Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 6, 2 novembre 2022, n° 21/00866

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 ch. 6, 2 nov. 2022, n° 21/00866
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 21/00866
Importance : Inédit
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 7 novembre 2022
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Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 6

ARRET DU 02 NOVEMBRE 2022

(n° ,10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/00866 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CC5ND

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Novembre 2020 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS CEDEX 17 RG n° 18/10151

APPELANTS

Monsieur [Z] [N]

né le [Date naissance 5] 1954 à [Localité 22] (31),

[Adresse 12]

[Localité 9]

Monsieur [S] [N]

né le [Date naissance 14] 1955 à [Localité 22]

[Adresse 15]

[Localité 10]

Madame [U] [N]

née le [Date naissance 4] 1958 à [Localité 19],

[Adresse 6]

[Localité 11]

Monsieur [E] [N]

né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 18]

[Adresse 20]

[Adresse 20]

[Localité 9]

Monsieur [K] [N]

né le [Date naissance 8] 1968 à [Localité 18],

[Adresse 21]

ILE MAURICE

Représentés par Me Stéphane FERTIER de l’AARPI JRF AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075. Assisté par Maître CLARAC Arnaud

INTIMEES

S.A. CNP ASSURANCES

Prise en la personne de son Président du Conseil d’Administration domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 13]

[Localité 17]

Représentée par Me François COUILBAULT de la SELARL CABINET COUILBAULT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1412

S.A. LA BANQUE POSTALE

[Adresse 3]

[Localité 16]

N° SIRET : 421 100 645

Représentée par Me Nicolas DUVAL de la SELEURL NOUAL DUVAL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0493

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 20 Septembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Marc BAILLY, Président de chambre

M. Vincent BRAUD, Président

Madame Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Anaïs DECEBAL

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Marc BAILLY, Président de chambre et par Anaïs DECEBAL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*

* *

Depuis le 12 juin 1991, [O] [N], né le [Date naissance 2] 1930 et donc âgé de 70 ans le 11 septembre 2000, était souscripteur, par l’intermédiaire de La Banque Postale, d’un contrat Plan d’Epargne Populaire auprès de la société Préviposte avec pour bénéficiaire son épouse ou, à défaut, ses héritiers.

Le 5 mai 2011, il a adhéré par transfert de la provision du précédent contrat d’assurance-vie nommé Ascendo auprès de la société Cnp Assurances, la provision s’élevant, au 31 décembre 2011, à la somme de 114 215,85 euros.

A sa demande, la Banque Postale a réalisé une étude patrimoniale avec diagnostic successoral sous forme d’un rapport daté du 4 septembre 2012.

Après avoir demandé, le 10 décembre 2012, de sortir du dispositif du PEP et avoir racheté partiellement le contrat pour la somme de 7 500 euros, [O] [N] a abondé le contrat d’une somme de 1 800 000 euros provenant de la vente d’un bien immobilier.

Le 17 décembre 2012, la société Cnp Assurance a pris acte de la désignation des bénéficiaires du contrat en la personne des neveux et nièce de [O] [N].

[O] [N] est décédé le [Date décès 7] 2018 à l’âge de 87 ans.

L’administration fiscale a soumis le contrat Ascendo au régime fiscal de l’article 757 B du code général des impôts prévoyant, essentiellement, au-delà d’une somme qui excède globalement par souscripteur 30 500 euros, une taxation par application des droits de mutation tributaire du lien de parenté entre l’assuré et les bénéficiaires, en l’espèce de 55% entre oncle et neveu.

Les neveux et nièce de [O] [N], MM. [Z], [S], [E] et [K] [N] et sa nièce, Mme [U] [N], reprochent à La Banque Postale d’avoir manqué à son obligation de conseil en n’ayant pas fait perdurer le PEP souscrit avant le 20 novembre 1991 qui donnait lieu à taxation en vertu de l’article 990 I du code général des impôts soit une exonération jusqu’à la somme de 152 500 euros puis un prélèvement de 20 % au-delà pour les sommes versées avant les 70 ans de l’assuré mais aussi une exonération totale pour les sommes versées avant le 13 octobre 1998.

Après une mise en demeure infructueuse, ils ont assigné la société La Banque Postale et la société Cnp Assurances devant le tribunal de grande instance de Paris le 14 août 2018.

