Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 4, 14 décembre 2020, n° 20/04498

  • Tierce personne·
  • Rente·
  • Préjudice moral·
  • Amiante·
  • Préjudice esthétique·
  • Demande·
  • Fonds d'indemnisation·
  • Physique·
  • Assistance·
  • Préjudice d'agrement

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 2 - ch. 4, 14 déc. 2020, n° 20/04498
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 20/04498
Décision précédente : Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, 14 janvier 2020
Dispositif : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Sur les parties

Texte intégral

Copies certifiées conformes

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 2 – Chambre 4

ARRET DU 14 DECEMBRE 2020

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/04498 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBTMU

Décision déférée à la Cour : Offre du 15 Janvier 2020 – Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante

APPELANTS

Monsieur X Y

[…]

[…]

né le […]

représenté par Me Jean-Christophe COUBRIS, avocat au barreau de BORDEAUX substitué par Me Anne-laure TIPHAINE, avocat au barreau de PARIS, toque : A0251

Madame Z Y

[…]

[…]

née le […]

représentée par Me Jean-Christophe COUBRIS, avocat au barreau de BORDEAUX substitué par Me Anne-laure TIPHAINE, avocat au barreau de PARIS, toque : A0251

INTIME

FONDS D’INDEMNISATION DES VICTIMES DE L’AMIANTE

[…]

[…]

[…]

[…]

représenté par Me Julien TSOUDEROS, avocat au barreau de PARIS, toque : D1215

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 Novembre 2020, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Catherine COSSON, Conseillère faisant fonction de présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Catherine COSSON, Conseillère faisant fonction de présidente

Mme Sylvie LEROY, Conseillère

M. A B, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffier, lors des débats : Mme Sylvie FARHI

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Catherine COSSON, Conseillère faisant fonction de présidente et par Sylvie FARHI, Greffière présente lors de la mise à disposition.

M. X Y né le […], qui dit avoir été exposé aux poussières d’amiante dans l’exercice de son activité professionnelle, est atteint d’un mésothéliome diagnostiqué le 13 novembre 2018.

Par décision du 22 juin 2020, la CPAM de l’Essonne a reconnu le caractère professionnel de sa maladie au titre du tableau 30. Cet organisme lui sert une rente depuis le 30 septembre 2018.

M. X Y a saisi le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA) d’une demande d’indemnisation de ses préjudices du fait de sa pathologie.

Par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 15 janvier 2020, le FIVA lui a présenté l’offre suivante :

— préjudice fonctionnel en attente

— préjudice moral 32.300 €

— préjudice physique 11.000 €

— préjudice d’agrément 11.000 €

— préjudice esthétique 2.000 €

Par déclaration datée du 9 mars 2020, envoyée par lettre recommandée avec accusé de réception, M. X Y et sa fille, Mme Z Y, ont contesté cette offre.

Par conclusions déposées au greffe de la cour le 6 novembre 2020, M. X Y et Mme Z Y demandent à la cour :

— de les recevoir en leurs écritures, de les déclarer fondés,

— de condamner le FIVA à verser à M. X Y une indemnité de 41.178,74 € en réparation de ses préjudices patrimoniaux et de 154.951,60 € en réparation de ses préjudices extrapatrimoniaux,

— de condamner le FIVA à verser à Mme Z Y une indemnité de 15.000 € au titre de son préjudice moral,

— d’assortir ces sommes des intérêts de droit y afférent, à compter du jour du dépôt du dossier de demande d’indemnisation auprès du FIVA,

— de condamner le FIVA à leur verser la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— de condamner le FIVA aux dépens,

— de débouter le FIVA de toute demande contraire.

