Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 5, 13 août 2021, n° 21/13773

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 1 - ch. 5, 13 août 2021, n° 21/13773
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 21/13773
Décision précédente : Tribunal de commerce de Créteil, 8 juin 2021, N° 2021P00091
Dispositif : Déclare la demande ou le recours irrecevable

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

République française

délivrées aux parties le : Au nom du peuple français

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 5

ORDONNANCE DU 13 AOÛT 2021

(n° 2021 / 508 , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/13773 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEDTQ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Juin 2021 Tribunal de Commerce de CRETEIL – RG n° 2021P00091

Nature de la décision : Réputé contradictoire

NOUS, Valérie MORLET, Conseillère, agissant par délégation du Premier Président de cette Cour, assisté de Laure POUPET, Greffière.

Vu l’assignation en référé délivrée le à la requête de :

DEMANDEUR

Madame A Y, Agissant en sa qualité de dirigeante de la société L2V ASCENSEURS

[…]

[…]

et actuellement […], […]

Comparante et assistée de Me Charlotte SEUBE, Cabinet Gilles GRINAL, AARPI GKA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque R026

S.A.S. L2V ASCENSEURS prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège,

[…]

[…]

Représentée par Me Charlotte SEUBE, Cabinet Gilles GRINAL, AARPI GKA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque R026

à

DEFENDEURS

Maître F-François Z, Mandataire liquidateur, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS L2V ASCENSEURS, ayant son siège […]

Industriel Polyvalent N°13 à BONNEUIL SUR MARNE (94380), désigné à cette fonction suivant jugement du tribunal de commerce de Créteil en date du 21 juillet 2021.

[…]

[…]

Non comparant, représenté par Me Thierry SERRA de la SELARL SERRA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : E0280

MONSIEUR LE PROCUREUR GÉNÉRAL – SERVICE FINANCIER ET COMMERCIAL

[…]

[…]

Non comparant,

S.E.L.A.S. BL & ASSOCIÉS EN LA PERSONNE DE MAITRE MANUEL BOUYER agissant ès-qualité d’administrateur judiciaire de la Sas L2V ASCENSEURS suivant jugement rendu par le Tribunal de commerce de Créteil le 21 juillet 2021

[…]

[…]

Représentée par Me Bernard CHEYSSON de la SELARL CHEYSSON MARCHADIER & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0043

Et après avoir appelé les parties lors des débats de l’audience publique du 11 Août 2021 :

FAITS et PROCÉDURE

La SAS L2V ASCENSEURS, constituée en 2009 et comptant une cinquantaine de salariés, exploite une activité d’installation, de rénovation, de modernisation et de maintenance d’ascenseurs.

L’entreprise, pour financer sa croissance et son besoin en fonds de roulement, a le 16 janvier 2018 conclu avec la SA EUROTITRISATION, société de gestion, et la SAS SMART TRESO CONSEIL, société de conseil en investissement, un contrat de cession et de gestion de créances. Deux avenants ont par suite été signés. Une convention de compte à affectation spéciale a été conclue le 24 janvier 2018 (non versée aux débats).

Par courrier du 16 octobre 2020, la société EUROTITRISATION a reproché à la société L2V ASCENSEURS, en sa qualité de cédant ou gestionnaire dans le cadre du contrat précité, des manquements répétés à ses obligations, lui a indiqué qu’elle ne procéderait plus à aucune acquisition de nouvelles créances auprès d’elle, a résilié le mandat qui lui avait été confié en qualité de gestionnaire et l’a mise en demeure de porter, à l’avenir, l’intégralité des encaissements reçus au titre des créances cédées sur un compte spécialement dédié.

La société L2V ASCENSEURS a par courrier en réponse du 20 octobre 2020 reproché à la société EUROTITRISATION sa décision brutale de mettre ainsi fin à leurs relations contractuelles, a contesté les accusations présentées par cette dernière, a rappelé les actes et actions de la société SMART TRESO CONSEIL et a mis en garde la société EUROTITRISATION contre toute pratique intempestive qui aurait pour résultat de la déstabiliser.

La société L2V ASCENSEURS a ensuite déposé devant le Président du tribunal de commerce de Créteil une requête en désignation d’un conciliateur. Le magistrat a par ordonnance du 24 décembre 2020 désigné Maître B C en cette qualité. Celui-ci a confié au cabinet RSM une mission d’analyse des relations contractuelles entre les sociétés L2V ASCENSEURS et SMART TRESO (deux pages du rapport de ce cabinet, non datées, sont versées aux débats).

