Cour d'appel de Paris, 7 août 2020, n° 2020/06011

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 7 août 2020, n° 20/06011
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 2020/06011

Sur les parties

Texte intégral

DOSSIER N° 2020/06011

Extrait des minutes du Secrétariat Greffe N° PARQUET: B20016000314 ARRÊT DU 07 AOUT 2020 de la Com 6/6S

C/ R U Q

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 7

HUITIÈME CHAMBRE DE L’INSTRUCTION

ARRÊT

(n°10, 8 pages)

La chambre de l’instruction de PARIS, réunie à l’audience publique du 07 août 2020, a prononcé le présent arrêt en audience publique le même jour, M. l’Avocat Général, n’ayant pas réitéré la demande d’opposition à publicité des débats requise par écrit.

PERSONNE MISE EN EXAMEN :

R U Q Né le […] à […]

De R V W et de Z A

Détenu à la maison d’arrêt de NANTERRE en vertu d’un mandat de dépôt crim. du 21 janvier 2020 exécuté le 17 janvier 2020

Qualification des faits: Extorsion en bande organisée avec usage d’une arme en récidive; participation à association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un crime; violences en réunion ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à 8 jours; enlèvement et séquestration en bande organisée en vue de faciliter la commission d’un crime ou d’un délit suivi de libération volontaire avant 7 jours, le tout en état de récidive légale

Non comparant, en exécution d’une ordonnance du Président de la chambre de l’instruction en date du 28 juillet 2020, prise en application des dispositions de l’article 199 alinéa 6 du code de procédure pénale

Ayant pour avocat : Me SARGOLOGO Alexandre, […]

COMPOSITION DE LA COUR Lors des débats, du délibéré et du prononcé de l’arrêt : M. REYGROBELLET, Président, Mme HARTMANN, Président faisant fonction de Conseiller,
Mme RODRIGUES, Conseiller,

Tous trois désignés en application des dispositions de l’article 191 du code de procédure pénale et de l’ordonnance de M. le Premier Président de la Cour d’appel de Paris en date du 17 juin 2020 et du 30 juillet 2020

En présence de M. B C, élève avocat ayant prêté serment devant la Cour d’Appel et qui a assisté aux débats conformément à l’article 12-2 alinéa 2 de la loi du 31 décembre 1971.

GREFFIER : Mme BRULIN, lors des débats et du prononcé de l’arrêt

MINISTÈRE PUBLIC : M. COURROYE, avocat général, lors des débats et du prononcé de l’arrêt

RAPPEL DE LA PROCÉDURE :

Le 07 juillet 2020, le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de BOBIGNY, a rendu une ordonnance de rejet de la demande de mise en liberté.

Ladite ordonnance a été notifiée :

u

1° – à la personne mise en examen le 13 juillet 2020

2° – à son avocat le 13 juillet 2020 par télécopie

L 1



Le 20 juillet 2020, appel de cette ordonnance a été interjeté par Me SARGOLOGO, avocat de la personne mise en examen, avec demande de comparution personnelle, enregistré au greffe du Tribunal judiciaire de BOBIGNY.

Conformément aux dispositions des articles 194 et 197 du code de procédure pénale, le procureur gén éral :

- a notifié :

-

a) à la personne mise en examen le 27 juillet 2020

°

b) à son avocat le 27 juillet 2020 par télécopie

1

la date à laquelle l’affaire sera appelée à l’audience

2° – - a déposé le même jour le dossier au greffe de la chambre de l’instruction, où il a été tenu à la disposition de l’avocat de la personne mise en examen

3° – a versé au dossier ses réquisitions écrites en date du 30 juillet 2020

Conformément aux dispositions de l’article 198 du code de procédure pénale, Me SARGOLOGO, avocat de Q R U, a déposé le 06 août 2020 à 14h21, au greffe de la chambre de l’instruction, un mémoire visé par le greffier, communiqué au ministère public et classé au dossier ;

DÉBATS:

Ont été entendus :

Mme RODRIGUES, conseiller, en son rapport;

Me SARGOLOGO Alexandre, avocat de la personne mise en examen, en ses observations ;

M. COURROYE, avocat général, en ses réquisitions ;

Me SARGOLOGO Alexandre, avocat de la personne mise en examen, a eu la par ole en dernier.

