Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 15, 16 décembre 2020, n° 20/01715

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 15, 16 déc. 2020, n° 20/01715
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 20/01715
Décision précédente : Tribunal judiciaire de Paris, 12 janvier 2020
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées aux parties le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 15

ORDONNANCE DU 16 DECEMBRE 2020

(n°70, 15 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 20/01715(appel) auquel est joint le RG 20/1716(recours) – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBLAP

Décision déférée : Ordonnance rendue le 13 janvier 2020 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de PARIS

Procès-verbal de visite et saisie en date du 14 janvier 2020 clos à 17h10 pris en exécution de l’ordonnance rendue le 13 janvier 2020 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de PARIS

Nature de la décision : Contradictoire

Nous, AE AF-AG, Conseillère à la cour d’appel de PARIS, déléguée par le Premier Président de ladite Cour pour exercer les attributions résultant de l’article L16B du Livre des procédures fiscales, modifié par l’article 164 de la loi n°2008-776 du 04 août 2008 ;

assistée de AC AD, greffier lors des débats et de la mise à disposition ;

Après avoir appelé à l’audience publique du 21 octobre 2020 :

LA SOCIETE I F SA

prise en la personne de son Président

Élisant domicile au cabinet de Me Yann GROLLEAUD

[…]

[…]

LA SOCIETE G LA D SARL

agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant

Élisant domicile au cabinet de Me Yann GROLLEAUD

[…]

[…]

LA SOCIETE 1979 DIFFUSION SARL agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant

Élisant domicile au cabinet de Me Yann GROLLEAUD

[…]

[…]

LA SOCIETE 1979 DISTRIBUTION SAS

prise en la personne de son Président

Élisant domicile au cabinet de Me Yann GROLLEAUD

[…]

[…]

Représentées par Me Yann GROLLEAUD de l’AARPI VILLEY GIRARD GROLLEAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : R170

assistées de Me Hugo MATRICON plaidant pour l’AARPI VILLEY GIRARD GROLLEAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : R170

APPELANTES ET REQUERANTES

et

LA DIRECTION NATIONALE D’ENQUETES FISCALES

[…]

[…]

Représentée par Me Y DI FRANCESCO de la SELARL URBINO ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0137

assistée de Me I DO LAGO de la SELARL URBINO ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0137

INTIMÉE ET DEFENDERESSE AU RECOURS

Et après avoir entendu publiquement, à notre audience du 21 octobre 2020, l’avocat des requérantes, et l’avocat de l’intimée ;

Les débats ayant été clôturés avec l’indication que l’affaire était mise en délibéré au 16 Décembre 2020 pour mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

Avons rendu l’ordonnance ci-après :

Le 13 janvier 2020 le juge des libertés et de la détention (ci-après JLD) du Tribunal judiciaire (ci-après TJ) de PARIS a rendu, en application de l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales

(ci-après LPF), une ordonnance à l’encontre de :

La société de droit estonien C D W, représentée par son président et associé unique M Y-Z X, dont le siège social est sis […], Nomme […] et / W […] et qui a une activité de productions de films cinématographies, de vidéo et de programmes de télévision.

L’ordonnance du JLD de Paris autorisait les opérations de visite et saisie dans les lieux suivants :

— les locaux et dépendances sis 100 ' […], susceptibles d’être occupés par la société de droit estonien C D W et/W la SA I F et/W la SARL G LA D et/W l’EURL 1979 DIFFUSION et/W la SASU 1979 DISTRIBUTION et/W toute autre entité du groupe informel formé par la SA I F.

L’autorisation de visite et saisie des lieux susmentionnés était délivrée aux motifs que la société de droit estonien C D W exercerait sur le territoire national une activité de productions de films cinématographiques, de vidéo et de programmes de télévision et notamment de vente de droits de contenus visuels à caractère pornographique, sans souscrire les déclarations fiscales correspondantes et ainsi omettrait de passer les écritures comptables y afférentes.

Et ainsi serait présumée s’être soustraite et/W se soustraire à l’établissement et au paiement des impôts sur les bénéfices et de la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA), en se livrant à des achats W des ventes sans facture, en utilisant W en délivrant des factures W des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles W en omettant sciemment de passer W de faire passer des écritures W en passant W en faisant passer sciemment des écritures inexactes W fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le Code général des impôts (articles 54 et 209-I pour l’IS et 286 pour la TVA).

L’ordonnance était accompagnée de 65 pièces annexées à la requête.

Il ressortait des éléments du dossier que M. Y Z X, né le […] à PARIS et également connu sous les pseudonymes professionnels de A B et/W A et/W Y Z, serait un acteur, producteur et réalisateur français de films pornographiques, reconnu de son milieu professionnel, et toujours en activité, et qu’il résiderait en FRANCE W il déclarerait exercer une activité salariée.

Il était indiqué que M. Y Z X aurait créé la société de production de films et de vidéos de droit estonien « C D W » en 2008, société dont il serait l’unique actionnaire et dont le siège se situerait à l’adresse d’une maison d’habitation ([…].

Il apparaîtrait qu’à la même adresse en ESTONIE, M. X disposerait d’une autre société estonienne spécialisée dans le même secteur d’activité, la TC D W et de nombreuses autres sociétés aux activités différentes (photographie ; captage, traitement et distribution de l’eau ; fabrication d’appareils de contrôle et de distribution de l’électricité…).

Il s’en déduirait que cette adresse serait une adresse d’hébergement W de domiciliation de sociétés estoniennes.