Par jugement du 23 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Paris a, en reconnaissant le manquement de la Banque Postale à son obligation de conseil ayant consisté à faire perdre l’ancienneté du contrat d’assurance-vie, condamné cette dernière mais en limitant le préjudice à la différence de traitement fiscal de la seule somme figurant sur le contrat au 11 décembre 2012 soit celle de 114 215,85 euros en condamnant, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, la société la Banque Postale à payer, à chacun, à MM. [Z], [S], [E] et [K] [N] et sa nièce, Mme [U] [N] la somme de 4 826,89 euros, calculée par différence des régimes des articles 757 B et 990 I du code général des impôts, outre celle de 800 euros de frais irrépétibles.

***

Par déclaration en date du 8 janvier 2021, MM. [Z], [S], [E] et [K] [N] et sa nièce, Mme [U] [N] ont interjeté appel de cette décision.

Par leurs dernières conclusions en date du 20 septembre 2021, MM. [Z], [S], [E] et [K] [N] et sa nièce, Mme [U] [N] font valoir:

— qu’ils sont bien fondés à engager la responsabilité de La Banque Postale sur le fondement de l’article 1382 du code civil puisqu’elle a manqué à son obligation de conseil et d’information de [O] [N] en écrivant dans son étude que les droits seraient ceux de l’article 990 I et non de l’article 757 B du code général des impôts, ce qui est à l’origine de leur préjudice, que [O] [N] a suivi son conseil et que même lorsque La Banque Postale s’est aperçue de son erreur elle ne l’en a pas informé,

— que les droits à acquitter pour chacun se sont élevés à la somme de 206 569,05 euros alors que La Banque Postale avait affirmé dans l’étude litigieuse qu’ils ne seraient que de 47 429 euros, que la somme totale de 795 696,25 euros constitue donc leur préjudice total,

— que contrairement à ce qu’a retenu le tribunal judiciaire de Paris, il existait plusieurs placements qui, seuls ou combinés, leurs auraient permis d’échapper à une taxation à hauteur de 55 % à) laquelle ils ont été soumis, de sorte qu’ils rapportent la preuve d’un lien de causalité entre la faute et le préjudice,

— qu’ainsi, il aurait pu être procédé à des dons manuels de sommes de 39 832 euros pour chacun en exonération de droits, par application combinée des articles 779 V et 790 G du code général des impôts, qu’il aurait pu encore être procédé à un investissement sur compte titres dont la propriété aurait pu être démembrée, la nue propriété leur étant donnée ce qui amoindrissait la l’assiette des droits de mutation ou encore à l’achat de titre de groupement forestier avec seulement 25 % de taxation selon son article 793 1-3, de sorte qu’ils demandent à la cour de :

'Sur le principe de la responsabilité

— CONFIRMER le Jugement dont Appel en ce qu’il a décidé que la Banque Postale a engagé sa responsabilité civile délictuelle à l’égard des consorts [N] pour manquement à son obligation d’information et de conseil ;

— CONFIRMER le Jugement dont Appel en ce qu’il a reconnu que le versement de 2012 conseillé par LA BANQUE POSTALE a fait perdre au contrat son antériorité fiscale ;

EN TOUTE HYPOTHESE

— DIRE ET JUGER que la société la Banque Postale a commis une faute en fournissant un conseil erroné à Monsieur [O] [N] dans les versements relatifs au contrat ASCENDO PEP ;

— DIRE ET JUGER que la faute commise par la société la Banque Postale a causé un préjudice à Monsieur [Z] [N], Monsieur [S] [N], Madame [U] [N], Monsieur [E] [N] et Monsieur [K] [N], bénéficiaires du contrat ASCENDO PEP et des contrats d’assurance vie n°97773828505, n°24604042619, n°24604303506 et héritiers de Monsieur [O] [N] ;

— DIRE ET JUGER que la société la Banque Postale a engagé sa responsabilité civile délictuelle à l’égard de Monsieur [Z] [N], Monsieur [S] [N], Madame [U] [N], Monsieur [E] [N] et Monsieur [K] [N], héritiers de Monsieur [O] [N] ;

Sur le montant de la réparation allouée aux consorts [N]

— DEBOUTER LA BANQUE POSTALE de son Appel incident ;

