Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 7, 9 juillet 2020, n° 19/19061

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Chronologie de l’affaire

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Maxime Galland · Bulletin Joly Bourse · 1er novembre 2020
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 ch. 7, 9 juill. 2020, n° 19/19061
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 19/19061
Importance : Inédit
Décision précédente : Autorité des marchés financiers, 19 juin 2019
Dispositif : irrecevabilite
Date de dernière mise à jour : 1 octobre 2022
Lire la décision sur le site de la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 7

ARRÊT DU 09 JUILLET 2020

(n° 17, 7 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 19/19061 auquel sont joints les RG : 19/19067 et 19/19069 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAZQA

Décision déférée à la Cour : décision du Collège de l’Autorité des marchés financiers en date du 20 juin 2019

DEMANDEURS AU RECOURS :

Mme [T], [M] [I]

Née le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 6] (MAROC)

Nationalité marocaine

M. [R] [V]

Né le [Date naissance 3] 1968

Nationalité française

SOCIÉTÉ DIANA HOLDING S.A.

Prise en la personne de Mme [T] [I], ès-qualités de président directeur général

Inscrite au RCS de Meknes sous le n°17 893

Ayant son siège social [Adresse 7]

Élisant tous domicile au cabinet de l’ARRPI JEANTET

[Adresse 5]

Représentés par Me Frank MARTIN LAPRADE, de l’AARPI JEANTET, avocat au barreau de PARIS, toque : T04

EN PRÉSENCE DE :

L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS

Prise en la personne de son président

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Mme [X] [F], dûment mandatée

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 04 juin 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

' Mme Frédérique SCHMIDT, présidente de chambre, présidente

' Mme Agnès MAITREPIERRE, présidente de chambre

' Mme Brigitte BRUN-LALLEMAND, présidente de chambre

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Mme Véronique COUVET

MINISTÈRE PUBLIC : auquel l’affaire a été communiquée et qui a fait connaître son avis par écrit

ARRÊT :

' contradictoire

' rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

' signé par Mme Frédérique SCHMIDT, présidente de chambre et par Mme Véronique COUVET, greffière à qui la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

* * * * * * * *

Vu la décision de la commission spécialisée du Collège de l’Autorité des marchés financiers, du 20 juin 2019, de notifier des griefs à l’encontre de la société Diana Holding, de Mme [I] et de M. [V] ;

Vu les notifications de griefs qui leur ont été adressées à chacun le 14 octobre 2019 ;

Vu les déclarations de recours formées par Mme [I], M. [V] et la société Diana Holding contre la décision de la commission spécialisée du Collège de l’Autorité des marchés financiers, du 20 juin 2019 précitée, déposées au greffe de la Cour le 25 octobre 2019 sous les n° RG 19/19061, 19/19067 et 19/19069 ;

Vu le rectificatif apporté à la déclaration de recours précitée déposé au greffe de la Cour le 28 octobre 2019 par la société Diana Holding ;

Vu les observations écrites déposées au greffe de la Cour par chacun des demandeurs au recours le 12 novembre 2019 et le 15 avril 2020 ;

Vu les observations écrites déposées au greffe de la Cour par l’Autorité des marchés financiers le 14 février 2020 ;

Vu l’avis du ministère public du 30 mai 2020 communiqué le même jour aux demandeurs au recours et à l’Autorité des marchés financiers ;

Après avoir entendu en leurs observations orales, à l’audience publique du 4 juin 2020, le conseil des demandeurs au recours, ainsi que le représentant de l’Autorité des marchés financiers, les demandeurs au recours ayant eu la parole en dernier et été mis en mesure de répliquer ;

Vu la jonction des trois affaires sous le RG n°19/19061, ordonnée à l’issue de cette audience.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

1.Le 27 août 2015, une enquête a été ouverte par l’Autorité des marchés financiers (ci-après l’ « AMF ») sur l’information financière et le marché du titre de la société Marie Brizard Wine & Spirit (MBWS), à compter du 1er janvier 2015, puis, par décision du 17 juin 2016, a été étendue à l’information financière, au marché du titre de la société MBWS et à tout instrument qui lui serait lié, à compter du 1er juillet 2014.

