Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 15, 10 février 2021, n° 19/17548

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Chronologie de l’affaire

Commentaires4

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TGS France Avocats · 5 juin 2023

La France est aujourd'hui le 1er pays au monde à légiférer sur l'influence commerciale en établissant des règles, en fixant des obligations, et en prévoyant des protections, d'une manière transversale et équilibrée. La loi n°2023-451 du 9 juin 2023 reconnaît l'activité d'influence commerciale comme une véritable filière économique et permet de l'encadrer avec un statut juridique et des règles qui s'y attachent. Définition juridique de l'influenceur Jusqu'à présent, il n'existait en droit français aucune définition de l'influenceur ni de l'activité d'influence et donc aucun statut …

 

J.P. Karsenty & Associés · 27 mars 2023

En France, le nombre d'influenceurs serait estimé à plus de 150.000. Une étude conduite en janvier 2023 par la DGCCRF sur une soixantaine d'influenceurs révèlerait que 60% d'entre eux ne se conformeraient pas à la réglementation actuelle[1]. Certaines initiatives ont déjà émergé pour assainir les pratiques. A titre d'exemple, l'OCDE a publié un « Guide des bonnes pratiques sur la publicité en ligne » en 2019. La CCI propose également un « Code de communication sur la publicité et le marketing ». En France, l'ARPP a publié des recommandations déontologiques relative aux bonnes pratiques …

 

Village Justice · 27 mars 2023

Le 1er février 2023, un texte a été déposé par Arthur Delaporte et Stéphane Vojetta "visant à lutter contre les arnaques et les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux". Cette proposition de loi fera l'objet d'un vote le 28 mars 2023. L'émergence croissante des influenceurs sur les réseaux sociaux semble soulever de nombreuses questions. Un rapport de l'Assemblée Nationale dénombre plus de 150 000 influenceurs sur les réseaux sociaux français. Les influenceurs sont des personnes qui, publient à travers les réseaux sociaux, des contenus afin de promouvoir des produits ou des …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 15, 10 févr. 2021, n° 19/17548
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 19/17548
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 17 septembre 2019
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées aux parties le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 15

ORDONNANCE DU 10 FEVRIER 2021

(n° 14, 16 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 19/17548 (appel) – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAUZY auquel sont joints les RG 19/17550 (recours), 19/17552(recours) et 19/17553 (recours)

Décision déférée : Ordonnance rendue le 18 Septembre 2019 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal de Grande Instance de PARIS

Procès-verbaux de visite et saisies en date du 19 septembre 2019 dans les locaux sis […], […],

[…], pris en exécution de l’Ordonnance rendue le 18 Septembre 2019 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal de Grande Instance de PARIS

Nature de la décision : Contradictoire

Nous, V W-AA, Conseillère à la Cour d’appel de PARIS, déléguée par le Premier Président de ladite Cour pour exercer les attributions résultant de l’article L16B du Livre des procédures fiscales, modifié par l’article 164 de la loi n°2008-776 du 04 août 2008 ;

assistée de T U, greffier lors des débats et de la mise à disposition ;

Après avoir appelé à l’audience publique du 09 décembre 2020 :

La Société ISLAND KEYS LTD société de droit anglais agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

Élisant domicile C/O CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS

[…]

[…]

La Société X RECEVEUR LTD société de droit anglais agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

Élisant domicile C/O CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS

[…]

[…]

Représentées par Me Jean-fabrice BRUN de la SELAFA CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE

assistées de Me Gauthier POULIN de la SELAFA CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE

APPELANTES ET REQUERANTES

Monsieur C D

né le […] à […]

de nationalité française

Élisant domicile C/O CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS

[…]

[…]

Madame A E

née le […] à […]

de nationalité française

Élisant domicile C/O CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS

[…]

[…]

Madame X RECEVEUR

née le […] à Z (88000)

de nationalité française

Élisant domicile C/O CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS

[…]

[…]

SAS P BRASHOWagissant en la personne de son représentant légal

Activité :

Élisant domicile C/O CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS

[…]

[…]

SAS E CREATION

Élisant domicile C/O CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS

[…]

[…]

Représentés par Me Jean-fabrice BRUN de la SELAFA CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE

assistés de Me Gauthier POULIN de la SELAFA CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE

REQUERANTS

et

LA DIRECTION NATIONALE D’ENQUETES FISCALES

[…]

[…]

Représentée par Me Jean DI FRANCESCO de la SELARL URBINO ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0137

assistée de Me Pierre D’AZEMAR DE FABREGUES de la SELARL URBINO ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0137

INTIMÉE ET DEFENDERESSE AUX RECOURS

Et après avoir entendu publiquement, à notre audience du 09 décembre 2020, l’avocat des appelantes et l’avocat de l’intimée ;

Les débats ayant été clôturés avec l’indication que l’affaire était mise en délibéré au 10 Février 2021 pour mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

Avons rendu l’ordonnance ci-après :

Le 18 septembre 2019 le juge des libertés et de la détention (ci-après JLD) du Tribunal de Grande Instance (ci-après TGI) de PARIS a rendu, en application de l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales (ci-après LPF), une ordonnance à l’encontre de :

—  La société de droit britannique ISLAND KEYS LTD, représentée par X RECEVEUR dont le siège social est sis […], et qui a pour objet social la 'vente au détail par correspondance ou par internet'.

— 

La société de droit britannique X RECEVEUR S, représentée par X

RECEVEUR dont le siège social est sis […], et qui a pour objet les 'autres activités de services personnels divers, non classés ailleurs'.

Cette ordonnance autorisait des opérations de visite et saisie dans les lieux suivants :

— locaux et dépendances sis […], susceptibles d’être occupés par X RECEVEUR et/ou F G et/ou Amandine ORTEGA et/ou la société de droit britannique ISLAND KEYS LTD et/ou la société de droit britannique X RECEVEUR S ;

— locaux et dépendances sis […], susceptibles d’être occupés par la société de droit britannique ISLAND KEYS LTD et/ou C D;

— locaux et dépendances sis […], susceptibles d’être occupés par A E née Y et/ou H E et/ou la SAS P BRADSHOW et/ou E CREATION.