— REFORMER le jugement entrepris en ce qu’il a :

— Limité la condamnation de la Société La Banque Postale à l’égard de M. [Z] [N], M. [S] [N], Mme [U] [N], M. [E] [N] et M. [K] [N] à la somme de 4.826,89 euros chacun en indemnisation de leur préjudice et de 800 euros chacun au titre des frais irrépétibles ;

— Débouté M. [Z] [N], M. [S] [N], Mme [U] [N], M. [E] [N] et M. [K] [N] de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Statuant à nouveau de ces chefs

— CONDAMNER la société la Banque Postale à verser à Monsieur [Z] [N], Monsieur [S] [N], Madame [U] [N], Monsieur [E] [N] et Monsieur [K] [N], héritiers de Monsieur [O] [N] la somme de 795.696,25€ correspondant à la différence entre le montant des droits de mutation qu’ils auraient dû verser et celui qu’ils ont réellement versé au titre du contrat Ascendo ;

— CONSTATER la teneur des explications de la société CNP ASSURANCES ;

— CONDAMNER la Banque Postale à verser aux consorts [N] la somme de 4.000,00€ au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance ;

Y ajoutant

— CONDAMNER la Banque Postale à verser aux consorts [N] la somme de 4.500,00€ au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile'.

Par ses seules conclusions en date du 29 juin 2021, la société La Banque Postale expose :

— que les calculs des consorts [N] sur la différence des droits réellement acquittés au titre du seul contrat Ascendo (938 947,50 euros ) et de ceux espérés à 20 % ( 375 5879 euros) est de 563 368,50 euros et non pas 796 464,47 euros comme ils l’allèguent au terme d’une erreur de calcul, qu’il n’y a pas lieu d’inclure dans le périmètre les trois autres petits contrats d’assurance-vie souscrits après que [O] [N] avait atteint l’âge de 70 ans soit le 11 septembre 2000,

— les consorts [N] tentent d’opérer une confusion entre les conséquences de la perte de l’antériorité fiscale concernant le contrat Ascendo en raison du transfert de la provision mathématique effectuée le 5 mai 2011 alors que sa valeur était de 114.215,85 € et la fiscalité applicable aux primes versées après l’âge de 70 ans,

— que le jugement qui a pris en compte la somme de 114 215,85 euros comme valeur du contrat est erroné en ce que [O] [N] a versé la somme de 112 095,40 euros sur le contrat après l’âge de 70 ans et qu’il n’était donc taxable que pour ce qui excède le montant de l’exonération de 30 500 euros, que le tribunal aurait dû prendre comme assiette (114 215,85 – 112 095,40 ) soit 2 210,45 euros mais que, la somme étant inférieure à l’exonération de 30 500 euros, il n’y a aucun préjudice du fait de la perte de l’antériorité fiscale du contrat, l’infirmation en vertu de l’appel incident s’imposant,

— que les consorts [N] ne démontrent pas le lien de causalité entre la faute et le préjudice allégué puisqu’ils ne justifent pas de la possibilité d’un placement financier permettant à la fois la transmission du patrimoine avec moins de 55 % de droits de succession et le maintient d’un revenu souhaité de [O] [N] de 4 000 euros mensuels,

— que le don manuel n’est exonéré que jusqu’à l’âge de 80 ans pour un plafond non pas cumulatif par donataire mais cumulé de 39 832 euros et ampute le capital ce qui n’était pas souhaité en l’espèce, que le démembrement de titres de propriété mobilières, suggéré subsidiairement par le conseiller bancaire, aurait abouti aussi à une taxation sans intérêt puisque [O] [N] aurait subi une perte de son patrimoine de son vivant, que l’investissement forestier doit être fait avant l’âge de 80 ans et était soumis à de grands aléas et à de lourdes contraintes à supporter pendant une durée de 30 ans au moins, qu’enfin les autres solutions n’auraient pas conduit à un allégement des droits à payer,

— qu’alors que [O] [N] s’est adressé à La Banque Postale à l’age de 82 ans il n’existait plus aucun moyen de transmettre son patrimoine à des neveux et nièces sans acquittement de droit de 55 % tels que prévus par le code général des impôts, qu’il n’existe pas même de perte de chance puisque le préjudice est en réalité hypothétique, que la taxation à 55 % après abattement de 30.500 euros résulte du seul fait de l’administration fiscale et n’est aucunement le résultat de l’information erronée livrée par le conseiller de La Banque Postale,