Par conclusions déposées au greffe de la cour le 4 novembre 2020, le FIVA sollicite de la cour :

Sur les demandes nouvelles :

— qu’elle déclare irrecevables les demandes nouvelles formulées au titre du recours à l’assistance d’une tierce personne pour M. X Y ainsi que du préjudice moral de Mme Z Y,

— à titre subsidiaire, qu’elle rejette les demandes nouvelles formulées au titre du préjudice lié au recours à l’assistance d’une tierce personne pour M. X Y ainsi que du préjudice moral de Mme Z Y,

Sur les préjudices subis par M. X Y :

* sur le préjudice fonctionnel :

— qu’elle prenne acte de l’accord des parties sur l’assiette de la rente telle que retenue par le FIVA, soit 19.436 € par an pour un taux de 100 % (valeur au 1er avril 2020) et sur la déduction de l’indemnité due par le FIVA des sommes versées par son organisme de sécurité sociale,

— qu’elle constate que la notification de rente en date du 16 juillet 2020 et fixant le taux d’incapacité de M. X Y à 100 % à compter du 30 septembre 2018, n’est que provisoire,

— en conséquence qu’elle ordonne le sursis à statuer dans l’attente de la réponse de la CPAM sur le caractère définitif du montant de la rente servie à M. X Y,

* sur les autres préjudices extrapatrimoniaux :

— qu’elle confirme l’offre du FIVA du 15 janvier 2020 au titre des préjudices extrapatrimoniaux subis par M. X Y, à savoir :

— préjudice moral 32.300 €

— préjudice physique 11.000 €

— préjudice d’agrément 11.000 €

— préjudice esthétique 2.000 €

En tout état de cause,

— qu’elle déduise des sommes éventuellement allouées la provision amiable versée par le FIVA,

— qu’elle déboute M. X Y de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ainsi que de l’ensemble de ses demandes.

A la demande de la cour, le conseil de M. X Y a fait parvenir un extrait d’acte de naissance de son client daté du 16 novembre 2020.

CELA ETANT EXPOSE, LA COUR :

Sur la demande de Mme Z Y

Aux termes de l’article 53-V de la loi n° 2000 – 1257 du 23 décembre 2000, le demandeur ne dispose du droit d’action en justice contre le FIVA que si sa demande d’indemnisation a été rejetée, si aucune offre ne lui a été présentée dans le délai mentionné au premier alinéa du IV ou s’il n’a pas accepté l’offre qui lui a été faite.

L’article 15 du décret n° 2001-963 du 23 octobre 2001 précise que la demande d’indemnisation est présentée au FIVA au moyen d’un formulaire conforme au modèle approuvé par son conseil d’administration accompagnée des pièces justificatives.

Il résulte de ces textes que le droit d’action d’un demandeur à l’encontre du FIVA est subordonné à la saisine préalable de ce fonds d’indemnisation au moyen du formulaire établi à cet effet.

En l’occurrence, il est constant que Mme Z Y n’a présenté aucune demande au FIVA. Son recours est en conséquence irrecevable.

Sur les demandes de M. X Y

Sur le préjudice fonctionnel

Les parties s’accordent sur le montant de la rente versée par le FIVA au 1er avril 2020, soit 19.436 €.

Le FIVA fait justement valoir que des sommes qu’il doit, il y a lieu de déduire celles versées par l’organisme de sécurité sociale de la victime en réparation du même préjudice. Or, en l’espèce, la rente versée par la sécurité sociale est provisoire ainsi que cela résulte du courriel de la CPAM de Seine et Marne en date du 4 novembre 2020 qui explique ne pas avoir reçu les bulletins de salaire lui permettant de calculer le montant de la rente définitive.

Il s’ensuit qu’il y a lieu de surseoir à statuer sur la réparation de ce préjudice jusqu’à ce que soit connu le montant de la rente définitive versée par la CPAM de Seine et Marne.

Sur le préjudice moral

M. X Y expose subir un préjudice moral évident et incontestable. Il fait valoir que l’annonce du diagnostic d’un mésothéliome a été particulièrement difficile à vivre, qu’il doit se soumettre régulièrement à des contrôles et soins lourds qui majorent son anxiété et qu’il a perdu l’appétit.

Le FIVA en réponse soutient qu’il n’est pas démontré qu’il a minoré les souffrances morales subies par la victime.

M. X Y ne démontrant pas que la somme de 32.300 € ne répare pas intégralement son préjudice, celle-ci est allouée.

Sur le préjudice physique

M. X Y fait état des souffrances endurées du fait de sa maladie et des traitements entrepris.

Le FIVA rappelle que les souffrances physiques doivent s’apprécier conformément au droit commun et non comme un préjudice spécifique aux malades de l’amiante.

