Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 2, 19 avril 2019, n° 18/04562

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 2, 19 avr. 2019, n° 18/04562
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 18/04562
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 28 janvier 2018, N° 2016047314
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 2

ARRET DU 19 AVRIL 2019

(n°73, 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 18/04562 – n° Portalis 35L7-V-B7C-B5FQ7

Décision déférée à la Cour : jugement du 29 janvier 2018 – Tribunal de commerce de PARIS – 15e chambre – RG n°2016047314

APPELANTES AU PRINCIPAL et INTIMEES INCIDENTES

S.A.S. Z A PARISIEN – C.M. P., agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

[…]

[…]

Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 512 195 337

S.A.S. Y – AGENCE D’ACTIONS COMMERCIALES , agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

[…]

[…]

Immatriculée au rcs de Savernes sous le numéro 334 819 083

Représentées par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque J 151

Assistées de Me Marc BENSIMHON plaidant pour la SCP BENSIMHON-ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque P 410

INTIMES AU PRINCIPAL et APPELANTS INCIDENTS

M. D X

Né le […] à Toul

De nationalité française

Exerçant la profession d’entrepreneur individuel sous le nom commercial culinart

[…]

S.A.R.L. DAUDI, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé

[…]

[…]

Immatriculée au rcs d’Evry sous le numéro 483 912 259

Représentés par Me François TEYTAUD de l’AARPI TEYTAUD – SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque J 125

Assistés de Me Emmanuelle HOFFMAN plaidant pour la SELARL HOFFMAN, avocat au barreau de PARIS, toque C 610

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 6 mars 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Anne-Marie GABER, Présidente de chambre

Mme Laurence LEHMANN, Conseillère

Mme Françoise BARUTEL, Conseillère

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues par l’article 785 du code de procédure civile.

Greffière lors des débats : Mme B C

ARRET :

Contradictoire

Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Anne-Marie GABER, Présidente, et par Mme B C, Greffière, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.

Vu le jugement contradictoire du 29 janvier 2018 rendu par le tribunal de commerce de Paris,

Vu l’appel interjeté le 1er mars 2018 par les sociétés Z A Parisien (CMP) et Agence d’Actions Commerciales (Y),

Vu les dernières conclusions récapitulatives remises au greffe, et notifiées, par voie électronique, le 6 février 2019 des sociétés CMP et Y,

Vu les dernières conclusions récapitulatives remises au greffe, et notifiées, par voie électronique, le 14 février 2019 de M. D X et de la société Daudi, intimés et appelants incidents,

Vu l’ordonnance de clôture du 21 février 2019,

SUR CE, LA COUR,

Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.

Il sera simplement rappelé que M. X indique être un cuisinier et pâtissier français renommé. Il précise avoir, dans le cadre de cette activité, développé un ustensile de cuisine permettant de décorer les assiettes et les plats, d’abord dénommé 'Spoon Drop’ puis 'Cuillère Plume’ ou 'Déco Spoon', décliné dans différentes tailles et différentes finitions. Il a également créé une entreprise individuelle de distribution et de vente de matériel de cuisine enregistrée au régistre du commerce et des sociétés de Colmar depuis 2014.

La société Daudi, inscrite au registre du commerce et des sociétés d’Evry depuis 2005, se présente comme le distributeur exclusif de cette 'Cuillère Plume'.

La société CMP, inscrite au registre du commerce et des sociétés de Paris depuis 1957, indique être une société familiale exerçant une activité d’achat, de vente, de fabrication en gros, demi-gros et détail de tous produits dérivés du plastique et de tous produits ménagers, articles de bazar et de décoration, accessoires de beauté et de mode, jouets, et autres articles similaires et précise commercialiser ainsi plus de 2.000 références.

La société Y, inscrite au registre du commerce et des sociétés de Saverne depuis 1989, a pour activité le commerce de gros et autres biens domestiques. Elle est cliente de la société CMP et précise avoir commercialisé, à compter du début de l’année 2015, dans la tendance des émissions culinaires proposées à la télévision, une cuillère de dressage intitulée Déco’Plume, permettant de finaliser le dressage des aliments en réalisant un décor ou une écriture avec une sauce, un coulis, une crème…

M. X et la société Daudi disent avoir découvert en 2015 la commercialisation de cuillères de dressage similaires à la 'Cuillère Plume’ éditées et importées par les sociétés CMP et Y et avoir procédé à l’achat de deux cuillères au magasin Cora de Colmar au prix unitaire de 6,30 euros (pièce intimés 5-1).

Ayant ensuite constaté que ces mêmes cuillères, éditées et importées par la société CMP, portant la même référence, étaient présentées et vendues lors de la Foire de Paris sur le stand d’une société Harox, la société Daudi l’a fait également constater par huissier de justice le 6 mai 2015 (Pièce intimés 6.2).

