Cour d'appel de Paris, 18 mars 2021, 18/054497

  • Réseau·
  • Conditions générales·
  • Distributeur·
  • Renouvellement·
  • Règlement des différends·
  • Énergie·
  • Producteur·
  • Contrats·
  • Obligation·
  • Parc

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Paris, i7, 18 mars 2021, n° 18/05449
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 18/054497
Importance : Inédit
Dispositif : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes
Identifiant Légifrance : JURITEXT000043711487

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 7

ARRÊT DU 18 MARS 2021

(no 16, 14 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 18/05449 – No Portalis 35L7-V-B7C-B5IVX

Décision déférée à la Cour : Décision du Comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie no 16-38-16 en date du 16 février 2018

REQUÉRANTE :

SOCIÉTÉ ENEDIS S.A.
Prise en la personne de la présidente du directoire en exercice
Immatriculée au RCS de Nanterre sous le no 444 608 442
ayant son siège social Tour Enedis, [Adresse 1]
[Localité 1]

Élisant domicile au cabinet de l’AARPI [H] [V] [D]
[Adresse 2]
[Localité 2]

Représentée et assistée de Me Michel GUÉNAIRE de l’AARPI [H] [V] [D], avocat au barreau de PARIS, toque : T03

DÉFENDERESSE AU RECOURS :

SFE PARC ÉOLIEN DE SAINT-CRÉPIN S.A.S.
Prise en la personne de son représentant légal en exercice
immatriculée au RCS de Versailles sous le no B 450 896 006
ayant son siège social [Localité 3]
[Localité 3]

Élisant domicile au cabinet de la SELARL [Adresse 3]
[Adresse 4]
[Localité 4]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, de la SELARL LEXAVOUÉ PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Assistée de Me Antoine GUIHEUX, de la SELARL VOLTA AG, avocat au barreau de PARIS, toque : E2045

EN PRÉSENCE DE :

LA COMMISSION DE RÉGULATION DE L’ÉNERGIE
Prise en la personne de son président
[Adresse 5]
[Localité 5]

Représentée par Me Karim HAMRI de la SELARL EARTH AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : A0880
Assistée de Me Benjamin CARREY substituant Me Karim HAMRI de la SELARL EARTH AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : A0880

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 21 janvier 2021, en audience publique, devant la Cour composée de :

– Mme Frédérique SCHMIDT, présidente de chambre, présidente,
– Mme Brigitte BRUN-LALLEMAND, présidente de chambre,
– Mme Sylvie TRÉARD, conseillère,

qui en ont délibéré.

GREFFIER, lors des débats : Mme Véronique COUVET

MINISTÈRE PUBLIC : auquel l’affaire a été communiquée et représenté lors des débats par Mme Madeleine GUIDONI, avocate générale

ARRÊT :

– contradictoire

– rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Frédérique SCHMIDT, présidente de chambre, et par Mme Véronique COUVET, greffière à qui la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

* * * * * * * *

Vu la déclaration de recours de la société Enedis contre la décision du Comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie no 16-38-16 du 16 février 2018, déposée au greffe de la Cour le 16 mars 2018 ;

Vu le mémoire en annulation déposé au greffe de la Cour par la société Enedis le 13 avril 2018, complété par son mémoire en annulation no 2, déposé au greffe de la Cour le 17 décembre 2018 ;

Vu les conclusions no 1 déposées au greffe de la Cour par la société SFE Parc Éolien de Saint-Crépin le 29 mai 2018, complétées par ses conclusions no 2, déposées au greffe de la Cour le 3 décembre 2018 ;

Vu les observations de la Commission de régulation de l’énergie déposées au greffe de la Cour le 13 septembre 2018 ;

Vu l’arrêt du 28 mars 2019 ayant ordonné le sursis à statuer dans la présente affaire jusqu’à ce que la Cour de cassation se soit prononcé sur le pourvoi no T 18-20443 formé par la société Enedis dans l’affaire Elicio Bretagne ;

Vu l’arrêt no 10508 F de rejet non spécialement motivé rendu par la Cour de cassation le 18 décembre 2019 dans l’affaire Elicio Bretagne c/ Enedis ;

Vu le mémoire en annulation no 3 déposé au greffe de la Cour par la société Enedis le 23 septembre 2020 ;

Vu les conclusions no 3 déposées au greffe de la Cour par la société SFE Parc Éolien de Saint-Crépin le 27 octobre 2020 ;

Vu l’avis écrit du ministère public en date du 18 janvier 2021 communiqué le même jour aux parties et à la Commission de régulation de l’énergie ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 21 janvier 2021 en leurs observations orales le conseil de la société Enedis, qui a été mis en mesure de répliquer, le conseil de la société SFE Parc Éolien de Saint-Crépin, le conseil de la Commission de régulation de l’énergie et le ministère public.

*
* *

FAITS ET PROCÉDURE

1.La société SFE Parc Éolien de Saint-Crépin (ci-après la « SFE »), filiale de la société Renvico France, exploite une installation de production d’électricité éolienne d’une puissance active maximale injectée au réseau de 9 MW, portée par la suite à 9,5 MW, sur le territoire de la commune de Saint-Crépin, située dans le département de la Charente-Maritime.

2.Ses installations électriques sont raccordées au poste source d'[Localité 6], géré par la société ERDF, devenue société Enedis (ci-après « Enedis »), gestionnaire de réseau public de distribution d’électricité.

