d’exécution.
Ils ont fait valoir qu’ils n’acceptaient pas le désistement des membres de la famille X et qu’ils
entendaient voir la présente juridiction statuer sur leurs réclamations.
La Selarl S L et AC AD n’a pas comparu.
Motifs
Mme Y, Mme Z, M. A, M. J et M. K ayant fait déposer des
conclusions avant l’ouverture des débats aux termes desquelles ils ont réclamé des dommages et
intérêts pour procédure abusive et s’étant opposés à l’audience au désistement des membres de la
famille X, il convient d’examiner si leur non acceptation de ce désistement repose sur un motif
légitime.
Les défendeurs ont exposé que la demande de sursis à exécution des membres de la famille X
contenue dans leur assignation en date du 2 janvier 2018 était sans objet dès lors que le prix
d’adjudication des parts sociales de la SCI La Vernede avait été libéré le 15 décembre 2017.
Ils ont fait aussi valoir que les membres de la famille X, alors qu’ils n’avaient pas contesté la
saisie des parts sociales de la SCI La Vernède ni le cahier des charges des conditions de vente, ont
multiplié les procédures dans le seul but de ralentir l’exécution de la cession forcée des parts sociales
de ladite SCI et que ces procédures ont abouti aux jugements et ordonnances suivants :
— 4 avril 2017, jugement du juge de l’exécution de Draguignan déboutant les consorts X d’une
demande de délais de grâce qui, en réalité, avait pour seule vocation de retarder la vente aux
enchères publiques des parts sociales ;
— 16 juin 2017, ordonnance du premier président de la cour d’appel d’Aix en Provence déboutant les
consorts X de leur demande de sursis à l’exécution du jugement du 4 avril 2017 du juge de
l’exécution de Draguignan statuant sur une demande de délai de grâce ;
— 30 septembre 2017, ordonnance de caducité de la cour d’appel d’Aix en Provence sur la procédure
au fond du jugement du juge de l’exécution de Draguignan du 4 avril 2017 ;
— 5 octobre 2017, jugement d’incompétence du tribunal de grande instance de Draguignan saisi par
les consorts X afin de voir prononcer la nullité des assemblées générales constatant la cession
forcée des parts sociales de la SCI de la Vernède ;
— 30 novembre 2017, jugement du juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Bobigny
ordonnant la répartition du prix d’adjudication ;
— 12 décembre 2017, jugement d’incompétence du juge de l’exécution du tribunal de grande instance
de Draguignan saisi par les consorts X afin de voir dire et juger que la procédure d’agrément n’a
pas été respectée par l’adjudicataire.
Ils ont souligné que ces décisions avaient abouti à des jugements soit d’incompétence soit de rejet des
prétentions des consorts X.
L’énumération de ces procédures engagées par les membres de la famille X constitue un motif
légitime des défendeurs de la non acceptation du désistement de ces derniers afin que la présente
juridiction se prononce sur leurs demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive.
L’article R 121-22 du code des procédures civiles d’exécution dispose :
« En cas d’appel, un sursis à l’exécution des décisions prises par le juge de l’exécution peut être
demandé au premier président de la cour d’appel. La demande est formée par assignation en référé
délivrée à la partie adverse et dénoncée, s’il y a lieu, au tiers entre les mains de qui la saisie a été
pratiquée.
Jusqu’au jour du prononcé de l’ordonnance par le premier président, la demande de sursis à exécution
suspend les poursuites si la décision attaquée n’a pas remis en cause leur continuation; elle proroge
les effets attachés à la saisie et aux mesures conservatoires si la décision attaquée a ordonné la
mainlevée de la mesure.
Le sursis à exécution n’est accordé que s’il existe des moyens sérieux d’annulation ou de réformation
de la décision déférée à la cour.
L’auteur d’une demande de sursis à exécution manifestement abusive peut être condamné par le
premier président à une amende civile d’un montant maximum de 3 000 €, sans préjudice des
dommages-intérêts qui pourraient être réclamés."