L’autorisation de visite et saisie des lieux susmentionnés était délivrée aux motifs que la société de droit britannique ISLAND KEYS LTD exercerait une activité dans la vente au détail par correspondance ou par internet sur le territoire national sans souscrire les déclarations fiscales y afférentes et en omettant de passer les écritures comptables correspondantes, et que la société de droit britannique X RECEVEUR exercerait une activité de prestations de service personnels divers sur le territoire national sans souscrire les déclarations fiscales y afférentes et en omettant de passer les écritures comptables correspondantes.

Et ainsi seraient présumées s’être soustraite et/ou se soustraire à l’établissement et au paiement des impôts sur les bénéfices et de la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA), en se livrant à des achats ou des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le Code général des impôts (articles 54 et 209-I pour l’IS et 286 pour la TVA).

L’ordonnance était accompagnée de 94 pièces annexées à la requête.

Il ressortait du dossier que Mme X RECEVEUR, née le […] à Z, a acquis une notoriété en France auprès d’un public français, à la suite de sa participation depuis 2008 à diverses émissions de télévision française telles que 'Secret Story, les Anges de la téléréalité, Poker mission caraibes, Hollywood Girls'. Elle dispose d’un compte Instagram comptant 3,2 millions d’abonnés et d’un compte Facebook comptant 618 904 abonnés, par lesquels elle procède à des placements de produits auprès d’eux. X RECEVEUR se définit comme une 'digital influencer'.

Un 'influenceur’ est une personne , active sur les réseaux sociaux qui par son statut, sa position ou son exposition médiatique est capable d’être un relais d’opinion influençant les habitudes de consommation dans un but marketing.

Ainsi X RECEVEUR est présumée exercer dans le cadre de la gestion de ses comptes Instagram et Facebook l’activité d’influenceuse et de placement de produits auprès des abonnés.

X RECEVEUR prête son image afin de promouvoir des produits de la marque l’Oréal ainsi que des produits de la marque Morgan, ainsi X RECEVEUR est présumée exercer l’activité de mannequin.

Elle est également présumée avoir exercé la profession d’actrice et de doublure de voix (rôle de X I dans une série télévisée de la chaine de TV française NRJ 12 de 2012 à 2015, prêt de voix dans un personnage du film 'le monde secret des Emojis’ sorti en France en 2017), d’avoir effectué des prestations de services pour la TV française (participation aux émissions de la TV française 'danse avec les stars’ en 2016 et ' Top chef’ en 2018), et d’avoir exercé la profession

d’auteure (auteur d’un livre par le 5/10/2017 ' no filter’ publié aux éditions J K qui a fait l’objet d’une diffusion en France, Suisse, Belgique et Canada).

Ainsi X RECEVEUR serait susceptible d’exercer diverses activités telles que blogueuse, influenceuse, mannequin , actrice et auteur, et serait résidente fiscale française à compter du 01/01/2018 (déclaration de revenus en 2018 et 2019 déclarant l’adresse du […] à Paris 16e, comptes bancaires ouverts à son nom au […], domicile des parents précisé au […] sur l’acte de naissance de l’enfant L G, titulaire d’un contrat ERDF à cette même adresse, revenus en caissés à l’étranger et perçus au Royaume Uni et dividendes et jetons de présence encaissés au RU dans la déclaration de 2019).

X RECEVEUR n’est plus répertoriée depuis juillet 2010 en tant qu’entrepreneur individuel ni sur la base de données des professionels interne à la DGFP ni sur le site internet d’accès public 'portail.infolégale'.

En ce qui concerne la SAS ISLAND KEYS, détenue par X RECEVEUR (représentant légal) et C D , elle a été immatriculée en 2014 sous un numéro de Siren, elle avait son siège social à Levallois Perret (92) et avait pour activité déclarée: 'la valorisation et le développement commercial du nom et de l’image de toute personne bénéficiant d’un renom, d’une célébrité, d’une réputation, l’achat, la vente, la location et tous produits à destination des particuliers et des entreprises'. Elle a été radiée du registre du commerce et des sociétés de Nanterre le 5/12/2014 à la suite du transfert de son siège social en novembre 2014 à B ,au […] (England) .Au titre de son unique exercice courant (2014), la société a déclaré à l’impôt sur les sociétés un chiffre d’affaires de 474 737 euros, cette société n’a réalisé aucune opération de ventes ou de prestations de services intracommunautaires, à destination de clients professionnels européens, au titre de l’année 2014.

Suite au transfert de son siège social en Angleterre, la société de droit britannique ISLAND KEYS LTD a été créée le 27/11/2014, avec son siège social au […], elle a transféré son siège social à deux reprises.

Selon le PV de l’AG du 17/11/2014, l’activité de la société reste inchangée et demeure réalisées sur le teritoire national français malgré le transfert du siège social à B.

Ainsi il serait établi que la société de droit britannique ISLAND KEYS LTD, qui aurait pour associés Mme X RECEVEUR et M. C D, et pour représentant légal Mme X RECEVEUR, développerait une activité de vente au détail de marchandises par correspondance ou par internet sur le territoire national français, malgré le transfert de son siège social à B.

Selon les services fiscaux, la société ISLAND KEYS LTD développerait une activité commerciale de vente au détail de thés et des accessoires de la marque 'WANDERTEA’ par internet.

