Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 7 mai 2021, n° 19/08503

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 - ch. 13, 7 mai 2021, n° 19/08503
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 19/08503
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Créteil, 20 juin 2019, N° 14/00429
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 13

ARRÊT DU 07 MAI 2021

(n° , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 19/08503 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CANTT

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Juin 2019 par le Tribunal de Grande Instance de CRETEIL RG n° 14/00429

APPELANT

Monsieur X Y

16, Quai C Baptiste Clément

[…]

[…]

représenté par Me Carole DEWILDE, avocat au barreau de REIMS

INTIMES

SA EPEL

[…]

[…]

représentée par Me Aymeric BEAUCHENE, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 095

CPAM 94 – VAL DE MARNE

Division du contentieux

[…]

[…]

représentée par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS, toque D 1901

Monsieur C-D E

[…]

[…]

représenté par Me Anne-Marie OUDINOT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0653

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 Février 2021, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Gilles REVELLES, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre

Monsieur Lionel LAFON, Conseiller

Monsieur Gilles REVELLES, Conseiller

Greffier : Monsieur Fabrice LOISEAU, lors des débats

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— prononcé

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, initialement prévu le 16 avril 2021, prorogé au 07 mai 2021, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre et par Madame Alice BLOYET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue après expertise médicale complémentaire ordonnée par arrêt du 26 juin 2020 statuant sur l’appel interjeté par X Y (l’assuré) contre un jugement rendu le 21 juin 2019 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil dans un litige l’opposant à la S.A. Epel (l’employeur), en présence de la caisse primaire d’assurance maladie du Val-de-Marne (la caisse) et de C-D E (l’architecte coordonnateur).

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES':

Les faits ont été exposés dans l’arrêt rendu le 26 juin 2020 par la cour d’appel de Paris auquel il est renvoyé.

Il sera simplement rappelé que l’assuré a été victime d’un accident du travail le 7 juillet 2008'; que son état de santé a été déclaré consolidé au 15 septembre 2011 avec un taux d’IPP de 30'%, lequel a été porté à 65'% le 14 novembre 2012 par le tribunal du contentieux de l’incapacité'; qu’il a été licencié pour inaptitude le 27 octobre 2011'; que le tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil, par jugement du 13 mai 2015, a reconnu la faute inexcusable de l’employeur et déclaré la décision commune à l’architecte coordonnateur, majoré la rente et avant dire droit ordonné une mesure d’expertise médicale en accordant à la victime une indemnité provisionnelle de 15'000'euros'; que par arrêt du 9 novembre 2018, la cour d’appel de Paris a infirmé ce jugement en ce qu’il avait ordonné à l’expert de fixer la date de consolidation, d’évaluer le déficit fonctionnel permanent et l’assistance par tierce personne après consolidation, et l’a confirmé pour le surplus'; que l’expert avait cependant

déposé son rapport le 1er juin 2018'; que par jugement du 21 juin 2019, commun à l’architecte coordonnateur, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil a liquidé le préjudice de l’assuré'; que l’assuré a relevé appel (limité) de cette dernière décision.

Sur cet appel, par arrêt du 26 juin 2020, la cour d’appel de Paris a':

— 'Déclaré l’appel recevable';

Avant dire droit,

— 'Ordonné une expertise médicale judiciaire complémentaire et désigné le docteur Z A';

— 'Donné mission à l’expert de':

*'Entendre tout sachant et, en tant que de besoin, les médecins ayant suivi la situation médicale de l’assuré';

*'Convoquer les parties par lettre recommandée avec accusé de réception';

*'Examiner éventuellement l’assuré';

*'Entendre les parties';

— 'Dire qu’il appartient à l’assuré de transmettre sans délai à l’expert ses coordonnées (téléphone, adresse de messagerie, adresse postale) et tous documents utiles à l’expertise, dont le rapport d’évaluation du taux d’IPP';

— 'Dit qu’il appartient au service médical de la caisse de transmettre à l’expert sans délai tous les éléments médicaux ayant conduit à la prise en charge de l’accident, et notamment le rapport d’évaluation du taux d’IPP';

— 'Dit qu’il appartient au service administratif de la caisse de transmettre à l’expert sans délai le dossier administratif et tous documents utiles à son expertise';