DÉCISION

Prise après en avoir délibéré conformément à l’article 200 du code de procédure pénale ;

EN LA FORME

Considérant que cet appel est régulier en la forme, qu’il a été interjeté dans le délai de l’article 186 du code de procédure pénale ; qu’il est donc recevable;

AU FOND

Le 8 janvier 2020 vers 21h30, D E requérait les services de police expliquant avoir été enlevé alors qu’il se trouvait à Thiverny (60), par deux individus avec qui il avait eu rendez-vous et qui utilisaient un véhicule PEUGEOT 3008. Il indiquait qu’ils étaient escortés par un scooter; qu’il était emmené jusqu’à Villepinte, après avoir été étranglé sur le trajet et avoir été menacé par l’un des individus avec une arme de poing; qu’à Villepinte, les deux individus qui se trouvaient dans le véhicule avec lui étaient rejoints par six autres individus, dont un certain F G, qu’il connaissait bien pour lui devoir une importante somme d’argent suite à la saisie de 2 kilogrammes de résine de cannabis à son domicile en juin 2019; que les huit individus le frappaient et le menaçaient à plusieurs reprises avec une ou plusieurs armes de poing; qu’il perdait plusieurs fois connaissance ; que F G lui indiquait alors qu’il devait se faire pardonner et que, pour cela, il devait lui remettre dans la nuit à un endroit donné, la somme de 100 000 euros; qu’à défaut, F G viendrait chez lui ; que F G prenait le volant du véhicule Peugeot 3008 et le déposait au Bourget ; qu’il regagnait son domicile de Drancy par ses propres moyens.

D E avait le visage tuméfié et une plaie à l’arme blanche courait de son oeil gauche jusqu’à la bouche. Le certificat médical établi par les urgences de l’hôpital Aviciennes fixait son incapacité de travail provisoire à 30 jours. Cette incapacité de travail était fixée à 10 jours par les unités médico-judiciaires.

Le SDPJ 93 était rapidement saisi des suites de l’enquête.

Outre l’identité de F G, D E fournissait des surnoms et descriptions de deux individus,

2


qui étaient identifiés comme étant H I et Q R U.

Le bornage de la victime confirmait ses déclarations puisque des cellules étaient effectivement activées sur le secteur de Thiverny de 15h38 à 17h17 avant de déclencher des bornes sur le secteur Villepinte / Aulnay sous Bois de 17h53 à 20h57. Il déclenchait enfin une cellule au Bourget à 21h12 avant de regagner son domicile à Drancy.

Réentendu, D E mettait en cause un nouvel individu, qu’il indiquait avoir connu en maison d’arrêt et qui l’aurait appelé pour lui fixer le rendez-vous initial, lui promettant d’arranger son conflit avec F G. Il faisait ressortir ce conflit à la saisie en juin 2019 par les services de police à son domicile de 2 kilos de résine de cannabis, qui selon lui appartenaient en réalité à F G, lequel, depuis, n’aurait eu de cesse de lui en demander l’indemnisation. Finalement, il fournissait de nouvelles explications sur l’origine du différend, indiquant qu’il s’agissait en fait d’un contexte de vente de stupéfiants ; qu’il devait d’abord fournir une quantité trop conséquente pour lui à un certain «< Mehdi » demeurant à La Garenne Colombe, vente dans laquelle F G devait jouer un rôle d’intermédiaire ; que F G lui proposait alors une transaction portant sur la somme de 36 000 euros et un rendez-vous était fixé dans un bar de Creil le 6 janvier 2020 afin de procéder à la transaction ; que, s’apercevant que l’achat de stupéfiants était destiné en réalité à Q R U et refusant de travailler » avec des individus d’Aulnay sous Bois, il déposait alors l’argent chez un de ses amis, « Bud »>, et ne remettait pas le produit.

Un cheminement complet permettait de localiser différents lieux susceptibles d’être couverts par une vidéo surveillance. Les deux premiers individus circulant dans la véhicule Peugeot 3008 étaient aperçus sur le parking du magasin Leclerc à Thiverny de 16h57 à 17h07. La vidéo surveillance de cette commune permettait de voir la plaque d’immatriculation de ce véhicule à savoir CR-647-QE, ce véhicule traversant la commune à 17h10. Le véhicule Peugeot 3008 passait ensuite la commune de Senlis suivi par un scooter monté par deux individus. Le véhicule 3008 étaient ensuite repéré au niveau du péage de Senlis sur l’autoroute A1 en direction de Paris à 17h39. Il était toujours suivi par le même scooter monté par deux individus. Le véhicule Peugeot 3008 était enfin vu sur la commune de Villepinte à 17h58.