Ayant pris connaissance des difficultés, Monsieur le Procureur de la République du tribunal judiciaire de Créteil a par requête du 2 mars 2021 saisi le tribunal de commerce d’une demande d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la société L2V ASCENSEURS. Par jugement du 31 mars 2021, le tribunal de commerce de Créteil, avant de statuer, a commis Monsieur D E, juge, pour recueillir tous renseignements sur la situation financière, économique et sociale de l’entreprise. Maître F Z, mandataire judiciaire, a par ordonnance du 1er avril 2021 été désigné avec mission d’assister le juge ainsi commis dans ses recherches.

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Maître Z a clos et déposé son rapport le 30 avril 2021.

Sur saisine du ministère public, le tribunal de commerce de Créteil a par jugement du 9 juin 2021 ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la SAS L2V ASCENSEURS, fixé provisoirement au 31 octobre 2020 la date de cessation des paiements de l’entreprise, ouvert une période d’observation de six mois et désigné la SELAS BL & Associés (Maître Manuel BOUYER) en qualité d’administrateur judiciaire, Maître F Z en qualité de mandataire judiciaire et Messieurs G X et H I en qualité de juge commissaire et juge commissaire suppléant.

La société BL & Associés, administrateur judiciaire de la société L2V ASCENSEURS, a le 5 juillet 2021 déposé une requête auprès du tribunal de commerce de Créteil aux fins de conversion de la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire.

Le tribunal de commerce de Créteil, par jugement du 21 juillet 2021, après avoir constaté que le financement de la période d’observation n’était pas assuré, qu’un plan de redressement n’était pas envisageable, qu’une seule offre non étayée avait été présentée en suite d’un appel d’offres pour une cession de l’entreprise et que la poursuite de son activité n’était utile que durant un mois, a :

— mis fin à la période d’observation et prononcé la liquidation judiciaire de la société L2V ASCENSEURS,

— maintenu :

. Monsieur X en qualité de juge commissaire,

. Monsieur I en qualité juge commissaire suppléant,

. la société BL & Associés (Maître BOUYER) en qualité administrateur judiciaire avec pour mission d’administrer et représenter l’entreprise,

— nommé le mandataire judiciaire, Maître Z, en qualité de liquidateur judiciaire,

— constaté que la société BL & Associés (Maître BOUYER), administrateur judiciaire, pourra accomplir les actes et exercer les actions qui ne sont pas comprises dans la mission du liquidateur

judiciaire,

— décidé le maintien de l’activité pour une durée d’un mois, soit jusqu’au 21 août 2021,

— fixé à deux ans le délai au terme duquel la clôture de la procédure devra être examinée,

— dit que ce délai pourra être prorogé par décision du tribunal si la clôture ne peut être prononcée à cette date,

— dit que le jugement sera publié,

— ordonné l’exécution provisoire,

— dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

La société L2V ASCENSEURS et Madame A Y, agissant en sa qualité de dirigeante de la société L2V ASCENSEURS, ont par acte du 28 juillet 2021 interjeté appel de ce jugement, intimant Monsieur le Procureur de la République du tribunal judiciaire de Paris, la société BL & Associés et Maître Z devant la Cour.

Le conseil de la société EUROTITRISATION, agissant en qualité de société de gestion du fonds commun de titrisation SMART TRESO, a par courrier du 28 juillet 2021 déclaré entre les mains du mandataire liquidateur de la société L2V ASCENSEURS une créance de restitution à hauteur de la somme de 37.235.989,10 euros.

Le conseil de la société SMART TRESO CONSEIL a par courrier du 2 août 2021 déclaré entre les mains du mandataire liquidateur de la société L2V ASCENSEURS une créance éventuelle de dommages et intérêts à hauteur de cette même somme de 37.235.989,10 euros (outre une créance éventuelle de frais irrépétibles de 500.000 euros).

*

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La société L2V ASCENSEURS et Madame Y, celle-ci agissant en sa qualité de dirigeante de la société L2V ASCENSEURS et en vertu des droits propres du débiteur, ont par acte du 6 août 2021 assigné Monsieur le Procureur général près la Cour d’appel de Paris, la société BL & Associés et Maître Z à comparaître à l’audience des référés de Monsieur le Premier président de la Cour devant se tenir le 11 août 2021.

Dans leur assignation, dont elles ont développé les moyens et prétentions à l’audience, la société L2V ASCENSEURS et Madame Y demandent au Premier président de la Cour de :

— ordonner l’arrêt de l’exécution provisoire attachée au jugement du 21 juillet 2021 rendu par le tribunal de commerce de Créteil,

— réserver les dépens.