2.A la suite du dépôt du rapport d’enquête, la commission spécialisée du collège de l’AMF a, le 20 juin 2019, décidé de notifier des griefs à la société Diana Holding, à Mme [I], en sa qualité de représentante légale de cette société, ainsi qu’à M. [V], en sa qualité de membre du conseil d’administration de ladite société.

3.Le 14 octobre 2019, le Président de l’AMF a adressé les notifications de griefs à leurs destinataires, reçues par Mme [I] et M. [V] le lendemain et par la société Diana Holding le surlendemain.

4.Le 25 octobre 2019, la société Diana Holding, Mme [I] et M. [V] ont respectivement déposé au greffe de la Cour une déclaration de recours en annulation de la décision de notification des griefs prise à leur encontre.

5.Le 28 octobre, la société Diana Holding a déposé au greffe de la Cour, une « déclaration de recours », à titre « rectificatif », précisant que son recours avait pour objet l’annulation de la décision de notification des griefs, ainsi que la réparation des conséquences dommageables qu’elle estimait nées de cette décision.

6.Aux termes de leurs exposés des moyens, Mme [I] et M. [V], demandent à la Cour :

' de déclarer recevable leur recours ;

' de constater l’illégalité de la décision de notification des griefs les concernant ;

' en conséquence, d’annuler cette décision ;

' en toute hypothèse, de condamner l’AMF à leur verser chacun la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

7.Aux termes de son exposé des moyens, la société Diana Holding, qui formule les mêmes demandes, sollicite, en outre, la condamnation de l’AMF à lui verser :

' d’une part, la somme de 120 000 euros, à parfaire, en réparation des conséquences dommageables résultant pour elle de la décision de notification des griefs ;

' d’autre part, la somme de 4 700 000 euros, à parfaire, en réparation des conséquences dommageables résultant pour elle des fautes commises dans le cadre des « actes préparatoires » à la décision de notification des griefs.

8.L’AMF et le ministère public invitent la Cour à déclarer les recours irrecevables.

*

* *

MOTIVATION

I. SUR LA RECEVABILITÉ DES RECOURS EN ANNULATION

9.Au soutien de la recevabilité de leurs recours en annulation, les demandeurs font valoir, pour l’essentiel, trois arguments.

10.En premier lieu, ils soutiennent que la décision de notification des griefs constitue une décision individuelle de l’AMF qui entre, à ce titre, dans le champ des voies de recours prévues à l’article L.621-30 du code monétaire et financier, sans qu’il y ait lieu de distinguer, ce texte ne distinguant pas, selon que la décision individuelle en cause émane du Collège ou de la Commission des sanctions de l’AMF.

11.En deuxième lieu, ils relèvent que l’article L. 621-14-1 in fine du même code soumet aux voies de recours prévues par l’article L. 621-30, précité, les décisions individuelles de l’AMF qui sont « mentionnées au présent article » (l’article L.621-14-1), ce qui comprend, selon eux, la décision de notification des griefs, à la suite de laquelle les griefs sont notifiés, en même temps que la notification d’une proposition d’entrer en voie de composition administrative. En ce sens, ils soutiennent que toutes les décisions individuelles susceptibles d’être prises dans le cadre d’une procédure de sanction, que ce soit par le Collège ou par la Commission des sanctions, peuvent faire l’objet d’un recours de plein contentieux, peu important que l’article L.621-14-1 du code monétaire et financier ne le prévoit pas expressément pour la décision de notification des griefs, contrairement à ce qui est prévu dans le cadre de la procédure de composition administrative, laquelle fait également partie de la procédure de sanction.

12.En troisième lieu, les demandeurs au recours estiment que la séparation organique entre le Collège (organe de poursuites) et la Commission des sanctions (organe de jugement) justifie qu’une voie de recours autonome soit ouverte à l’encontre de leurs décisions respectives, sans que l’une puisse être considérée comme un simple « acte préparatoire » de l’autre, au seul motif que l’une précède l’autre dans l’ordre chronologique.