Ce cheminement permettait également de localiser précisément le lieu où D E aurait été « passé à tabac », à savoir le chemin des Saints Pères à Villepinte. Les constatations sur place permettaient de découvrir notamment des traces de sang appartenant vraisemblablement à la victime, un paquet de cigarettes et deux bouteilles en plastique abandonnées par les auteurs présumés de ces faits.

Des recherches étaient effectuées sur le véhicule Peugeot 3008. Il apparaissait que ce véhicule, non signalé volé, appartenait à N O demeurant […]. Des recherches complémentaires permettaient d’établir que cette personne habitait en fait sur la commune de Malakoff et qu’elle était séparée de H J demeurant quant à lui sur Nanterre. Les investigations menées sur ces trois communes ne permettaient pas de localiser le véhicule Peugeot 3008 utilisé au moment des faits.

Les investigations menées sur la téléphonie permettait d’établir que la victime avait en fait été contacté le 8 janvier 2020 à 17h04 par un individu utilisant la ligne 06.17.97.87.53 et lui fixant le rendez vous initial à Thiverny. Il ressortait que cette puce était en contact avec seulement cinq numéros différents, celui de la victime, deux numéros (Lycamobile et Lebara) complètement dédiées aux faits objets de la présente enquête, un numéro au nom de Yaya SIDIBE et un dernier numéro semblant être utilisé par un détenu, ce numéro ne déclenchant sur un mois qu’une seule et même cellule se trouvant à proximité de la maison d’arrêt de Villepinte. Ce dernier numéro était donc susceptible d’être utilisé par K L.

Les investigations se concentraient alors sur F G, commanditaire présumé des faits, qui faisait par ailleurs l’objet d’une fiche de recherches, ce dernier ayant été condamné à une peine de 15 mois d’emprisonnement. La mise sous surveillance de sa ligne téléphonique permettait d’établir qu’il demeurait […] à Rosny sous Bois chez Aicha SLIMANI avec laquelle il avait eu deux enfants. Les reconnaissances au niveau de ce domicile permettaient de localiser le véhicule Peugeot 3008 utilisé au moment des faits, ce dernier se trouvant stationné allée Hans à Rosny sous Bois, à environ 300 mètres du domicile présumé de F G.

Un dispositif de surveillance était alors mis en place sur ce domicile et sur ce véhicule. Cette opération conduisait à l’interpellation de F G, le 14 janvier 2020 à 19h20, qui était immédiatement placé sous le régime de la garde à vue.

Le 15 janvier 2020, une opération était menée sur les communes de Drancy et du Raincy afin de procéder aux interpellations de H I et Q R U. Seul H I était interpellé à 06h10. Il était immédiatement placé sous le régime de la garde à vue. Il ressortait des investigations menées auprès du Service pénitentiaire d’insertion et de probation que Q R U, placé sous surveillance électronique, avait quitté son domicile à 5h48 le matin même. Il était finalement interpellé à 19h55 dans un jardin privatif, après avoir tenté de prendre la fuite en s’échappant par la fenêtre de son logement au moment de

l'intervention policière.TEL 3



D E était de nouveau entendu par les services de police le 16 janvier 2020. Il revenait quelque peu sur ses déclarations notamment sur l’origine des faits. Il indiquait avoir été contacté par F G afin de lui fournir une quantité importante de produits stupéfiants ; qu’une première transaction qui devait s’effectuer pour le compte de « Mehdi » demeurant à la Garenne Colombes ne pouvait être honorée ; que F G lui proposait alors une transaction portant sur une somme de 36 000 euros; qu’un rendez vous était alors fixé dans un bar de la commune de Creil le lundi 06 janvier 2020 dans l’après midi; qu’il s’apercevait alors que ce produit était destiné à Q R U, qui malgré des revenus déclarés modestes, avait avancé cette importante somme d’argent ; qu’il ne souhaitait pas « travailler » avec des personnes d’Aulnay sous Bois, et qu’il acceptait alors cette transaction avec l’idée de récupérer cette somme sans fournir de produit ; que la somme de 36 000 euros lui était alors remise et qu’il s’empressait de la déposer chez un surnommé « Bud »; qu’il faisait alors comprendre à F G et les autres individus qu’il ne reverrait plus leur argent. Ses déclarations ne variaient pas quant à la suite des événements. Il confirmait avoir été piégé par M L et avoir été récupéré par deux individus à Thiverny. Il maintenait ses déclarations quant à son passage à tabac et indiquait qu’il avait alors reçu des coups de l’ensemble des protagonistes ; qu’il finissait alors par contacter « Bud » qui remettait l’argent à deux individus envoyés par F G; qu’il était ensuite libéré et déposé au Bourget par F G.