La société L2V ASCENSEURS met en avant un courrier du 23 juillet 2021 de la société EUROTITRISATION et fait état de moyens qui lui apparaissent sérieux, démontrant qu’elle dispose des capacités suffisantes pour financer sa période d’observation, mentionnant à ce titre la disponibilité de sa trésorerie actuelle à hauteur de 523.502,45 euros, la certitude que sa trésorerie à

venir est sa propriété et qu’elle sera disponible, et affirmant qu’elle présente un prévisionnel de trésorerie établissant la possibilité de faire face à ses charges fixes. Elle fait ensuite valoir des moyens lui paraissant sérieux de nature à démontrer que son redressement n’est pas manifestement impossible, évoquant ses actifs (marchés publics libres pour un plan de cession), son passif largement contesté et provoqué par le financement anormal de la société EUROTITRISATION ainsi qu’un prévisionnel d’exploitation encouragé et des manifestations d’intérêts pour l’acquisition de ses actifs.

Madame Y a à l’audience fait part de ses sacrifices et de sa ferme volonté de redresser son entreprise, ce qu’elle estime possible.

Par conclusions déposées et développées à l’audience, la société BL & Associés, administrateur judiciaire de la société L2V ASCENSEURS, demande au Premier président de la Cour de :

— déclarer la société LEVESQUE et Madame Y irrecevables en leurs demandes faute de qualité à agir,

— rejeter la demande d’arrêt de l’exécution provisoire attachée au jugement,

— et plus généralement débouter les demanderesses de l’ensemble de leurs prétentions,

— condamner in solidum la société L2V ASCENSEURS et Madame Y à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— ordonner que les dépens soient employés en frais de justice.

Après avoir soulevé l’irrecevabilité des demandes présentées par la société L2V ASCENSEURS et Madame Y, l’administrateur de l’entreprise conclut à titre subsidiaire au rejet de la demande d’arrêt de l’exécution provisoire du jugement de liquidation judiciaire en l’absence de déclaration d’appel de ce jugement, en l’absence de moyens à l’appui de cet appel ou relevant à tout le moins l’absence de sérieux des moyens présentés. Il doute de la capacité suffisante de l’entreprise à financer sa période d’observation et à se redresser, et n’a pas la même interprétation que celle-ci du courrier du 23 juillet 2021 de la société EUROTITRISATION.

Par conclusions déposées et soutenues à l’audience, Maître Z, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société L2V ASCENSEURS, demande au Premier président de la Cour de :

— débouter la société L2V ASCENSEURS et Madame Y de l’ensemble de leurs prétentions,

— dire qu’il n’est pas de la compétence du Premier président de la cour d’appel de rouvrir une période d’observation qui se trouvera financée par des fonds dont la propriété et leur disponibilité est contestée à hauteur de 37 millions d’euros et donc de prendre parti sur la propriété des fonds revendiqués,

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— dire qu’il n’est pas non plus démontré l’existence de moyens d’appel sérieux permettant d’envisager que tout redressement judiciaire n’est pas manifestement impossible,

— dire n’y avoir lieu à arrêter l’exécution provisoire de droit du jugement,

— statuer ce que de droit sur les dépens.

Le liquidateur estime que la société L2V ASCENSEURS porte une appréciation "distordue" des dispositions du contrat de cession de créance – dont il rappelle les termes – et de la lettre de résolution de la société EUROTITRISATION du 23 juillet 2021. Il estime que la demande d’arrêt de l’exécution provisoire formulée par l’entreprise nécessite du Premier président qu’il prenne parti sur la disponibilité des sommes se trouvant sur le compte de la liquidation judiciaire et sur le caractère exigible ou non de la créance de restitution de la société EUROTITRISATION, rouvrant de fait une période d’observation devant être financée et engageant la responsabilité des organes de la procédure collective, ce qui ne relève pas de sa compétence.

Monsieur le Procureur général, régulièrement assigné, n’a présenté aucune observation.

*

La décision a été mise en délibéré au 13 août 2021.

MOTIFS

Sur la recevabilité des demandes

L’irrecevabilité est une fin de non-recevoir qui sanctionne, sans examen au fond, un défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée (article 122 du code de procédure civile).