— 'Rappelé que le demandeur devra répondre aux convocations de l’expert et qu’à défaut de se présenter sans motif légitime et sans en avoir informé l’expert, ce dernier est autorisé à dresser un procès-verbal de carence et à déposer son rapport après deux convocations restées infructueuses';

— 'Dit que l’expert devra, compte tenu des lésions strictement occasionnées par l’accident du travail de l’assuré en date du 7 juillet 2008':

*'Fixer le déficit fonctionnel temporaire total et/ou partiel en résultant';

*'Dire si l’assistance d’une tierce personne avant consolidation a été nécessaire et la quantifier';

— 'Dit que l’expert constatera le cas échéant que sa mission est devenue sans objet en raison de la conciliation des parties et, en ce cas, en fera part au magistrat chargé du contrôle de l’expertise';

— 'Dit que l’expert pourra en tant que de besoin être remplacé par simple ordonnance du président de la chambre 6.13';

— 'Ordonné la consignation par la caisse auprès du régisseur de la cour dans les 60 jours de la notification du présent arrêt de la somme de 1'200'euros à valoir sur la rémunération de l’expert';

— 'Dit que l’expert devra de ses constatations et conclusions rédiger un rapport qu’il adressera au greffe sociale de la cour ainsi qu’aux parties dans les 4 mois après qu’il aura reçu confirmation du dépôt de la consignation';

— 'Rappelé qu’aux termes de l’article R.'144-6 du code de sécurité sociale, les frais liés à une nouvelle expertise sont mis à la charge de la partie ou des parties qui succombent à moins que la cour, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie';

— 'Sursis à statuer sur les autres demandes des parties';

— 'Renvoyé l’affaire à l’audience de la chambre 6.13 en date du lundi 15 février 2021';

— 'Dit que la notification de la présente décision vaudra convocation des parties à cette audience.

L’expert a déposé son rapport le 9 novembre 2020.

Par ses conclusions écrites après expertise, soutenues oralement et déposées à l’audience par son conseil, l’assuré demande à la cour de':

— 'Le déclarer recevable et bien fondé en son appel limité';

— 'Infirmer la décision rendue au titre des chefs de préjudice frappés d’appel';

— 'Statuer à nouveau,

— 'Fixer les préjudices ci-après comme suit':

*'préjudice esthétique permanent': 12'000'euros,

*'déficit fonctionnel temporaire': 24'596,40'euros,

*'assistance temporaire par une tierce personne': 7'938'euros,

*'préjudice d’agrément': 10'000'euros,

*'préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle': 50'000'euros,

*'préjudice résultant de l’aménagement du véhicule': 9'600'euros,

— 'Confirmer la décision de première instance pour le surplus';

— 'Dire et juger que la caisse fera l’avance des sommes réclamées';

— 'Condamner son employeur à lui payer la somme de 5'000'euros sur le fondement de l’article 700'du code de procédure civile';

— 'Débouter son employeur et l’architecte coordonnateur de leur appel incident';

— 'Condamner l’employeur au paiement des entiers dépens.

Par ses conclusions écrites après expertise, soutenues oralement et déposées à l’audience par son conseil, l’employeur demande à la cour, au visa de l’article L.'452-1 du code de la sécurité sociale, de':

— 'Le juger recevable et bien fondé en son appel incident';

— 'Réformer en conséquence le jugement sur les quanta alloués';

— 'Juger satisfactoires les offres suivantes':

*'DFT total et DFT partiel': 13'485'euros,

*'SE 5,5/7': 28'000'euros,

*'PE définitif 3/7': 4'000'euros,

*'PE temporaire 3,5/7': 2'500'euros';

*'ATP avant consolidation': 5'929,38'euros';

*'Préjudice sexuel': 8'000'euros,

*'Frais d’assistance à expertise': 2'880'euros,

Total': 60'929'euros

Dont à déduire la provision précédemment allouée';

— 'Rejeter toutes demandes plus amples ou contraires';

— 'Juger que la caisse devra faire l’avance des sommes éventuellement allouées à l’assuré';

— 'Juger la décision à intervenir opposable à l’architecte coordonnateur';

— 'Rejeter la demande d’article 700 du code de procédure civile.