Le site propose une gamme de thé et des accessoires de la marque ' WANDERTEA', de fabrication française, ces produits sont entièrement fabriqués en France , toutes les commandes partent de France via la société de logistique DUHAMEL LOGISTIQUE, les retours de colis sont renvoyés sur la Site de Duhamel Logistique à Val de Reuil, il est indiqué que toute commande livrée en dehors de la France métropolitaine pourra être soumise à des taxes locales et frais de douanes. Selon le contrat conclu entre la société ISLAND KEYS LTD et le logisticien DUHAMEL, celui-ci accepte la prestation de logistique pour la ' gestion des thés detox, beauté, bien être et accessoires', cela consiste à réaliser un inventaire, assurer le déchargement des produits et leur contrôle, assurer le stockage des produits et le gardiennage, la préparation de commandes et les livraisons. Le stock de marchandises détenu par la société DUHAMEL LOGISTIQUE s’élève entre novembre 2016 et décembre 2017 à 29 318 articles avec une valeur d’assurance déclarée de 1.022 940 euros.

Ainsi les produits seraient livrés depuis le territoire national par la société de logistique DUHAMEL LOGISTIQUE à des clients situés en FRANCE et cette société gérerait également les éventuels retours de marchandises opérés par les clients.

Il était précisé ainsi que la société ISLAND KEYS LTD développerait une activité de vente au détail par internet de thés et des accessoires de la marque WANDERTEA destinés à une clientèle composée de particuliers.

Par ailleurs, il s’avérerait que la marque française et la marque internationale WANDERTEA auraient initialement appartenu à Mme X RECEVEUR avant leur transmission à la société ISLAND KEYS LTD.

En outre, le nom de domaine wandertea.fr serait la propriété de Mme RECEVEUR et le site internet serait administré depuis la FRANCE (adresse IP localisée en France au 24/05/2019).

D’après les bases de données internationales Dun & Bradstreet et Fame, le siège social de la société ISLAND KEYS LTD serait situé au […]) à une adresse regroupant un grand nombre de sociétés (126 et 2 058 selon les bases de données internationales) et ladite société ne semblerait pas disposer de moyens humains et matériels suffisants pour exercer une activité conforme à son objet social (l’exploitation de la base Fame ne ferait apparaître aucun salarié, aucune immobilisation corporelle et aucun numéro de téléphone au nom de la société ISLAND KEYS LTD à B ).

D’autres recherches laisseraient apparaître que M. C D, résident français, interviendrait en qualité d’associé et de directeur administratif et financier de la société de droit britannique ISLAND KEYS LTD et engagerait cette dernière par la signature de contrats en FRANCE où il y disposerait d’une adresse depuis 2017 (M D est redevable d’une taxe d’habitation à titre principal pour 2017 et 2018 concernant un local d’habitation au […] à Paris 6e, il est titulaire d’une contrat ERDF à cette adresse , plusieurs comptes bancaires sont ouverts à son nom à cette adresse, C D et X RECEVEUR disposent de 2 comptes joints ouverts en 2013, C D a fourni à l’administration fiscale un numéro de téléphone français dont le titulaire de la ligne est X RECEVEUR).

Suite à un droit de communication effectué auprès de la société TF1 PRODUCTION, il s’avérerait que la société ISLAND KEYS LTD disposerait de l’exclusivité des prestations télévisuelles de Mme X RECEVEUR et se serait engagée à assurer la participation de cette dernière à l’émission « Danse avec les stars », saison 7.

Il résulterait de ce qui précède que la société de droit britannique ISLAND KEYS LTD serait présumée exercer une activité principale dans le domaine de la vente au détail par internet et une activité secondaire des prestations audiovisuelles sur le territoire national, disposer en FRANCE d’un centre décisionnel depuis 2018, sans souscrire les déclarations relatives à l’impôt sur les sociétés et minorer le montant des opérations imposables en matière de TVA depuis novembre 2016, et ainsi omettre de passer les écritures comptables correspondantes.

En ce qui concerne la société de droit britannique X RECEVEUR S elle a été créée le 23/09/ 2016, elle a pour objet social les 'autres activités de services personnels non classées ailleurs', son siège social est situé […], elle a pour associée unique et dirigeante X R RECEVEUR.

Les investigations laisseraient apparaître que le siège social de la société de droit britannique X RECEVEUR S serait situé au ROYAUME UNI à une adresse regroupant un grand nombre de sociétés et que ladite société ne disposerait pas de moyens humains et matériels

suffisants pour exercer une activité conforme à son objet social (l’interrogation de la base Fame ne mettrait en évidence aucun salarié, aucune immobilisation corporelle et aucun numéro de téléphone).

Il résulte des investigations des services de l’administration fiscale qu’un contrat a été signé le 26 juin 2017 entre la société PROCTER &GAMBLE INTERNATIONAL OPERATIONS SA , la société X RECEVEUR S et la SAS BRAND & CELEBRITIES, que ce contrat relatif à la marque BRAUN a pour objet d’établir les conditions selon lesquelles X RECEVEUR S autorise PROCTER &GAMBLE à utiliser le nom, l’image, la voix, l’interprétation , la signature et le matériel biographique de l’influenceuse digitale française X RECEVEUR, le contrat stipule que le territoire pour cet accord est la France.

Par ailleurs, la société X RECEVEUR S serait susceptible d’exercer en FRANCE l’activité d’agence de communication et d’intermédiaire en matière de droit à l’image et disposer d’un centre décisionnel sur le territoire national, sa dirigeante et associée unique étant Mme X RECEVEUR, résidente française depuis le 1/01/2018.

La société de droit britanique X RECEVEUR S n’est pas répertoriée dans les bases internes ( compte fiscal des rofessionnels) de la DGFP, elle n’est pas répertoriée auprès du service des impôts des entreprises de la direction des impôts des non résidents (service de remboursement de la TVA aux assujettis établis à l’étranger). Selon la base de données Fame,

la société X RECEVEUR S justifie d’un bénéfice de 184 099 £ pour l’exercice clos le 30/09/2017 et 505 452 £ pour l’exercie clos le 30/09/2018.