1. sur la qualité à agir de la société L2V ASCENSEURS et de Madame Y

La société L2V ASCENSEURS, prise en la personne de son représentant légal, dont la liquidation judiciaire a été prononcée par un jugement dont elle a régulièrement interjeté appel, a qualité pour agir et solliciter l’arrêt de l’exécution provisoire attachée à ce jugement. L’absence de mention de l’identité du représentant légal de l’entreprise n’est pas sanctionnée par l’irrecevabilité des prétentions de celle-ci. La société L2V ASCENSEURS sera donc déclarée recevable en ses demandes, qui seront examinées.

Madame Y, en revanche, n’est pas partie au jugement dont appel. Seule la société L2V ASCENSEURS, dont elle est certes la dirigeante, est débitrice. Elle n’a donc pas qualité pour agir en l’espèce et sera déclarée irrecevable en ses demandes.

2. sur l’appel interjeté

Le premier président ne peut statuer sur une demande d’arrêt de l’exécution provisoire d’un jugement que s’il a été interjeté appel de celui-ci. Or, contrairement à ce qu’affirme la société BL & Associés, administrateur de la société L2V ASCENSEURS, cette dernière a bien interjeté appel du jugement rendu le 21 juillet 2021 par le tribunal de commerce de Créteil. L’affaire a été enrôlée devant la Cour, 9e chambre (pôle 5), sous le n°21/11754.

Sur l’arrêt de l’exécution provisoire attaché au jugement

L’article R661-1 du code de commerce dispose en son premier alinéa que les jugements de liquidation judiciaire, notamment, sont exécutoires de plein droit à titre provisoire.

L’article 514-3 du code de procédure civile dispose qu’en cas d’appel, le Premier président de la Cour

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peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.

L’article R661-1 alinéa 4 du code de commerce énonce que par dérogation aux dispositions de l’article 514-3 du code de procédure civile, le Premier président de la cour d’appel, statuant en référé, ne peut arrêter l’exécution provisoire du jugement de liquidation judiciaire (notamment) que lorsque les moyens à l’appui de l’appel paraissent sérieux.

Si la société L2V ASCENSEURS n’a pas encore signifié ses premières conclusions d’appelante et n’a donc pas présenté les moyens développés au soutien de son appel devant la Cour, elle présente devant le Premier président les moyens qui serviront également son appel.

1. sur le financement de la période d’observation

Il n’est contesté d’aucune part que la société L2V ASCENSEURS dispose actuellement d’une trésorerie de 523.502,45 euros.

Dans son courrier du 23 juillet 2021, adressé à la société L2V ASCENSEURS ainsi qu’à la société BL & Associés et Maître Z, ès qualités, deux jours après le jugement prononçant la liquidation judiciaire de l’entreprise, la société EUROTITRISATION résout "celles des Créances que la SAS L2V Ascenseurs a cédées au Fonds qui n’étaient pas conformes aux Critères d’Eligibilité à leur Date de Cession au Fonds et qui demeurent impayées/non encaissées à la date de la présente« (caractères gras et soulignés du courrier), précisant que selon elle, les créances non conformes représentent »un encours en principal de EUR 37.235.989,10".

Dans ce courrier, la société EUROTITRISATION fait état d’une mauvaise gestion par la société L2V ASCENSEURS de ses créances, les créances cédées ne respectant pas les critères d’éligibilité prévus par le contrat de cession et de gestion des créances du 16 janvier 2018, dès lors que celles-ci :

— n’étaient pas nées et ne résultaient pas, à la date de leur cession, de biens ou services effectivement livrés ou rendus par l’entreprise, en méconnaissance de l’article 5.2 point a du contrat,

— et n’avaient pas été affectées à un compte spécial (et pouvaient donc encore faire l’objet d’avoirs, de réductions ou de compensations susceptibles de modifier le droit au paiement, en méconnaissance de l’article 5.2 point f du contrat).

Il n’appartient pas au Premier président, à ce stade de la procédure, de se prononcer sur la réalité des faits critiqués et sur la responsabilité de l’un ou l’autre des cocontractants, que la société L2V ASCENSEURS, contrairement à celle-ci, impute à la société EUROTITRISATION.

La société EUROTITRISATION n’admet pas expressément, dans son courrier, que les fonds en cause, à hauteur de plus de 37 millions d’euros, ne lui appartiennent pas et qu’elle ne les revendiquera pas. Ces conclusions sont celles de la société L2V ASCENSEURS et résultent d’une interprétation du courrier du 23 juillet 2021 au regard des termes du contrat de cession de créances, interprétation que ne partagent pas l’administrateur et le liquidateur de l’entreprise et qui devra faire l’objet de débats au fond. A ce jour, malgré l’interprétation du courrier de la société EUROTITRISATION par la société L2V ASCENSEURS, la première a bien déclaré au passif de la seconde, par courrier du 28 juillet 2021 postérieur au courrier précité du 23 juillet 2021, une créance de 37.235.989,10 euros. La société SMART TRESO CONSEIL a par courrier du 2 août 2021 également déclaré au passif de l’entreprise une créance de dommages et intérêts du même montant.