Les pièces médicales produites aux débats établissent :

— que M. X Y a consulté en septembre 2018, le centre hospitalier Sud Francilien en raison de la survenance d’une douleur thoracique,

— que les premiers examens réalisés ont permis de révéler un épanchement pleural droit et une masse apicale droite,

— qu’il a notamment été effectué outre un TDM thoracique, une fibroscopie bronchique et une ponction exploratrice,

— que le 13 novembre 2018, M. X Y a subi une vidéothoracoscopie droite pour biopsie pleurale et talcage,

— qu’il a été pris en charge en oncologie pour cures de chimiothérapie.

Au regard de ces éléments, le préjudice physique subi par M. X Y est réparé par la somme de 20.000 €.

Sur le préjudice d’agrément

Il résulte des témoignages versés aux débats que lorsque sa maladie a été diagnostiquée, M. X Y alors âgé de 81 ans, était un homme actif qui jardinait et bricolait ce qu’il ne peut plus faire ou ne peut faire que difficilement.

Son préjudice qui ne comprend pas la perte de la qualité de la vie laquelle est une composante du préjudice fonctionnel, est réparé par la somme offerte de 11.000 €.

Sur le préjudice esthétique

La cicatrice de la thoracoscopie et la perte de poids de 4 à 5 kilos sont constitutives d’un préjudice esthétique qui est réparé par la somme de 2.000 €.

Sur la tierce personne

M. X Y est recevable à formuler devant la cour un chef de préjudice qu’il n’avait pas initialement réclamé au FIVA.

Il soutient qu’il a perdu en autonomie, a eu rapidement besoin de l’assistance d’une tierce personne, assistance qui lui est apportée par sa fille et son gendre. Il évalue son besoin à 4 heures par semaine à

compter du 13 novembre 2018 et de façon viagère pour l’entretien de sa maison, de son jardin, pour se rendre à ses rendez-vous médicaux et de manière générale pour l’accompagner lors de ses sorties.

Cependant, le FIVA s’oppose à juste titre à la demande, relevant notamment que la nécessité de recourir à l’assistance d’une tierce personne ne peut être justifiée par des considérations générales ni s’induire de la nature de la pathologie.

Aucune des pièces médicales produites, la plus récente datant du 9 mars 2020, n’établissent le besoin en tierce personne de M. X Y. Les attestations établies par sa fille et son gendre si elles font état de sa fatigue et du fait qu’il est essoufflé, ne mentionnent aucun besoin d’assistance et ne font pas état de l’aide qu’ils pourraient lui apporter.

La présence de sa fille à ses cotés lors d’un rendez-vous médical témoigne de l’attention qu’elle lui porte et n’est pas synonyme de besoin en tierce personne. Il en est de même du fait qu’une maladie est prise en charge à 100 %.

Faute de démonstration d’un besoin en lien de causalité direct et certain avec le mésothéliome malin dont il souffre, la demande de M. X Y au titre de la tierce personne est rejetée.

Sur les autres demandes

Les sommes allouées, de nature indemnitaire, porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Il est alloué à M. X Y la somme de 1.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile et le surplus de la demande est rejeté.

PAR CES MOTIFS

Dit irrecevable la demande présentée par Mme Z Y,

Dit recevable la demande présentée par M. X Y au titre de la tierce personne ; la rejette,

Alloue à M. X Y :

—  20.000 (vingt mille) euros au titre des souffrances physiques,

—  32.300 (trente deux mille trois cents) euros au titre du préjudice moral,

—  11.000 (onze mille) euros au titre du préjudice d’agrément,

—  2.000 (deux mille) euros au titre du préjudice esthétique,

Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Dit que de ces sommes seront déduites les provisions éventuellement déjà versées par le FIVA,

Sursoit à statuer sur la réparation du préjudice fonctionnel jusqu’à ce que soit connu le montant de la rente définitive versée par la CPAM de Seine et Marne,

Alloue à M. X Y la somme de 1.000 (mille) euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette le surplus de la demande,

Laisse les dépens exposés à ce jour à la charge du FIVA.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 4, 14 décembre 2020, n° 20/04498