Par ses conclusions écrites après expertise, soutenues oralement et déposées à l’audience par son conseil, l’architecte coordonnateur demande à la cour, au visa de l’article L.'452-1 du code de la sécurité sociale, de':

— 'Dire l’assuré non fondé en son appel';

— 'Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a fixé le montant des préjudices de l’assuré aux sommes suivantes':

*'50'000'euros en réparation de son préjudice résultant des souffrances physiques et morales,

*'6'000'euros en réparation de son préjudice esthétique permanent,

*'3'500'euros en préparation de son préjudice esthétique temporaire,

*'12'116'euros en réparation de son préjudice résultant de l’assistance temporaire par une tierce personne,

*'10'000'euros en réparation de son préjudice sexuel';

Et statuant à nouveau,

— 'Fixer les préjudices de l’assuré aux sommes suivantes':

*'28'000'euros en réparation de son préjudice résultant des souffrances physiques et morales,

*'4'000'euros en réparation de son préjudice esthétique permanent,

*'2'500'euros en réparation de son préjudice esthétique temporaire,

*'5'929,38'euros en réparation de son préjudice résultant de l’assistance temporaire par une tierce personne,

*'8'000'euros en réparation de son préjudice sexuel,

*'13'485'euros en réparation du déficit fonctionnel temporaire,

— 'Confirmer le jugement entrepris pour le surplus';

En conséquence,

— 'Rejeter l’appel de l’assuré';

— 'Condamner tout succombant à lui verser la somme de 2'000'euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Par ses conclusions écrites après expertise, soutenues oralement et déposées à l’audience par son conseil, la caisse demande à la cour de':

— 'Confirmer le jugement déféré en ce qu’il a accordé à l’assuré la somme de 6'000'euros au titre du préjudice esthétique permanent';

— 'Débouter l’assuré de ses demandes d’indemnisation au titre':

*'du préjudice d’agrément,

*'du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle,

*'du préjudice résultant de l’aménagement du véhicule automobile';

— 'Constater que la caisse a exécuté les jugements rendus par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil des 13 mai 2015 et 18 mai 2017';

— 'Dire qu’elle fera l’avance des sommes allouées à l’assuré et qu’elle en récupèrera l’entier montant auprès de l’employeur';

— 'Condamner l’employeur à lui verser la somme de 1'500'euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il est fait référence, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, aux écritures déposées à l’audience du 15 février 2021.

SUR CE':

Dans son arrêt du 9 novembre 2018, la cour a confirmé le jugement du 13 mai 2015 en ce qu’il avait

retenu la faute inexcusable et ordonné la majoration de la rente.

L’expertise médicale ordonnée en première instance a été déposée le 1er juin 2018.

Par jugement du 21 juin 2019, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil a notamment accordé à l’assuré les sommes suivantes':

— '50'000'euros au titre des souffrances physiques et morales';

— '3'500'euros au titre du préjudice esthétique temporaire';

— '6'000'euros au titre du préjudice esthétique permanent';

— '10'000'euros au titre du préjudice sexuel';

— '10'056,75'euros en réparation du déficit fonctionnel temporaire';

— '12'116'euros au titre de l’assistance temporaire par une tierce personne';

— '2'880'euros au titre des frais divers';

Et débouté l’assuré de ses demandes indemnitaires plus amples ou contraires (préjudices d’agrément, de perte ou diminution des possibilités de promotion professionnelle et d’aménagement du véhicule automobile).

Par arrêt du 26 juin 2020, la cour a ordonné avant dire droit une mesure d’expertise médicale complémentaire afin de voir fixer le déficit fonctionnel temporaire total et/ou partiel dire si l’assistance d’une tierce personne avant consolidation a été nécessaire.

Le rapport d’expertise complémentaire a été déposé le 9 novembre 2020.

Sur les postes de préjudice :

L’article L.'452-3 du code de la sécurité sociale dispose qu’indépendamment de la majoration de rente qu’elle reçoit en vertu de l’article précédent, la victime a le droit de demander à l’employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d’agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.

A/ Sur l’indemnisation des souffrances morales et physiques endurées':

Ce chef de réparation est critiqué par l’employeur et l’architecte coordonnateur, lesquels proposent la somme de 28'000'euros sans développer ni expliciter leur offre.

L’assuré sollicite la confirmation du jugement.

Les souffrances physiques et morales non indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent sont réparables en application de l’article L.'452-3 du code de la sécurité sociale.