N O, propriétaire du véhicule Peugeot 3008 utilisé par F G, était entendue librement. Elle précisait avoir confié ce véhicule à AA R AB demeurant à […] qui était chargé de le revendre. Elle ne connaissait aucun des protagonistes de ce dossier.

Les enquêteurs procédaient aux auditions en garde à vue :

Concernant F G :

La perquisition de son domicile amenait la découverte d’une somme de 5637 euros ainsi que de la clé du véhicule Peugeot 3008. Entendu, il confirmait un conflit avec D E, en lien avec une vente de véhicules au début du mois de janvier 2020, lors de laquelle il avait eu un rôle d’intermédiaire. D E aurait empoché la somme de 72 000 euros sans remettre le véhicule promis à un certain « Mehdi ». Depuis, celui-ci n’aurait eu de cesse de réclamer son argent à F G, lequel souhaitait donc que D E rende l’argent. Il s’était arrangé la complicité d’un certain Yasine L, détenu à la maison d’arrêt de Villepinte, afin que celui-ci fixe un rendez-vous à D E. Deux individus qu’il ne connaissait pas conduisaient la victime jusqu’à Villepinte, où il était frappé violemment. Il contestait l’usage ou la présence d’armes de poing, mais reconnaissait avoir frappé la victime avec l’aide d’autres individus, à coups de pieds et de poings. Il indiquait que Q R U et H I étaient sur place à ce moment-là, sauf lorsque H I faisait un aller-retour vers Creil (60) afin de récupérer, sur instructions de D E, une partie de la somme due auprès d’une de ses connaissances, un certain « Bud », somme qu’il remettait plus tard à « Mehdi ». Il indiquait avoir ensuite déposé D E au Bourget en lui fixant rendez vous au niveau de la station TOTAL située porte d’Aubervilliers afin de récupérer le reste de la somme dérobée. Toutefois, D E se trouvant alors à l’hôpital en présence de policiers, il ne pouvait se rendre au rendez vous.

Entendu à son tour, H I se disait dans un premier temps étranger aux faits visés par l’enquête avant de reconnaître rapidement avoir effectué un aller-retour dans l’Oise le soir des faits, à la demande de F G, afin de récupérer de l’argent. Il finissait par admettre avoir accompagné F G le matin des faits à Creil, puis que, plus tard, F G lui avait demandé de venir à Villepinte. Là, il voyait F G et D E se battre et un individu qu’il identifiait comme Q R U était présent. Il finissait par admettre qu’il était présent à l’arrivée de D E à Villepinte. F G l’envoyait alors chercher de l’argent auprès de « Bud » (contact de D E). Plus tard dans la soirée, il retrouvait F G car il avait oublié son téléphone dans la voiture de celui-ci. F G lui disait de le rejoindre à Aubervilliers. H I s’exécutait, avant de le déposer à Rosny sous Bois. Il reconnaissait également avoir accompagné F G à Creil le 6 janvier 2020, où celui-ci avait un rendez-vous en lien avec une arnaque faite par D E autour d’une vente de véhicules. Il mentionnait un individu incarcéré qui avait envoyé les deux individus pour chercher D E, tandis que celui-ci croyait que ces personnes étaient envoyées par cet individu incarcéré, mais pour frapper F G. Il contestait avoir été présent au moment de la remise du véhicule PEUGEOT 3008 par F G aux deux individus suscités.