Par ailleurs, le numéro de téléphone estonien communiqué au client français de la société C D W ne serait pas répertorié dans les bases de données internationales ORBIS et Dun & Bradstreet.

En outre, la société C D W partagerait un numéro de téléphone estonien avec plusieurs sociétés sises à l’adresse d’hébergement W de domiciliation présumée de son siège social W elle ne disposerait pas de moyens d’exploitation nécessaires et suffisants pour réaliser son activité.

D’autres recherches laisseraient apparaître qu’elle pourrait être contactée en FRANCE au numéro 33 06 03 43 91 00, dont le titulaire de cette ligne serait M. Y Z X, résidant au […], et qu’elle utiliserait l’adresse e-mail C.D@gmail.com, que l’on retrouve dans les factures ORANGE de mai et juin 2019 de M. X dans la rubrique « coordonnées ».

Ainsi, la société estonienne de production de films et vidéos C D W serait dirigée depuis la FRANCE par M. Y Z X, qui y résiderait. Elle pourrait être contactée sur la ligne téléphonique ouverte au domicile de son dirigeant auprès d’un opérateur français ainsi qu’à une adresse e-mail « C.D ».

Selon les services fiscaux, la société C D W développerait sur le territoire national une activité commerciale continue, importante et régulière auprès de sociétés françaises par l’intermédiaire de son unique dirigeant et associé domicilié en FRANCE.

Il était également indiqué que la société C D W apparaît en qualité de « executive producer » (producteur délégué) de plusieurs films produits par I F PRODUCTIONS et que A B (pseudonyme de Y Z X), salarié de la société I F, apparaît dans ces mêmes films soit en qualité de directeur de production W de « production manager ».

Dans un article paru dans Le Monde Le Magazine en date du 12 octobre 2019, il est précisé que l’entreprise F « délègue la production exécutive à C D, une société de droit estonien dirigée par l’acteur-producteur-réalisateur A B, comptable en formation. L’Estonie présente le double intérêt d’être un pays W l’on peut créer sa société en deux clics et profiter d’une fiscalité avantageuse (') ».

Par ailleurs, la société estonienne ORIGINAL D W aurait comme clients des sociétés du groupe informel I F, détenue par E F et G H, notamment SARL VMD INFORMATIONS, SARL G. LA D et SA I F.

Il était précisé que E F et I F sont les pseudonymes de E J et G J.

Dès lors, il pourrait être présumé que la société C D W entretiendrait des relations très imbriquées avec le groupe informel français F dirigé par MM. E J et G J.

Il découle de tout ce qui précède que la société de droit estonien C D W qui disposerait en FRANCE de son centre décisionnel, de son unique actionnaire et de ses principaux clients, serait susceptible d’exercer une activité commerciale sur le territoire national, sans souscrire ses déclarations et ainsi omettre de passer en FRANCE les écritures comptables y afférentes.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, le JLD a autorisé la visite.

Les opérations se sont déroulées le 14 janvier 2020 dans les locaux et dépendances sis 100 ' […], susceptibles d’être occupés par la société de droit estonien C D W et/W la SA I F et/W la SARL G LA D et/W l’EURL 1979 DIFFUSION et/W la SASU 1979 DISTRIBUTION et/W toute autre entité du groupe informel formé par la SA I F, de 8H30 à 17H10, en présence de E J

et de L M, représentant pour chacun de l’occupant des lieux.

La visite s’effectuait en partie en présence du juge des libertés et de la détention qui a délivré l’ordonnance.

Le 29 janvier 2020, les sociétés SA I F, SARL G LA D, SARL société 1979 DIFFUSION et SAS société 1979 DISTRIBUTION ont interjeté appel contre l’ordonnance du JLD (RG 20/01715 ) et ont formé un recours contre le déroulement des opérations de visite (RG 20/01716).

L’affaire a été audiencée pour être plaidée le 21 octobre 2020, la jonction des dossiers a été évoquée. L’affaire a été mise en délibéré pour être rendue le 16 décembre 2020.

SUR L’APPEL

Par conclusions déposées au greffe de la Cour d’appel de PARIS le 23 avril 2020 et coclusions récapitulatives en réplique le 29 septembre 2020, les appelantes font valoir :

I Rappel des faits et de la procédure :

Selon les appelantes l’administration a sollicité des pouvoirs d’investigation excetionnels.

Il est argué que selon l’administration seule une visite inopinée dans le cadre de l’article L16B du LPF était de nature à permettre la découverte et la saisie de pièces et de documents, susceptibles d’apporter la preuve des agissements présumés.

Dans son ordonnance du 13 janvier 2020, le JLD du TJ de Paris a autorisé les visites et saisies, au motif que la société C D W agit en qualité de producteur excéutif de plusieurs films produits par les sociétés du groupe F et entretient des liens commeciaux réguliers avec ces dernières, monsieur Y-Z X serait salarié de la société I F SA en qualité de directeur de production.

Les opérations de visite et saisies dans les locaux parisiens se sont déroulées le 14 janvier 2020 .Le 12 mars 2020, l’administration a procédé à la restitution aux sociétés du groupe I F des originaux des documents saisis le 14 janvier 2020.

Le 29 janvier 2020, les sociétés du groupe F ont interjeté appel contre l’ordonnance du JLD de Paris et contre les opérations de visite au […].