Il découlerait de tout ce qui précède qu’à compter de 2018, la société de droit britannique X RECEVEUR S serait présumée exercer son activité en FRANCE sans souscrire les déclarations fiscales y afférentes et ainsi ne pas procéder à la passation régulière de ses écritures comptables.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, le JLD du TGI de Paris a autorisé les visites domiciliaires dans les lieux suivants :

— 

locaux et dépendances sis […], susceptibles d’être occupés par X

RECEVEUR et/ou F G et/ou Amandine ORTEGA et/ou la société de droit britannique ISLAND KEYS LTD et/ou la société de droit britannique X RECEVEUR S ;

— locaux et dépendances sis […], susceptibles d’être occupés par la société de droit britannique ISLAND KEYS LTD et/ou C D;

— locaux et dépendances sis […], susceptibles d’être occupés par A E née Y et/ou H E et/ou la SAS P BRADSHOW et/ou E CREATION.

Les opérations de visite et saisie se sont déroulées le 19 septembre 2019.

Le 19 septembre 2019 à 6H05, les agents des finances publiques se sont présentés au […], ils ont été informés par X RECEVEUR qu’elle n’occupait plus cette adresse et avait déménagé au […], après autorisation téléphonique du JLD, les agents se sont présentés au […], où la visite domiciliaire s’est déroulée de 8H12 à 14H15, en présence de X RECEVEUR et de F G.

Les agents des finances publiques se sont présentés au […], où la visite domiciliaire s’est déroulée de 6H45 à 14H50, en présence de C D .

Les agents des finances publiques se sont présentés au […], où la visite domiciliaire s’est déroulée de 6H15 à 12H40, en présence de H E.

Le 3 octobre 2019 les sociétés ISLAND KEYS LTD et X RECEVEUR S ont interjeté appel de l’ordonnance du JLD ( RG 19/17548).

Le 3 octobre 2019 les sociétés ISLAND KEYS LTD, X RECEVEUR S et Mme X RECEVEUR ont formé recours contre le déroulement des opérations de visite du 25, rue Galilée 75016 ( RG 19/17550).

Le 3 octobre 2019 les sociétés ISLAND KEYS LTD et X RECEVEUR S, Valention D ont formé recours contre le déroulement des opérations de visite du […] ( RG 19 /17552).

Le 3 octobre 2019 les sociétés ISLAND KEYS LTD et X RECEVEUR S, E A, SAS P Q, SAS E CREATION RECEVEUR ont formé recours contre le déroulement des opérations de visite du 20 rue de la Michodière, 75002 ( RG 19 /17553).

L’affaire a été audiencée pour être plaidée le 20 mai 2020, l’affaire a été renvoyée à l’audience du 9 décembre 2020 du fait de l’état d’urgence sanitaire (confinement national).

A l’audience du 9 décembre 2020 , la jonction des dossiers a été évoquée, l’affaire a été mise en délibéré pour être rendue le 10 février 2021.

SUR l’APPEL

Par conclusions reçues le 30 mars 2020, soutenues à l’audience du 9 décembre 2020, les sociétés appelantes font valoir :

RAPPEL des Faits :

La société ISLAND KEYS LTD est une société de droit britannique qui a pour activité la commercialisation de thés et d’accessoires de la marque ' Wandertea’ créée par madame X RECEVEUR, cette société a été constituée en 2014 par madame X RECEVEUR et monsieur C D. Les aspects logistiques de l’activité sont sous traités à la société française DUHAMEL LOGISTIQUE.

La société X RECEVEUR S (CR S) est une société britannique qui gère l’ensemble des droits liés à l’image de madame X RECEVEUR dans le cadre de ses différentes activités. Celle-ci est mannequin, influenceuse et chef d’entreprise. Jusqu’en 2014, elle exerçait ses activités en France, avant de s’installer au RU.

En 2018, compte tenu de sa grossesse, elle a décidé avec son compagnon F G de résider quelques mois en France.

Leur fils est né le […]. Après cet évènement elle est retournée vivre au RU.

Le JLD a rendu une ordonnance le 18 septembre 2019 sur le fondement de l’article L 16 B du LPF. Une requête a également été présentée par l’administration fiscale au TGI d’Evreux (27) pour la visite de locaux dans son ressort.

Les visites domiciliaires dans les locaux parisiens ont été effectuées le 19 septembre 2019.

DISCUSSION :

I ' Sur l’absence de présomption de fraude.

1 – Sur l’absence de portée fiscale des présomptions invoquées par l’administration à l’encontre de la société ISLAND KEYS

Il est soutenu que pour caractériser une présomption de fraude, les faits reprochés doivent avoir un objectif et un intérêt fiscaux, c’est-à-dire éviter une imposition en FRANCE.

Or, en l’espèce, il ne saurait exister de telles présomptions à l’encontre de la société ISLAND KEYS LTD du fait de l’absence totale de motifs permettant de présumer d’une telle fraude.

En effet et tout d’abord, l’activité de la société ISLAND KEYS LTD est intégralement imposée au ROYAUME UNI.

Par ailleurs, l’administration s’est abstenue d’indiquer que son résultat était déficitaire de 57 000 £ sur l’exercice 2017 et était de seulement 14 000 £ sur l’exercice 2018.

Ainsi, même si elle avait été soumise à l’impôt sur les sociétés en FRANCE en 2018, ISLAND KEYS LTD n’aurait pas été redevable du moindre impôt à ce titre du fait des règles de report des déficits enregistrés au cours d’exercices antérieurs.

Il est demandé donc l’annulation de l’ordonnance.

2 ' Sur l’irrecevabilité des pièces produites et citées de manière fausse par l’administration fiscale et retenus par le JLD relative au « bénéfice » de X RECEVEUR S

Il est argué que l’absence de traduction des pièces rédigées en langue anglaise et produites par l’administration au soutien de sa requête dans le cadre d’une procédure non contradictoire a eu pour effet une totale mésinformation du premier juge, qui ne pouvait pas les traduire lui-même.

En effet, la simple lecture des pièces présentées permet de constater que les chiffres de 184 099 £ en 2017 et 505 452 £ en 2018 sont les « Net Tangible Assets » et les « Shareholders funds », dont l’équivalent en français seraient, respectivement, les « Immobilisations corporelles nettes » et les « Compte-courants d’associés » non imposables mais, en aucun cas, le bénéfice de la société.