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Tout au plus peut-il être retenu que la société EUROTITRISATION, en suite de son courrier du 23 juillet 2021, ne revendiquera vraisemblablement pas la trésorerie à venir de la société L2V ASCENSEURS.

La société L2V ASCENSEURS présente ensuite un tableau des états prévisionnels de 2021 (budget mensuel d’exploitation) établi le 2 août 2021 et certifié par la SAS GROUPE CONSEILS, son expert-comptable, dans une note du même jour. Il ne saurait être tenu compte des "commentaires sur les prévisions figurant dans l’assignation" communiqués par l’administrateur de la société L2V ASCENSEURS, non datés ni signés. Il peut cependant être relevé que si l’expert-comptable de l’entreprise indique que son prévisionnel tient compte des marchés attribués à la société L2V ASCENSEURS, ces marchés – signés – ne sont pas versés aux débats. Les encours de production annoncés supposent en outre une facturation en fin d’année, qui ne correspond pas à la durée moyenne d’un chantier et qui en tout état de cause nécessite un maintien de l’activité de l’entreprise au moins jusqu’au mois d’octobre 2021.

Il n’est donc pas sérieusement démontré, en l’état, que la trésorerie actuelle de la société L2V ASCENSEURS, à hauteur de 523.502,45 euros, soit réellement disponible, ni encore que sa trésorerie à venir reste sa propriété et soit disponible pour financer la période d’observation, ni enfin que l’entreprise présente réellement un prévisionnel de trésorerie lui permettant de faire face à ses charges fixes mensuelles.

2. sur la possibilité d’un redressement

Si le Livre VI du code de commerce, relatif aux difficultés des entreprises, ne connaît pas de "plan de redressement par cession" selon les termes du mandataire de la société L2V ASCENSEURS, celui-ci rappelle lui-même que le redressement peut se solder par un plan de redressement avec apurement du passif, par un plan de cession ou par la conversion du redressement en liquidation judiciaire (laquelle n’exclut pas la cession de l’entreprise).

Ainsi qu’il a été vu plus haut, s’il est peu plausible que la société EUROTITRISATION revendique la trésorerie future de la société L2V ASCENSEURS, elle ne s’est pas interdite, pour l’heure, d’en revendiquer la trésorerie disponible au jour de l’ouverture de la liquidation judiciaire. Il n’est pas solidement établi, en outre, que les créances de marchés publics pour lesquels la société L2V ASCENSEURS a été déclarée attributaire puissent être libérées, alors qu’un doute subsiste sur le paiement des créances déjà cédées au fonds de titrisation. Le caractère cessible des marchés publics et disponible des créances de ces marchés n’est pas non plus démontré. Ainsi, la société L2V ASCENSEURS affirme, mais ne prouve pas, que le courrier précité de la société EUROTITRISATION du 23 juillet 2021 libère sa trésorerie et revalorise ses actifs et qu’un plan de cession puisse donc être envisagé.

L’administrateur de la société L2V ASCENSEURS s’est par courriers du 11 juin 2021 adressé aux actionnaires de l’entreprise afin de connaître leurs intentions de procéder à des apports de fonds pour permettre à l’entreprise en difficulté de poursuivre son exploitation ou pour soutenir un plan de redressement. La société AUDACIA, par courrier du 16 juin 2021, a répondu n’être ni en mesure ni dans l’intention de procéder à de tels apports de fonds. Monsieur J K, par e-mail du 17 juin 2021, a indiqué ne pas être en mesure, au vu de sa situation personnelle, d’apporter des fonds dans l’entreprise.