II Discussion :

I ' Le juge a manqué à son obligation de motivation en ce qu’il n’a pas précisément fait état des circonstances laissant présumer que des documents relatifs à la fraude étaient susceptibles d’être détenus dans les locaux des sociétés du groupe I F .

Les appelantes contestent l’ordonnance du JLD en ce qu’elle autorise la visite domiciliaire de leurs locaux dans le cadre de la recherche par l’administration de renseignements et justifications concernant les agissements prétendument fraudulaux de la société C D W .

Il est soutenu que ni les sociétés du groupe I F ni leurs dirigeants n’entretiennent de relation capitalistique (directe W indirecte) W personnelle avec la société C D W W son dirigeant, et que leurs relations sont exclusivement de nature commerciale W professionnelle.

Dès lors, les appelantes, dont les locaux ont fait l’objet de la visite domiciliaire, sont totalement

indépendantes du contribuable dont la preuve de la fraude présumée est recherchée.

Il découle des travaux parlementaires ayant présidé à la réforme de l’article L. 16 B du LPF ainsi que de la jurisprudence européenne et nationale une obligation de motivation pour le juge particulièrement exigeante.

Selon la jurisprudence, cette obligation de motivation doit être appréciée très strictement lorsque la demande de visite porte sur le domicile d’un tiers au contribuable soupçonné de fraude.

En l’espèce, l’ordonnance se borne à relever que M. Y-Z X est salarié de la société I F SA en tant que directeur de production ; que la société de droit estonien ORIGINAL D W agit en qualité de producteur exécutif de plusieurs films produits par le groupe I F ; que selon la base des données afférentes à la TVA communautaire à laquelle l’administration a accès, la société ORIGINAL D W a facturé des prestations de services entre 2013 et 2019.

Il est argué que ces simples constatations ne sauraient valablement répondre à l’exigence particulière de motivation prévue par l’article L. 16 B du LPF.

En premier lieu, la circonstance que M. Y-Z X soit salarié de la société I F SA ne constitue en aucun cas un élément suffisant pour considérer que cette dernière était susceptible de détenir dans ses locaux des documents relatifs à une fraude présumée de la société ORIGINAL D W.

Il est souligné que d’autres sociétés du groupe I F ont été visitées, alors que M. X n’est même pas un de leurs salariés.

En second lieu, la circonstance que la société ORIGINAL D W ait des liens commerciaux avec les sociétés du groupe I F ne permet pas davantage de justifier la perquisition de leurs locaux, d’autant que les prestations de services entre 2013 et 2019 dont il est fait état dans l’ordonnance, sont parfaitement connues de l’administration pour avoir été régulièrement déclarées par les sociétés du groupe I F tant au regard de la TVA que de l’impôt sur les bénéfices.

Il est indiqué que la seule hypothèse dans laquelle la Cour de cassation, pour autoriser la visite chez un tiers, a considéré comme suffisante la circonstance que ce tiers soit en relation d’affaires avec le contribuable soupçonné de fraude était très particulière puisque le tiers en cause était l’expert-comptable du contribuable (Cass Com 27/9/2017 n° 16-20.690 FD).

Il résulte de ce qui précède que le JLD de PARIS a manqué à son obligation de motivation, et que l’ordonnance du 13 janvier 2020 doit être annulée en ce qu’elle a autorisé la visite des locaux des Sociétés du Groupe I F.

II ' Le manquement à l’obligation de motivation du juge est d’autant plus avéré qu’il n’a à aucun moment caractérisé les éléments constitutifs de la fraude présumée

Selon l’ordonnance du 13 janvier é020, il existerait des présomptions que la société C D W 'exercerait en France une activité commerciale sans souscrire ses déclarations et omettrait ainsi de passer en france les écritures comptables y afférentes'.

Aux termes de l’article 5 de la convention franco-estonienne du 28 octobre 1997, un établissement stable est « une installation fixe d’affaires par l’intermédiaire de laquelle une entreprise exerce tout W partie de son activité ». Lorsqu’une société étrangère dispose d’un tel établissement stable, le bénéfice attribué à cet établissement doit être soumis aux mêmes obligations fiscales que s’il avait été

réalisé par une société résidente fiscale française.

Il est soutenu que l’on peut supposer que le juge a implicitement considéré que, au regard des éléments fournis par l’administration, la société ORIGINAL D W était présumée posséder un établissement stable en FRANCE par l’intermédiaire de son dirigeant, résidant fiscal français, sur le bénéfice duquel elle aurait dû acquitter l’impôt en FRANCE.

Cependant une telle approche n’est pas satisfaisante, au regard de l’article L. 16 B du LPF, qui dispose que « le juge doit motiver sa décision par l’indication des éléments de fait et de droit qu’il retient et qui laissent présumer, en l’espèce, l’existence des agissements frauduleux dont la preuve est recherchée ».

Ainsi, sans qu’il puisse être exigé du JLD la vérification, au cas d’espèce, de ce que la société ORIGINAL D W dispose effectivement d’un établissement stable en FRANCE, il lui appartenait néanmoins de définir en droit les éléments constitutifs de la fraude dont il cherche à établir l’existence présumée pour apprécier, à la lumière de ces éléments, si des documents et des informations illustrant la fraude étaient susceptibles de se trouver dans les locaux des sociétés du groupe I F.

Or, le premier juge n’a pas procédé à cette caractérisation juridique, l’ordonnance doit être annulée.