3.Elle a conclu, pour son activité, un contrat d’accès au réseau de distribution en injection (ci-après le « contrat CARD-I ») dans sa version « V2 », avec Enedis le 27 juillet 2005.

4.Par une lettre du 15 avril 2015, Enedis a informé la SFE que la réalisation de « travaux (…) pour intervention de renouvellement au poste source d'[Localité 6] (mutation du transformateur HTB/HTA) » la conduirait à limiter la production de l’installation à hauteur de 0,7 MW au cours de la période comprise entre le 26 mai 2015 à 7 heures et le 9 juillet 2015 à 17 heures.

5.Enedis a effectivement procédé aux travaux de renouvellement au poste source d'[Localité 6] entre le 27 mai 2015 à 10h07 et le 14 juillet 2015 à 13h20.

6.Par une lettre du 1er septembre 2015, la société Renvico France, société mère de la SFE, a demandé à Enedis l’indemnisation de pertes de production du parc éolien de [Localité 7] consécutives aux travaux réalisés dans le poste source. Cette demande d’indemnisation a, été renouvelée les 6 octobre et 8 décembre 2015.

7.Par un courrier électronique du 22 décembre 2015, Enedis a indiqué à la société Renvico France que le contrat CARD-I ne prévoyait pas d’engagement de sa part en cas d’intervention de renouvellement d’ouvrage entraînant des limitations totales ou partielles des capacités d’injection de l’installation de production telle que celle exécutée en l’espèce d’une durée totale de 1 155 heures et 13 minutes. Elle lui a également précisé que le renouvellement des transformateurs était une opération de « maintenance lourde », qui faisait l’objet d’engagements de sa part seulement depuis la version V8.3 des conditions particulières du contrat CARD-I, soit une version postérieure à celle conclue entre elles et lui a proposé de souscrire à cette version des conditions générales.

8.À la suite d’une réunion entre les représentants des deux sociétés, le 3 février 2016, demeurée infructueuse, la société Renvico France a, par une lettre recommandée avec avis de réception du 28 avril 2016, de nouveau présenté une demande d’indemnisation du préjudice qu’elle estimait avoir subi du fait de la méconnaissance des stipulations du contrat CARD-I, cette méconnaissance résultant du dépassement de la durée maximale des indisponibilités autorisées par ce contrat pour des opérations de maintenance lourde. Elle évaluait alors son préjudice à la somme de 197 347 euros.

9.Par une lettre du 9 juin 2016, Enedis a fait valoir que, s’agissant des travaux de renouvellement d’ouvrage, elle n’était pas liée par un « engagement de résultat », mais uniquement par un « engagement de moyen », et a rejeté la demande d’indemnisation. Elle a également, d’une part, indiqué à la société Renvico France avoir mis en œuvre l’ensemble des moyens à sa disposition afin de « minimiser la durée d’indisponibilité » et la gêne occasionnée et, d’autre part, précisé que l’obligation de concertation prévue par le contrat constituait uniquement une obligation de moyen.

10.Le 19 juillet 2016, la SFE a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions (ci-après le « CoRDiS ») de la Commission de régulation de l’énergie (ci-après la « CRE ») d’une demande de règlement de différend relative à l’exécution du contrat CARD-I.

11.Elle lui a demandé de constater qu’Enedis avait méconnu ses obligations contractuelles résultant du contrat d’accès au réseau CARD-I, d’une part, en refusant de l’indemniser des pertes subies du fait du dépassement de la durée maximale des indisponibilités garanties par le contrat, d’autre part, en ne respectant pas ses obligations en matière d’information et de concertation, dès lors que l’indisponibilité, commencée le 27 mai 2015, ne lui avait été notifiée que le 15 avril 2015.

12.Par décision no 16-38-16 du 16 février 2018 (ci-après la « décision attaquée »), le CoRDiS a retenu que :

« Article 1er. - : la société Enedis n’a pas respecté la durée maximale d’indisponibilité de huit heures de coupure prévue par les stipulations de l’article 5.1.1.1 des conditions particulières du contrat d’accès au réseau public de distribution d’électricité de la société SFE ;

Article 2. - : la société Enedis n’a pas respecté l’article 5.1.1.1 des conditions générales du contrat d’accès au réseau public de distribution d’électricité de la société SFE qui prévoit une concertation entre le distributeur et le producteur ;

Article 3. - : le surplus des demandes de la société SFE est rejeté. ».

13.Enedis a déposé un recours contre cette décision et demandé à la Cour, à titre principal, de surseoir à statuer dans l’attente de l’arrêt de la Cour de cassation à intervenir à la suite du pourvoi formé contre l’arrêt rendu par cette Cour le 5 juillet 2018 (RG 17/13601) dans une affaire similaire l’opposant à la société Elicio Bretagne au sujet de l’indisponibilité du réseau résultant de la réalisation de travaux sur un poste source.

14.À titre subsidiaire, elle a demandé l’annulation de la décision attaquée pour des motifs de légalité interne et externe.

15.Dans son arrêt avant dire droit du 28 mars 2019, cette Cour a, notamment, relevé que le différend tranché par l’arrêt du 5 juillet 2018 était similaire à celui opposant les parties en l’espèce, en ce qu’il portait aussi sur la contestation du refus d’Enedis d’indemniser le dommage invoqué par un producteur d’électricité d’origine éolienne à la suite de travaux mis en œuvre sur un poste source de raccordement l’ayant rendu au moins partiellement indisponible pendant une certaine durée. Elle a constaté que les dispositions contractuelles invoquées étaient les mêmes, à savoir la version V2 du contrat CARD-I.