— très subsidiairement, que le calcul proposé du préjudice est erroné et purement arbitraire, de sorte qu’elle demande à la cour de :

' Confirmer le jugement du 23 novembre 2020 en ce qu’il a débouté les consorts [N] de leurs demandes,

Faisant droit à l’appel incident de La Banque Postale,

Statuant à nouveau,

— Décharger La Banque Postale de toute condamnation en principal et sur le fondement de l’article 700 du CODE DE PROCÉDURE CIVILE,

— Condamner Messieurs [Z] [N], [S] [N], [E] [N], [K] [N] et Madame [U] [N], solidairement, au paiement de la somme de 2.800 € sur le fondement de l’article 700 du CODE DE PROCÉDURE CIVILE, au profit de La Banque Postale.'

Par ses seules conclusions en date du 21 juin 2021, la société Cnp Assurances demande à la cour de :

'- Constater qu’aucune demande n’est formulée contre CNP Assurances ,

— Dire que CNP Assurances n’a commis aucune faute en acceptant le transfert du capital du contrat PEP POSTE sur le contrat ASCENDO PEP souscrit par l’intermédiaire de LA BANQUE POSTALE,

— Dire que CNP Assurances a fait part de ses explications tant sur les circonstances de la souscription du contrat ASCENDO PEP que sur les textes applicables,

— Rejeter toutes demandes qui seraient formulées contre CNP Assurances,

— Juger ce que de droit sur l’article 700 CODE DE PROCÉDURE CIVILE,

— Juger ce que de droit sur les dépens.'

L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 juin 2022.

MOTIFS

C’est à juste titre, et au demeurant sans être contredit par la société la Banque Postale que le jugement a retenu que les consorts [N] peuvent rechercher la responsabilité délictuelle de la banque pour avoir manqué à son obligation contractuelle de conseil à l’égard de leur auteur, [O] [N], à la condition qu’ils démontrent l’existence d’un préjudice qui leur est personnel en lien de causalité avec ce manquement.

L’étude patrimoniale réalisée par La Banque Postale au mois de septembre 2012 a relevé les objectifs que [O] [N] lui avait dit poursuivre : à la suite de la vente d’un immeuble de rapport qui était sa principale source de revenus (4000 euros mensuels pour une retraite de 17 000 euros annuels), il souhaitait obtenir des revenus équivalent au moyen de placements financiers ainsi que réduire son imposition à l’impôt de solidarité sur la fortune mais également 'la réorganisation de son patrimoine pour en faciliter la transmission à vos quatre neveux'.

Les conclusions du document consistent essentiellement, outre la rédaction d’un testament exhérédant une soeur religieuse au profit des neveux, en l’affirmation de ce que les assurances-vie souscrites – soumises en principe à l’imposition de l’article 757 B du code général des impôts décrite comme taxant tous les versements opérés postérieurement à l’âge de 70 ans après un abattement unique de 30 500 euros à hauteur de 55 % de droits de mutation – était trop élevées et fortement taxées et que 'la Banque Postale peut considérablement réduire cette taxation en vous proposant de verser l’intégralité des

2 663 132 euros’ sur 'votre contrat Ascendo', 'crée par transfert d’un contrat ouvert le 12 juin 1991", tous les versements complémentaires étant soumis à l’article 990 I du code général des impôts décrit comme exonérant de droit de succession à hauteur de 152 500 euros par bénéficiaire désigné et comme taxant forfaitairement le surplus à 20 %.

C’est ainsi également à juste titre que le tribunal a retenu le manquement de la banque à son obligation de conseil, ainsi qu’elle en convient elle-même, puisqu’il est constant que les consorts [N] on été taxés, pour toutes les primes versées après le 70 ème anniversaire du souscripteur au taux de 55 % après application de l’abattement prévu à l’article 757 B du code général des impôts.