III ' L’administration n’apporte aucun élément de réponse aux arguments des appelantes et fait état de considérations totalement hors de propos

Il est fait valoir que non seulement les conclusions de l’administration ne répondent à aucun des arguments développés supra, mais elles laissent aussi croire que les appelantes auraient soulevé un certain nombre d’arguments qui n’ont en réalité jamais été évoqués dans leurs écritures.

En effet, en premier lieu, l’administration cite des jurisprudences confirmant que la procédure prévue par l’article L. 16 B du LPF peut valablement être mise en 'uvre en cas de présomption d’exercice par un contribuable d’une activité en FRANCE sans y souscrire les déclarations fiscales y afférentes, ce que n’est pas contesté par les appelantes dans leurs écritures.

En deuxième lieu, c’est de manière erronée qu’elle affirme que les appelantes auraient demandé l’annulation de l’ordonnance du JLD aux motifs que le juge n’aurait pas personnellement rédigé l’ordonnance et que celle-ci aurait été rendue dans un délai trop court.

En troisième lieu, l’administration affirme que les appelantes auraient soutenu que s’agissant d’une société fiscalement domiciliée en ESTONIE, le juge aurait dû vérifier l’application de la convention fiscale conclue entre la FRANCE et l’ESTONIE pour déterminer si la société dont la fraude est présumée disposait d’un établissement stable en FRANCE.

Or, ce n’est en aucun cas le sens de position développée supra.

Enfin, la seule question qui importe au cas présent est celle de savoir si le JLD disposait de suffisamment d’éléments laissant penser que les locaux des appelantes étaient susceptibles d’abriter des documents illustrant la fraude présumée de la société C D W.

Les écritures de l’administration traduisent la méconnaissance des intérêts propres des appelantes dont la situation ne peut être confondue ni alignée avec elle de la société C D W.

En conclusion, il est demandé de :

— dire et juger que le JLD a manqué à son obligation de motivation en ce qu’il n’a pas précisément fait

état des éléments qui pouvaient laisser penser que des documents illustrant la fraude présumée étaient susceptibles d’être détenus dans les locaux des sociétés du groupe I F ;

— dire et juger que ce manquement à l’obligation de motivation du JLD est d’autant plus avéré que le juge n’a à aucun moment caractérisé en droit, dans l’ordonnance attaquée, les éléments constitutifs de la fraude présumée ;

En conséquence,

— dire et juger que le JLD n’avait pas à autoriser la visite domiciliaire dans les locaux des appelantes ;

— annuler l’ordonnance rendue par le JLD du TJ de PARIS le 13 janvier 2020 en ce qu’elle a autorisé la visite domiciliaire des locaux des appelantes ;

— condamner l’administration fiscale à payer aux appelantes la somme de 5 000 € et aux dépens de l’article 700 du code de procédure civile et qu’ils seront remboursés selon l’article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions reçues le 23 juillet 2020, l’administration fait valoir :

Discussion.

1-Il est présenté un rappel préalable des faits, ainsi que les éléments soumis à l’appréciation du juge qui ont justifié la mise en oeuvre d’une procédure de visite domiciliaire.

Il est rappelé que selon l’article L16B du LPF, l’autorité judicaire peut autoriser l’administration à effectuer une visite domiciliaire lorsqu’il existe des présomptions qu’un contribuable se soustrait à l’établissement de l’impôt sur le revenu W les bénéfices W de la TVA, pour rechercher la preuve de ces agissements.

Il est rappelé la jurisprudence constante de la Cour de cassation.

2. L’argumentation développée par les appelantes ne remet pas en cause le bien fondé des présomptions retenues par le premier juge.

2-1 ' Sur l’obligation de proportionnalité

Il est cité plusieurs jurisprudences de la Cour de cassation estimant notamment que les motifs et le dispositif de l’ordonnance sont réputés avoir été établis par le juge qui l’a rendue et signée et que l’article L. 16 B du LPF ne prévoit aucun délai entre la présentation de la requête et le prononcé de la décision d’autorisation.

Par ailleurs, par arrêt du 31 août 2010, la CEDH a jugé que le grief tiré de l’ineffectivité du contrôle opéré par les juges des libertés et de la détention ne saurait prospérer dans la mesure W la cour d’appel sera amenée à effectuer un second contrôle des pièces produites par l’administration à l’appui de sa demande d’autorisation pour diligenter une visite domiciliaire.

En l’espèce, rien n’autorise les appelantes à suspecter que le juge se soit dispensé de contrôler les pièces qui étaient soumises à son appréciation, avant de rendre l’ordonnance autorisant la mise en 'uvre de la procédure de visite domiciliaire.

Il est demandé le rejet de ce moyen.

2-2 ' Sur la motivation du juge

Il est fait valoir que la discussion de l’application d’une convention fiscale relève de la compétence du juge de l’impôt, ce que n’est pas le magistrat saisi d’une demande d’autorisation de visite domiciliaire, ni le Premier président statuant en appel.

De même, la discussion de l’existence d’un établissement stable en FRANCE relève du contentieux de l’impôt.

En l’espèce, le premier juge a, à partir des éléments factuels qui étaient soumis à son appréciation, retenu qu’il pouvait être présumé que la société de droit estonien C D W exercerait sur le territoire national une activité de production de films cinématographiques, de vidéos et de programmes de télévision et notamment de vente de droits de contenus visuels à caractère pornographiques après avoir relevé que ladite société dispose en FRANCE de son centre décisionnel, de son unique actionnaire et de ses principaux clients et qu’elle exerce une activité commerciale sur le territoire national.