La société Daudi a encore fait établir un constat d’huissier de justice les 17 et 18 juin 2015 sur les sites laredoute.fr, cdiscount.com, acdeco.com et amazon.fr. (pièce intimés 6-1).

C’est dans ce contexte, que M. X et la société Daudi ont fait adresser, durant le dernier trimestre 2015 des lettres de mise en demeure à plusieurs sociétés (pièce intimés n°8).

La société Cook and Style répondait que son fournisseur était la société CMP, la société La Redoute que le vendeur de la cuillère de dressage était la société Cook and Style, la société Auchan indiquait notamment que ses fournisseurs étaient non seulement la société CMP mais également la société Y qui elle-même confirmait avoir pour fournisseur la société CMP, ce que celle-ci confirmait également (pièces intimés 8.8, 9.1, 9.3, 9.4, 9.6 et 9.5).

Le 19 juillet 2016, M. X et la société Daudi ont assigné les sociétés CMP et Y en concurrence déloyale et concurrence parasitaire devant le tribunal de commerce de Paris.

Le jugement déféré a notamment débouté les sociétés CMP et Y de leur exception

d’irrecevabilité soulevée à l’encontre de la société Daudi, débouté M. X et la société Daudi de leurs demandes fondées sur la concurrence déloyale mais condamné les sociétés CMP et Y au titre de la concurrence parasitaire.

Sur la recevabilité de l’action de la société AUDI

Les sociétés CMP et Y demandent l’infirmation du jugement en ce qu’il a retenu la qualité de licenciée de la société Daudi sur la seule attestation de M. X et dès lors d’avoir retenu sa qualité à agir.

Pour autant, il ressort des éléments versés aux débats par les intimés, et notamment des factures que la société Daudi commercialise bien la cuillère créée par M. X, et de l’attestation de celui-ci, précisant que la société Daudi est le distributeur exclusif de la 'Cuillère Plume DécoSpoon’ 'pour l’ensemble du territoire CEE.'

M. X étant partie à l’instance, ne pouvait attester dans les formes de l’article 202 prévues pour les témoins sans pour autant que son attestation soit nécessairement dénuée de toute valeur probante, celle-ci devant être évaluée par la juridiction saisie.

La cour constate que M. X n’aurait pas d’intérêt à qualifier faussement la société Daudi de distributeur exclusif et que dès lors son attestation corroborée par les factures, les packaging précisant 'création D X, distribué par : Daudi Sarl’ avec la référence explicite à son gérant M. E F versés aux débats justifient suffisamment de la qualité de distributeur exclusif de la société Daudi et dès lors de son intérêt à agir.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la concurrence déloyale et parasitaire

M. X et la société Daudi critiquent le jugement entrepris en ce qu’il n’a pas fait droit à leur demande de concurrence déloyale fondée sur le risque de confusion.

La cour rappelle que la concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce qui implique qu’un signe ou un produit qui ne fait pas l’objet de droits de propriété intellectuelle, puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant à l’absence de faute par la création d’un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit, circonstance attentatoire à l’exercice paisible et loyal du commerce.

Le parasitisme est constitué lorsqu’une personne physique ou morale, à titre lucratif et de façon injustifiée, copie une valeur économique d’autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements.

Il ressort des éléments versés aux débats que la cuillère de dressage créée par M. X et commercialisée par la société Daudi a rencontré un vif succès et a fait l’objet de nombreuses publicités et articles de presse. M. X a créé avec sa «cuillère plume'' une réelle valeur économique à laquelle sont associés des termes de communication, un partenariat conclu avec l’émission télévisuelle Top Chef donnant lieu à des présentations de la cuillère et à la commercialisation d’un coffret Top Chef en 2014 et un autre partenariat avec Gault et Millau.

Il n’est par ailleurs pas contesté que cette création et sa commercialisation étaient antérieures à l’introduction sur le marché de la cuillère des sociétés CMP et Y.

La cour retient également que M. X et la société Daudi justifient de dépenses consacrées à la promotion de leur produit alors que les sociétés CMP et Y ne justifient d’aucune dépense à ce

titre.

La cuillère de dressage de M. X est vendue en différentes tailles, avec diverses finitions s’agissant du manche (en inox, en silicone, en bois, en plastique) et dans différents coloris. Son esthétique est inspirée des plumes utilisées anciennement pour écrire. Le cuilleron creux est large à sa base au niveau du manche et se resserre à l’extrémité formant un bec fin, pincé et enroulé, donnant de la rondeur à la plume. L’extrémité du cuilleron est coupée droit et les bords latéraux sont roulés.