13.En quatrième lieu, la société Diana Holding considère que l’ouverture d’un recours autonome constitue le seul moyen, d’une part, d’obtenir réparation pour les frais de défense engagés par elle dans le cadre la procédure de sanction et, d’autre part, d’engager la responsabilité de l’AMF en raison des actes préparatoires à la décision de notification des griefs, du fait des actes d’enquête ou du rapport d’enquête.

14.Dans ses observations, l’AMF fait valoir deux arguments au soutien de l’irrecevabilité des recours.

15.En premier lieu, si elle admet que la décision de notification des griefs constitue une décision individuelle, elle considère que cette décision n’est pas pour autant susceptible de faire l’objet d’un recours autonome de la décision de la Commission des sanctions, cette première décision ne faisant pas grief mais constituant un simple acte préparatoire, qui s’inscrit dans le cadre de la procédure de sanction ou qui s’y incorpore.

16.En second lieu, elle rappelle qu’en droit administratif, un acte préparatoire ne peut, en tant que tel, faire l’objet d’un recours autonome, mais peut être contesté par la voie de l’exception d’illégalité à l’occasion du recours ouvert contre la décision finale et aboutir à l’annulation de celle-ci, ce qui évite la multiplication des recours éventuellement dilatoires et permet au juge d’apprécier l’ensemble de la procédure ayant abouti à la décision finale.

***

Sur quoi, la Cour :

17.L’article L.621-14-1 du code monétaire et financier figurant dans la sous-section 4 bis intitulée « Composition administrative » dispose :

« Lorsque le rapport d’enquête ou de contrôle établi par les services de l’Autorité des marchés financiers fait état de manquements commis par une personne mentionnée au 9° du II de l’article L. 621-9, au II de l’article L.621-15, sauf en cas de manquement mentionné au f du II du même article L.621-15, et aux obligations professionnelles mentionnées à l’article L.621-17, le collège de l’Autorité peut, en même temps qu’il notifie les griefs dans les conditions prévues à la première phrase du deuxième alinéa du I de l’article L.621-15, lui adresser une proposition d’entrée en voie de composition administrative.

Cette proposition suspend le délai fixé au deuxième alinéa du I de l’article L.621-15.

Toute personne à qui il a été proposé d’entrer en voie de composition administrative s’engage, dans le cadre d’un accord arrêté avec le secrétaire général de l’Autorité des marchés financiers, à verser au Trésor public une somme dont le montant maximum est celui de la sanction pécuniaire encourue au titre du III de l’article L.621-15.

L’accord est soumis au collège puis, s’il est validé par celui-ci, à la commission des sanctions, qui peut décider de l’homologuer. L’accord ainsi homologué est rendu public.

En l’absence d’accord homologué ou en cas de non-respect de celui-ci, la notification de griefs est transmise à la commission des sanctions qui fait application de l’article L.621-15.

Les décisions du collège et de la commission des sanctions mentionnées au présent article sont soumises aux voies de recours prévues à l’article L.621-30 » (souligné par la Cour).

18.L’article L.621-15, I, alinéa 1 et 2, du même code, auquel renvoie l’alinéa 1er de l’article précité, précise :

« Le collège examine le rapport d’enquête ou de contrôle établi par les services de l’Autorité des marchés financiers (…)

Sous réserve de l’article L.465-3-6, s’il décide l’ouverture d’une procédure de sanction, il notifie les griefs aux personnes concernées. Il transmet la notification des griefs à la commission des sanctions, qui désigne un rapporteur parmi ses membres ».

19.L’article L.621-30 du même code, auquel renvoie le dernier alinéa de l’article L.621-14-1, précité, précise :

« L’examen des recours formés contre les décisions individuelles de l’Autorité des marchés financiers autres que celles, y compris les sanctions prononcées à leur encontre, relatives aux personnes et entités mentionnées au II de l’article L.621-9 est de la compétence du juge judiciaire.

(…).

