Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 2, 10 janvier 2020, n° 19/01231

  • Actes incriminés commis sur le territoire français·
  • Action en concurrence déloyale·
  • Compétence internationale·
  • Lieu du fait dommageable·
  • Site en langue étrangère·
  • Accessibilité en France·
  • Compétence territoriale·
  • Action en contrefaçon·
  • Marque de l'UE·
  • Droit de l'UE

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Le juge français est compétent pour statuer sur les actions fondées sur des actes de contrefaçon des marques française et de l’Union européenne EACH OTHER ainsi que de concurrence déloyale et parasitaire, commis sur Internet. En l’espèce, il est notamment reproché aux sociétés défenderesses d’avoir reproduit la mention « made for each other » dans un bandeau sur son site internet, ainsi que sur les réseaux sociaux Instagram et Twitter. Le fait que les pages incriminées du site internet et des comptes Twitter et Instagram litigieux sont rédigées en langue anglaise et que les prix sur ce site apparaissent en premier lieu en dollars pour une livraison aux États-Unis ne suffit pas à retenir que ces pages ne sont pas destinées au public français auquel elles sont facilement accessibles. Celui-ci reconnaît les visuels de vêtements commercialisés par la société défenderesse en France, ainsi que le libellé « made for each other » qui figure en bandeau sur les vitrines des boutiques parisiennes. Au surplus, les fonctionnalités de ces comptes (« rechercher », « J’aime », « Afficher les commentaires »), tout comme les onglets de bas de page (« A propos de nous », « presse », « conditions »), sont rédigés en français.

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 2, 10 janv. 2020, n° 19/01231
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 19/01231
Publication : PIBD 2020, 1145-IIIM-5
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 21 novembre 2018, N° 18/01610
Décision(s) liée(s) :
  • Tribunal de grande instance de Paris, ordonnance du juge de la mise en état, 22 novembre 2018, 2018/01610
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : EACH OTHER
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 3880114 ; 1110317
Classification internationale des marques : CL14 ; CL18 ; CL25
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Référence INPI : M20200151
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Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE PARIS ARRÊT DU 10 janvier 2020

Pôle 5 – Chambre 2 (n°6, 5 pages) Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 19/01231 –  n° Portalis 35L7-V-B7D-B7D3F Décision déférée à la Cour : ordonnance du juge de la mise en état du 22 novembre 2018 – Tribunal de grande instance de PARIS – 3e chambre 1re section – RG n°18/01610

APPELANTES Société LEVI STRAUSS & CO. INC., société de droit américain, agissant en la personne de son président directeur général, M. Charles V. B, domicilié en cette qualité au siège social situé Levi’s Plaza […] […] CALIFORNIE (94111) ETATS-UNIS D’AMERIQUE

Société LEVI STRAUSS & CO. EUROPE SCA, société de droit belge – agissant en la personne de son représentant légal, la société Levi Strauss Continental, société de droit belge, agissant elle-même en la personne de son représentant légal, M. Rud P, domicilié en cette qualité au siège social situé Leonardo da Vincilaan 19 – 2650 – Edegem – Antwerpen – Belgique – ayant son siège social situé Airport Plaza Rio Building Leonardo D Vincilaan 19 Diegem 1831 Machelen Halle-Vilvorde Belgique Représentées par Me Luca DE MARIA de l PELLERIN – DE MARIA – GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque L 0018 Assistées de Me Raphaëlle D plaidant pour l’AARPI GIDE – LOYRETTE – NOUEL, avocate au barreau de PARIS, toque T 03 INTIMÉE

Société PRODUCTION & DISTRIBUTION EACH X OTHER S.A., société de droit portugais, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé Rua José Antonio V 132 6°Dt° Braga Vila Nova de Famalicâo Antas and Abade de Vermoim 4760409 Vila Nova de Famalicâo PORTUGAL Représentée par Me Jean-Philippe HUGOT, avocat au barreau de PARIS, toque C 2501

Assistée de Me Floriane V plaidant pour le Cabinet HUGOT AVOCATS et substituant Me Jean-Philippe HUGOT, avocate au barreau de PARIS, toque C 2501

COMPOSITION DE LA COUR : L’affaire a été débattue le 30 octobre 2019, en audience publique, devant la Cour composée de : Mme Anne-Marie GABER, Présidente de chambre Mme Laurence LEHMANN, Conseillère Mme Françoise BARUTEL, Conseillère qui en ont délibéré Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues par l’article 785 du code de procédure civile.