La cuillère de dressage des sociétés CMP et Y a une forme et une esthétique tout à fait différente exclusive de confusion avec la cuillère de M. X étant en outre rappelé que l’action ne se situe pas sur la protection d’un droit d’auteur ou de dessins et modèles.

En revanche, la cour constate que c’est à juste titre que jugement a retenu que de manière fautive les sociétés CMP et Y ont présenté sur les emballages de leur cuillère les éléments suivants rappelant ceux qui ont fait connaître la cuillère de M. X et la société Daudi :

— l’appellation « Déco’plume '' de la cuillère des sociétés CMP et Y reprend une association des noms « Cuillère Plume '' et « Décospoon '' créés par M X, terme qui n’était nullement nécessaire pour désigner une cuillère de dressage,

— la mention «Top Vente» au recto et au verso de l’emballage dans un cadre de télévision fait explicitement référence à l’émission de télévision «Top Chef» dans laquelle la cuillère de M. X a été présentée et vendue dans un emballage faisant référence explicite à un produit «labellisé» Top Chef,

— l’image d’un plateau portant une tasse de café avec le mot «café» écrit autour de la tasse à l’aide de la cuillère, illustrée au dos de l’emballage des sociétés CMP et Y est la stricte copie d’une démonstration de la «cuillère plume» de M. X dans un spot télévisuel (pièce 18.1 des intimés),

— la mention «Créations originales par droit d’auteur» portée au dos de l’emballage de la cuillère CMP est trompeuse.

C’est par d’exacts motifs que le tribunal a déduit de ces éléments l’existence d’une concurrence parasitaire des sociétés CMP et Y à l’encontre de M. X et de la société Daudi, le jugement sera confirmé de ce chef.

Ces agissements sont en outre également constitutifs d’une concurrence déloyale dès lors qu’ils ont aussi comme objectif de créer une confusion dans l’esprit du public entre la cuillère commercialisée par les intimés et celle des appelants nonobstant leur différence d’apparence ci-dessus relevée.

En faisant explicitement référence aux éléments de promotion et de présentation qui ont fait connaître la cuillère de M. X et de la société Daudi, les sociétés CMP et Y ont non seulement voulu se mettre dans le sillage des intimés et profiter de leurs investissements mais ils ont également voulu créer une confusion entre leurs produits par l’utilisation de mots, d’expressions et de dessins figurant sur le pakaging.

La confusion a d’ailleurs été effectivement constatée sur le site Cdiscount qui a présenté à la vente la cuillère des appelantes sous la dénomination «cuillère Plume-DécoSpoon», c’est à dire de manière strictement identique au produit des intimés (pièces intimés 6-1 et 14).

Ainsi le jugement sera infirmé en ce qu’il a jugé qu’il n’y avait pas lieu de retenir de concurrence déloyale.

Sur les mesures réparatrices

La concurrence parasitaire et la concurrence déloyale retenues doivent être réparées tant à l’égard de M. X que de la société Daudi sans que la cour ne soit en mesure de déterminer le préjudice subi séparément par chacun, les demandes formées par les intimés ne distinguant pas.

La Cour est à même de fixer eu égard aux éléments produits et notamment au succès commmercial rencontré par les cuillères à dresser, l’entière réparation des préjudices subis ensemble par M. X et la société Daudi à la somme totale de 40 000 euros au titre tant de la concurrence parasitaire que de la concurrence déloyale à laquelle seront condamnées in solidum les sociétés CMP et Y.

Les mesures d’interdiction prononcées par le jugement seront confirmées sans qu’il y ait lieu d’y ajouter ou de prévoir des mesures complémentaires de publication.

Sur les autres demandes

Il s’infère de ce qui précède que le jugement sera également confirmé en ce qu’il a rejeté le surplus des demandes de M. X et la société Daudi et les demandes reconventionnelles des sociétés CMP et Y et en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Les sociétés CMP et Y seront également condamnées aux dépens d’appel et au paiement d’une somme complémentaire de 5 000 euros pour les frais irrépétibles engendrés par l’appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement sauf en ce qu’il a débouté M. X et la société Daudi de leurs demandes fondées sur la concurrence déloyale et en ce qu’il a condamné les sociétés Z A Parisien et Agence d’Actions Commerciales à payer la somme de 30 000 euros au titre du préjudice subi du fait des actes de concurrence parasitaire,

Et statuant à nouveau dans cette limite,

Condamne in solidum les sociétés Z A Parisien et Agence d’Actions Commerciales à payer à M. X et à la société Daudi une somme totale de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale et parasitaire,

Rejette toutes autres demandes des parties contraires à la motivation ;

Condamne in solidum les sociétés Z A Parisien et Agence d’Actions Commerciales aux dépens et à payer à M. X et à la société Daudi une somme complémentaire de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La Greffière La Présidente

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Textes cités dans la décision

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