En l’espèce, l’expert dans son rapport a fixé à 5,5 sur 7 l’importance des souffrances endurées.

Eu égard aux faits de l’espèce, à la gravité des lésions, à la durée des hospitalisations, la nature des deux interventions chirurgicales et aux longues périodes de rééducation avant la consolidation, il y a lieu de confirmer ce chef du jugement du 21 juin 2019 ayant accordé à l’assuré la somme de

50'000'euros à ce titre.

B/ Sur l’indemnisation du préjudice esthétique temporaire':

Ce chef de réparation est critiqué par l’employeur et l’architecte coordonnateur, lesquels proposent la somme de 2'500'euros sans développer ni expliciter leur offre.

L’assuré sollicite la confirmation du jugement.

L’expert dans son rapport a retenu un préjudice esthétique temporaire de 3,5 sur 7.

Il y a lieu de confirmer ce chef du jugement du 21 juin 2019 ayant accordé à l’assuré la somme de 3'500'euros à ce titre.

C/ Sur l’indemnisation du déficit fonctionnel temporaire':

Le jugement du 21 juin 2019 a accordé à l’assuré la somme de 10'056,75'euros sur une base de 23 euros par jour et les constatations du premier expert du 13 mai 2018 qui avait retenu deux périodes de déficit temporaire total cumulé de 156 jours et un déficit temporaire partiel à hauteur de 75'% de 375 jours.

Néanmoins, la cour ayant ordonné sur ce chef une nouvelle expertise, il convient de l’examiner sur la base du rapport d’expertise du 9 novembre 2020, au terme duquel, il apparaît qu’à la suite de l’accident dont il a été victime le 7 juillet 2008, l’assuré a subi sept périodes de déficit fonctionnel temporaire':

1'-'Déficit fonctionnel temporaire total (hospitalisation)':'138 jours (4 mois et 15 jours) du 7 juillet au 22 novembre 2008';

2'-'Déficit fonctionnel temporaire à hauteur de 66'% en rééducation en hôpital de jour pendant 89 jours (2 mois et 27 jours) du 23 novembre 2008 au 20 février 2009';

3'-'Déficit fonctionnel temporaire à hauteur de 60'% en rééducation en ville pendant 51'jours (1 mois et 20 jours) du 21 février au 13 avril 2009';

4'-'Déficit fonctionnel temporaire total (hospitalisation) pendant 8'jours du 14 avril au 22 avril 2009';

5'-'Déficit fonctionnel temporaire à hauteur de 60'% en rééducation en ville pendant 55'jours (1 mois et 24 jours) du 23 avril 2009 au 17 juin 2009';

6'-'Déficit fonctionnel temporaire à hauteur de 50'% en rééducation en hospitalisation de jour pendant 168 jours (5 mois et 15 jours) du 18 juin au 3 décembre 2009';

7'-'Déficit fonctionnel temporaire à hauteur de 35'% en rééducation en ville pendant 655 jours (1 an, 9 mois et 16 jours) du 4 décembre 2009 au 20 septembre 2011.

L’assuré a été déclaré consolidé au 15 septembre 2011. Dans le rapport du 9 novembre 2020, la première date du 25 septembre 2011 puis la seconde du 20 septembre 2011, indiquée tour à tour comme date de consolidation, ne procèdent que d’erreurs de plume de l’expert.

L’assuré critique les conclusions du médecin-expert en ce qu’il a retenu un déficit fonctionnel partiel de 35'% jusqu’à la date de consolidation, soit un taux inférieur au taux d’incapacité permanente partielle fixé à 65'% au 15 septembre 2011. Il se fonde sur la fiche «'Déficit fonctionnel temporaire'» (DFT) de la base «'ANADOC'» et la littérature médico-juridique en matière de réparation du

préjudice corporel pour soutenir que «'le dernier taux de DFT ne peut jamais être inférieur à la composante incapacitaire du DFP'» (déficit fonctionnel permanent) ou «'taux d’invalidité définitif'». Il demande sur cette base de ne retenir que les périodes d’incapacité totale (4'440'euros pour 148'jours) et les périodes d’incapacité partielle ramenées ensemble à hauteur de 66'% (20'156,40'euros pour 1'018'jours).

L’assuré sollicite ainsi à titre de réparation de ce préjudice la somme de 24'596,40'euros sur la base de 30 euros par jour.