Il est de jurisprudence établie que le premier président saisi en référé en vue d’arrêter une exécution
provisoire ne peut remettre en cause les effets des actes d’exécution accomplis ou les paiements
effectués antérieurement à sa décision.
Dans l’affaire examinée, la Selarl S L et AC AD a exposé et ce point n’est pas
contesté avoir procédé les 15 et 27 décembre 2017, soit préalablement à l’assignation signifiée à la
demande des consorts X, à la répartition des fonds entre les créanciers conformément à la
décision du juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Bobigny rendue le 30 novembre
2017.
Il s’ensuit que la demande des consorts X visant à obtenir qu’il soit sursis à l’exécution de cette
décision est sans objet.
Pour autant, il ne ressort pas des éléments du dossier, notamment de la chronologie des actes citée
ci-dessus, que la saisine de la présente juridiction par les consorts X revêt un caractère
manifestement abusif au sens de l’article R 121-22, précité, tant il est vrai qu’il n’est pas démontré
qu’ils ont été informés de cette répartition avant la délivrance de leur assignation. Il n’y a donc pas
lieu de les condamner à une amende civile sur le fondement de ce texte.
Mme Y, Mme Z, M. A, M. J et M. K AE quant à eux la
condamnation de chacun des consorts X à payer une amende de 3 000 euros en application de
l’article 32-1 du code des procédures civiles d’exécution mais la mention de ce code procède
manifestement d’une erreur matérielle, puisqu’il ne comprend pas un tel article.
La demande doit être comprise comme étant présentée au visa de l’article 32-1 du code de procédure
civile, selon lequel celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une
amende civile. Cependant, cette amende devant profiter à l’Etat et non à la partie défenderesse,
celle-ci n’a pas d’intérêt à en demander l’application.
Mme Y, Mme Z, M. A, M. J et M. K demandent encore la
condamnation des consorts X à leur payer la somme de 10 000 euros au regard du caractère
abusif de la présente procédure. Toutefois, l’exercice d’une action en justice de même que la défense
à une telle action constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à l’octroi
de dommages-intérêts que dans le cas de malice, mauvaise foi ou erreur grossière équipollente au
dol, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, en particulier parce qu’il n’est pas établi que les demandeurs
avaient eu connaissance de la répartition du prix d’adjudication avant de saisir la présente juridiction.
La demande à ce titre doit donc être rejetée.
Les membres de la famille X, dont l’action était sans objet, devront supporter les dépens,
conformément à l’article 696 du code de procédure civile.
L’équité commande de décharger Mme Y, Mme Z, M. A, M. J et M.
K de leurs frais non répétibles qu’ils ont été contraints d’exposer. Il leur sera alloué la somme
de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Déclarons légitime le refus par Mme Y, Mme Z, M. A, M. J et M.
K d’accepter le désistement de Mmes et MM. B, F, W AA et E
X ;
Déclarons sans objet la demande de Mmes et MM. B, F, W AA et E
X visant à obtenir qu’il soit sursis à l’exécution du jugement rendu le 30 novembre 2017 par le
juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Bobigny ;
Déclarons irrecevable la demande de Mme Y, Mme Z, M. A, M. J et M.
K de condamnation de chacun des membres de la famille X à payer une amende de 3
000 euros ;
Rejetons la demande de Mme Y, Mme Z, M. A, M. J et M. K en
condamnation des membres de la famille X à leur payer la somme de 10 000 euros à titre de
dommages et intérêts ;
Condamnons in solidum Mmes et MM. B, F, W AA et E X à
supporter les dépens et à payer à Mme Y, Mme Z, M. A, M. J et M.
K la somme globale de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure
civile.
ORDONNANCE rendue par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été
préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de
procédure civile.
La Greffière
Le Président
Textes cités dans la décision