Il est argué que ce faisant, le juge a suffisamment caractérisé l’agissement de fraude présumé d’exercice d’une activité professionnelle sans respecter les obligations déclaratives fiscales et comptables en FRANCE.

Le premier juge, qui devait seulement analyser les éléments qui lui étaient soumis pour apprécier s’il pouvait être suspecté que la réalité de l’activité ne coïncidait pas, en tout W partie, avec la présentation juridique qui en était faite, a exactement conclu de cet examen qu’il pouvait être présumé que la société de droit estonien C D W exerçait sur le territoire français une activité taxable sans y respecter ses obligations fiscales déclaratives et comptables.

En conclusion, il est demandé de :

— confirmer l’ordonnance du JLD de PARIS du 13 janvier 2020 ;

— rejeter toutes demandes, fins et conclusions ;

— condamner les appelantes au paiement de la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’en tous les dépens.

SUR LE RECOURS

Par conclusions déposées au greffe de la Cour d’appel de PARIS le 23 avril 2020 et conclusions en réplique et récapitulatives du 29 septembre 2020, les requérantes font valoir :

I Rappel des faits et de la procédure :

Selon les requérantes l’administration a sollicité des pouvoirs d’investigation exceptionnels.

Dans son ordonnance du 13 janvier 2020, le JLD du TJ de Paris a autorisé les visites et saisies.

Les opérations de visite et saisies dans les locaux parisiens se sont déroulées le 14 janvier 2020. Le 12 mars 2020, l’administration a procédé à la restitution aux sociétés du groupe I F les originaux des documents saisis le 14 janvier 2020.

Le 29 janvier 2020, les sociétés du Groupe I F ont interjeté appel contre l’ordonnance du JLD de Paris et ont intenté un recours contre les opérations de visite au […].

II-Discussion :

Les requérantes demandent l’annulation des opérations de visite et saisie du 14 janvier 2020 dans les locaux et dépendances sis 100 ' […], au motif que l’administration a procédé à des auditions dans des conditions contraires à la loi et la doctrine administrative.

Les auditions réalisées par l’administration pendant la visite domiciliaire sont irrégulières

Il résulte du texte de l’article L. 16 B du LPF que l’ordonnance autorisant les opérations de visite et de saisie doit (i) mentionner l’autorisation donnée au fonctionnaire qui procède aux opérations de visite de recueillir des renseignements et justifications et (ii) poser les conditions de mise en 'uvre de telles auditions.

Il est argué que les seules personnes auprès desquelles des renseignements et justifications peuvent être recueillis lors des opérations de visite et saisie sont l’occupant des lieux W son représentant et, s’il est présent, le contribuable dont la fraude est présumée, sous réserve que l’intéressé ait consenti à cette audition. En revanche, d’autres personnes présentes sur les lieux, tels que les salariés de l’entreprise, ne peuvent être auditionnées.

En outre, les renseignements et justifications doivent être consignés dans un compte rendu annexé au procès-verbal, qui est établi par des agents des impôts et signé par ces agents, les personnes dont les renseignements et justifications ont été recueillis ainsi que l’officier de police judiciaire présent.

Il est fait valoir que ces principes fondamentaux sont reconnus par l’administration elle-même dans sa doctrine administrative et que le cadre strict dans lequel des auditions peuvent être réalisées à l’occasion d’opérations de visite est le corollaire de l’obligation faite à l’administration d’exploiter les pièces saisies exclusivement dans le cadre d’une procédure de vérification de comptabilité, seule à même de respecter l’existence d’un débat oral et contradictoire entre le contribuable et l’administration (v. article L. 16 B du LPF, VI alinéa).

Au cas présent, les agents de l’administration ont manqué à l’application de ces règles.

En premier lieu, il ressort clairement des attestations produites par les requérantes en pièce n° 2 ainsi que de la chronologie des faits rappelée dans le procès-verbal de visite et saisie du 14 janvier 2020, que l’administration a procédé à des auditions sans avoir préalablement indiqué aux personnes interrogées les motifs de sa venue et le cadre dans lequel s’insérait la visite domiciliaire.

En second lieu, figuraient parmi les personnes interrogées des salariés de la société SA I F.

Il est soutenu que l’administration s’est immédiatement livrée, avant même l’arrivée des représentants légaux des sociétés du groupe I F, et sans avoir préalablement indiqué les raisons de sa venue, aux interrogatoires de Mme N O, office manager, Mme P Q, comptable et Mme R S, assistante de direction.

Au cours de ces interrogatoires, les agents de l’administration ont demandé avec insistance si les locaux étaient occupés par d’autres sociétés que celles du groupe I F et de produire certains contrats conclus entre les sociétés du groupe I DORCEM et la société ORIGINAL D W, ainsi que les factures émises par cette dernière.

En troisième lieu, ainsi que le montrent le procès-verbal et les attestations, l’administration a demandé à MM. E J et L M, en qualité de représentants légaux, si les locaux étaient occupés par une autre société que les sociétés du groupe I F, et ce sans les avoir préalablement informés du cadre dans lequel s’insérait la visite domiciliaire, ni a fortiori les avoir avisés de la possibilité qu’ils avaient de ne pas répondre aux

questions qui leur étaient posées.

En dernier lieu, aucun compte-rendu synthétisant la teneur de ces auditions n’a été annexé au procès-verbal de visite et de saisie du 14 janvier 2020.