L’employeur et l’architecte coordonnateur proposent la somme de 13'485'euros sur la base des pourcentages retenus par le médecin-expert et d’un forfait de 23'euros par jour.

La caisse demande que le forfait journalier soit fixé à 23'euros.

Il convient de relever que le tribunal du contentieux de l’incapacité a retenu un taux d’incapacité permanente de 65'% «'tous éléments confondus'». En l’espèce, ce taux se décompose en des séquelles à la fois motrices et douloureuses, évaluées à 35'%, et une altération des capacités mentales, évaluée à 40'%, ce qui, par application de la règle de Balthazar, détermine un taux global de 61'%, auquel doit s’ajouter une incidence professionnelle de l’accident du travail et de ses séquelles d’un coefficient de 4'%.

De sorte que le déficit fonctionnel temporaire au jour de la consolidation, le 15 septembre 2011, était bien de 35'% comme l’a retenu le médecin-expert, le surplus du taux d’incapacité permanente partielle, fixé conformément aux règles applicables en matière d’accident du travail et non au regard de la nomenclature dite Dintilhac applicable en droit commun, n’est pas imputable au déficit fonctionnel moteur et douloureux mais à des séquelles d’un autre ordre et à l’incidence professionnelle qui lui sont tous deux étrangers, de sorte que la critique de l’assuré formée à l’encontre des conclusions du médecin-expert sont inopérantes.

Dans ces conditions, il y a lieu de retenir les périodes et les pourcentages retenus par le médecin-expert ainsi qu’une base forfaitaire de 25'euros par jour, et d’allouer en conséquence à l’assuré les sommes suivantes':

1'-'au titre du déficit fonctionnel temporaire total (138 jours)': 3'450'euros';

2'-'au titre du déficit fonctionnel temporaire de 66'% (89 jours)': 1'468,50'euros';

3'-'au titre du déficit fonctionnel temporaire de 60'% (51'jours)': 765'euros';

4'-'au titre du déficit fonctionnel temporaire total (8'jours)': 200'euros';

5'-'au titre du déficit fonctionnel temporaire de 60'% (55'jours)': 825'euros';

6'-'au titre du déficit fonctionnel temporaire de 50'% (168 jours)': 2'100'euros';

7'-'au titre du déficit fonctionnel temporaire de 35'% (650 jours du 4 décembre 2009 au 15 septembre 2011)': 5'687,50'euros';

Soit la somme totale de 14'496'euros.

D/ Sur l’assistance temporaire par une tierce personne':

Les premiers juges ont accordé à l’assuré la somme de 12'116'euros en réparation de son préjudice résultant de l’assistance par une tierce personne sans distinguer le préjudice avant ou après

consolidation.

L’assuré sollicite la réparation de ce préjudice dans sa partie temporaire sur la base du rapport d’expertise du 9 novembre 2020 et un taux horaire de 18 euros, soit la somme totale de 7'938'euros. Il rappelle qu’il est de jurisprudence constante que l’indemnité allouée au titre de l’assistance d’une tierce personne ne peut pas être réduite en cas d’assistance bénévole par un proche parent de la victime.

L’employeur et l’architecte coordonnateur répliquent que ce poste doit être évalué sur la base d’un taux horaire de 15'euros dans la mesure où il s’agit d’une aide non spécialisée pour laquelle les charges n’ont pas été payées, soit une indemnisation totale de 5'929,38'euros.

La caisse demande que ce poste soit évalué sur la base d’un taux de 13'euros de l’heure.

Dans ces conditions, il y a lieu de retenir un taux horaire de 15'euros par jour et d’allouer en conséquence à l’assuré, sur la base des périodes retenues par le médecin-expert, les sommes suivantes':

1'-'au titre de la période du 23 novembre 2008 au 20 février 2009 (89 jours), à raison de 2 heures 30 par jour': 3'337,50'euros';

2'-'au titre de la période du 21 février au 13 avril 2009 (51 jours), à raison de 1 heure 30 par jour': 1'147,50'euros';

3'-'au titre de la période du 23 avril au 17 juin 2009 (55'jours), à raison de 1 heure 30 par jour': 1'237,50'euros';

4'-'au titre de la période du 18 juin 2009 au 15 septembre 2011 (2 ans, 2 mois et 27 jours, ramenés à 27 mois), à raison de 2 heures par mois': 810'euros';

Soit la somme totale de 6'532,50'euros.