16.Elle a ordonné le sursis à statuer dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, afin d’éviter une éventuelle contradiction de décision et d’interprétation des mêmes dispositions légales, réglementaires et contractuelles.

17.Le 18 décembre 2019, la Cour de cassation ayant rejeté, au visa de l’article 1014 du code de procédure civile le pourvoi no 18-20.443 formé contre l’arrêt rendu le 5 juillet 2018 précité, l’instance a été reprise.

18.Dans ses dernières écritures, Enedis demande l’annulation de la décision du CoRDiS du 16 février 2018. Elle fait valoir que :

– la demande de règlement du différend de la SFE était irrecevable ;

– la décision attaquée méconnaît le paragraphe 1o et 2o de l’article L.134-19 du code de l’énergie, en se prononçant sur des questions qui ne faisaient l’objet d’aucun différend ;

– le CoRDiS a mal interprété les conditions dans lesquelles Enedis a mis en œuvre l’obligation de concertation prévue par les articles 5.1.1.1. des conditions générales et 5.1.1.1. des conditions particulières du CARD-I conclu avec la SFE ;

– le CoRDiS a commis une erreur de droit en considérant qu’Enedis n’avait pas respecté les obligations qui s’imposaient à elle en matière de coupure, prévue à ces articles ;

ainsi que la condamnation de la SFE et de la CRE à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code civil et à s’acquitter des dépens.

19.La SFE demande à la Cour de :

– confirmer en toutes ses dispositions la décision no 16-38-16 du CoRDiS en date du 16 février 2018 ;

– constater qu’Enedis a méconnu ses obligations contractuelles résultant du contrat d’accès au réseau CARD-I no 73182 en refusant de l’indemniser des pertes subies du fait du dépassement de la durée maximale des indisponibilités garanties par ledit contrat ;

– constater qu’Enedis a méconnu ses obligations contractuelles en matière d’information et de concertation résultant de ce contrat, dès lors que l’indisponibilité à compter du 27 mai 2015 n’a été notifiée que le 15 avril 2015 ;

– dire que les manquements contractuels d’Enedis sont constitutifs d’une atteinte grave du droit d’accès au réseau, en ce qu’ils méconnaissent les principes de non-discrimination, d’objectivité et de transparence ;

– condamner Enedis au versement de la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

20.La CRE et le ministère public invitent la Cour à rejeter le recours.

21.À l’audience, la SFE précise que ses écritures tendent exclusivement à voir confirmer la décision du CoRDiS et qu’elle ne formule aucune demande autonome.

22.Le dépôt de notes en délibéré n’ayant pas été sollicité avant la clôture des débats, les courriers adressés en cours de délibéré ne seront pas pris en considération.

*
* *

MOTIVATION

I. SUR LES MOYENS DE LÉGALITE EXTERNE

A. L’irrecevabilité de la saisine du CoRDiS par la SFE

23.Enedis soutient en premier lieu que l’opération de remplacement litigieuse a eu lieu du 26 mai au 14 juillet 2015 et que c’est par un courriel du 1er septembre 2015 que la SFE l’a informée du dommage qu’elle estimait avoir subi. Elle en déduit que la SFE ne justifie pas avoir accompli l’obligation d’information dans le délai de sept jours imposé par l’article 9.2 des conditions générales du CARD-I.

24.Elle considère, en second lieu, que faute d’avoir tenté de résoudre par un échange son différend avec Enedis, la SFE n’a pas usé de tous les moyens en sa possession pour mettre fin à la difficulté qu’elle rencontrait et qu’il revient à la Cour de donner sa pleine portée contractuelle au principe de conciliation préalable posé à l’article 11.11 des conditions générales du CARD-I.

25.La SFE répond, d’une part, que la formalité prévue à l’article 9.2 précité ne constitue pas un préalable à la saisine du CoRDiS et que l’analyse de la disposition litigieuse rend inopérante l’argumentaire d’Enedis. Elle relève, d’autre part, que la cour d’appel de Paris a considéré dans la décision Elico Bretagne — à l’origine du sursis à statuer sollicité par Enedis et qui est désormais définitive — que la circonstance que certaines formalités de la procédure préalable prévues par les conditions générales du CARD-I n’aient pas été respectées ne rend pas irrecevable le recours devant le CoRDiS dès lors que les négociations ont été dûment engagées. Elle ajoute avoir à trois reprises tenté de résoudre la contestation mais s’être heurtée à l’interprétation erronée d’Enedis des stipulations contractuelles.

26.La CRE et le ministère public observent que le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 9.2 précité, qui porte uniquement sur la procédure préalable à la mise en œuvre de la responsabilité contractuelle, est sans incidence sur la recevabilité de la demande de règlement des différends fondée sur l’article L.134-19 du code de l’énergie. La CRE fait aussi valoir que l’éventuelle méconnaissance de la procédure de l’article 11.11 n’est pas de nature à rendre irrecevable la saisine du CoRDiS et qu’en tout état de cause, la SFE a, en l’espèce, entamé des négociations avec Enedis bien en amont de sa saisine du CoRDiS.