Dans ces conditions, il ne fait pas de doute que l’administration a souhaité obtenir des informations lui permettant d’orienter ses investigations.

Concernant les affirmations faites par l’administration dans ses conclusions, il est d’abord fait valoir que l’argument tenant à ce que les agents auraient nécessairement respecté les formalités prévues à l’article L. 16 B du LPF dès lors que le JLD était présent durant les opérations de visite doit être écarté.

En effet, il ressort sans ambiguïté du procès-verbal de visite et de saisie que le JLD n’était pas présent sur les lieux lorsque les agents des impôts ont interrogé les salariés et les mandataires sociaux des sociétés du groupe I F et en tout état de cause, il ne peut être considéré que les agissements du JLD seraient en toute circonstance en ligne avec les dispositions de l’article L. 16 B du LPF, et c’est précisément la raison pour laquelle la procédure d’appel de l’ordonnance rendue par celui-ci et de recours contre le déroulement des opérations a été instituée.

Par ailleurs, si les requérantes ne contestent pas le principe selon lequel les demandes de renseignement en lien avec la fraude présumée requièrent le consentement des intéressés, elles considèrent en revanche que, contrairement à ce que soutient l’administration, les renseignements demandés aux salariés W aux mandataires sociaux des sociétés du groupe I F étaient bien en lien direct avec les agissements présumés frauduleux de la société ORIGINAL D W, et non pas strictement nécessaires à l’exécution matérielle des opérations de visite et de saisie.

Il est argué que dans l’arrêt cité par l’administration, les questions posées durant la visite domiciliaire (identité de la personne, propriétaire des lieux) étaient de nature très différente de celles rappelées supra.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que les conditions dans lesquelles l’administration a mis en 'uvre la visite domiciliaire sont en parfaite contradiction avec les dispositions de l’article L. 16 B, III bis du LPF, la doctrine administrative en vigueur, l’ordonnance du 13 janvier 2020 autorisant les agents de l’administration à « recueillir, sur place, au cours de la visite, des renseignements et justifications concernant les agissements de ce contribuable, auprès de l’occupant des lieux W de son représentant et, s’il est présent, dudit contribuable, après les avoir informés que leur consentement est nécessaire », les dispositions de l’article 8 de la CESDH.

Les requérantes considèrent enfin que l’arrêt de la Cour de cassation du 12 novembre 1996, cité par l’administration dans ses conclusions, s’avère sans portée au cas d’espèce dans la mesure W la demande des requérantes est fondée sur les dispositions combinées des articles L. 16 B, III bis du LPF et L. 80 A du LPF, et détaillent ensuite les raisons de leur critique.

Par conséquent, il est demandé de déclarer irrégulières les opérations de visite et saisie diligentées par l’administration fiscale le 14 janvier 2020.

En conclusion, il est demandé de :

— recevoir les requérantes en l’ensemble de leurs demandes et les déclarer bien-fondées ;

— dire et juger que l’administration a procédé à des auditions irrégulières de salariés de la société I F SA ;

— dire et juger que les conditions dans lesquelles les auditions des représentants légaux des sociétés du groupe I F ont été effectuées sont contraires à la loi et à la doctrine administrative en vigueur ;

— dire et juger que les auditions irrégulières réalisées par l’administration constituent une atteinte au respect de la vie privée et familiale des personnes interrogées au sens de l’article 8 de la CESDH ;

En conséquence,

— dire et juger que la procédure de visite et saisie diligentée dans les locaux des sociétés du groupe I F le 14 janvier 2020 n’est pas régulière ;

— annuler la procédure de visite et saisie réalisée dans les locaux des sociétés du groupe I F le 14 janvier 2020 ;

— condamner l’administration fiscale à payer aux requérantes la somme de 5 000 € et aux dépens de l’article 700 du code de procédure civile et qu'ils seront remboursés selon l’raticle 699 du code de procédure civile.

Par conclusions reçues le 23 juillet 2020, l’administration fait valoir :

L’administration fait un rappel des faits et de la procédure, et , à titre liminaire, précise que M. U V, JLD du Tribunal judiciaire de PARIS qui a rédigé l’ordonnance, était présent lors des opérations de visite et de saisie.

Il est soutenu que si les agents, également accompagnés d’un officier de police judiciaire, n’avaient pas respecté les formalités de l’article L. 16 B du LPF, ce dernier serait intervenu.

Aux termes de l’article L. 16 B, III bis du LPF, les agents des impôts habilités peuvent recueillir, sur place, des renseignements et justifications concernant les agissements du contribuable mentionné au I paragraphe auprès de l’occupant des lieux W de son représentant et, s’il est présent, de ce contribuable, après les avoir informés que leur consentement est nécessaire ; ils peuvent demander à l’occupant des lieux W à son représentant et au contribuable s’ils y consentent, de justifier de eur identité et de leur adresse ; mention des consentements est portée au compte-rendu ainsi que, le cas échéant, du refus de signer.

Ainsi, le consentement nécessaire concerne les seules déclarations qui peuvent dorénavant être recueillies sur les agissements de fraude W les demandes de justification d’identité, et ne s’applique pas aux opérations de visite des lieux, d’examen et de saisie des documents W support d’information, qui s’imposent aux occupants des lieux sur l’autorisation et sous le contrôle du juge, avant comme après la modification législative apportée par la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008.

En l’espèce, la possibilité de demande de renseignements sur les agissements de fraude n’a pas été mise en 'uvre.

