Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 8, 6 juin 2019, n° 18/08319

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 4 - ch. 8, 6 juin 2019, n° 18/08319
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 18/08319
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 8 avril 2018, N° 18/80509
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 8

ARRÊT DU 06 JUIN 2019

(n° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/08319 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B5R5N

Décision déférée à la cour : jugement du 09 avril 2018 -juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Paris – RG n° 18/80509

APPELANTS

Monsieur Z X

né le […] à Vesoul

2 rue Z Ange

[…]

Monsieur A Y

né le […] à Menton

[…]

[…]

Sas B Consulting, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 478 182 538 00023

[…]

[…]

représentés par Me Antoine Lachenaud de la Selarl MCM Avocat, avocat au barreau de Paris, toque : P0228, substitué à l’audience par Me Philippe Maisonneuve, avocat au barreau de Paris

INTIMÉE

Société Glassdoor Inc., agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[…]

Mill Valley, CA […]

représentée par Me Elsa Rodrigues, avocat au barreau de Paris, toque : R234

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 mai 2019, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Emmanuelle Lebée, présidente, et M. Gilles Malfre, conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Emmanuelle Lebée, présidente de chambre, chargée du rapport

M. Gilles Malfre, conseiller

Mme Fabienne Trouiller, conseillère

Greffier, lors des débats : M. C D

ARRÊT : - contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Mme Emmanuelle Lebée, présidente et par M. C D, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu la déclaration d’appel en date du 20 avril 2018 ;

Vu les conclusions récapitulatives de la société B Consulting, de M. X et de M. Y, en date du 16 avril 2019 tendant à voir la cour infirmer le jugement, notamment, en ce qu’il a supprimé l’astreinte et les a condamnés à payer une indemnité de procédure, et, la cour statuant à nouveau, tendant à voir liquider l’astreinte à la somme de 12 000 euros, condamner la société Glassdoor à leur payer cette somme et fixer à la somme de 10 000 euros par jour de retard, à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, le montant de l’astreinte en cas d’inexécution à leur égard des condamnations prononcés par l’ordonnance de référé du tribunal de commerce de Paris du 24 août 2016, rectifiée par l’ordonnance du 2 mars 2017, et ce pendant une durée de 30 jours, condamner la société Glassdoor à leur payer la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens ;

Vu les conclusions récapitulatives de la société de droit américain Glassdoor Inc., en date du 5 avril 2019, tendant à voir la cour confirmer le jugement, débouter les appelants de leurs demandes, les condamner in solidum à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel ;

Pour plus ample exposé du litige, il est fait renvoi aux écritures visées.

SUR CE :

La société B se présente comme une société de conseil basée en France dirigée par MM. X et Y.

La société de droit américain Glassdoor exploite un site Internet où les employés actuels et anciens

employés d’entreprises évaluent leur environnement de travail de manière anonyme, site dont l’objectif est, selon cette société, de favoriser et améliorer le marché du travail.

Depuis 2016, cette société a publié sur son site internet des commentaires concernant les conditions de travail au sein de la société B, parmi lesquels quatre avis, publiés en mai et juin 2016, qui ont conduit celle-ci, ainsi que MM. X et Y, à saisir en référé le tribunal de commerce de Paris.

Par ordonnance de référé du 24 août 2016, il a été enjoint à la société Glassdoor de communiquer les dates et heures de début et fin de connexion, les informations fournies par les auteurs des messages litigieux lors de la création de leurs comptes, le cas échéant, les adresses postales, les adresses de courrier électronique ou de compte et les numéros de téléphone associés, sous astreinte de 100 euros par jour et par message de retard à compter du 8e jour de la signification de la décision et pendant un délai de trente jours.

Par ordonnance du 2 mars 2017, la précédente ordonnance a été rectifiée ainsi : la phrase « 1'identifiant de la connexion ayant permis la publication des commentaires litigieux'' étant ajoutée avant « les dates et heures de début et fin de connexion ''.

Ces ordonnances ont été signifiées le 14 avril 2017 à la société Glassdoor.

Le 9 janvier 2018, la société B, MM. X et Y ont assigné la société Glassdoor afin que le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Paris liquide l’astreinte à la somme de 3 000 euros, condamne la défenderesse à une nouvelle astreinte de 10 000 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement outre à leur verser la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Par jugement du 9 avril 2018, le juge de l’exécution a supprimé l’astreinte et condamné in solidum la société B, MM. X et Y au paiement d’une indemnité de procédure.

C’est la décision attaquée.

Sur la suppression de l’astreinte :

Aux termes de l’article L. 131-4 du code des procédures civiles d’exécution, le montant de l’astreinte est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter, l’astreinte pouvant être supprimée en tout ou partie s’il est établi que l’inexécution ou le retard dans l’exécution provient en tout ou partie d’une cause étrangère laquelle s’étend à tous les cas dans lesquels le débiteur s’est trouvé dans l’impossibilité juridique ou matérielle de se conformer à l’injonction du juge.