***

Sur ce, la Cour,

27.En premier lieu, la Cour constate que l’article 9.2 des conditions générales du contrat CARD-I, intitulé « Procédure de réparation », stipule :

« La partie victime d’un dommage dans le cadre de l’exécution du présent contrat (…) est tenue d’informer l’autre partie de la survenance du dommage par lettre recommandée avec accusé de réception dans un délai de sept jours ouvrés à compter du dommage ou de la date à laquelle (elle) en a eu connaissance (…) ».

28.La finalité de cette obligation, comme le précisent les stipulations précitées, est de « permettre d’accélérer sa demande [de la partie victime d’un dommage dans le cadre de l’exécution du contrat] et de faciliter notamment la recherche des éléments et des circonstances de l’accident, et de collecter les justificatifs relatifs au préjudice subi ».

29.Cette obligation d’information dans le délai de sept jours est ainsi prévue lorsque la victime du dommage demande la réparation de son préjudice.

30.Or, une telle demande ne relève pas de la procédure de règlement des différends, laquelle selon l’article L.134-19 du code de l’énergie porte uniquement sur les désaccords relatifs à « la conclusion, l’interprétation ou l’inexécution des contrats mentionnés aux articles L.111-91 à L.111-94, (…) L.321-11 et L.321-12 » liant les gestionnaires des réseaux publics de transport ou de distribution d’électricité et un utilisateur de réseau.

31.Il s’en déduit qu’Enedis ne peut invoquer utilement la méconnaissance des dispositions de l’article 9.2 des conditions générales du contrat CARD-I dans le cadre du règlement de différend dont a été saisi le CoRDiS, le respect de ces dispositions ne constituant pas une condition de recevabilité de sa saisine.

32.En second lieu, la Cour constate que l’article 11.11 des conditions générales du contrat CARD-I prévoit :

« Dans le cas de contestation relative à l’interprétation ou l’exécution du présent contrat et de ses suites, pendant la durée de celui-ci ou lors de sa résiliation, les parties s’engagent à se rencontrer et à mettre en œuvre tous les moyens pour résoudre cette contestation ».

33.Cette stipulation contractuelle n’interdit pas à l’une des deux parties au contrat de saisir le CoRDiS en règlement de différend, lorsque les négociations qui ont été entreprises sur l’interprétation ou l’exécution du contrat n’aboutissent pas à un accord, ce qui a été le cas en l’espèce, ainsi qu’il ressort de leurs échanges tels que rappelés aux paragraphes 6 à 9 du présent arrêt et du compte-rendu de la réunion du 3 février 2016 versé aux débats.

34.À cet égard, la circonstance qu’Enedis ait informé la SFE qu’elle était disposée à l’indemniser des éventuelles conséquences du défaut de délai de prévenance ne résolvait pas leur différend et ne faisait donc pas obstacle à ce que cette dernière, estimant que le gestionnaire n’appliquait pas la procédure prévue au contrat d’accès lors de ses interventions sur le réseau, saisisse le CoRDiS en règlement de différend.

35.Les moyens pris de l’irrecevabilité de la saisine du CoRDiS en règlement de différend par la SFE sont, en conséquence, rejetés.

B. La nature des demandes formulées dans la saisine du CoRDiS

36.Enedis fait valoir que la saisine du CoRDiS par la SFE ne contenait aucune demande au fond et qu’il était simplement sollicité de « constater » et de « dire », ce qui s’apparente à des demandes de « donner acte » qui sont dépourvues selon une jurisprudence constante de toute portée juridique et ne le saisissent d’aucune prétention. Elle ajoute que l’office du CoRDiS n’est pas de constater telle ou telle situation de fait mais, conformément à l’objectif de l’accès au réseau, de régler des différends qui peuvent naître au sujet de celui-ci.

37.En réponse, la SFE observe dans ses écritures qu’il ressort clairement de la saisine litigieuse que celle-ci tend à ce que soit constatée la violation, par Enedis, de ses obligations contractuelles relatives à l’accès au réseau résultant du CARD-I.

38.La CRE souligne qu’ont été formulées en l’espèce des demandes de règlement d’un différend portant sur l’interprétation et l’exécution d’un contrat visé à l’article L.134-19 du code de l’énergie.

39.Le ministère public ajoute que la Cour a déjà confirmé cette analyse dans son arrêt dans l’affaire Elicio précitée. Le CoRDiS est habilité à répondre à de simples demandes de constat dans le cadre du règlement d’un différend.

***

Sur ce, la Cour,

40.La Cour rappelle que, dans sa saisine du CoRDiS, la SFE reprochait à Enedis d’avoir méconnu les obligations contractuelles résultant du contrat CARD-I en ce qu’elle n’avait pas respecté le délai de notification des indisponibilités et l’obligation de concertation préalable auxquels elle était tenue. La SFE soutenait en outre qu’Enedis devait avertir le producteur de la période retenue pour la réalisation des opérations de renouvellement au plus tard trois mois avant leur démarrage et que de telles opérations devaient également faire l’objet d’une concertation systématique. Elle demandait donc au CoRDiS qu’il constate, en l’espèce, le non-respect des stipulations du contrat CARD-I.

41.Cette demande, qui tendait à faire trancher par le CoRDiS l’éventuel manquement d’un gestionnaire à ses obligations au titre de la continuité du réseau, ne s’apparente pas à un « donner acte », mais constitue bien une demande de règlement d’un différend entre Enedis et SFE portant, conformément à l’article L.134-19 du code de l’énergie déjà cité, sur l’interprétation et l’exécution d’un contrat d’accès au réseau de distribution d’électricité.