Il est argué que les agents n’ont procédé à aucune audition qui aurait excédé les questions strictement nécessaires à l’exécution correcte des opérations et il est cité une décision de la Cour de cassation à l’appui de cet argument (Cass.com 5/51998 pourvoi 96-30115).

En conclusion, il est demandé de rejeter toutes demandes, fins et conclusions et condamner les requérantes au paiement de la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens.

SUR CE

Sur la jonction :

Dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, il convient en application de l’article 367 du code de procédure civile et eu égard aux liens de connexité entre les affaires, de joindre les instances enregistrées sous les numéros de RG 20/01715 (appel), et RG 20/01716 (recours), qui seront regroupées sous le numéro le plus ancien.

SUR L’APPEL

I- Sur le moyen selon lequel le juge a manqué à son obligation de motivation en ce qu’il n’a pas précisément fait état des circonstances laissant présumer que des documents relatifs à la fraude étaient susceptibles d’être détenus dans les locaux des sociétés du groupe I F .

Il convient de rappeler que dans son ordonnance du 13 janvier 2020, le JLD a relevé les éléments établissant des liens entre la société de droit estonien C D W et les sociétés SA I F, SARL G LA D, EURL 1979 DIFFUSION et SASU 1979 DISTRIBUTION, susceptibles d’occuper les lieux au sein desquels une visite domiciliaire était sollicitée. Il résulte des pièces non contestées produites par l’administration que A B né le […] à Paris , qui utilise plusieurs pseudonymes professionnels, est un acteur , producteur et réalisateur français de films pornographiques reconnu de son milieu professionnel , il est toujours en activité et a été un acteur très demandé dans la première partie des années 2000. Il a créé au début des années 2000 une société de production et est devenu le producteur excécutif de nombreux films ( 39 films depuis 2004) ( Pièces 1 et 4).

Il ressort de l’enquête des services fiscaux que Y-Z X, né le […] à Paris, domicilié […] à […] et qui déclare une activité salariée, est la même personne que A B (pièces3,4,6).

Y-Z X apparaît comme le gérant de la SARL B PRODUCTIONS de 2001 à 2008. Depuis juin 2017 il est rémunéré comme directeur de production de la société I F dont le siège est […] à Paris 16e et qui exerce une activité d’édition et de distribution de vidéos pornographiques ( pièce 22).

La société de droit estonien C D W, créée en 2008, est dirigée par Y-Z X et exerce une activité de production de films et vidéos de cinéma (pièce 7). Selon une base de données internationales, Y-Z X est l’unique actionnaire de la société C D W (pièce 8). A la même adresse que C D W en Estonie, Y-Z X dispose d’une autre société estonienne exerçant la même activité.

Selon l’administration fiscale, la société C D W est en lien commercial de façon continue, importante et régulière avec des sociétés françaises par l’intermédiaire de son unique dirigeant at associé domicilié en France, Y-Z X, d’ailleurs ce lien commercial n’est pas contesté par l’appelante. La société C D W entretient des relations commerciales avec le groupe informel français F dirigé par J E et J G, notamment la SARL VMD INFORMATIONS,la SARL G LA D et la SA I F (pièces 9, 22, 26, 29 à31). A B, pseudonyme de Y-Z X est salarié de la société I F en tant que directeur de production (pièce 5).

Ainsi compte tenu de ses élements, c’est à juste titre que le JLD a estimé que les sociétés SA I F, SARL G LA D, EURL 1979 DIFFUSION et SASU 1979 DISTRIBUTION sont susceptibles de détenir dans les locaux qu’elles occupent, au […] à Paris 16e, des documents et supports d’information relatifs à la fraude présumée imputée à la société C D W , l’ordonnance du JLD ainsi motivée, répond aux exigences de motivation posées par l’article L16B du LPF.

Ce moyen sera rejeté.

II – Sur le moyen selon lequel le manquement à l’obligation de motivation du juge est d’autant plus avéré qu’il n’a à aucun moment caractérisé les éléments constitutifs de la fraude présumée

Il convient de rappeler que selon l’article L16B du LPF, le juge doit estimer s’il existe des présomptions simples d’agissements frauduleux et non pas de vérifier l’existence effective d’une fraude fiscale, que les questions de l’application d’une convention fiscale et de l’existence d’un établissement stable en FRANCE relèvent de la compétence du juge de l’impôt, ce que n’est pas le magistrat saisi d’une demande d’autorisation de visite domiciliaire, ni le Premier président statuant en appel.

En l’espèce le JLD a relevé dans sa décision que la société de droit estonien C D W créée en 2008, est dirigée par Y-Z X (alias A B) et exerce une activité de production de films et vidéos de cinéma (pièce 7). Selon une base de données internationales, Y-Z X est l’unique actionnaire de la société C D W (pièce 8) . A la même adresse que C D W en Estonie, Y-Z X dispose d’une autre société estonienne exerçant la même activité, que le siège de cette société en Estonie correspond à l’adresse d’une maison d’habitation. Au siège de la société C D W au […], Nomme […] et / W […] , six autres sociétés ont été répertoriées. Cette adresse apparait comme une adresse de domiciliation de plusieurs sociétés. La société C D W disposait d’un salarié de 2009 à 2013, puis de 2 effectifs sur les exercices clos de 2014 et 2015. Le numéro de téléphone estonien communiqué au client français de la société C D W n’est pas répertorié dans les bases de données internationales Orbis et Dun &Brdadstreet, sur les sites internet la société ne dispose que d’une adresse mail mais pas de numéro de téléphone (piècs 7 et 14), elle semble partager un numéro de téléphone estonien avec d’autres sociétés, elle pouvait être contactée en France à un numéro dont le numéro correspond à la ligne de JP X à son domicile de Noisy Le Roi (78); il apparaissait que cette société est dirigée depuis la France par JP X qui y réside.