Concernant Q R U:

Les perquisitions de son domicile amenaient la découverte de 1225 euros. Entendu, il se présentait comme ayant été appelé à la rescousse par F G, le 8 janvier 2020, afin d’intervenir comme « médiateur » entre celui-ci et D E. Il indiquait que F G avait commencer à frapper D E et qu’il s’était interposé. Il expliquait qu’ils avaient finalement trouvé un accord et que sur la somme dérobée de 72 000 euros, 36 000 euros avaient été récupérés chez un certain « Bud » chez lequel D E avait entreposé cet argent. Il indiquait que D E avait été piégé par P L, individu se trouvant actuellement en détention à la Maison d’Arrêt de Villepinte. Il reconnaissait ainsi sa présence à Villepinte au moment des faits, où il avait également vu H I, à qui

il n'avait pas parlé. Il pouvait cependant fournir aucune indication sur l’identité des deux individus qui avaient D A


amené la victime sur les lieux.

Par la suite, il disait s’être rendu le lundi 6 janvier 2020 sur la commune de Creil en compagnie de F G afin de rechercher D E. Il revenait donc sur ses déclarations initiales et précisait que c’était finalement le lundi (6 janvier 2020) que F G l’avait appelé pour lui faire part de son différend avec la victime. Il indiquait que F G avait ensuite dormi chez lui et que le mardi 7 janvier 2020, il s’était rendu sur la commune de […], toujours en compagnie de F G, afin de récupérer un véhicule. Il restait alors très évasif sur le véhicule récupéré, sur les véhicules utilisées pour se rendre sur place et sur les personnes réellement présente dans les Hauts de Seine.

Par réquisitoire introductif en date du 17 janvier 2020, une information judiciaire était ouverte contre F G, H I, Q R U et contre tous autres pour enlèvement avec libération volontaire avant le septième jour afin de préparer ou faciliter la commission d’un crime ou d’un délit, commis en bande organisée ; séquestration avec libération volontaire avant le septième jour afin de préparer ou faciliter la commission d’un crime ou d’un délit, commis en bande organisée ; extorsion avec arme en bande organisée ; violences en réunion ayant entraîné une incapacité de travail supérieure à huit jours; et association de malfaiteurs criminelle.

Lors de leur interrogatoire de première comparution, le 17 janvier 2020:

- F G faisait des déclarations spontanées. Il expliquait avoir pris rendez vous avec D E le lundi 6 janvier 2020 pour lui acheter deux voitures qu’ils s’étaient retrouvés à Creil et avait demandé à H I de l’accompagner; que finalement, D E ne revenait pas les retrouver et les insultait en leur disant qu’il n’avait pas l’argent ; qu’il essayait de calmer H I qui croyait s’être fait volé et appelait son ami Q R U, connu en prison, pour qu’il arrange le problème avec D E et qu’il demandait à Q R U de l’héberger pour la nuit. F G indiquait qu’il décidait le lendemain d’emprunter une voiture à « Medhi » pour retrouver D E mais n’arrivait pas à le retrouver. Il évoquait une escroquerie organisée par Q R U avec un certain M qu’il essayait de contacter par l’intermédiaire d’un ami « P4 » et qui allait « faire un rendez-vous avec D ». F G exposait qu’entre-temps D E le menaçait par vidéos Snapchat. Le mercredi 8 janvier, jour des faits, F G et D E se retrouvaient au parking de Villepinte, ce dernier l’insultant et essayant de le frapper, obligeant Q R U à les séparer. F G et D E finissaient tout de même par se battre. F G affirmait réussir à récupérer 29 000 euros et ramener D E au Bourget. Il ajoutait que D E lui donnait rendez-vous à 1h du matin pour lui donner le reste de l’argent mais qu’en approchant, caché, du lieu de rendez-vous, il avait constaté la présence de la police. D E l’aurait ensuite nargué en lui promettant de l’envoyer aux assises. Il concluait : « Je reconnais l’avoir tabassé, j’avais tellement les nerfs, mes enfants jouent avec ses enfants, c’est quelqu’un que j’appréciais de base, quand il m’a fait ça, il m’a fait du mal un peu. Les nerfs… Y a jamais eu d’histoires de racket ou d’extorsion de fonds ou de… Par rapport à tout ça y a beaucoup de preuves dans mon téléphone car j’ai fait beaucoup de captures d’écran car il envoyait ça à des personnes que je connaissais mais on ne les a pas entendu. »

Q R U faisait des déclarations spontanées et maintenait surtout avoir fait office de « médiateur ». Il ajoutait « je me suis retrouvé impliqué dans une affaire, je comprends même pas, je suis pas prêt à retourner en prison pour une affaire qui me concerne pas, j’ai ma femme qui est enceinte je vais avoir un enfant, j’allais dire que je comprends pas comment je me retrouve dans une histoire comme ça où on me reproche un enlèvement et une séquestration, j’ai enlevé personne et j’ai séquestré personne. »

- H I gardait le silence.