A ce jour, ensuite, les sociétés EUROTITRISATION et SMART TRESO CONSEIL ont déclaré au passif de la société L2V ASCENSEURS des créances représentant la somme totale principale de

37.235.989,10 + 37.235.989,10 = 74.471.978,20 euros. La société L2V ASCENSEURS indique supporter un passif qu’elle conteste et fait valoir un financement anormal du fait de la société EUROTITRISATION ayant masqué son état de cessation des paiements. Elle a par acte des 21 et 26 mars 2021 assigné les sociétés EUROTITRISATION et SMART TRESO CONSEIL devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de constat d’une résiliation abusive du contrat de cession de créance du 16 janvier 2018 et indemnisation à hauteur de 37.500.000 euros correspondant au montant des encours

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et 1.000.000 euros en réparation des autres préjudices. L’instance est actuellement pendante devant le tribunal et son issue reste incertaine, la société EUROTITRISATION faisant valoir la propre responsabilité de la société L2V ASCENSEURS et de Madame Y dans la cession de créances non éligibles à cette cession.

Il est ajouté que le délai de déclaration des créances contre la société L2V ASCENSEURS, de deux mois à compter de la publication du jugement du 21 juillet 2021 au BODACC conformément aux dispositions des articles L622-24 et R622-24 du code de commerce, n’est pas encore expiré, de sorte que le passif total de l’entreprise n’est à ce jour pas encore définitivement établi.

Il n’est en conséquence pas sérieusement prouvé que le passif de la société L2V ASCENSEURS ait été largement surévalué.

Le prévisionnel d’exploitation établi par l’expert-comptable de la société L2V ASCENSEURS le 2 août 2021 est contesté par son mandataire et son liquidateur et apparaît contestable.

Les manifestations d’intérêts pour l’acquisition des actifs de la société L2V ASCENSEURS sont enfin, à ce jour, peu solides. La société FAIN a le 3 août 2021 adressé au liquidateur de l’entreprise un e-mail laissant entendre son intérêt et indiquant être en train d’étudier l’actif de l’entreprise. Par e-mail du 10 août 2021, la société FAIN déclare envisager une reprise de plus d’une douzaine d’employés, des contrats de maintenance en cours et travaux associés et des marchés de travaux gagnés mais réclame un échange "eu égard à la complexité du dossier". La société FAIN, ni aucune autre entreprise, n’a à ce jour présenté d’offre sérieuse de reprise.

La possibilité d’un redressement n’est ainsi pas sérieusement démontrée par la société L2V ASCENSEURS.

*

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que la société L2V ASCENSEURS ne présente au soutien de sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire du jugement de liquidation judiciaire prononcé à son encontre aucun moyen d’appel à ce jour suffisamment sérieux ni incontestable.

Des débats au fond sont nécessaires pour appréhender la réalité de la disponibilité des fonds de l’entreprise, le caractère exigible de la créance en restitution déclarée par la société EUROTITRISATION ou, d’un autre côté, de la créance de dommages et intérêts dont se prévaut à l’encontre de celle-ci la société L2V ASCENSEURS.

La société L2V ASCENSEURS sera en conséquence déboutée de sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire du jugement rendu le 21 juillet 2021 par le tribunal de commerce de Créteil prononçant sa liquidation judiciaire.

Sur les dépens et frais irrépétibles

La société L2V ASCENSEURS, qui succombe en ses demandes, sera condamnée aux dépens, conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile. Les dépens seront employés en frais de justice.

Au regard des faits de l’espèce, l’équité commande en revanche de ne pas faire droit à la demande d’indemnisation des frais engagés dans la présente instance pour faire valoir sa position et non compris dans les dépens présentée par la société BL & Associés, qui en sera déboutée en application de l’article 700 du code de procédure civile.

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PAR CES MOTIFS,

Statuant en référé, après débats en audience publique, par décision réputée contradictoire, non susceptible de pourvoi,

Vu le jugement du 21 juillet 2021 du tribunal de commerce de Créteil (RG n°2021L01035),

Vu l’article 122 du code de procédure civile,

Vu l’article R661-1 alinéa 4 du code de commerce,

Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile,

DISONS Madame A Y irrecevable en sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire assortissant le jugement,

DISONS la SAS L2V ASCENSEURS recevable en sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire assortissant le jugement,

DEBOUTONS la SAS L2V ASCENSEURS de sa demande tendant à l’arrêt de l’exécution provisoire assortissant le jugement,

CONDAMNONS la SAS L2V ASCENSEURS aux dépens de l’instance, qui seront employés en frais de justice,

DEBOUTONS la SELAS BL & Associés de sa demande d’indemnisation de ses frais irrépétibles.

ORDONNANCE rendue par Mme Valérie MORLET, Conseillère, assisté de Madame Laure POUPET, greffière présente lors de la mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

La Greffière, La Présidente

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Textes cités dans la décision

  1. Code de commerce
  2. Code de procédure civile
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Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 5, 13 août 2021, n° 21/13773