3 ' Sur l’absence d’éléments de fait faisant présumer l’existence d’une fraude à l’encontre de X RECEVEUR S et de ISLAND KETS LTD

Selon la jurisprudence, doit être infirmée l’ordonnance qui retient des éléments insuffisants, incomplets ou inexacts pour caractériser des présomptions de fraude et autoriser une visite domiciliaire.

— Sur la société ISLAND KEYS

Il est fait valoir que le régime français est marqué par un principe de territorialité stricte, en vertu duquel seules sont passibles en FRANCE de l’impôt sur les sociétés les bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées sur le territoire national (article 209 du code général des impôts).

Ainsi, les bénéfices d’une société établie au ROYAUME UNI sont, par principe, non imposables à l’impôt sur les sociétés en FRANCE. Ils ne peuvent être imposables à l’impôt sur les sociétés en FRANCE qu’exceptionnellement, à condition qu’ils se rattachent à une entreprise exploitée sur le territoire national et dès lors que la FRANCE a signé une convention fiscale avec le ROYAUME

UNI, et que cette entreprise puisse en outre être qualifiée d’établissement stable au sens de la convention fiscale franco-britannique.

A aucun moment, dans sa requête, la DGFP n’avance que la société ISLAND KEYS aurait un établissement stable en FRANCE.

— Sur l’absence d’établissement stable de la société ISLAND KEYS en FRANCE

Il est argué qu’ISLAND KEYS LTD est valablement constituée au ROYAUME UNI, lieu de résidence habituelle de Mme X RECEVEUR. La société est domiciliée à l’adresse de son expert comptable par mesure de simplification car Mme RECEVEUR a changé d’adresse à plusieurs reprises depuis qu’elle y a transféré sa résidence.

Il est soutenu que la notion d’établissement stable est une notion restrictive, qui fait notamment obstacle à ce que la simple réalisation de prestations ou d’opérations de vente sur le sol français puisse être imposable en FRANCE.

Aux termes de l’article 5§1 de la convention fiscale du 19 juin 2008 conclue entre la FRANCE et le ROYAUME UNI en matière d’impôt sur le revenu, l’établissement stable est défini comme « une installation fixe d’affaires où l’entreprise exerce tout ou partie de son activité ».

Ainsi, l’établissement stable se déduit d’une permanence de l’activité sur le territoire français.

Par conséquent, la simple réalisation de prestations ou d’opérations de vente sur le sol français n’est en aucun cas susceptible de caractériser un établissement stable en FRANCE.

Il est fait valoir que l’administration a volontairement omis de mentionner que Mme X RECEVEUR résidait à B depuis plusieurs années et n’est revenue en FRANCE dans le courant de l’année 2018 que du fait de sa grossesse (son fils est né le […]) et qu’elle est depuis lors, retournée vivre au ROYAUME UNI.

Il est souligné que Mme RECEVEUR ne s’est jamais cachée de ce retour en FRANCE durant quelques mois et a spontanément fait sa déclaration relative à l’impôt sur le revenu afférent à l’année 2018.

D’ailleurs, l’ensemble de ces faits est de notoriété publique, de par sa large exposition médiatique.

Dès lors, en l’absence d’une quelconque « permanence » dans ce retour ponctuel pour des raisons médicales en FRANCE, aucune présomption d’établissement stable ne pouvait être sérieusement retenue.

' Sur la société X RECEVEUR S

Il est soutenu qu’aucune « installation fixe d’affaires » ne saurait être caractérisée tant au regard de l’activité de la société X RECEVEUR S que de son siège de direction, Mme RECEVEUR étant retournée au ROYAUME UNI dès que sa situation familiale et médicale a permis ce retour.

Au vu de ces éléments, il est demandé l’annulation de l’ordonnance.

II ' Sur l’absence de contrôle de proportionnalité quant à l’autorisation de la visite domiciliaire

Il découle de l’article 8 de la CESDH l’exigence d’un contrôle de proportionnalité de la mesure autorisée.

En l’espèce, il n’y a aucune motivation quant au caractère proportionnée de la visite domiciliaire.

Il est argué qu’au lieu de demander l’autorisation à procéder à des opérations de visite et de saisie, l’administration fiscale aurait dû adresser une demande de communication directement à Mme X RECEVEUR concernant les documents comptables ou factures de nature à faire toutes les vérifications nécessaires ou faire une demande d’assistance fiscale au ROYAUME UNI.

En conclusion, il est demandé de :

— infirmer l’ordonnance rendue le 18 septembre 2019 par le JLD du TGI de PARIS ;

Et en conséquence,

— annuler les opérations de visite et de saisie autorisées par ladite ordonnance et réalisées le 19 septembre 2019 ;

— ordonner la destruction de toute copie sous quelque forme que ce soit des documents dont la saisie est annulée, à charge pour l’administration de justifier de la destruction effective de ces documents dans un délai de 8 jours à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir ;

dire et juger que passé ce délai, s’appliquera une astreinte de 2 000 € par jour de retard jusqu’à la justification effective de la destruction de ces documents ;

— dire et juger que la DNEF sera rétroactivement réputée ne jamais avoir détenu les pièces saisies.

Par conclusions déposées au greffe de la Cour d’appel de PARIS le 21 avril 2020, soutenues à l’audience du 9 décembre 2020, l’administration fait valoir :

1

Un rappel préalable de la procédure est exposé.

L’ordonnance du 18 septembre 2019 du JLD du TGI de Paris a autorisé le agents de l’administration des finances publiques à procéder à des opérations de visite domiciliaire à l’encontre des sociétés ISLAND KEYS LTD et X RECEVEUR S

2 Discussion.

2-1 Rappel préalable des faits.

a) Les éléments soumis à l’appréciation du juge justifiaient la mise en oeuvre d’une procédure de visite domiciliaire.