Ils étaient tous les trois mis en examen à l’issue de leur interrogatoire de première comparution, Q R

U plus spécifiquement pour :

- avoir à VILLEPINTE, Creil et dans le département de l’Oise, à Aulnay sous Bois, au Bourget et dans le département de la Seine Saint Denis, le 8 janvier 2020, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, obtenu ou tenté d’obtenir, par violences, menaces de violences ou contrainte, la remise de fonds, de valeurs ou d’un bien quelconque, en l’espèce de l’argent avec cette circonstance que les faits ont été commis en bande organisée et avec usage ou menace d’une arme en l’espèce des armes de poing à l’encontre de D E, et ce en état de récidive légale pour avoir été condamné le 10 octobre 2018 par le tribunal correctionnel de Créteil pour des faits punis de 10 ans d’emprisonnement;

- avoir à VILLEPINTE, Thiverny et dans le département de l’Oise, à Aulnay sous Bois, au Bourget et dans le département de la Seine Saint Denis, du 6 janvier 2020 au 8 janvier 2020, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, participé à un groupement formé ou une entente établie en vue de la préparation d’un ou plusieurs crimes, caratérisée par un ou plusieurs faits matériels, et ce en état de récidive légale pour avoir été condamné le 10 octobre 2018 par le tribunal correctionnel de Créteil pour des faits punis de 10 ans d’emprisonnement ;

- avoir à VILLEPINTE, Thiverny et dans le département de l’Oise, à Aulnay sous Bois, au Bourget et dans

DA


le département de la Seine Saint Denis, du 6 au 8 janvier 2020, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, exercé volontairement des violences ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à huit jours, en l’espèce 10 jours, sur Monsieur S D, ces violences ayant été commises par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice, et ce en état de récidive légale pour avoir été condamné le 10 octobre 2018 par le tribunal correctionnel de Créteil pour des faits punis de 10 ans d’emprisonnement ;

- avoir à VILLEPINTÈ, Thiverny et dans le département de l’Oise, à Aulnay sous Bois, au Bourget et dans le département de la Seine Saint Denis, le 8 janvier 2020, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, sans ordre des autorités constituées et hors les cas prévus par la loi, enlevé D E, avec cette circonstance que les faits ont été commis en bande organisée et que la victime a été enlevée avec libération volontaire avant le septième jour accompli depuis son appréhension pour préparer ou faciliter la commission d’un crime ou d’un délit, en l’espèce le délit d’extorsion aggravée, et ce en état de récidive légale pour avoir été condamné le 10 octobre 2018 par le tribunal correctionnel de Créteil pour des faits punis de 10 ans d’emprisonnement;

- avoir à VILLEPINTE, Thivemy et dans le département de l’Oise, à Aulnay sous Bois, au Bourget et dans le département de la Seine Saint Denis, le 8 janvier 2020, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, sans ordre des autorités constituées et hors les cas prévus par la loi, séquestré D E, avec cette circonstance que les faits ont été commis en bande organisée et que la victime a été séquestrée comme otage avec libération volontaire avant le septième jour accompli depuis son appréhension pour préparer ou faciliter la commission d’un crime ou d’un délit, en l’espèce le délit d’extorsion aggravée, et ce en état de récidive légale pour avoir été condamné le 10 octobre 2018 par le tribunal correctionnel de Créteil pour des faits punis de 10 ans d’emprisonnement.

Le 2 mars 2020, l’avocat de Q R U a formé une demande d’actes en vue d’un nouvel interrogatoire de son client et à une confrontation avec D E.

Le 9 juin 2020, le magistrat instructeur a indiqué que ces actes seront diligentés dès que l’activité du cabinet le permettra mais également dès que la commission rogatoire sera rentrée et que la localisation et l’interpellation des autres personnes mises en cause dans l’enlèvement de D E auront pu aboutir.

La chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris a, par arrêt du 16 juillet 2020 (n°2020/05097) faisant droit à une demande de mise en liberté formée par F G en application des dispositions de l’article 148-4 du Code de procédure pénale.

Personnalité

Q R U est né le […] à Château-Thierry et de nationalité française.