42.Le moyen est en conséquence rejeté.

II. SUR LES MOYENS DE LÉGALITÉ INTERNE

A. Le respect, allégué, de l’obligation de concertation imposée par l’article 5.1.1.1 des conditions générales du CARD-I

43.À l’appui de son recours, Enedis soutient avoir respecté l’obligation de concertation imposée par l’article 5.1.1.1 des conditions générales du CARD-I. Elle fait valoir s’être conformée au délai de prévenance de dix jours qui y est mentionné puisqu’elle a écrit à la SFE le 15 avril 2015 et a eu le même jour une conversation téléphonique avec le responsable du site d’exploitation de St-Crépin. Se prévalant des dispositions de l’article 9 de la convention d’exploitation, elle ajoute que c’est son co-contractant qui ne s’est pas rapproché d’elle pour procéder à une mise à jour du CARD-I suite à la modification de la puissance active maximale de livraison. Elle souligne enfin que la société mère de SFE est membre de France Énergie Éolienne, qui a été consultée dans le cadre de l’élaboration du Schéma régional de raccordement au réseau des énergies renouvelables de Poitou-Charentes. Elle en déduit que SFE ne pouvait ignorer l’imminence des investissements sur le poste source d'[Localité 6].

44.La SFE soutient en réponse qu’il est manifeste que les stipulations contractuelles ont été méconnues dès lors qu’elle a été simplement informée, moins d’un mois et demi avant, d’une coupure pour renouvellement du transformateur. Le distributeur s’est borné, aux termes d’un courrier elliptique, à l’avertir de ce renouvellement sans préciser qu’il n’entendait pas l’indemniser du fait de l’indisponibilité résultant de cette intervention, contrairement à des hypothèses similaires (Parcs éoliens de [Localité 8] et [Localité 9]). Elle n’a donc pas été mise en mesure de discuter des conditions de réalisation et d’indemnisation des travaux. Le délai particulièrement bref laissait en outre supposer le caractère urgent de ces derniers.

45.Pour appuyer son analyse, la SFE cite des précédents décisionnels du CoRDiS qu’elle estime transposables à l’espèce, et fait valoir enfin que le distributeur a clairement reconnu dans son courrier du 9 juin 2016 avoir méconnu ses obligations contractuelles à cet égard.

46.La CRE relève que l’article 5.1.1.1 des conditions générales du CARD-I indique que « le distributeur s’efforce de réduire les interruptions au minimum et de la situer dans une mesure compatible avec les nécessités de son exploitation », le but de la concertation que doit organiser ce dernier étant de limiter l’atteinte à la continuité du réseau. Elle estime qu’il ne peut en aucune manière être considéré qu’Enedis a en l’espèce invité la SFE à une concertation au sens de cet article, alors qu’il en a l’obligation en tant que gestionnaire de réseau. La circonstance que la société mère de SFE ait, par ailleurs, participé à une consultation des années auparavant ne permet pas d’exonérer Enedis de ses obligations contractuelles, étant observé de plus que cette consultation ne mentionne pas des travaux sur le poste source d'[Localité 6] et ne fait part, dans la zone Saint Jean d’Aléry, que du rajout d’un transformateur au poste de [Localité 10].

47.Le ministère public invite la Cour à se référer à la page 12 de la décision attaquée et à faire sienne l’analyse du CoRDiS.

***

Sur ce, la Cour,

48.L’article 5.1.1.1 des conditions générales du CARD-I stipule dans son paragraphe 2 (p. 17) :

« Pour les interventions ne présentant pas un caractère d’urgence, une concertation préalable est organisée par le distributeur et le producteur est prévenu dès la planification des travaux, avec confirmation, au moins dix jours ouvrés à l’avance, de la date, de l’heure et de la durée des arrêts pour entretien ».

49.C’est de façon justifiée que la décision attaquée a considéré que pour permettre utilement aux producteurs concernés de faire valoir auprès d’Enedis, avant la réalisation des travaux annoncés, tous arguments de nature à éclairer cette dernière sur l’impact de ces travaux, la concertation préalable au sens de cette clause contractuelle, qui doit être menée avec chacun des producteurs concernés, peut prendre une forme qu’il appartient au distributeur de définir, mais qui ne peut se limiter à la simple annonce des travaux planifiés.

50.La Cour observe que l’annonce par Enedis le 15 avril 2015 de l’intervention prévue à compter du 26 mai 2015 ne constitue que la « confirmation » à laquelle les dispositions susvisées font référence. Elle ne peut se substituer à la « concertation préalable » expressément stipulée et qui doit être organisée en amont.

51.Dans ces circonstances, c’est de façon pertinente que la décision attaquée retient qu’Enedis ne peut pas reprocher à la SFE de ne pas avoir réagi à la simple information qui lui a été communiquée.

52.Il est par ailleurs constant que la fédération France Énergie Éolienne dont est membre Renvico France, société mère de la SFE, a été consultée en 2012, soit trois ans auparavant, lors de l’élaboration du schéma régional de raccordement des énergies renouvelables au réseau. Cette participation ne peut cependant être considérée, au regard de sa nature, de la date à laquelle elle est intervenue et des personnes concernées, comme satisfaisant à l’obligation de concertation prévue par les stipulations contractuelles pour les travaux en cause, réalisés sur le poste source d'[Localité 6].