L’administration fiscale fait un rappel préalable des faits, ainsi que des éléments soumis à l’appréciation du juge qui ont justifié la mise en oeuvre d’une procédure de visite domiciliaire.

Selon l’administration fiscale, les éléments ont permis d’établir que les sociétés ISLAND KEYS LTD et X RECEVEUR S réaliseraient leurs activités depuis le territoire national sans souscrire les déclarations fiscales y afférentes et en omettant de passer les écritures comptables correspondantes .

b) Aux termes de l’article L 16B du LPF, l’autorité judiciaire peut autoriser l’administration à effectuer une visite domiciliaire lorsqu’il existe des présomptions qu’un contribuable se soustrait à l’établissement ou au paiement de l’impôt sur le revenu ou les bénéfices ou de la TVA, pour rechercher la preuve de ces agissements.

Il est rappelé la jurisprudence constante de la Cour de cassation en la matière.

Il est d’ailleurs rappelé que la Cour de cassation a jugé de manière constante que le premier président statuant en appel , appréciait l’existence des présomptions de fraude, sans être tenu de s’expliquer autrement sur la proportionnalité de la mesure qu’il confirmait (Cass com 8/12/2009 pourvoi 08-21017, Cass com 21/01/2014 pourvoi 12-28695).

2-2 L’argumentation développée par les appelantes ne remet pas en cause le bien fondé des présomptions retenues par le premier juge

A titre liminaire

Il est fait observer que tant l’ordonnance du JLD d’EVREUX du 13 septembre 2019 que le procès-verbal établi à l’issue de la visite des locaux sis Voie du futur 27100 VAL DE REUIL, ont été notifiés aux appelantes à leurs adresses respectives par courriers recommandés en date du 23 septembre 2019 et que Mme RECEVEUR en a accusé réception.

Sur l’absence de portée fiscale des présomptions retenues

A titre préliminaire, il est rappelé que ce qui était ici en cause c’est la présomption d’une activité exercée à partir du territoire national, où il pouvait être présumé que la société ISLAND KEYS disposait d’une direction effective à compter du 01/01/2018 (date à partir de laquelle Mme RECEVEUR, dirigeante et associée majoritaire de la société réside en FRANCE), de ses clients et des moyens nécessaires à l’exercice de son activité, alors qu’elle ne paraissait pas disposer de moyens propres d’exploitation à l’adresse de son siège.

Il est argué qu’une telle activité, ainsi exercée, aurait dû être déclarée en FRANCE, pour y être soumise à l’ensemble des impôts commerciaux.

En l’espèce, le juge a bien indiqué ce qui lui permettait de présumer que la société ne respectait pas ses obligations comptables en FRANCE, dès lors qu’il a relevé l’absence de toute déclaration fiscale relative à son activité.

Par ailleurs, c’est en vain que les appelantes soutiennent que la société ISLAND KEYS ne serait pas imposable, faute d’avoir permis à l’administration de pouvoir juger de la régularité de sa situation fiscale, à défaut de toute déclaration d’impôt sur les sociétés et de production d’éléments comptables.

En tout état de cause, l’exercice d’une activité professionnelle sur le territoire français emporte l’obligation d’y souscrire les déclarations fiscales correspondantes indépendamment de la situation bénéficiaire ou déficitaire de la société.

Il est rappelé que l’existence d’un établissement stable d’une entreprise étrangère en FRANCE rend imposable le résultat réalisé par cet établissement. Il s’agit en général des résultats de son activité courante.

En outre, la caractérisation d’un siège de direction effectif en FRANCE permet d’affecter au bilan de l’établissement français les autres revenus perçus par les entreprises en rémunération des actifs qu’elle exploite ou cède (dividendes, redevances, intérêts ou plus-values). Dans ce cadre, c’est l’ensemble des opérations de l’entreprise qui est présumé réalisé en FRANCE, sous réserve de la présence d’un établissement stable de cette entreprise à l’étranger.

Enfin, l’argument des appelantes est inopérant au regard de la TVA.

En effet, le JLD a relevé que la société ISLAND KEYS LTD s’est immatriculée en FRANCE le

01/11/2016 et a déposé ses déclarations de TVA au titre des périodes 2016 (novembre et décembre), 2017, 2018 et 2019 (jusqu’au mois d’avril) en cochant la case « formulaire néant ».

Si la consultation du fichier TTC indique la société ISLAND KEYS LTD n’a réalisé aucune opération de vente ou de prestation de services à destination de clients professionnels français ou européens, au titre de ces mêmes années, l’administration a obtenu des factures émises par cette société mentionnant de la TVA française au taux de 5,5%.

Sur la non-traduction de pièces relatives à la société X RECEVEUR

Il est souligné que le montant des bénéfices tels que mentionnés par l’administration apparaît page 42 de la pièce 24 sur la ligne profit and loss correspondant au compte de résultat de l’entreprise.

Au demeurant, cet élément n’est aucunement susceptible d’altérer la présomption selon laquelle la société est présumée exercer une activité imposable sur le territoire national sans y souscrire les déclarations fiscales obligatoires.

Il est rappelé qu’aucun texte n’impose le recours aux services d’un traducteur assermenté pour accompagner des documents rédigés en langue étrangère, et aucune habilitation particulière n’est donc exigée pour qu’un agent procède à une traduction libre.

Sur l’absence d’établissement stable en FRANCE de la société ISLAND KEYS

Ainsi que le rappelle la jurisprudence, la discussion de l’application d’une convention fiscale relève de la compétence du juge de l’impôt, ce que n’est pas le magistrat saisi d’une demande d’autorisation, ni le Premier président statuant en appel.

Il en va de même concernant la discussion de l’existence d’un établissement stable en FRANCE.

En l’espèce, le premier juge a, à partir des éléments factuels qui étaient soumis à son appréciation, retenu qu’il pouvait être présumé que la société ISLAND KEYS exercerait à partir du territoire national tout ou partie de son activité après avoir relevé qu’elle ne disposait pas de moyens propres d’exploitation au ROYAUME UNI ; qu’elle semblait au contraire disposer d’un centre décisionnel, de moyens matériels et de ressources humaines sur le territoire français affectés à l’exercice de son activité.