En effet, il ressort des articles 757 B dans sa version issue de la loi du 29 décembre 2001 et 990 I ancien du code générale des impôts, dans sa version issue de la loi du 29 juillet 2011 applicable au moment où le conseil est dispensé et qui le sont restés au moment du décès du souscripteur, que l’application du prélèvement prévu par le régime du second article – plus favorable que celui des droits de mutations dus sur les sommes versées en vertu de contrats d’assurance en cas de décès prévu par le premier – est tributaire, d’une part, dans certains cas de l’âge du souscripteur à la date de versements des primes sur le contrat, antérieur ou non à 70 ans et, d’autre part, à la date de versement des primes de la manière suivante, selon que le contrat est souscrit avant ou après le 20 novembre 1991 :

— pour un contrat comme le contrat PEP ouvert par [O] [N] avant le 20 novembre 1991, en espèce le 12 juin 1991 :

— pour les primes versées avant le 13 octobre 1998, il n’existait pas de taxation des droits de mutation,

— pour les primes versées après cette date, elles étaient soumises au prélèvement plus favorable de l’article 990 I,

— pour un contrat ouvert ou substantiellement modifié à compter du 20 novembre 1991:

— pour les primes versées avant le 70ème anniversaire de l’assuré et avant le 13 octobre 1998, pas de taxation en droit de mutation,

— pour les primes versées avant le 70ème anniversaire de l’assuré et après le 13 octobre 1998, prélèvement plus favorable de l’article 990 I,

— pour les primes versées après le 70 ème anniversaire, peu important que ce soit avant ou après le 13 octobre 1998, taxation sur les droits de mutation de l’article 757 B du code général des Impôts, hypothèse survenue en l’espèce.

Il doit être ajouté que si le contrat PEP – qui ne peut plus être souscrit depuis l’année 2003 a pu être transféré sur le contrat Ascendo d’assurance-vie dans les conditions de l’article R221-74 du code monétaire et financier et conserver ainsi son antériorité fiscale – le régime fiscal plus favorable attaché à ladite antériorité n’existait que dans la limite de la somme de 92 000 euros, plafond prévu par les contrats de Plan d’Epargne Populaire.

Or, il ressort des échanges entre les parties, des pièces et des explications données ultérieurement par La Banque Postale :

— que l’essentiel des primes a été versé sur le contrat au cours de l’année 2011 puisque le bulletin de situation au 31 décembre 2011 mentionne la somme de 114 215,85 euros avec versement de cotisation de 112 095,40 euros au cours de l’année 2011, de sorte que les consorts [N] ne démontrent pas qu’ils auraient pu bénéficié d’une exonération totale relative à des versements antérieurs au 13 octobre 1998 qui excéderait l’exonération appliquée même sous le régime de l’article 757 B,

— qu’en revanche, c’est à juste titre que le tribunal a retenu que le défaut de conseil de La Banque Postale ayant consisté à faire accroire à [O] [N] que le prélèvement plus favorable de l’article 990 I du code général des impôts pouvait s’appliquer à toute somme versée sur le contrat a conduit ce dernier, aux fins de permettre le versement de la somme provenant de la vente immobilière, à ne plus bénéficier de l’antériorité fiscale, y compris sur la part plafonnée à laquelle il aurait pu encore prétendre, son conseiller de la banque explicitant rétrospectivement son conseil dans un courriel du 2 janvier 2013 : 'rachat partiel de 7500 euros sur le contrat ascendo pep de façon à supprimer l’option pep tout en conservant l’antériorité fiscale du contrat d’assurance-vie (l’enveloppe pep est plafonnée à 92 000 euros de versement)'.

En effet, c’est à tort que La Banque Postale critique la solution du tribunal en estimant que l’âge de [O] [N], au-delà de 70 ans, au moment du versement le privait du régime plus favorable de l’article 990 I alors qu’en application de ce qui précède, pour un contrat, conservant son antériorité fiscale au 20 novembre 1991, l’âge est indifférent puisque le versement des primes après le 13 octobre 1994 entraînait non pas l’exonération totale mais le régime plus favorable du prélèvement.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement sur les condamnations prononcées non autrement critiquées qui procèdent par comparaison des taxations puisque si La Banque Postale n’avait pas commis le manquement à son obligation de conseil, il est certain que le bénéfice de l’antériorité fiscale aurait été conservé dans les limites permises par le contrat Pep transféré en Ascendo.