Greffière lors des débats : Mme K A

ARRET: Contradictoire Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile Signé par Mme Anne-Marie GABER, Présidente, et par M Carole T, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu l’ordonnance contradictoire rendue le 22 novembre 2018 par le juge de la mise en état de la 3e chambre du tribunal de grande instance de Paris ;

Vu l’appel partiel interjeté le 21 janvier 2019 par les sociétés Levi Strauss & Co. Inc. et Levi Strauss & Co. Europe (ensemble Levi Strauss) limité au chef de la décision ayant déclaré le tribunal de grande instance de Paris compétent pour connaître des demandes formées au titre des sites levi.com, twitter et Instagram exploités par les sociétés Levi Strauss ;

Vu la requête du 23 janvier 2019 afin d’être autorisé à assigner à jour fixe déposée par les sociétés Levi Strauss ;

Vu l’ordonnance du 1er février 2019 du premier président de chambre (chambre 5-1) de la cour d’appel de Paris les autorisant à assigner à jour fixe ;

Vu l’assignation à jour fixe signifiée le 28 février 2019 par les sociétés Levi Strauss ;

Vu les dernières conclusions récapitulatives remises au greffe et notifiées, par voie électronique le 15 mai 2019 par la société Production & Distribution Each X Other (Each X Other) intimée ;

Vu les dernières conclusions remises au greffe, et notifiées par voie électronique le 13 juin 2019 par les sociétés Levi Strauss, appelantes ;

Vu la note d’audience du 30 octobre 2019 aux termes de laquelle la cour a invité les parties à présenter leurs observations sous quinzaine, sur l’éventuelle application au présent recours de la décision rendue le 19 avril 2012 par la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) dans l’affaire C-523/10 Wintersteiger,

Vu les notes en délibéré notifiées par voie électronique le 13 novembre 2019 par les sociétés Levi Strauss et le 15 novembre 2019 par la société Each X Other,

SUR CE, LA COUR,

Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.

Il sera simplement rappelé que la société Each X Other, société de droit portugais qui exerce une activité de grossiste en tissus et textiles, est titulaire de deux marques verbales 'EACH OTHER’ désignant notamment en classe 25 des vêtements, l’une française déposée le 8 décembre 2011 sous le n°3880114, l’autre internationale visant notamment l’Union européenne déposée le 11 janvier 2012 sous le n°1110317.

La société Levi Strauss & Co Europe, société de droit belge, licenciée des marques appartenant à la société de droit américain Levi Strauss & Co Inc en Europe, assure la promotion et la distribution sur ce territoire des produits du groupe Levi Strauss.

La société Each X Other expose avoir découvert à la fin de l’année 2016 que les sociétés Levi Strauss exploitaient sans son autorisation en France notamment dans deux boutiques situées dans le 2e arrondissement de Paris, le signe 'MADE FOR EACH OTHER’ pour désigner les vêtements qu’elle commercialisait, et avaient reproduit la même mention dans un bandeau sur leur site internet pour présenter leur service de personnalisation de vestes en jean, ainsi que sur les réseaux sociaux Instagram et Twitter.

Par exploits d’huissier de justice des 18 et 23 janvier 2018, elle a assigné les sociétés Levi Strauss devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de marques et concurrence déloyale et parasitaire.

Par décision dont appel, le juge de la mise en état, saisi par les sociétés Levi Strauss d’un incident aux fins de déclarer les juridictions françaises incompétentes notamment pour connaître des usages incriminés sur le site levi.com ainsi que sur leurs comptes Twitter et Instagram, a rejeté cette demande, réservé les dépens et dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.

Les sociétés Levi Strauss exposent qu’en matière de contrefaçon de marques et de concurrence déloyale sur internet la seule accessibilité d’un site en France ne suffit pas à justifier la compétence des juridictions françaises. Elles soutiennent que le lieu de mise en ligne du site levi.com est le territoire des États-Unis de sorte que le tribunal de grande instance de Paris n’est pas compétent. Elles ajoutent que les extraits dudit site figurant dans les procès-verbaux de constat correspondent à la version américaine de ce site destinée au public américain, que le site est en anglais, la monnaie de paiement en dollars et que les produits ne peuvent pas être livrés en France de sorte qu’aucun dommage n’a pu être subi en France. Elles affirment que les comptes Twitter et Instagram litigieux sont également rédigés en anglais et exclusivement destinés au public américain. Elles soutiennent enfin, dans leur note en délibéré, que la décision Wintersteiger n’est pas une décision de principe applicable à tous les cas d’atteinte à une marque sur internet, que cet arrêt a une portée limitée à l’usage de mots clés sur internet, et qu’il ne postule pas en tout état de cause que la simple accessibilité d’un contenu en ligne serait suffisant pour fonder la compétence de la juridiction saisie.

En réponse, la société Each X Other demande la confirmation de l’ordonnance en faisant valoir que les juridictions françaises sont compétentes pour statuer sur ses demandes de réparation formées au titre des actes de contrefaçon de marques et de concurrence déloyale et parasitaire commis sur les sites www.levi.com et les comptes Twitter et Instagram exploités par les appelantes, compte tenu à titre principal de l’accessibilité de ces pages en France, et à titre subsidiaire du lien nécessaire et suffisant unissant lesdits sites et comptes litigieux au public français. Elle ajoute dans sa note en délibéré que l’application du critère de la territorialité de la marque pour déterminer le lieu de matérialisation du dommage conduit la CJUE, dans la décision Wintersteiger, à reconnaître la compétence des juridictions de l’État dans lequel celle-ci est enregistrée, et que ce critère de territorialité est applicable au cas d’espèce pour les atteintes aux marques sur les sites et comptes litigieux accessibles depuis la France.