53.L’obligation de concertation préalable prévue en matière d’intervention qui ne présente pas de caractère d’urgence est à la charge du distributeur. L’article 5.1.1.1 des conditions générales du CARD-I instaure en effet une règle spéciale qui prévoit que la concertation est organisée par ce dernier.

54.C’est donc en vain qu’Enedis se prévaut des dispositions de l’article 9 de la convention d’exploitation qui prévoit (p.11), de manière plus générale, que « lors de toute modification de la consistance des ouvrages et des caractéristiques des installations ou de leurs conditions d’exploitations ou de conduite, les parties conviennent de se rapprocher pour procéder à un examen de la présente convention pour décider soit d’en reconduire les termes par voie d’avenant, soit de la résilier en vue d’établir une nouvelle convention ».

55.Il s’en déduit qu’il ne peut être considéré qu’Enedis a en l’espèce invité la SFE à une concertation au sens de l’article 5.1.1.1 des conditions générales du CARD-I , alors qu’elle en a l’obligation en tant que gestionnaire de réseau. C’est donc à juste titre que le Cordis a retenu qu’Enedis n’avait pas respecté cette obligation.

56.Le moyen est en conséquence rejeté.

B. Les dispositions contractuelles applicables

57.La Cour observe, à titre préliminaire, que la qualification de la nature des travaux réalisés sur le poste source d'[Localité 6] ne fait plus débat, les parties s’accordant pour considérer qu’il s’agit d’une opération de renouvellement et non de maintenance lourde.

58.Enedis soutient que le CoRDiS a commis une erreur de droit en considérant que le distributeur n’a pas respecté les stipulations du CARD- I le liant à la SFE.

59.Elle fait valoir, en premier lieu, que les travaux de renouvellement du poste source ne faisaient pas l’objet d’engagement quant à la durée d’indisponibilité du réseau public d’électricité dans sa version du CARD- I applicable en l’espèce, et ce pour trois raisons. La première est que les travaux dont il est question sont d’une ampleur sans commune mesure avec les travaux de renouvellement visés à l’article 5.1.1.1 des conditions particulières du CARD-I si bien que les obligations de résultat visées à cet article ne peuvent s’appliquer au cas d’espèce. Consciente que la nouvelle version du CARD-I était plus adaptée, Enedis a proposé au moins à quatre reprises à SFE une mise à jour de son contrat, sans succès. La SFE ne lui paraît pas fondée dans de telles circonstances à lui reprocher de ne pas s’être conformée à ses engagements. La deuxième raison est que l’article 5.1.1.1 des conditions particulières du CARD-I ne s’applique pas en l’absence de coupure. Or les travaux en l’espèce ont uniquement donné lieu à une limitation d’injection. La troisième est que l’application au cas d’espèce du régime prévu à l’article 5.1.1.1 des conditions particulières du CARD-I entraînerait un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au contrat au sens de l’article L.442-6, I-2o du code de commerce.

60.Elle allègue en deuxième lieu que la discussion récemment ouverte par Enedis auprès d’un producteur en vue de substituer à son ancien CARD-I le nouveau modèle-type atteste que les travaux de renouvellement de poste source ne faisaient pas l’objet d’engagement en terme de durée d’indisponibilité du réseau public de distribution dans la version signée par la SFE.

61.Elle considère enfin que le comportement de sa co-contractante a généré le dommage dont elle se prévaut. La SFE a en effet produit de l’électricité du 27 mai au 7 juin 2015 puis a arrêté sa production alors que d’après ses calculs, la quantité d’électricité qu’elle aurait été en mesure de produire s’élevait à près de 40 % de sa production potentielle totale.

62.En réponse, la SFE rappelle, en premier lieu, le principe posé par l’article 5.1.1 des conditions générales du CARD-I (« Le réseau est en permanence à la disposition du producteur ») et fait valoir que c’est par une interprétation erronée des articles 9.1.1.1.1.1 et 9.1.1.1.1.2 qu’Enedis soutient, à tort, qu’elle n’aurait pas pris d’engagements quantitatifs précis sur le nombre ou la fréquence des coupures, dont serait exclue l’opération de renouvellement du poste source en cause. La SFE souligne que l’obligation de moyen dont se prévaut Enedis ne concerne que les dommages qui auraient été causés au producteur dans le cadre d’opérations de renouvellement ou de maintenance qui n’impliqueraient pas un dépassement des seuils. Elle se réfère à l’analyse des clauses contractuelles à laquelle a procédé le CoRDiS dans la décision attaquée, de laquelle il se déduit que la faute du distributeur est caractérisée dès qu’il est établi que ce dernier n’a pas respecté les engagements (de résultat) auxquels il est tenu à l’égard du producteur. Elle ajoute que la cour d’appel a déjà fait sienne cette analyse dans l’affaire Elicio Bretagne.

63.La SFE souligne qu’au regard des principes de non-discrimination, d’objectivité et de transparence auxquels sont soumis les gestionnaires de réseaux, à la lumière desquels doivent s’interpréter et s’exécuter les engagements quantitatifs d’Enedis en matière de disponibilité du réseau, le distributeur est tenu de garantir le dépassement des durées et nombre maximum des indisponibilités contractuellement prévues. L’obligation de garantie qui résulte de l’article 5.1.1.1 des conditions particulières, loin d’engendrer un déséquilibre significatif au détriment du gestionnaire de réseau, a pour objet d’éviter que le producteur qui n’a pas pu injecter la totalité de sa production en cas d’indisponibilité du réseau ne soit pas lésé et puisse être indemnisé en conformité avec les obligations générales qui lui incombent.