Lors de l’enquête sociale rapide du 17 janvier 2020, il déclarait résider depuis quelques mois au […] avec Fouzia BOUSHAK avec qui il serait marié depuis le 28 septembre 2019. Il n’a pas d’enfant mais son épouse est enceinte depuis janvier 2020 au moins.

L’enquête sociale concluait à un « contexte familial et conjugal équilibré » mais à une situation socio professionnelle « très fragile ». En effet, Q R U affirmait avoir obtenu un baccalauréat professionnel Maintenance des Equipements Industriels (MEI) ainsi que des diplômes de peintre et tapissier acquis lors d’une période de détention, mais malgré ces diplômes, il n’aurait jamais exercé dans ces domaines. Sans activité et sans ressources déclarées depuis juillet 2019, son dernier emploi était en qualité préparateur de commande et vendeur auprès de l’entreprise Les Franciliens.

Son casier judiciaire fait état de 14 mentions dont 10 condamnations prononcées entre le 14 février 2011 et le 28 février 2019. Il a notamment été condamné pour vols, infractions à la législation pour les stupéfiants ou encore violences.

Lors de son interpellation, il était placé sous surveillance électronique depuis le 13 novembre 2019.

Mesures de sûreté

Après une incarcération provisoire pour débat différé résultant d’une ordonnance du 17 janvier 2020, Q R U a été placé en détention provisoire par ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bobigny du 21 janvier 2020, confirmée par un arrêt de la chambre de l’instruction du 4 février 2020.

Q R U formait le 2 mars 2020 une première demande de mise en liberté, rejetée par ordonnance du 16 mars 2020 puis une autre, le 19 mars 2020, rejetée par ordonnance du 25 mars 2020. Les demandes de mise en liberté formées par son avocat les 24 et 25 mars 2020 était déclarées irrecevables en raison des autres en cours d’examen.

6



Une nouvelle demande formée par son avocat le 16 avril 2020 était rejetée par ordonnance du juge des libertés et de la détention en date du 22 avril 2020, confirmée par arrêt de la chambre de l’instruction en date du 4 juin 2020. Par ordonnances des 4 et 20 mai 2020, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bobigny rejetait deux nouvelles demandes de mise en liberté. Deux autres étaient déclarées irrecevables les 8 et 9 juin 2020. Par ordonnance du 24 juin 2020, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bobigny rejetait une demande de mise en liberté datée du 26 mai 2020 déposée par son avocat le 27 mai 2020.

L’ordonnance dont appel rejetait sa demande de mise en liberté du 25 juin 2020.

***

Dans ses écritures du 30 juillet 2020, le procureur général requiert le rejet de la demande de mise en liberté.

Par mémoire déposé le 6 août 2020 à 14h21, l’avocat du détenu relève que son client n’est pas l’instigateur des faits, qu’il est seulement intervenu comme « grand du quartier », la seule personne ayant une version contraire, et changeante, étant D E. Il fait valoir que son client n’a pas été entendu depuis son interrogatoire de première comparution le 17 janvier 2020 et n’a pas été confronté à D E malgré sa demande d’actes. S’agissant des critères de l’article 144 du code de procédure pénale, il soutient que :

- les faits s’étant déroulés dans un contexte très particulier, il ne saurait être retenu de risque de renouvellement de l’infraction,

- le risque de concertation avec les autres mis en examen ne saurait davantage être retenu alors que deux autres mis en examen, H I et surtout F G, ont été remis en liberté (arrêt de la chambre de l’instruction du 16 juillet 2020), et que Q R U dispose d’un hébergement éloigné,

-le risque de pression sur la victime ne semble pas inquiéter D E puisque ce dernier aurait pris contact avec la famille de Q R U pour proposer de retirer sa plainte moyennant le versement d’une somme d’argent. L’avocat de Q R U souligne enfin les garanties de représentation de son client. Il produit une attestation d’hébergement, avec son épouse enceinte, à X, en GIRONDE, et une promesse d’embauche au sein de l’association « Au sens du partage » à LORMONT (33) en qualité d’employé polyvalent pour un salaire mensuel brut de 1015 euros.

Il propose en outre le versement d’une caution judiciaire préalable à sa sortie et/ou avec échelonnement mensuel ainsi que la remise de son passeport contre récépissé et un pointage une fois par semaine.