La cour rappelle que la présente action relève, en tant qu’elle porte sur une marque nationale et sur des faits de concurrence déloyale et parasitaire, des règles de compétence juridictionnelle énoncées par le règlement n°1215/2012 du 12 décembre 2012 dit 'Bruxelles I bis', en application duquel une personne domiciliée sur le territoire d’un État

membre de l’Union européenne (UE) peut être attraite devant les juridictions d’un autre État membre où 'le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire', et en tant qu’elle porte sur une marque de l’Union européenne, des règles de compétence spéciales énoncées par le règlement n°207/2009, modifié par le règlement 2015/2424 du 16 décembre 2015 sur les marques de l’Union européenne, en application duquel le titulaire d’une marque peut choisir de porter son action en contrefaçon devant le tribunal des marques de l’Union européenne du territoire sur lequel 'les faits de contrefaçon ont été commis ou menacent d’être commis'.

Elle rappelle en outre que lorsque le litige est relatif à l’atteinte à une marque nationale du fait de l’utilisation par un annonceur d’un mot clé identique à ladite marque sur le site internet d’un moteur de recherche, il peut être porté, au titre de la matérialisation du dommage, devant les juridictions de l’État membre dans lequel la marque est protégée.

Enfin, lorsque les actes reprochés sont des faits de contrefaçon de marques et de concurrence déloyale et parasitaire résultant de publicités diffusées sur internet, il convient, pour retenir la compétence des juridictions françaises, de vérifier que les sites et comptes litigieux sont accessibles aux consommateurs ou aux professionnels français auxquels ils sont destinés, peu important le fait invoqué par les sociétés appelantes que les publicités litigieuses ont été mises en ligne en dehors du territoire français.

En l’espèce, il résulte du procès-verbal dressé le 31 janvier 2017 que lorsque l’huissier de justice instrumentaire saisit dans la fenêtre de recherche la mention 'Levis Made for each other', s’affiche l’intitulé 'Made For each Other-Levi’s', suivi d’une adresse url levi.com/US/en- US/features/madeforeachother, et que lorsqu’il clique sur ladite adresse apparaissent des visuels de blousons de jeans portant la marque Levi’s sur lesquels figure un encart en surimpression avec la mention 'MADE FOR EACH OTHER'. Il ressort en outre du procès- verbal du 10 mars 2017 que l’huissier de justice a renouvelé le même constat, et qu’il a en outre saisi successivement les adresses suivantes twitter.com / LEVIS /Status suivi d’un nombre à 18 chiffres et instagram.com/p/BNcIBCBFnDh, puis constaté l’apparition respective de deux pages écran comprenant un visuel de jeunes gens portant un blouson de jean’s de marque Levi’s au-dessus duquel se trouve un texte commençant par 'Levi’s Made for each other'.

Si les pages incriminées du site levi.com et des comptes twitter et instagram litigieux sont rédigées en langue anglaise, et que les prix sur ledit site apparaissent en premier lieu en dollars pour une livraison aux Etats Unis, cela ne suffit pas à retenir que lesdites pages ne sont pas destinées au public français auquel elles sont facilement accessibles, et qui reconnaît les visuels de vêtements Levi’s commercialisés en France, ainsi que le libellé 'made for each other’ qui figure en bandeau sur les vitrines de deux boutiques Levi’s

parisiennes tel que constaté dans le procès-verbal dressé par huissier de justice le 23 décembre 2016, et ce d’autant que les fonctionnalités desdits comptes 'rechercher’ 'J’aime’ 'Afficher les commentaires’ tout comme les onglets de bas de page 'A propos de nous', 'presse’ 'conditions’ sont rédigés en français.

Il s’en infère que c’est à juste titre, que le juge de la mise en état a retenu la compétence des juridictions françaises au titre de la matérialisation du dommage allégué en France du fait des actes de contrefaçon de marques ainsi que de concurrence déloyale et parasitaire sur le site levi.com et les pages Twitter et Instagram exploitées par les sociétés Levi Strauss. Il convient en conséquence de confirmer la décision entreprise.

PAR CES MOTIFS,

Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions ;

Rejette toutes autres demandes des parties contraires à la motivation ; Condamne les sociétés Levi Strauss & Co. Inc. et Levi Strauss & Co. Europe aux dépens d’appel, et, vu l’article 700 du code de procédure civile, les condamne à verser à la société Production & Distribution Each X Other à ce titre pour les frais irrépétibles d’appel une somme de 5.000 euros.

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