E/ Sur l’indemnisation du préjudice esthétique permanent':

L’expert dans son rapport a conclu à un taux de préjudice esthétique permanent de 3 sur 7 en rapport avec des troubles de la marche liés à un signe de Babinski gauche et un steppage (ou pied tombant) à la marche, outre une parésie gauche et des cicatrices occipitales correspondant aux interventions chirurgicales.

L’assuré était âgé de 27 ans au moment des faits.

Les premiers juges ont alloué à l’assuré la somme de 6'000'euros.

L’assuré réclame une somme de 12'000'euros à ce titre et l’employeur offre une somme de 4'000'euros. La caisse sollicite la confirmation du jugement.

Il y a lieu au regard de la nature du préjudice esthétique affectant la marche de façon particulièrement visible, du taux de préjudice retenu par l’expert et de l’âge de l’assuré, de porter l’indemnisation de ce préjudice à la somme de 9'000'euros.

F/ Sur l’indemnisation du préjudice d’agrément':

Le préjudice d’agrément se limite à l’impossibilité pour la victime de continuer de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs et inclut la limitation de la pratique

antérieure.

L’assuré sollicite la somme de 10'000'euros en réparation de ce préjudice en invoquant sa pratique du football toutes les fins de semaine ainsi que du jeu d’échec. L’employeur, l’architecte coordonnateur et la caisse s’y opposent.

En l’espèce, il résulte des différentes attestations produites par l’assuré (ses pièces n° 68, 69, 70 et 71) que ce dernier pratiquait de façon régulière le football à Créteil en 2007 et 2008 jusqu’à la date de son accident. Il est manifeste que le déficit moteur résultant de l’accident, qui lui interdit notamment la course, ne lui permet plus de continuer cette activité sportive depuis l’accident, de sorte qu’il a dû y renoncer en raison des seules séquelles en résultant.

Le jugement doit être infirmé sur ce point et la somme de 5 000 euros sera allouée à l’assuré en réparation de ce préjudice.

G/ Sur la perte de chance de promotion professionnelle':

L’assuré soutient, notamment, qu’il est manifeste que, vu le niveau baccalauréat dont il disposait à son arrivée en France en 2006, vu la rapidité avec laquelle il a appris le français et les méthodes de travail pour trouver un emploi dès janvier 2008, il aurait continué à gravir les échelons de sa profession et ne serait pas resté aide-étancheur et que seul l’accident l’avait contraint à arrêter la profession qu’il venait d’apprendre et l’avait privé de toute possibilité de promotion.

Dans ces conditions, l’assuré ne formant qu’une hypothèse de promotion professionnelle fondée sur la seule rapidité avec laquelle il a trouvé un emploi après avoir obtenu le statut du réfugié politique et acquis la maîtrise de la langue française, sa demande d’indemnité à hauteur de 50'000'euros à ce titre, par ailleurs établie par aucun élément probant, ne peut pas être retenue et le jugement qui l’a débouté de ce chef sera confirmé.

H/ Sur l’aménagement du véhicule automobile':

L’assuré réclame la somme de 9'600'euros en réparation du préjudice d’aménagement d’un véhicule automobile sur la base de la différence moyenne de coût entre un véhicule équipé d’une boîte manuelle et un véhicule équipé d’une boîte automatique (1'600'€), et d’une périodicité de changement de véhicule de 7 ans. Il fait valoir qu’il a obtenu le code le 21 octobre 2020, qu’il est inscrit à l’auto-école et a commencé les cours de conduite sur un véhicule automatique et qu’il va donc obtenir prochainement son permis de conduire et va devoir acquérir et aménager une voiture.

Le médecin-expert a retenu que': «'L’intéressé qui n’a pas passé le permis de conduire devrait utiliser une voiture à boîte automatique s’il passait avec succès son permis de conduire (en raison des troubles du membre inférieur gauche).'»