Il est argué que ce faisant, il a suffisamment caractérisé l’agissement frauduleux présumé d’exercice d’une activité professionnelle sans respecter les obligations déclaratives fiscales et comptables en FRANCE.

L’administration rappelle les éléments retenus par le JLD dans son ordonnance et soutient que le premier juge qui devait seulement apprécier s’il pouvait être suspecté que la réalité de l’activité ne coïncidait pas en tout ou partie avec la présentation juridique qui en était faite, a exactement conclu de cet examen qu’il pouvait être présumé que la société ISLAND KEYS exercerait sur le territoire national une activité taxable sans y respecter ses obligations déclaratives et comptables.

Sur la société X RECEVEUR S

Il est fait observer que les appelantes ne contestent aucun des éléments produits mais se contentent de vouloir en limiter la portée par affirmations.

Sur le contrôle de proportionnalité

Il est rappelé que la Cour de cassation juge de façon constante qu’aucun texte n’impose au juge de

vérifier si l’administration pouvait recourir à d’autres modes de preuve ou à d’autres procédures ; que l’article L. 16 B du LPF n’exige pas des infractions d’une gravité particulière et que le juge n’a pas à rechercher la mauvaise foi du contribuable ; que le juge de l’autorisation n’est pas le juge de l’impôt et n’a donc pas à rechercher si les infractions sont caractérisées mais seulement s’il existe des présomptions de fraude justifiant l’opération sollicitée et que le Premier président, statuant en appel, apprécie l’existence de présomptions de fraude sans être tenu de s’expliquer autrement sur la proportionnalité de la mesure.

Dès lors qu’existent des présomption de fraude, la visite domiciliaire était justifiée en ce qu’elle permettait de rechercher la preuve de ces agissements et ainsi d’accéder à des documents de gestion quotidienne de l’entreprise ou relatifs à l’organisation interne, que le contribuable n’a pas l’obligation de remette dans le cadre d’une procédure de contrôle classique.

En conclusion, il est demandé de :

— confirmer l’ordonnance du JLD de PARIS du 18 septembre 2019 ;

— rejeter toutes demandes, fins et conclusions ;

— condamner les appelantes au paiement de la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’en tous les dépens.

SUR LES RECOURS :

Par message électronique du 4 mai 2020, le Conseil des requérants informe la Cour d’appel que les recours contre les opérations de visite domiciliaires ne seront pas soutenus.

Aucune conclusion n’a été déposée concernant ces recours qui n’ont pas été soutenus à l’audience du 9 décembre 2020.

SUR CE

SUR LA JONCTION :

Dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, il convient en application de l’article 367 du Code de procédure civile et eu égard aux liens de connexité entre les affaires , de joindre les instances enregistrées sous les numéros de RG 19 17548/ ( appel) et sous les numéros de RG 19/ 17550, RG 19/17552, RG 19/17553 (recours), qui seront regroupées sous le numéro le plus ancien.

SUR l’APPEL :

I ' Sur l’absence de présomption de fraude

1 – Sur l’absence de portée fiscale des présomptions invoquées par l’administration à l’encontre de la société ISLAND KEYS.

Il convient de rappeler que l’article L16 B du LPF s’applique lorsqu’il est question d’une présomption de fraude, notamment la présomption d’une activité exercée à partir du territoire national, alors que la société visée par l’ordonnance du JLD ne parait pas disposer de moyens propres d’exploitation à l’adresse de son siège à B. Ainsi une telle activité, ainsi exercée, aurait dû être déclarée en FRANCE, pour y être soumise à l’ensemble des impôts commerciaux.

En tout état de cause, l’exercice d’une activité professionnelle sur le territoire français emporte l’obligation d’y souscrire les déclarations fiscales correspondantes indépendamment de la situation

bénéficiaire ou déficitaire de la société.

Ce moyen sera rejeté.

2 ' Sur l’irrecevabilité des pièces produites et citées de manière fausse par l’administration fiscale et retenues par le JLD relatives au « bénéfice » de X RECEVEUR S.

Il convient de rappeler que la requête de l’administration fiscale est accompagnée de 94 pièces, qu’il résulte de leur examen que celles-ci apparaissent pertinentes pour démontrer la fraude présumée, qu’en ce qui concerne les pièces qui seraient 'fausses’ car traduites de façon erronée selon les parties appelantes, cela ne concerne qu’un nombre limité de pièces dont la pièce 24, il est rappelé qu’aucun texte n’impose le recours aux services d’un traducteur assermenté pour accompagner des documents rédigés en langue étrangère, et aucune habilitation particulière n’est donc exigée pour qu’un agent procède à une traduction libre, que l’ensemble des pièces permettent d’établir la présomption de fraude.

Ce moyen sera rejeté.

' Sur l’absence d’éléments de fait faisant présumer l’existence d’une fraude à l’encontre de CR S et de ISLAND KEYS LTD.

En ce qui concerne l’absence d’établissement stable en FRANCE de la société ISLAND KEYS et l’application d’une convention fiscale soulevées par les appelantes, il convient de rappeler que la jurisprudence constante affirme que la discussion de l’application d’une convention fiscale et la discussion de l’existence d’un établissement stable en FRANCE relèvent de la compétence du juge de l’impôt, et non de la compétence du JLD saisi d’une demande fondée sur l’article L 17 B du LPF ni de celle du Premier président statuant en appel.