64.En deuxième lieu, SFE fait valoir que la circonstance qu’Enedis ait adressé un courrier le 9 septembre 2020 à une autre filiale de sa société mère afin de réviser son CARD-I ne vient en rien confirmer l’argumentation développée par le gestionnaire du réseau.

65.La SFE observe enfin que la puissance totale du parc éolien dont s’agit s’élève à 9,5 MW et que la limitation de la production à 0,7 MW qui lui a été proposée par Enedis impliquait nécessairement de mettre en arrêt complet le parc éolien sous peine de gravement endommager les éoliennes. Elle renvoie à nouveau à l’arrêt Elicio Bretagne.

66.La CRE se prévaut de l’interprétation claire des clauses contractuelles litigieuses qui est développée dans l’arrêt Elicio Bretagne. Elle en déduit qu’il résulte des dispositions combinées des articles 9.1.1.1.1.1. et 5.1.1.1. des conditions générales du contrat CARD-I que l’exonération de la responsabilité du distributeur ne s’applique qu’en deçà de certains seuils. Au-delà, le distributeur est pleinement responsable du préjudice causé par les coupures.

67.Elle ajoute que l’article 5.1.1.1. des conditions particulières ne prévoit pas la possibilité d’une limitation d’injection en cas de travaux de renouvellement et qu’en cas de manquement du distributeur, la capacité d’injection résiduelle du producteur d’électricité n’emporte aucune conséquence.

68.Elle relève enfin qu’aux termes du décret no 2009-1384 du 11 novembre 2009, seuls les tribunaux spécialement désignés sont compétents pour connaître du contentieux de l’article L.442-6 du code de commerce, et que l’appréciation du déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, en méconnaissance de cet article, ne ressort pas de la compétence rationae materiae du CoRDiS énoncée à l’article L.134-19 du code de l’énergie. Elle cite à l’appui deux décisions de cette Cour (no 05/05502 du 4 octobre 2005, no 17/14395 du 31 mai 2018).

69.Le ministère public conclut au rejet du moyen pour les mêmes raisons.

***
Sur ce, la Cour,

70.À titre préliminaire, la Cour constate qu’aux termes du contrat CARD-I, les travaux générant des « coupures brèves ou longues » visent deux hypothèses, les « travaux de développement, renouvellement, maintenance des ouvrages » et les «  indisponibilités du réseau pour les opérations de maintenance lourde » régis respectivement par les articles 5.1.1.1. et 5.1.1.4. des conditions générales.
71.Il est désormais acquis aux débats que les travaux litigieux, qui ont consisté à remplacer dans le poste source d’Archangey le transformateur HTB/HTA de 20 MVA par un transformateur HTB/HTA de 36 MVA, pour permettre le raccordement d’un nouveau parc de production d’électricité éolienne, sont des travaux de renouvellement relevant de l’article 5.1.1.1 précité.

72.Cette stipulation contractuelle visant les travaux de renouvellement sans restriction, il n’y a pas lieu d’en réduire le champ d’application.

73.Les travaux de renouvellement réalisés sur le poste source d’Archangey, même s’ils constituent des opérations complexes, sont donc régis par les articles 5.1.1.1. des conditions générales du contrat CARD-I.

74.Ensuite, la Cour rappelle, en premier lieu, que les engagements d’Enedis sur la continuité d’accès au réseau, dans le cas où elle a à effectuer des travaux sur celui-ci, sont prévus par l’article 5.1.1.1. des conditions générales du contrat CARD-I ainsi qu’il suit :

« Le distributeur a la faculté, lorsque des contraintes techniques l’imposent, d’interrompre le service pour le développement, le renouvellement, la maintenance de son réseau et les réparations urgentes que requiert son matériel (…)
Le distributeur s’efforce de réduire les interruptions au minimum et de les situer, dans la mesure compatible avec les nécessités de son exploitation, aux époques et aux heures susceptibles de provoquer le moins de gène possible au producteur. (…)
Les engagements quantitatifs du distributeur en matière de disponibilité du réseau dans le cadre de travaux figurent aux conditions particulières ».

75.Ces conditions particulières prévoient en leur article 5.1.1.1 intitulé « Engagement sur la disponibilité du réseau d’évacuation dans le cadre de travaux de développement, renouvellement et maintenance des ouvrages » :

« (…) Le nombre annuel de coupures pour travaux et la durée annuelle cumulée ne pourront excéder les valeurs suivantes :

Nombre maximum annuel de coupures pour travaux : 2 coupures/an
Durée cumulée annuelle maximale de coupure pour travaux : 8 h par an ».

76.Le deuxième paragraphe de l’article 5.1 des conditions générales du contrat CARD-I stipule en outre :

« Les situations rendant indisponibles le réseau d’évacuation ou altérant la qualité de l’onde électrique conduisent à définir des seuils (…) dont le franchissement engage la responsabilité du distributeur dans les conditions de l’article 9.1.1.1.1 des conditions générales. ».

77.Ces conditions générales du contrat CARD-I intitulées « régime de responsabilité applicable au distributeur » prévoient deux cas distincts.