Pour statuer comme il l’a fait, le premier juge a retenu que l’exécution des obligations prescrites par le juge des référés entraînerait des difficultés tellement importantes qu’elles équivalent à une impossibilité, que cela supposerait de la part de la société Glassdoor de porter atteinte de manière excessive et disproportionnée à la liberté d’expression et à la vie privée de tierces personnes en communiquant des informations tenant à leur adresse tant électronique que postale ainsi que d’autres renseignements strictement personnels aux seules fins d’identifier les auteurs de propos dont le caractère illicite n’est pas démontré.

Les appelants invoquent d’abord, un déni de justice, au motif que le premier juge n’a pas analysé leurs demandes mais seulement celle de la défenderesse. Cependant, en l’absence de refus de juger, il n’y a pas de déni de justice.

Les appelants soutiennent vainement, ensuite, que le juge de l’exécution a outrepassé son pouvoir en

supprimant l’astreinte. En effet, il tient ce pouvoir de l’article L. 131-4 précité.

C’est en vain que les appelants soutiennent, encore, que contrairement aux dispositions de l’article R. 121-1 du code des procédures civiles d’exécution, le juge de l’exécution a modifié le dispositif de la décision de justice.

En effet, la disposition par laquelle est prononcée une astreinte ne tranche aucune contestation et n’a pas dès lors l’autorité de la chose jugée. Il en résulte que le juge dispose du pouvoir de modifier à tout moment sa décision relative à l’astreinte, pour la supprimer, aménager son montant, prolonger ou réduire sa durée.

À bon droit, les appelants soutiennent que la cause étrangère invoquée par l’intimée, telle que l’a retenue le premier juge pour supprimer l’astreinte, ne peut être qu’extérieure à la société Glassdoor et ne peut résider en la supposition par celle-ci que l’exécution de l’obligation porterait atteinte de manière excessive et disproportionnée à la liberté d’expression et à la vie privée de tierces personnes ni dans l’absence de démonstration du caractère illicite des propos critiqués.

L’intimée soutient que l’obligation est dépourvue de fondement car les appelants ne peuvent agir à l’encontre des auteurs que sur le fondement de la loi de 1881 et qu’ils sont désormais prescrits.

Cependant, il n’est pas possible d’opposer aux appelants la perte de fondement de l’obligation.

En effet, les ordonnances de référé du 24 août 2016 et du 2 mars 2017 signifiées à l’intimée, qui les a reçues le 11 mai 2017 et n’en pas interjeté appel, sont désormais définitives et la perte de fondement alléguée par l’intimée ne saurait résider dans l’absence, également supposée, des chances de succès des actions éventuellement à mener par la société B et ses dirigeants à l’encontre des auteurs, alors identifiés, des propos litigieux.

La perte de fondement ne peut constituer non plus dans le fait que les contenus publiés sur internet n’étaient pas manifestement illicites et qu’en conséquence ne pouvaient s’appliquer les dispositions de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique du 21 juin 2014 qui permettent de demander la condamnation judiciaire des hébergeurs à fournir l’identité des auteurs de contenus manifestement illicites publiés sur internet.

Ce moyen tend à voir modifier l’ordre du juge des référés alors que, saisie du recours formé à l’encontre du jugement du juge de l’exécution, la cour d’appel n’a pas le pouvoir de réformer ou d’annuler une autre décision de justice, irrévocable, étant ajouté qu’aucun juge du fond n’a été saisi du litige.

Il convient en conséquence d’infirmer le jugement attaqué en ce qu’il a supprimé l’astreinte.

Sur la liquidation de l’astreinte :

En l’espèce, la société Glassdoor n’invoque aucune difficulté matérielle d’exécution et manifeste clairement son intention de ne pas exécuter l’obligation. Il convient donc de liquider l’astreinte prononcée par l’ordonnance de référé à la somme de (4 messages x 30 jours x 100 euros = ) 12 000 euros.

Sur le prononcé d’une nouvelle astreinte :

Compte-tenu de ce qui a été dit plus haut, et du refus manifesté par la société Glassdoor d’exécuter l’ordre irrévocable du juge, il convient de fixer une nouvelle astreinte d’un montant de 1 000 par jour et par message, à compter du mois suivant la signification de la présente décision et pendant une durée d’un mois.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

L’intimée qui succombe doit être condamnée aux dépens, déboutée de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamnée à payer aux appelants, en application de ces dernières dispositions, la somme dont le montant est précisé au dispositif.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement ;

Statuant à nouveau,

Liquide l’astreinte à la somme de 12 000 euros et condamne la société Glassdoor Inc. à payer cette somme aux appelants ;

Fixe une astreinte provisoire d’un montant de 1 000 euros par message et jour de retard en cas d’inexécution par la société Glassdoor Inc. de l’obligation mise à sa charge par l’ordonnance de référé du 24 août 2016, rectifiée par ordonnance du 2 mars 2017, laquelle commencera à courir un mois après la signification du présent arrêt et pendant une durée d’un mois ;

Condamne la société Glassdoor Inc. à payer aux appelants la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel ;

Rejette toutes autres demandes ;

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

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