Le JLD a relevé à juste titre dans son ordonnance plusieurs éléments s’agissant des moyens insuffisants au Royaume UNI : tant la société ISLAND KEYS LTD que la société X RECEVEUR S justifient à B d’une adresse de domiciliation, qu’en ce qui concerne l’activité commerciale de ISLAND KEYS LTD les produits sont livrés depuis la France à une clientèle française, que les produits de la marque 'WANDERTEA’ sont de fabrication française et sont livrés depuis la France par une société de logistique basée en France, que l’adresse IP du site internet est localisée en France,que le site est présumé être administré depuis la France, qu’il résulte des pièces de l’administration fiscale que cette société ne déclare aucun salarié ni aucun salaire, qu’elle ne détient à l’actif de son bilan aucune immobilisation corporelle, qu’elle n’a aucun numéro de téléphone à B, qu’il en résulte que le JLD a justement retenu la présomption selon laquelle la société ISLAND KEYS LTD ne dispose pas de moyens matériels et humains à B pour exercer son activité.

En ce qui concerne la société X RECEVEUR S , il résulte des pièces que cette société selon une base de donnée dispose d’un salarié à l’adresse du siège social, que sur une autre base de données il n’est renseigné aucun salarié ni aucun salaire, qu’elle ne détient à l’actif de son bilan aucune immobilisation corporelle, qu’elle ne justifie d’aucun numéro de téléphone,que la JLD a pu retenir dans sa décision présomption selon laquelle la société X RECEVEUR S ne dispose pas de moyens matériels et humains à B pour exercer son activité.

Les appelantes arguent que Madame X RECEVEUR, domiciliée à B, est revenue en France en 2018 de façon ponctuelle pour donner naissance à son fils , alors que madame X RECEVEUR dispose depuis le 9 janvier 2018 d’une adresse au […], qu’elle dispose de plusieurs compte bancaires à cette adresse, qu’il résulte de l’acte de naissance de l’enfant L G né le […] à Paris que le domicile des parents est le '[…]" (et non une adresse londonienne), que d’ailleurs le jour des visites domiciliaires inopinées du 19

septembre 2019 X RECEVEUR et F G étaient présents à leur domicile parisien.

Il en résulte que le moyen soulevé par les parties appelantes n’est pas fondé. En effet

le premier juge a, à partir des éléments factuels qui étaient soumis à son appréciation, retenu qu’il pouvait être présumé que les sociétés ISLAND KEYS et X RECEVEUR S exerceraient à partir du territoire national tout ou partie de leur activité après avoir relevé qu’elles ne semblaient pas disposer de moyens propres d’exploitation au ROYAUME UNI , que l’ordonnance du JLD délivrée sur le fondement de l’article L 16B du LPF est parfaitement justifiée.

Le moyen selon lequel il n’ y a pas d’éléments de fait faisant présumer de l’existence d’une fraude sera rejeté.

II ' Sur l’absence de contrôle de proportionnalité quant à l’autorisation de la visite domiciliaire

Il convient de rappeler qu’en exerçant son contrôle in concreto sur le dossier présenté par l’administration fiscale, le JLD exerce de fait un contrôle de proportionnalité. En cas de refus, il peut inviter l’administration fiscale à avoir recours à d’autres moyens d’investigation moins intrusifs (droit de communication, vérification de comptabilité…). En conséquence, la signature de l’ordonnance par le JLD signifie que ce dernier entend privilégier l’enquête dite «'lourde'» de l’article L.16 B du LPF et que les diligences auprès du contribuable seraient insuffisantes et dénuées de «'l’effet de surprise'».

D’ailleurs aucun texte ne subordonne la saisine de l’autorité judiciaire, pour l’application

de l’article L. 16 B du LPF, à l’impossibilité de recourir à d’autres procédures de contrôle.

Des lors qu’existent des présomptions d’agissements de fraude, la procédure de visite

domiciliaire est justifiée en ce qu’elle permet de rechercher la preuve de ces agissements et ainsi d’accéder a des documents de gestion quotidienne de l’entreprise ou relatifs a l’organisation interne, que le contribuable n’a pas l’obligation de remettre dans le cadre d’une procédure de contrôle classique.

L’article 8 de la CESDH, tout en énonçant le droit au respect de la vie privée et familiale, est tempéré par son paragraphe 2 qui dispose que 'il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui'.

En l’espèce, il n’y a pas eu de violation des dispositions de l’article 8 de la CESDH et la mesure n’a aucunement été disproportionnée eu égard au but poursuivi.

Dès lors, le JLD a, à juste titre, autorisé la visite domiciliaire.

Ce moyen sera rejeté

Ainsi, l’ordonnance du 18 septembre 2019 du juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Paris sera confirmée

.

Les circonstances du dossier justifient l’octroi du bénéfice de l’article 700 du Code de procédure civile en faveur de l’administration fiscale.

SUR LES RECOURS :

Les requérants, représentés par leur conseil, ont déclaré par message électronique du 4 mai 2020 et ont confirmé à l’audience du 9 décembre 2020 que les recours ne seront pas soutenus.

Il sera constaté que les recours n’ont pas été soutenus à l’audience du 9 décembre 2020.

Ainsi les visites domiciliaires réalisées le 19 septembre 2019 seront confirmées.

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement et en dernier ressort:

— Ordonnons la jonction des instances enregistrées sous les numéros de RG 19/17548 (appel) et sous les numéros de RG 19/17550, RG 19/17552, RG 19/17553 (recours), qui seront regroupées sous le numéro le plus ancien (RG 19/17548 ) ;

—  Confirmons en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de PARIS en date du 18 septembre 2019;

— Constatons que les recours à l’encontre des opérations de visite domiciliaires du 19 septembre 2019 ne sont pas soutenus à l’audience du 9 décembre 2020 ;

-Déclarons régulières les opérations de visite et saisies effectuées en date du 19 septembre 2019 dans les locaux et dépendances sis :

—  […],

—  […],

—  […] ;

— Rejetons toute autre demande ;

—  Disons qu’il convient d’accorder la somme de 1500 euros (mille cinq cents euros) à la DNEF au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

—  Disons que la charge des dépens sera supportée par les sociétés appelantes.

LE GREFFIER LE DÉLÉGUÉ DU PREMIER PRESIDENT

T U V W-AA

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 15, 10 février 2021, n° 19/17548