Lorsque les recours mentionnés au premier alinéa du présent article visent une décision individuelle de l’Autorité des marchés financiers relative à une offre publique mentionnée aux sections 1 à 3 du chapitre III du titre III du livre IV, la juridiction saisie se prononce dans un délai de cinq mois à compter de la déclaration de recours.

Les décisions prononcées par la commission des sanctions peuvent faire l’objet d’un recours par les personnes sanctionnées et par le président de l’Autorité des marchés financiers, après accord du collège. En cas de recours d’une personne sanctionnée, le président de l’autorité peut, dans les mêmes conditions, former un recours » (souligné par la Cour).

20.Il est constant que la décision de notification des griefs, prise par le Collège, sur le fondement de l’article L.621-1, I, alinéa 1, précité, constitue une décision individuelle de l’AMF et que cette décision s’inscrit dans le cadre de la procédure de sanction.

21.À l’instar de la notification des griefs qui la formalise, la décision de notification des griefs constitue un acte préparatoire, qui se borne à marquer une étape intermédiaire dans le processus décisionnel et qui n’a pas d’autre effet que de rendre possible le prononcé d’une décision de sanction, sans y aboutir nécessairement.

22.La séparation des organes de poursuite et de jugement ne s’oppose pas à cette qualification d’acte préparatoire, ni ne justifie qu’un recours autonome ou immédiat soit ouvert contre chacune de leurs décisions respectives.

23.L’article L.621-14-1 du code monétaire et financier, précité, figurant dans la sous-section 4 bis intitulée « Composition administrative », ne remet pas en cause cette analyse.

24.En effet, si le législateur a expressément prévu d’ouvrir une voie de recours autonome contre certaines décisions du Collège et de la Commission des sanctions de l’AMF, dans le cadre spécifique de la procédure de composition administrative, il n’a en revanche fait ce choix, ni pour l’acte de notification des griefs, ni pour la décision préalable de notifications des griefs.

25.Ce texte étant d’interprétation stricte, l’irrecevabilité des recours formés contre les actes préparatoires demeurant la règle à défaut de dispositions contraires, les présents recours sont irrecevables.

26.Cette irrecevabilité ne prive pas les demandeurs au recours de tout accès au juge pour contester la régularité de la décision de notification des griefs, la régularité de la procédure pouvant être contestée ultérieurement à l’occasion du recours exercé contre la décision de la Commission des sanctions.

27.En outre, cette irrecevabilité est conforme aux exigences de bonne administration de la justice. En effet, l’ouverture d’un recours autonome contre la décision de notification des griefs conduirait la Cour à porter une appréciation sur des questions sur lesquelles la Commission des sanctions ne s’est pas encore prononcée et aurait pour conséquence une anticipation des débats au fond et, partant, une confusion des différentes phases de la procédure, devant la Commission des sanctions puis devant la Cour.

28.Dès lors, les recours en annulation formés par Mme. [I], M. [V] et la société Diana Holding, sont irrecevables.

29.Le recours en annulation formé par la société Diana Holding contre la décision de notification des griefs, aux visas des articles R.621-44 à R.621-46 du code monétaire et financier, étant irrecevable, son « recours rectificatif », comprenant une demande en réparation des conséquences dommageables qui seraient nées de cette décision, l’est également par voie de conséquence.

30.Il convient donc de déclarer la société Diana Holding également irrecevable en son « recours rectificatif ».

II. SUR L’ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE ET SUR LES DÉPENS

31.Il n’a pas lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile.

32.Les demandeurs étant irrecevables en leur recours, ils supporteront les dépens de l’instance.

*

* *

PAR CES MOTIFS

DÉCLARE irrecevables les recours formés par la société Diana Holding, Mme [I] et M. [V], par déclarations au greffe du 25 et du 28 octobre 2019, contre la décision du Collège de l’Autorité des marchés financiers, du 20 juin 2019, de notifier des griefs à leur encontre ;

DÉCLARE irrecevable la demande, présentée par la société Diana Holding, en réparation des conséquences dommageables qui seraient nées de cette décision ;

DIT n’y a voir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Les condamne aux dépens.

LA GREFFIÈRE,

[L] [D]

LA PRÉSIDENTE,

[O] [W]

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