SUR CE,

Il existe des raisons rendant plausible l’implication de Q R U dans les faits qui lui sont reprochés. La victime a déclaré avoir été enlevée et séquestrée par plusieurs individus. Elle subissait des violences entraînant une incapacité temporaire totale de travail de 10 jours et désignait F G comme principal acteur, éventuellement le commanditaire. Il lui avait été réclamé le versement d’une somme d’argent pour sa libération. H I et Q R U étaient identifiés comme ayant participé aux faits. Tous finalement interpellés, ils confirmaient que la victime avait dérobé une somme d’argent conséquente, l’objet de la transaction restant flou.

F G a reconnu être le seul à avoir porté des coups à la victime et expliqué la présence des deux autres par un rôle de médiateur qu’il leur avait confié.

Or F G a été remis en liberté en vertu de l’arrêt de la chambre de l’instruction en date du 16 juillet 2020

(n°2020/05097).

La question de la liberté, des mesures de sûreté ou de la détention s’appréciait en fonction des éléments de fait, de personnalité et de droit propre à chaque mis en examen, et en fonction de l’état d’avancement de la procédure le concernant.

Néanmoins, à ce stade, plus 7 mois après la mise en examen, alors qu’aucun interrogatoire de fond n’a été effectué et que la confrontation avec la victime n’a pas été organisée en dépit de la demande d’acte présentée, il apparaît que le contrôle judiciaire constitue une restriction de liberté suffisante pour prévenir les risques de concertation et de pression, dans cette affaire recevant pour l’heure une qualification criminelle.

Il convient donc d’infirmer l’ordonnance dont appel, d’ordonner la mise en liberté de Q R U, s’il n’est détenu pour autre cause, et son placement sous contrôle judiciaire avec les obligations figurant dans le

R "q dispositif ci-dessous.

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PAR CES MOTIFS

LA COUR

Vu les articles 122, 123, 135, 137 à 148-2, 148-4, 179, 183, 185, 186, 194, 197, 198, 199, 200, 207, 209,

216, 217 du code de procédure pénale,

EN LA FORME

DÉCLARE L’APPEL RECEVABLE

AU FOND

LE DIT BIEN FONDÉ

INFIRME L’ORDONNANCE ENTREPRISE

ORDONNE la mise en liberté de Q R U, s’il n’est détenu pour une autre cause, à charge pour lui de se représenter à tous les actes de la procédure aussitôt qu’il en sera requis et de prévenir le juge d’instruction de tous ses déplacements;

ORDONNE le placement sous contrôle judiciaire de l’intéressé avec les obligations et les interdictions suivantes :

1° ne pas sortir des limites territoriales déterminées du territoire national métropolitain ;

2° fixer sa résidence au domicile de Mme Y au […], Résidence Jean Mermoz – 33240 X;

3° ne pas se rendre en région Ile-de-France sauf pour répondre aux convocations de justice ;

4° se présenter une fois par semaine à la gendarmerie de Saint-T-de-Cubzac (33240) qui sera tenue d’observer la plus stricte discrétion sur les faits reprochés à la personne mise en examen ;

5° s’abstenir de recevoir ou de rencontrer H I, F G et D E, ainsi que d’entrer en relation avec elles, de quelque façon que ce soit ;

DÉSIGNE la gendarmerie de Saint-T-de-Cubzac (1455, Avenue Jules Ferry 33240 Saint-T-de-Cubzac) pour veiller à l’exécution des obligations du contrôle judiciaire ;

RAPPELLE qu’en application de l’article 141-2 du Code de procédure pénale, que si la personne mise en examen se soustrait volontairement aux obligations du contrôle judiciaire, le juge d’instruction peut décerner à son encontre mandat d’arrêt ou d’amener et peut également, dans les conditions prévues au quatrième alinéa de l’article 137-1, saisir le juge des libertés et de la détention aux fins de placement en détention provisoire ;

RAPPELLE qu’en application de l’article 138-1 du code de procédure pénale, D E doit recevoir un avis relatif à l’obligation faite à Q R U de s’abstenir de le recevoir, rencontrer ainsi que d’entrer en relation avec elle de quelque façon que ce soit ;

ORDONNE que le présent arrêt sera exécuté à la diligence de Mme le Procureur général ;

[…]

LE PRÉSIDENT,LE GREFFIER, Le Groffler

ARRÊT DU 07 août 2020 DOSSIER N° 2020/06011

C/ R U Q

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Cour d'appel de Paris, 7 août 2020, n° 2020/06011