Il ressort, pour le reste, de la taxation à laquelle ont été soumis les consorts [N] et dont ils peuvent se plaindre – alors que c’est à juste titre que La Banque Postale fait valoir que l’opération critiquée de versement de la somme provenant de la vente immobilière n’a pas concerné les autres contrats d’assurance-vie – n’a expressément concerné que les primes versées sur les contrats postérieurement au 70ème anniversaire de [O] [N], étant rappelé qu’il a sollicité le conseil litigieux, qu’il a suivi, en procédant à un versement sur le contrat Ascendo, alors qu’il était âgé de 82 ans.

Si c’est au prix d’une erreur que la Banque Postale a indiqué à [O] [N] que le régime plus favorable des versements sur un contrat ouvert avant le 20 novembre 1991 pouvait être appliqué à toutes les primes versées et à verser sur le contrat Ascendo, il n’était, en tout état de cause, plus en mesure, à l’âge de 82 ans, de faire profiter ses héritiers du régime plus favorable pour des sommes qui excédaient celles y figurant alors et notamment le produit de la vente immobilière, lequel était nécessairement soumis, en vertu des règles énoncées ci-dessus, à l’article 757 B du code général des impôts et ne pouvait, compte tenu de l’âge de [O] [N] et du plafond du PEP bénéficié du régime de prélèvement plus favorable.

Ceux-ci ne peuvent donc se plaindre utilement – étant rappelé qu’une imposition ne constitue pas en elle-même un préjudice – de s’être vu appliquer le surplus de taxation subie, sans lien de causalité avec le conseil donné.

Les consorts [N] font encore valoir, en réalité, que le conseil erroné et donc fautif de La Banque Postale a empêché [O] [N] de recourir à d’autres solutions d’optimisation fiscale qui leur auraient permis d’échapper aux droits de mutation de 55 % applicables après abattement.

A supposer démontrées ces alternatives, compromises par l’affirmation erronée de la banque, le manquement ne pourrait être à l’origine que d’une perte de chance de ne pas se voir taxer comme ils l’ont été.

Mais, c’est à juste titre que La Banque Postale fait valoir qu’aucune alternative réelle n’existait, celles alléguées par les consorts [N] n’étant pas certaines, donnant lieu à une perte de chance d’en bénéficier, mais seulement hypothétiques.

En effet, s’agissant des dons manuels et de l’investissement sur un compte titre dont la propriété aurait été démembrée en usufruit et en nue propriété, il ne peut qu’être relevé qu’il ne ressort d’aucun élément que [O] [N] ait entendu se départir – même partiellement- de son patrimoine de son vivant, fût-ce de la seule nue propriété, qu’il n’est pas non plus établi qu’il aurait envisagé un investissement en valeur mobilières susceptibles de pertes en capital alors qu’il avait, en outre et préalablement, pour objectif la perception de revenus constants et sûrs, pouvant ainsi provenir du contrat d’assurance-vie Ascendo souscrit en euros et non en unités de compte.

Quant à la souscription de titres de groupements forestiers, la spécificité de cet investissement, au revenu non assuré, et les contraintes administratives considérables auxquelles sont subordonnées les avantages fiscaux, notamment en termes de durée de détention, ne peut la faire regarder comme une hypothèse sérieuse, de sorte que le préjudice invoqué de sa non souscription est purement hypothétique, et, comme tel, insusceptible de donner lieu à l’allocation de dommages-intérêts, le lien de causalité n’étant pas établi.

En conséquence de ce qui précède, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris, de débouter les consorts [N] du surplus de leurs demandes et La Banque Postale de son appel incident.

Il ne peut qu’être constaté qu’il n’est formé aucune demande à l’encontre de la société CNP-Assurances.

Il y a lieu de condamner les consorts [N] aux dépens d’appel mais l’équité commande de ne pas prononcer de condamnation en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

CONSTATE l’absence de toute demande à l’encontre de la société CNP-Assurances ;

DÉBOUTE MM. [Z], [S], [E] et [K] [N] et sa nièce, Mme [U] [N] du surplus de leurs demandes et la société La Banque Postale de son appel incident ;

DIT n’y avoir lieu au prononcé d’une condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE MM. [Z], [S], [E] et [K] [N] et sa nièce, Mme [U] [N] aux entiers dépens qui seront recouvrés par Mitre Nicols Duval, comme il est disposé à l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 6, 2 novembre 2022, n° 21/00866