L’assuré alléguait déjà être en phase d’apprentissage de la conduite à l’époque du premier jugement (21 juin 2019). Il verse un contrat de formation à la conduite du 20 novembre 2018 portant sur un forfait de 30 heures. Il verse également deux factures correspondant au coût de l’épreuve théorique générale du permis de conduire (code) des 20 mars 2019 et 5 avril 2019 pour des épreuves aux mêmes dates. Néanmoins, il ne rapporte ni la preuve d’avoir obtenu le code en octobre 2020 ni celle d’avoir passé avec succès les épreuves du permis de conduire au jour où l’affaire est évoquée devant la cour, ni même celle de suivre encore des cours de conduite. Au surplus, il ne verse aucune pièce établissant la différence moyenne de coût entre des véhicules équipés ou non de boîte automatique.

Dans ces conditions, l’assuré qui ne se prévaut que d’un préjudice hypothétique n’est pas recevable à en solliciter la réparation. Le jugement qui l’a débouté de ce chef sera donc confirmé.

I/ Sur le préjudice sexuel':

Le médecin-expert a retenu un préjudice sexuel lié à des troubles de la libido et des difficultés à l’accomplissement de l’acte sexuel lui-même.

Les premiers juges ont alloué à l’assuré la somme de 10'000'euros en réparation de ce préjudice.

L’employeur relève appel incident sur ce point et conclut': «'Il sera justement alloué au titre du préjudice sexuel en toutes ses composantes la somme de 8'000'euros.'» Il n’explicite pas sa critique du jugement. L’architecte coordonnateur s’associe aux conclusions de l’employeur dans les mêmes termes.

Dans ces conditions, en l’absence de toute discussion et critique argumentée tant du rapport d’expertise médicale que des motifs du jugement, la décision des premiers juges sera confirmée, en ce qu’elle a procédé à une complète évaluation du préjudice subi.

J/ Sur les frais divers':

L’employeur et l’architecte coordonnateur, seuls à conclure sur ce point, s’en rapportent. L’assuré sollicite la confirmation du jugement.

Les premiers juges ont alloué à l’assuré la somme de 2'880'euros au titre des frais d’assistance à expertise. Cette décision qui a procédé à une juste évaluation du préjudice sera confirmée.

Sur le règlement des sommes allouées à l’assuré':

La réparation des préjudices est versée directement à l’assuré par la caisse qui en récupère le montant auprès de l’employeur.

La caisse fait valoir avoir exécuté les jugements rendus par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil.

La caisse fera l’avance des sommes allouées à l’assuré et pourra ensuite exercer son action récursoire en récupérant auprès de l’employeur ces sommes.

Sur les demandes accessoires':

La décision sera déclarée opposable à l’architecte coordonnateur.

L’employeur sera condamné aux dépens.

Il apparaît équitable d’octroyer à l’assuré la somme de 3'000'euros en application de l’article 700 du code de procédure civile compte tenu des frais qu’il a dû exposer après l’expertise pour faire valoir ses droits en justice.

L’employeur sera condamné à lui verser cette somme à ce titre.

Il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de l’architecte coordonnateur et de la caisse.

PAR CES MOTIFS,

La cour

CONFIRME le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil du 21 juin 2019 des chefs des souffrances endurées, du préjudice esthétique temporaire, du préjudice sexuel, des frais divers, du préjudice de perte ou diminution des possibilités de promotion professionnelle et de l’aménagement du véhicule automobile';

INFIRME le jugement des chefs du préjudice esthétique permanent, du déficit fonctionnel temporaire, de l’assistance par tierce personne et du préjudice d’agrément ;

Et statuant à nouveau de ces chefs,

FIXE l’indemnisation des préjudices personnels subis par X Y du fait de la faute inexcusable de la S.A. Epel, en qualité d’employeur, à':

— '14'496'euros au titre du déficit fonctionnel temporaire';

— '9'000'euros au titre du préjudice esthétique permanent';

— '5'000'euros au titre du préjudice d’agrément';

— '6'532,50'euros au titre de l’assistance temporaire par une tierce personne';

DIT que ces sommes seront avancées par la caisse primaire d’assurance maladie du Val-de-Marne qui en récupèrera le montant auprès de la S.A. Epel conformément aux dispositions de l’article L.'452-3 du code de la sécurité sociale';

DÉCLARE le présent arrêt opposable à C-D E';

CONDAMNE la S.A. Epel à payer à X Y la somme de 3'000'euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile';

DIT n’y avoir lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la caisse primaire d’assurance maladie du Val-de-Marne et de C-D E';

CONDAMNE la S.A. Epel aux dépens d’appel.

La greffière, La présidente,

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Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 7 mai 2021, n° 19/08503