78.L’article 9.1.1.1.1, expressément visé au deuxième paragraphe précité de l’article 5.1, vise l’hypothèse du « distributeur tenu d’une obligation de résultat » en ces termes :

« Le distributeur est responsable des dommages directs et certains qu’il cause à l’autre partie en cas de non-respect des engagements quantitatifs de non-dépassement du nombre de coupures ou des seuils de tolérance relatifs à la qualité et à la continuité de la tension du RPD définis à l’article 5.1 des Conditions Générales, ainsi qu’aux conditions particulières du présent contrat. ».

79.L’article 9.1.1.1.2 de ces mêmes conditions générales, vise le « cas où le distributeur est tenu d’une obligation de moyens » en ces termes :

« Le distributeur n’est pas responsable des dommages causés au Producteur du fait des coupures ou défauts dans la qualité de l’onde électrique résultant […] des opérations de développement, de renouvellement et de maintenance visées à l’article 5.1.1 des Conditions Générales en cas de non dépassement du nombre de coupures visés à l’article précité ».

80.Il s’en déduit que la société Enedis n’est pas responsable des dommages causés au producteur lorsqu’elle procède aux travaux de renouvellement visés à l’article 5.1.1.1 des conditions générales du contrat CARD-I, sous réserve qu’elle ne dépasse pas le nombre de coupures précisées par cette stipulation, c’est-à-dire les deux coupures et la durée cumulée maximale de huit heures par an prévues par l’article 5.1.1.1 des conditions particulières.

81.En l’espèce, il ressort du compte rendu de la réunion du 5 février 2016 dressé par Enedis que le site de production de la SFE a connu des « limitations (totales ou partielles) » de ses capacités d’injection entre le 27 mai et le 9 juillet 2015, ce qui a conduit à son « indisponibilité » durant cette période.

82.Selon la définition mentionnée chapitre 12 des conditions générales du CARD- I :

« Il y a coupure lorsque les valeurs efficaces des trois tensions composées sont simultanément inférieures à 10 % de la tension contractuelle Uc pendant une durée supérieure ou égale à une seconde, en amont du point de livraison ».

83.Une coupure n’implique donc pas nécessairement l’arrêt du site.

84.La limitation de production à 0,7 MW, s’agissant d’un parc éolien dont la puissance totale est de 9,5 MW constitue en l’espèce une coupure au sens des stipulations contractuelles précitées. Il est constant en outre que les limitations totales ou partielles des capacités d’injection de l’installation de production intervenues ont eu une durée totale de 1 155 heures et 13 minutes.

85.Il s’en déduit que l’engagement quantitatif de durée cumulée annuelle maximale de coupure pour travaux de 8 h par an pris par le distributeur en application de l’article 5.1.1.1. des conditions particulières du contrat CARD-I n’a pas été respecté en l’espèce.

86.Enfin, la Cour relève qu’en signant le contrat d’adhésion CARD-I dans la version V2 que lui a proposé Enedis, la SFE ne peut avoir soumis ou tenté de soumettre son partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au sens de l’article L.442-6, I-2o du code de commerce. C’est donc en vain que ERDF se prévaut de ce texte pour obtenir la révision de dispositions contractuelles qu’il a lui-même rédigées.

87.En deuxième lieu, la Cour constate que la circonstance qu’Enedis souhaite entrer en discussion avec tous les producteurs signataires d’un contrat CARD-I antérieur au 1er septembre 2012 en vue de substituer à la version ancienne le dernier modèle type du CARD-I, et qu’elle soit en contact à cette fin avec la société [Adresse 6], une société sœur de la défenderesse, est sans effet sur le présent différend, lequel porte sur la version du contrat CARD-I la plus ancienne, qui seule a force obligatoire entre les parties sur la période litigieuse.

88.Cette nouvelle version n’a aucune portée rétroactive à défaut d’accord entre les parties, de sorte que la circonstance que ces nouvelles versions prévoient des engagements quantitatifs différents de ceux prévus à l’article 5.1.1.1, dans sa rédaction applicable à la date des faits, est sans incidence sur l’application de cette stipulation au différend opposant les parties.

89.En troisième lieu, la Cour observe qu’il entre dans son office de dire qu’en l’espèce, Enedis n’a pas respecté les stipulations contractuelles fixant des engagements quantitatifs concernant la durée maximale d’indisponibilité de l’accès au réseau. En revanche, n’ayant pas à statuer sur la réparation, il ne lui appartient pas de se prononcer sur les causes du dommage invoqué par la SFE.

90.Il s’en déduit que le CoRDiS n’a commis aucune erreur de droit en considérant qu’Enedis n’a pas respecté en l’espèce les stipulations du CARD-I qui la lient à la SFE.

91.Le moyen est en conséquence rejeté.

IV. SUR LES FRAIS IRRÉPÉTIBLES ET LES DÉPENS

92.La demande de condamnation de la CRE, qui n’a pas la qualité de partie à l’instance, est irrecevable.

93.La société Enedis, succombant en ses prétentions, ne peut prétendre à une indemnité au titre de ses frais irrépétibles et doit être condamnée aux dépens.

94.L’équité commande en outre de la condamner à payer à la société SFE la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

REJETTE le recours formé par la société Enedis contre la décision no 16-38-16 du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie en date du 16 février 2018 ;

CONDAMNE la société Enedis à verser à la société SFE Parc Éolien de Saint-Crépin la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE les autres demandes ;

Condamne la société Enedis aux dépens.

LA GREFFIERE

Véronique COUVETLA PRÉSIDENTE

Frédérique SCHMIDT

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Paris, 18 mars 2021, 18/054497