Ainsi, le juge a justement motivé sa décision en affirmant que la société C D W ne disposerait pas de moyens d’exploitation nécessaires et suffisants pour réaliser son activité.

Selon les pièces produites par l’administration fiscale, la société C D W est en lien commercial de façon continue, importante et régulière avec des sociétés françaises par l’intermédiaire de son unique dirigeant et associé domicilié en France, Y-Z X , d’ailleurs ce lien commercial n’est pas contesté par l’appelante. La société C D W entretient des relations commerciales avec le groupe informel français F dirigé par J E et J G, notamment la SARL VMD INFORMATIONS,la SARL G LA D et la SA I F (pièces 9, 22, 26, 29 à31). A B, pseudonyme de Y-Z X est salarié de la société I F en tant que directeur de production (pièce 5).

Le JLD en a déduit que la société de droit estonien C D W pouvait développer sur le territoire national une activité commerciale régulière avec des sociétés de droit françaises par l’intermédiaire de son unique dirigeant et associé domicilié en France, qu’il peut être présumé que la société dispose en France de son centre décisionnel et de ses principaux clients, qu’elle developpe son activité en France, que ces éléments sont suffisants pour présumer des agissements frauduleux susceptibles d’être commis par la société C D W Ainsi le JLD du Tribunal judiciaire de Paris a parfaitement motivé sa décision du 13 janvier 2020 en droit et en fait, conformément aux exigences de l’article L16B du LPF.

Ce moyen sera rejeté .

III -sur le moyen selon lequel l’administration n’apporte aucun élément de réponse aux arguments des appelantes et fait état de considérations totalement hors de propos.

Il convient de rappeler que dans ses écritures du 28 juillet 2020, l’administration fiscale a répondu aux moyens soulevés par les sociétés appelantes, que le contenu des écritures de l’administration en cause d’appel en date du 28 juillet 2020 n’ont pas d’incidence sur la régularité de l’ordonnance du JLD rendue le 13 janvier 2020.

Ce moyen sera rejeté.

SUR LE RECOURS

— Sur l’irrégularité des auditions réalisées par l’administration pendant la visite domiciliaire

Les parties requérantes font valoir que l’administration a procédé à des auditions sans avoir préalablement indiqué aux personnes interrogées les motifs de sa venue et le cadre dans lequel s’insérait la visite domiciliaire, selon elles le consentement de l’occupant des lieux W de son représentant est nécessaire pour obtenir des renseignements sur le contribuable faisant l’objet d’investigation prévue à l’article L. 16 B III du LPF.

Il résulte du procès-verbal du 14 janvier 2020 que dès leur arrivée à 8H30, les agents de l’administration se sont présentés et ont été reçus par O N, office et culture manager au sein de la société SA I F, qui a confirmé que les locaux étaient occupés par cette société, que les agents ont notifié verbalement à 9H15 à E J représentant légal de la SA I F arrivé sur les lieux avec son conseil à 9H10, l’ordonnance du JLD en précisant les voies de recours, que les agents ont remis au représentant de l’occupant des lieux une copie de l’ordonnance ainsi que des articles L16B du LPF et 1735 quater du CGI, que ces opérations de notification se sont répétées pour L M, représentant légal de la SARL G LA D arrivé sur les lieux à 9H44, que ces opérations de notification sont conformes à ce que préconise l’article L16 B du LPF. En ce qui concerne les auditions réalisées de façon irrégulière telles qu’ évoquées par les requérantes, il s’agit d’audition avec le consentement nécessaire de l’occupant des lieux W son représentant exigé par l’article L. 16 B III du LPF, qui ne concerne que les seules déclarations qui peuvent être recueillies sur les agissements de fraude W les demandes de justification d’identité.

Au cas présent, les agents n’ont procédé à aucune audition dans ce cadre et ils se sont contentés des questions indispensables et strictement nécessaires à l’exécution correcte des opérations, d’ailleurs il convient de constater que L M, représentant de l’occupant des lieux désigné en cours de visite par E J et signataire du procès-vebal, n’a formulé aucune observation à ce sujet sur le procès-verbal

.

Ce moyen sera rejeté.

Aucune circonstance dans le dossier ne justifie l’octroi du bénéfice de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement et en dernier ressort :

—  Confirmons en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de PARIS en date du 13 janvier 2020 ;

—  Déclarons régulières les opérations de visite et saisies en date du 14 janvier 2020 effectuées dans :

—  les locaux et dépendances sis 100 ' […], susceptibles d’être occupés par la société de droit estonien C D W et/W la SA I F et/W la SARL G LA D et/W l’EURL 1979 DIFFUSION et/W la SASU 1979 DISTRIBUTION et/W toute autre entité du groupe informel formé par la SA I F

.

—  Rejetons toute autre demande ;

—  Disons n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;

—  Disons que la charge des dépens sera supportée par les parties appelantes.

LE GREFFIER LE DÉLÉGUÉ DU PREMIER PRESIDENT

AC AD AE AF-AG

— 

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 15, 16 décembre 2020, n° 20/01715